Derrière cette contestation ridicule se cache la peur de voir l’institution contrainte à se réformer vraiment.
Le 5 novembre, à Lourdes, dans une déclaration solennelle, les évêques de France ont reconnu le caractère « systémique » des agressions sexuelles subies par les victimes au sein de l’Eglise catholique. Une manière d’admettre, comme l’avait analysé la commission Sauvé à partir des témoignages recueillis, que ces agressions n’étaient pas uniquement le fait personnel d’agresseurs mais avait bénéficié d’un contexte institutionnel qui en avait permis l’éclosion, la répétition, l’occultation et l’impunité. Or la contestation de ce caractère systémique est devenue le fer de lance de toutes les critiques formulées à l’égard du rapport de la Ciase. Au motif qu’un « système » ne pouvant par expérience se réformer lui-même, cela légitimerait que l’institution se laisse imposer des réformes de l’extérieur ce qui, s’agissant de l’Eglise, leur semble impensable. D’où leur opposition farouche à nombre des 45 recommandations du rapport. C’est oublier qu’une majorité de catholiques se les ont appropriées et entendent bien les faire appliquer, “de l’intérieur“. Si le processus synodal tient ses promesses. Ce qui n’est pas gagné !
Un caractère systémique déjà reconnu par beaucoup
Il y a dans cette contestation du caractère « systémique » des agressions sexuelles au sein de l’institution catholique, quelque chose d’assez pitoyable. Car ce constat ne procède pas d’une idéologie préfabriquée visant à détruire l’Eglise – voire téléguidée par les francs-maçons comme on peut le lire ici ou là – mais résulte de l’audition de centaines de victimes témoignant des mêmes dysfonctionnements : « Le déni et l’euphémisation des abus, la culture du secret et du silence, la peur du scandale (…), tous ces traits caractéristiques d’une certaine culture au sein de l’Église catholique ont retardé la prise de conscience de la gravité du mal et l’édiction de mesures appropriées pour prévenir ces crimes, punir leurs auteurs et réparer le mal fait » analysent les membres de la Ciase.
« En mai 2021, relève la Croix dans un article, l’archevêque de Munich, le cardinal Reinhard Marx, expliquait ainsi sa demande de démission au pape, dénonçant un « échec institutionnel ou systémique » de l’Église catholique. Et deux ans plus tôt, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, recourait également à ce terme devant les sénateurs : « On ne peut pas considérer que c’est purement marginal. C’est un problème systémique qu’il faut traiter comme tel. Et nous sommes bien décidés à le faire. »
La peur de voir l’Eglise contrainte « de l’extérieur »
Or le texte rédigé à l’initiative de huit membres de l’Académie catholique de France et adressé au pape François considère précisément que ce caractère systémique : « fait le lit des propositions (de la Ciase) pour mettre à bas l’Eglise-institution. » Et le même texte de poursuivre : « Le choix de cet adjectif emporte des conséquences fatales : les membres de l’Église sont impuissants à y remédier par eux-mêmes. Si les abus sont systémiques, les remèdes ne peuvent se trouver dans l’Église, dans l’obéissance retrouvée ou renouvelée à ses principes propres, dans une réforme ou des réformes intérieures, mais dans une réforme ou des réformes conduites de l’extérieur et selon des principes qui ne peuvent être ceux de l’Église puisque celle-ci est prisonnière d’une pédophilie « systémique ». (1)
De sorte que le caractère systémique n’est pas contesté par les signataires du texte à partir d’un travail critique de « déconstruction » des arguments avancés par le rapport Sauvé, mais au regard de ses conséquences possibles sur l’institution. On pouvait attendre mieux de « grands intellectuels catholiques ». Mieux aussi de certaines instances romaines de la Curie qui semblent s’être reconnues – et fourvoyées – sans difficulté dans ce plaidoyer pro-domo. Au point de tenter d’en convaincre le pape François. Apparemment sans succès puisque la Présidence de la Cef s’est trouvée renforcée de son audience du 13 décembre avec le pape.
