Dans le supplément dominical de La Croix, un bel article consacré à Pierre Soulages dont Beaubourg prépare une rétrospective de l’oeuvre.
Sont-ce nos communes racines aveyronnaises ? Je me suis toujours senti proche de cet homme, à peine croisé, il y a longtemps, dans un restaurant parisien tenu, comme par hasard, par un Rouergat. On dit des grands écrivains qu’ils sont monomaniaques et racontent, leur vie durant, la même histoire, indéfiniment reprise et retravaillée. De même Pierre Soulages et ses « outrenoirs » qui nous disent beaucoup de l’intériorité de l’artiste et de notre propre quète spirituelle.
Je me souviens de l’émotion qui fut la mienne à la découverte des vitraux de Conques. Où, grace à lui, la lumière féconde tendrement la pierre. Mais je sais d’où vient encore cette proximité : d’une commune affection pour Joseph Delteil dont il fut proche et que je n’ai pas connu, sinon au travers de ses livres et des confidences de mon ami André Gouzes qui l’avait rencontré, alors jeune frère dominicain. « Je suis chrétien, voyez mes ailes, je suis païen, voyez mon cul » écrit le sage de Grabels, dans son autobiographie La Deltheillerie. Ces modernes rabelaiseries m’ont toujours mis en joie.
Il m’arriva, voici plus de vingt ans, de découvrir une biographie de Delteil où j’avais relevé ce qui m’était apparu comme une perle. Un hommage rétrospectif du jeune Pierre Soulages à son vieil ami Joseph. Je cite de mémoire : « Il croyait tellement en moi, disait Soulages, que moi-même parfois je finissais par y croire. » Je ne connais pas de ligne de conduite plus stimulante pour qui a l’âme d’un éducateur.
Cette fin de semaine, les pages de La Croix se terminent sur trois « coups de coeur » de Soulages à : Colette, sa femme ; au bison d’Altamira, où il dit avoir puisé son inspiration ; à Joseph Delteil auquel il renouvelle, par-delà les ans, la même reconnaissance affectueuse : « Il fait partie de ces gens qui ont cru en moi et m’ont permis moi-même d’y croire ». Par de là la constance des mots : une belle fidélité.