Virginie Tellenne – Frigide Barjot : même combat

Virginie Tellenne – Frigide Barjot : même combat

Dans un nouveau livre l’ex-égérie des Manifs pour tous poursuit son double combat : obtenir la reconnaissance du mariage homme-femme dans la société et la légitimité du couple homosexuel dans l’Eglise. 

_________________________________________________________

Cet article a été repris par le site A la table des chrétiens de gauche, complété pour tenir compte des liens entre le propos de l’article et l’histoire même du blogue. 

_________________________________________________________

Telle une Jeanne d’Arc voulant renaître de ses cendres, Virginie Tellenne (alias Frigide Barjot) repart à l’attaque au travers d’un nouveau livre (1). Le titre dit bien l’essentiel du propos : ne pas abandonner la filiation aux lois du marché, par le biais du développement tous azimuts de la PMA, de la GPA et demain de l’utérus artificiel, et pour ce faire remettre la filiation naturelle au cœur de notre législation. Ce qui, bien évidemment, ne vaut pas négation ou refus de toute forme d’adoption.

Quand la Manif pour tous se divise sur la question de l’abrogation

Faut-il le redire : dans l’opposition à la loi Taubira, qui a profondément marqué notre pays de 2012 à 2014, deux motivations se sont conjuguées sans toujours se confondre. La loi sur le mariage pour tous est en effet porteur de deux effets : la constitution d’une conjugalité homosexuelle à égalité de droits avec les couples hétérosexuels ; et, par le biais du mariage, l’ouverture à la filiation. Parmi les adversaires de la loi Taubira certains étaient hostiles aux deux dispositions de la loi, d’autres à la seule filiation au nom de la défense du droit des enfants.

Au lendemain du vote de la loi, l’unité qui avait fait la force du mouvement a volé en éclats. Les uns, La manif pour tous (LMPT) réclamant l’abrogation pure et simple de la loi ; les autres, L’avenir pour tous (LAVT), regroupés autour de Frigide Barjot, plaidant pour une constitutionnalisation du mariage homme-femme qui aurait pour effet, en réservant le mariage aux seuls couples hétérosexuels, de préserver l’acquis de la conjugalité homosexuelle inscrite dans la loi Taubira, sous forme nouvelle d’un contrat d’union civile, sans ouvrir à la filiation.

Quel candidat pour proposer un «désengagement 31» 

Deux ans plus tard… les lignes n’ont guère bougé. Certes la loi Taubira s’est inscrite dans la réalité de notre société. Aux yeux de beaucoup, imaginer revenir sur cet acquis est totalement illusoire. Sauf que le paysage politique a changé : le parti socialiste n’en finit pas de descendre aux enfers, au fil des échéances et des échecs électoraux ; et certains analysent que la montée en puissance d’une droite conservatrice tient pour une large part à la mobilisation contre la loi Taubira.

Il n’est donc pas exclu qu’une volonté de revanche sur ce qui a été vécu par beaucoup comme une humiliation voire un déni de débat démocratique, ne constitue un vrai catalyseur, à droite, en vue de la présidentielle de 2017. Mais jusqu’où aller ? Voter l’abrogation sans substitution ou préserver une partie de la loi Taubira au travers d’un nouveau contrat d’union civile ?

Le combat de Virginie Tellenne, dont ce livre se veut en quelque sorte le manifeste, est de trouver, à droite, dans la perspective de la primaire de l’automne 2016, le candidat «qui inscrira dans son pacte présidentiel le désengagement 31» (2), en substituant au mariage pour tous un contrat d’union civile, et convaincre les électeurs de lui accorder l’investiture. La crainte affichée de l’auteure étant qu’un jusqu’auboutisme abrogationniste ne favorise le vote FN et, au terme d’un duel FN-PS de second tour, la reconduction d’un Président socialiste, ce qui ruinerait tout espoir de faire barrage à la PMA-GPA en «sanctuarisant» la filiation biologique.

Les raisons de mon soutien

A la demande de Virginie Tellenne, j’ai accepté de travailler pour ce livre parmi une douzaine d’autres contributeurs. (3) Je l’ai fait sous forme d’un long entretien (35 pages) qui m’a permis de «revisiter» mon propre engagement au cours des années 2012-2014. Un exercice auquel je ne me serais pas livré spontanément et que je suis heureux d’avoir mené à bien. Je l’ai fait pour deux raisons : par amitié pour une femme qui a chèrement payé son combat citoyen d’une expulsion de son logement purement arbitraire et revancharde (4) et d’une campagne haineuse dans certains médias ; par cohérence avec la position qui a été la mienne sur cette question, depuis l’automne 2012, et qui est, précisément, celle que défend l’auteure : la reconnaissance d’une conjugalité homosexuelle en même temps que la préservation du droit de l’enfant à une filiation biologique claire.