Sept recommandations qui font bouger les lignes
En réalité, les académiciens critiques pointent certaines recommandations du rapport de la Ciase qui leurs semblent représenter autant d’ingérences extérieures donc illégitimes dans le fonctionnement de l’institution. « Parmi les recommandations, écrivent-ils, nous en avons relevé sept d’ordre doctrinal (dont trois seulement ont été reprises, de manière générale, par la Conférence des évêques) : R3, R4, R7, R10, R11, R34 et R43. Elles portent sur l’ecclésiologie, l’exégèse (et la catéchèse) et la théologie morale. »
Soyons clair, ces recommandations visent à : « passer au crible les modes d’exercice du ministère sacerdotal et épiscopal, et le discours qui les soutient, pouvant prêter à dévoiement ; évaluer, pour l’Église en France, la demande que « ad experimentum, […] soient ordonnés prêtres des hommes mariés ; enseigner que les Évangiles donnent l’exemple d’une parole comme dynamique, non pas de pouvoir sur l’autre, mais de volonté de le faire grandir et advenir ; passer au crible les énoncés du Catéchisme de l’Église catholique pour donner toute sa place à la personne victime et à sa dignité inaliénable ; passer au crible ce que l’excès paradoxal de fixation de la morale catholique sur les questions sexuelles peut avoir de contreproductif ; passer au crible la constitution hiérarchique de l’Église catholique (…) la concentration entre les mains d’une même personne des pouvoirs d’ordre et de gouvernement ; enfin : enseigner que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable. »
Et c’est là, une fois encore, que les académiciens signataires du texte se mettent en porte-à-faux. Car il est fallacieux de prétendre que du seul fait que cette commission indépendante revendique une totale autonomie au regard de l’institution qui l’a crée, la mise en œuvre de certaines de ses recommandations exigerait une intervention « extérieure » donc illégitime. Il suffit de lire ces propositions pour se rendre compte qu’elles sont portées, pour l’essentiel et depuis longtemps, par les communautés catholiques elles-mêmes. Donc bien « en interne ». Dans un commentaire (2) le rédacteur en chef de la revue Etudes, le jésuite François Euvé souligne de son côté :
La Ciase propose, l’Eglise dispose…
Au lendemain de la publication du rapport de la Ciase, une tribune dans la Croix de l’archevêque de Poitiers, Mgr Pascal Wintzer, avait fait grincer quelques dents, interprétée comme une prise de distance avec ces mêmes recommandations de la commission Sauvé. Il écrivait : « Le rapport Sauvé doit être reçu pour ce qu’il est et ce qu’il dit : il “propose“, et c’est ainsi que chacun doit l’entendre. Il laisse justement à l’Église catholique le soin de le recevoir et de mettre en œuvre, avec les moyens qui sont les siens, avec les pratiques de synodalité et de décision qui lui sont propres ce qui se trouve exprimé, aussi révélé en mode de dysfonctionnements systémiques. » En réalité, pas de quoi se scandaliser à ce point !
La Synodalité, certes, sauf que ….
Et d’ailleurs, on retrouve cette même allusion à la synodalité dans le compte rendu fait par Vatican News, sous la plume de Cyprien Viet, de la conférence de presse de la Présidence de la Cef suite à sa rencontre avec le pape François. « Le Pape a souligné la dignité de notre attitude et de notre manière de prendre en compte le rapport de la CIASE, et il nous a encouragés à continuer à le faire de manière synodale », a expliqué le président de la CEF. » De retour sur Paris après cette escapade romaine, le secrétaire général de la Cef, le père Hugues de Woillemont, rappelait sur KTO que le travail qu’allaient engager les neuf groupes dont la création a été décidée dans le cadre des Résolutions votées par les évêques de France le 8 novembre 2021, avait précisément une dimension synodale, le communiqué de la Cef précisant : « Un temps de réception global de ce travail aura lieu au printemps 2023 en collaboration avec les religieux et religieuses (Corref) et l’ensemble des forces vives de l’Eglise en France. » (3) Fort bien ! Sauf qu’à y regarder de près une seule des sept recommandations pointées par les membres de l’Académie catholique comme litigieuses entre dans le champ des compétences de ces groupes de travail, la recommandation 34 sur le ministère des évêques et la manière d’y associer les fidèles laïcs.
Faire des recommandations de la Ciase un tsunami synodal…
Rien donc à propos des autres recommandations dont la Cef considère, à juste titre, qu’elles sont du ressort du magistère romain. (4) Mais une consultation synodale « libre » doit-elle s’encombrer de ce genre de distinctions ? A quoi bon prétendre consulter le Peuple de Dieu si c’est, dès le départ, pour bétonner aux frontières et lister les domaines sur lesquels on ne l’entendra pas ? Sans jeter le discrédit sur ces groupes de travail dont, à ce jour, on ne connait pas la constitution, on peut donc se risquer à dire qu’une partie du dialogue synodal devra s’engager ailleurs. Si, comme les sondages l’ont montré, une majorité de catholiques de France se reconnaissent dans les recommandations de la Ciase, y compris celles qui font objet de contestation de la part des huit académiciens, il leur appartient en toute légitimité de les formuler ouvertement à titre de contribution à la consultation à laquelle on les invite. Ce que personnellement j’ai fait à l’adresse de la « commission synode » de mon diocèse !
On peut donc souhaiter qu’un maximum de fidèles fassent remonter ces 45 propositions. Et l’on verra bien, le moment venu, lesquelles figureront dans les synthèses diocésaines puis dans la contribution nationale. A charge pour le synode des évêques de l’automne 2023 d’en débattre et au pape de trancher. Mais si à chaque étape du processus synodal l’autorité hiérarchique revendique le droit de gommer « les questions qui fâchent » au motif qu’elles ne feraient pas consensus ou ne seraient pas de leur compétence, alors il ne faudra pas s’étonner que, comme le redoutent les académiciens – et le souhaitent ouvertement certains qui ne croient pas en la capacité de réforme de l’institution – des fidèles se tournent vers l’extérieur pour y chercher des soutiens en vue d’obtenir, sur tel ou tel point, ce qu’ils ne peuvent formuler en interne.
(1) Commentaire posté sur mon fil Facebook où cet article figurait en lien.
(2) On trouvera une argumentation actualisée des membres de l’Académie dans cet entretien de l’un des signataires, Pierre Manent, sur les ondes de RCF Anjou. On pourrait consacrer un article entier à déconstruire à leur tour les propos du philosophe comme l’a fait sur son fil Facebook le sociologue Josselin Tricou.
(3) La constitution par la Cef de ces neuf groupes de travail apporte d’ailleurs un démenti supplémentaire aux assertions des académiciens. En effet, tout en reconnaissant le caractère systémique des abus, la Cef a refusé la création d’une commission de suivi des 45 recommandations de la Ciase précisément pour échapper à toute pression « externe ».
(4) Il est intéressant d’observer que dans le compte rendu, assez lapidaire, fait aux journalistes présents à Rome de leur rencontre avec le pape François, les responsables de la Cef n’ont fait aucune mention d’une évocation, avec lui, des recommandations de la Ciase qui remettent en cause des dispositions du Magistère et doivent donc être réglées par Rome. Discrétion vis-à-vis des journalistes ou refus d’évoquer avec le pape les questions qui fâchent ?
Illustration © La Tribune (DR)
Passer au crible ne signifie pas obligatoirement prendre tout au pied de la lettre, mais en revanche prendre au sérieux les recommandations pour analyser et réformer ce qui doit être réformé.