Pour autant, et je l’exprime très clairement dans cet entretien, le combat politique qui est aujourd’hui celui de Virginie Tellenne n’est pas le mien. En 2017 comme en 2012, comme citoyen, je me déterminerai en conscience sur le choix présidentiel, sans me laisser enfermer dans une seule problématique.

Une préface de Mgr Jean-Paul Vesco

Un autre motif est venu renforcer ma détermination à soutenir l’écriture de ce livre : le combat parallèle mené par Virginie Tellenne pour faire accepter «l’évidence de la conjugalité homosexuelle» au sein de l’Eglise catholique. Un combat qui lui a valu, là aussi, d’être marginalisée par rapport aux ténors de «LMPT maintenue» qui, en prônant l’abrogation pure et simple de la loi Taubira, s’inscrivaient dans la lettre même du magistère de l’Eglise catholique.

Les débats récents du synode sur la famille montrent, à l’évidence, que, sur cette question, l’institution n’est pas prête à de réelles évolutions. Aussi faut-il considérer comme un signe encourageant que l’évêque d’Oran, Mgr Jean-Paul Vesco, membre du Synode sur la famille, ait accepté de rédiger pour cet ouvrage une préface où il interroge :

«L’Eglise sera-t-elle vraiment quitte de sa mission pastorale si elle se contente de renvoyer les personnes homosexuelles à la chasteté comme unique voie de salut ? Pour certains la question ne peut même pas être posée. Pour d’autres, elle ne peut pas être évitée. Dès lors, par sa proposition d’union civile non procréative, Frigide Barjot s’est-elle placée en dehors de l’Eglise ou, au contraire, a-t-elle mis le doigt sur un des points les plus sensibles ?»

Une prise de position courageuse, venue d’outre-Méditerranée, et qui risque fort de valoir à son auteur de nouvelles critiques après celles suscitées par ses déclarations en faveur de l‘accès aux sacrements des divorcés remariés.

Virginie Tellenne gagnera-t-elle son combat ? Je l’ignore ! Mais nos évêques s’honoreraient à en reconnaître au moins le courage !

_____

  1. Virginie Tellenne, L’humain plus fort que le marché, Ed. Salvator, 220 p., 19 €.
  2. Allusion à l’engagement 31 du candidat François Hollande qui portait, précisément, sur le mariage pour tous.
  3. Marie-Laure de la Palme, Jean-Marc Veyron la Croix, Emmanuel Tranchant, Xavier Bongibault, Nathalie de Williencourt, Jean-Baptiste Labouche, Laurence Tcheng, Clémence Borioli, Thibaut Gautier, Arnaud Menonville, Franck Pécastaing, Arnaud Bouthéon.
  4. Voilà un logement occupé depuis 1986 dont on découvre subitement qu’il l’était illégalement… en octobre 2013 ! Vous avez dit bizarre ? Il suffit par ailleurs de voir la mise en scène organisée par Ian Brossat, adjoint au logement de la Mairie de Paris, invitant la presse à visiter l’appartement transformé en colocation pour cinq étudiants, justifiant ce commentaire du Point : «Dans la geste municipale, l’occupation de l’appartement de Frigide Barjot est la version revancharde de la prise de la Bastille.»

 

 

4 comments

  • Excellent René. Tu te souviens tout de même que c’est exactement la position jadis défendue par les SSF. J’adhère totalement à ton billet
    Amicalement

    • Oui Jean-Pierre mais tu te souviens aussi que c’est mon intervention qui a fait basculer le Conseil sur ce choix comme je le rappelle dans l’entretien accordé à Frigide pour le livre ? Jérôme Vignon l’a évoqué à plusieurs reprises, publiquement.

  • Excellent! Toujours clair, net et précis. Il ne reste plus qu’à lire ce livre. Mais convaincre les indécis voire les opposants à une union civile homosexuelle reste encore très difficile.

  • Bravo René pour ce bel éclairage. Ce que Virginie Tellenne avait prédit lors de la sortie de son précédent bouquin « qui suis-je pour juger? » est en train de se réaliser hélas. La pauvre Ludovine qui a transformé son association en pseudo parti politique s’est faite fagocitée par les serpents du FN. Cette récupération honteuse entraîne les militants de LMPT malgré eux vers les extrêmes sous le prétexte fallacieux de l’abrogation dont on sait pertinemment qu’elle ne passera pas. Marine Le Pen n’en à rien à cirer de cette abrogation vu sa mobilisation lors des manifestations. Les cathos sont-ils prêts à se laisser berner de la sorte?

Comments are closed.