Bien vu ! Le point clé, malheureusement, est que, en l’état actuel de la structure pyramidale de l’Eglise, rien ne bougera car, comme vous le dites justement, les propositions « litigieuses » de la CIASE sont du ressort du magistère romain, sauf la numéro 34 sur la nécessité d’associer des fidèles laïcs au ministère des évêques. Cette dernière recommandation est pertinente, elle est d’ailleurs déjà pratiquée dans certains diocèses, mais elle n’est pas à la hauteur de la réflexion globale qui s’impose.
Lorsqu’on ne peut être entendu en interne (ce qui a été le cas dans l’Eglise jusqu’à présent et rien n’est encore effectivement gagné) concernant les droits fonfamentaux et la dignité de l’homme, de la femme, de l’enfant, il me semble normal et salutaire de se tourner vers l’extérieur.
Mais quelles seraient les réelles possibilités à ce niveau René ?
Article très clair pour sortir de leurs huit béatitudes les huit académiciens et avec eux ceux et celles qui tirent la langue en pensant que tout ce qui tombe du ciel est béni. Cette fois, la communion a un drôle de goût et c’est dur de s’ôter des yeux les peaux de saucissons pour voir ce qui a bien pu se passer. Le plus terrible, c’est de constater que ce qui les effraye le plus n’est pas ce qui a été fait aux victimes sous le couvert du temple du Seigneur mais bien de perdre leur position de chaisières et de messieurs du banc d’œuvre. Mais que personne n’ait peur : une fois qu’on se sera occupé sérieusement des victimes, le lutrin sera toujours à sa place ainsi que l’autel et la cathèdre. Et Dieu recevra à nouveau les louanges de tous ses enfants que les événements auront disposé d’une autre façon, selon sa volonté. Et la vie de la Sainte Église continuera, rendue plus saine après la guérison d’une effroyable maladie auto-immune qui aurait pu la tuer.
Merci !
Pierre, le drame effectivement est qu’ils ne se font de souci pour personne : ni pour les victimes ni même pour l’Eglise. Ce qui serait d’ailleurs un grand manque de foi de leur part 😊.
C’est juste l’idée qu’ils se font de l’Eglise et peut-être d’eux-même qui est insupportablement remise en question.
Alors que bien sûr, il n’y a strictement rien à craindre que d’être un peu bousculés, ce que n’a cessé de faire le Christ me semble-t-il.
Tout à fait d’accord avec l’analyse de René Poujol.
Je crains que cette « consultation synodale » ne rejoigne la « consultation citoyenne sur le climat »,
cette dernière a fait « retomber » la pression en asseyant les citoyens autour de la table au prétexte de les écouter et a finalement accouché de quelques « réfomes » tout à fait marginales…
Subtile manoeuvre politicienne, d’autant plus subtile que les résultats de la « synodalité » sont prévus en 2023 , le temps requis pour « oublier » les recommandations de la CIASE , apaiser les esprits, et retrouver le petit train train hiérarchique… Certains évêques se rebiffent pour ne pas perdre leur pouvoir. (Poitiers) D’autres, comme celui de Créteil mettent en vente leur résidence et soutiennent le Président de la CEF…
Celui de mon diocèse est mutique, la synodalité se résume à une réunion sur des sujets qui ne sont pas liés au rapport de la CIASE, un bla bla habituel qui n’intéresse pas les catholiques… Encore quelques mois et le Peuple de Dieu sera à nouveau endormi dans « la prière pour les victimes » qui est, elle, est maintes fois sollicitée, comme si le Peuple était chargé de réparer les fautes de l’institution, puis,il ne se passera plus rien au niveau des réformes fortes.
Je ne compte plus que sur quelques prêtres motivés, (prêts à braver leur hiérarchie) sur des organisations de catholiques et de victimes, décidés et dynamiques pour sauver les choses. Mais rien n’est à attendre de l’intérieur de l’Eglise. Avez-vous dejà vu une institution qui a pignon sur rue accepter de se remettre totalement en question en ouvrant ses portes sur des éléments extérieurs ? Même si cela serait tout à fait salvateur pour l’Eglise, et tout à fait évangélique. La Parole de l’Evangile , si elle était appliquée serait un espoir, mais la hiérarchie la contrôle, l’interprète en sa faveur, la détourne à son profit, se prétend « sous le souffle de l’Esprit » pour imposer ses vues.
N’oublions pas que l’Eglise se considère comme « de droit divin » et « sacrée » donc, rien n’est contestable de ce qu’elle dogmatise. Beaucoup de laïcs et de catholiques en ont été convaincus et le sont encore. Peut être dans dix ans, avec les jeunes générations ? Mais ces dernières encore accrochées à l’Eglise sont de toute évidence d’obédience « tradi ». Donc aucun espoir de ce côté là. Je vois malheureusement un danger de scission, entre les « pro réformistes » et les « anti » une sorte de nouvelle scission qui rappellerait la Réforme. Se séparer pour enfin réformer.
Il convient de préciser au mieux ces « Beaucoup de laïcs et de catholiques… » Il y eut pour cela la série longue IFOP avec questions et mode opératoire demeurés quasi identiques de 1952 à 2010. Il serait intéressant que cette série soit actualisée alors que ces « beaucoup » semblaient, selon sondages plus récents virer à la peau de chagrin…et c’était avant qu’émerge, en 2018, la phase critique des abus et des communautés dites nouvelles.
En pourcentage de français:
– se disaient ktos: 80% en 1952, 76% en 1978, 64% en 2010 et 48% en 2015…
– disaient aller à la messe au moins 1/mois: 27% en 1952, 14% en 1978, 4.5% en 2010, 2% en 2017.
Il y a aussi la pyramide des âges… âge moyen des prêtres supérieur à 75 ans. Ce n’est ni sur le nombre ni sur le dynamisme que l’institution peut compter mais sur sa richesse et celle de ses soutiens au sein de l’élite de la société… comme les « 8 », Bolloré…
Il y a un autre critère pratique d’appartenance qui, curieusement, n’est jamais évalué alors que ce ne serait pas difficile de faire des stats et que c’est le critère universel des associations : combien paient leur cotisation ? i. e. le denier du culte
Les « académiciens » et leurs affidés qui craignent qu’on impose à l’Eglise des mesures venues de « l’extérieur » ne sont apparemment pas des familiers de la Bible. Un des thèmes essentiels des prophètes est ainsi qu’Israël, ne pouvant vivre selon ce que Dieu lui demande, ne voulant pas entendre sa Parole (cf. 2 Rois 22: on retrouve le rouleau de la Torah qu’on avait « malencontreusement » perdu pendant quelques siècles…), que cet Israël rebelle à Dieu doit passer sous le joug des ennemis pour se retrouver lui-même. On lira notamment le magnifique chapitre 29 de Jérémie. Selon le prophète, il ne faut pas résister aux ennemis puissants, les Babyloniens, qui arrivent. Il faut au contraire se laisser emmener par eux et laisser détruire le temple de Jérusalem. Jérémie précise, depuis le chapitre 7 du livre mis sous son nom, que le peuple ne recherche plus le Seigneur au temple depuis des années, que ce sanctuaire est devenu comme un talisman magique où on attend le miracle sans la rencontre avec le Seigneur. Bref : abandonner les « repères » habituels, fussent-ils les plus saints, pour partir loin de sa terre et se mettre sous le joug de l’ennemi. Jérémie va jusqu’à dire qu’il faut prier pour l’ennemi parce que de sa prospérité, demandée à Dieu, dépend la survie des déportés d’Israël. Le prophète demande donc que les exilés se comportent en citoyens intégrés au gouvernement étranger sous lequel ils vivront. C’est ainsi, continue Jérémie, que, dépossédés de tout, y compris de leur propre gouvernement, le peuple d’Israël n’aura plus « que » Dieu ; ce sera alors l’occasion de le retrouver, sans les appuis ni les combines habituelles. Être sous la coupe d’un peuple étranger qui imposera ses propres lois sera l’occasion de revenir au réel et de rencontrer Dieu d’un façon nouvelle.
Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ;
aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes.
C’est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux : « Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. »
Psaume 136, 1-3
Michel, dommage que vous ne donniez as la suite de ce psaume:
comment chanterions-nous de nos chantts en terre étrangère… et si je t’oublie Jérusalem que ma langue s’attache à mon, palais…etc (citation e mémoire) mais il ne semble pas que les déportés de Jérusalem se réjouissaient beAucoup de leur situation, pas vraiment… et ce psaume se termine par quelques versets ne traduisant pas vraiment l’amour des ennemis…
Hum! après avoir relu les textes que vous citez il me semble que vous en faites une lecture des plus étranges et je ne vois pas que le Seigneur invite les hébreux à se soumettre à la volonté des Babyloniens, mais peut être que c’est moi qui me trompe bien sûr
Parfait! Des clarifications précieuses pour faire tomber bien des illusions.
A-t-on déjà vu dans l’histoire une institution qui ne bouge pas et qui met les mêmes autour de la table pour écrire la réforme….
Quant aux consultations synodales c’est la plupart du temps une cynique plaisanterie ou nul n’aurait là malseance de parler de l’essentiel.
Et tout continue comme avant…..malgré des bonnes volontés et des dévouements.mais l’adhésion au Christ?
Le mot « système » a été retenu par la plupart des prêtres ouvriers condamnés en 53/54 pour qualifier l’organisation (Rome, cardinaux, Pape) qui leur a demandé de renoncer à leur engagement avec leurs compagnons de travail (compagnon, celui avec lequel on partage le pain!) ou de quitter l’Institution. On lit dans l’article de la Croix du 27/05/2020 « Une plongée dans les archives de la crise des prêtres-ouvriers »: « À travers ces craintes et ces reproches [de Pie 12 et nos trois cardinaux « pétainistes » d’alors:1953], ce sont en réalité deux manières de penser la mission de l’Église dans le monde qui s’opposent. » C’est, à nouveau, entre ces deux conceptions que l’institution est invitée à choisir. Il se pourrait bien que ce soit « la dernière chance » avant que l’extérieur s’en charge.
Pour ma part, je vais tenter un dernier effort en tentant de « faire remonter » via groupe ccbf départemental.
Je ne sais pas si beaucoup ont pris la peine de lire les 45 recommandations de la Ciase, mais je dois dire que j’ai essayé et je dis bien « essayé » de les lire et, hélas, arrivé à la 22 ème j’y ai renoncé car ces recommandations m’ont paru aussi passionnantes que la lecture du Code de Droit Fiscal. Par ailleurs ayant fait des réserves quant au mode de fonctionnement adopté par ces fameux huit académiciens je pense que leurs remarques me semblent davantage à prendre en considération que le mépris hautain qu’il est de bon ton de leur accorder
Pour moi le rapport de la Ciase est de grande valeur, c’est incontestable, mais de là à en faire un document quasi-sacré ne pouvant être soumis à la moindre critique il y a une marge que je ne puis franchir.
Les 8 académiciens dont je m’approuve pas les méthodes d’intervention du moins telles qu’on nous les révèle on tout de même le droit d’être en désaccord avec la Ciase.
Deux brefs commentaires : moi j’ai lu dces 45 recomandations sans aucun problème. Qui veut tuer son chien… Enfin libre à vous de considérer que par principe toute critique dudit rapport est légitime, ce qui est vrai. Sauf que là la critique est totatement indigente car de nature idéologique. Je crois l’avoir démontré dans plusieurs billets. Alors de grace ne défendez pas l’indéfendable… simplement au nom des grands principes ! Vous voyez bien qu’ici, parler de propositions extérieures à l’Eglise n’a pas de sens !
« Qui veut tuer son chien. ». vous vous faites encore une fois une vision d’une remarquable objectivité » de ma personne assurément et je vous en remercie sincèrement
Aussi douteux que cela puisse vous paraitre j’ai l’audace de penser que ces 8 (effoyables » ) académiciens ne dissent peut -ère pas que des « co…ies » parce qu’ils ont un avis totalement divergeant du vôtre mais il est tellement plus confortable de se contenter du manichéisme le plus complet
Dominique,
Pas de manichéisme ? Pas d’attaque contre les personnes ?
Uniquement divergence d’analyses. En quoi est ce condamnable ?
« divergence d’analyse,certes mais incontestablement en manifestant une empathie ô combien manifeste envers ceux qui sont à l’opposé de ce qu’on pensePour ma part ,je n’ai entendu pas le moindre propos un tant soit peu respectueux à l’égard de ces académiciens lesquels sont quasiment traités de suppôt de Mgr Lefebvre
Peut-être est-ce dû simplement au fait qu’ils ne le méritent tout simplement pas ! Curieux que cette hypothèse vous ait échappé !
J’ai lu les 45 recommandations, facilement et avec un grand soulagement, pouvant enfin mettre des mots et entrevoir des remèdes au fameux « système » dans lequel ont été prises les victimes. Toutes ces recommandations m’ont semblé pertinentes et même évidentes une fois énoncées.
Mais je peux comprendre qu’il faille avoir été victime ou s’être intéressé de près au problème pour pouvoir faire ce constat.
Je suis excessivement reconnaissante à la commission Sauvé et je crois ne pas être un cas particulier.
Franchement le résumé avec recommandations est bien moins hard à lire que témoignages des victimes et auditions en séance plénières, bien moins hard que de parcourir, en insistant sur certaines parties, l’analyse socio-historique et le rapport complet. Allons courage!
Et pourtant, pour qui n’aurait rien lu, il faudrait d’abord se plonger dans les témoignages et les auditions et il y en a beaucoup.
Puis les digérer, attendre qu’ils se déposent, résonnent et se mettent en lien.
Et cela n’a rien à voir avec l' »affectif » comme le disent avec condescendance les 8, c’est un problème de coeur profond.
Et seulement aprés lire les conclusions et recommandations qui prennent alors sens. Et l’on réalise bien, en tout cas on intuitionne que tout se tient. Qu’en effet il y a système. Et soit dit en passant, si on prend un bout par ci un bout par là, lâche un peu de lest sur ceci mais verrouille cela, tout est bancal et l’on est ramené en arrière, au « comme avant » et aux mêmes causes qui produiront les mêmes effets.
Ce n’est qu’au prix de tout ce travail, long, infiniment dérangeant qu’on peut comprendre vraiment le rapport Sauvé. Sinon on ne fait que rester en surface et bavarder dans le vide.
Pour revenir à la malheureuse affaire de l’archevêque de Paris, qui cette fois parait bien ignominieuse, on ne peut que constater que cela n’est que la résultante de la culture du secret de l’Eglise. Maintenant que ses forfaits ont été révélés au grand jour et que le scandale du système a éclaté, plus personne ne fait confiance à aucun de ses membres, quels qu’ils soient, quoi qu’ils fassent, innocents ou pas. L’institution est définitivement salie et la suspicion pèse sur elle. Saisir la chance de se REFORMER entièrement en ouvrant grand les portes pour que le courant d’air chasse les mauvais esprits est le seul remède. Comment les evêques peuvent-ils ne pas s’en rendre compte ? Tout simplement parce qu’ils sont persuadés être « représentants du Christ » sur terre, personnes sacrées, au même titre que le Christ. Quel cruel manque d’humilité !
La plupart des victimes, en tout cas celles qui ont eu la possibilité et le courage de témoigner, ont rapporté les mêmes mécanismes qui ont conduit, d’une part à leur sidération ou mise sous emprise, lors des agressions sexuelles ou même abus spirituels, d’autre part à leur silence face à l’incrédulité de l’entourage. Et, pour finir, elles ont fait la même expérience de la « solution » apportée par l’Eglise à savoir omerta généralisée par peur du scandale et déplacement des prêtres fautifs donc immunité à peu près totale pour les auteurs de crimes ou délits de nature sexuelle.
Elles ont bien compris qu’elles ne comptaient pour rien et que leurs souffrances n’avaient pas à être prises en compte, qu’aucune disposition dans l’institution n’était prise pour les protéger, que personne ne se sentait de responsabilités envers elles.
Elles ont pointé à peu près toutes les mêmes causes qui font donc système.
La commission Sauve, prenant en compte leur expérience, en a tiré les observations qui s’imposaient sur le « caractère systémique » de ces abus et a fait des recommandations permettant à la fois de rendre justice aux victimes passées et d’éviter, le plus possible, que de tels crimes et délits se reproduisent à l’avenir.
Rien de plus argumenté et de plus logique à partir de l’analyse des faits.
Et si l’Eglise avait eu en interne les moyens d’éviter le plus possible ces agressions et de rendre justice aux victimes, pourquoi ne l’a-t-elle pas fait auparavant, sans attendre que cela lui soit imposé de l’extérieur ?
Oui je suis en total accord avec Marie Christine ; et concernant le dernier paragraphe, il est évident que l’institution entière était au courant, et depuis bien longtemps, de toutes ces forfaitures, … mais persuadée que le plus important était le pardon aux agresseurs, (faisant partie de « leur » institution) et surtout l’évitement du scandale (il ne faut pas salir l’Eglise) elle n’a tenu aucun compte des victimes, qui sont passées « à la trappe » quel désastre ! .. l’Eglise ne réagit aux choses extérieures à elle et à ses certitudes, que lorsque cela lui est imposé de l’extérieur …. alors, comment espérer qu’elle ait le courage, la compétence, la volonté nécessaires, pour se réformer « toute seule » en réunissant autour de la table, les mêmes responsables ayant tout mis sous le tapis ?
»FAIRE BOUGER L’EGLISE »
C’était le titre d’un livre de Joseph Moingt. Cet objectif est complètement actuel : les combats que l’on n’engage pas sont perdus d’avance. Comment faire bouger ? Certaines des questions parmi les 10 du Synode, forcément validées par le pape François, permettent une remise en cause du »système » vertical actuel.. Par exemple, la question VIII. AUTORITÉ ET PARTICIPATION
»Une Église synodale est une Église de la participation et de la coresponsabilité.
Comment sont définis les objectifs à poursuivre, la voie pour y parvenir et les pas à accomplir ?
Comment est exercée l’autorité au sein de notre Église particulière ?
Quelles sont les pratiques de travail en équipe et de coresponsabilité ?
Comment sont encouragés les ministères laïcs et la prise de responsabilité de la part des fidèles ? »
La fin du discours du pape pour l’ouverture du Synode (9 octobre) montre bien qu’il veut que l’Eglise bouge: ‘’Enfin, il peut y avoir la tentation de l’immobilisme : puisqu’« on a toujours fait ainsi » , – cette parole est un venin dans la vie de l’Église, « on a toujours fait comme ça » –, il vaut mieux ne pas changer. Quiconque se meut dans cet horizon, sans même s’en rendre compte, tombe dans l’erreur de ne pas prendre au sérieux le temps dans lequel nous vivons …. »
Ensuite il cite le Père Congar (pas du tout un hasard quand on sait le rôle joué par Congar pour bousculer lors de Vatican II) : « Il ne faut pas construire une autre Église, il faut construire une Église différente » .
Je trouve que cela vaut vraiment la peine de participer activement aux commissions locales du Synode et d’y exprimer avec vigueur notre souhait de construire une Eglise différente, une Eglise conforme à ce qu’avait voulu Jésus. Si nous nous taisons, qui fera bouger ???
1) Sans être un dévot de Karl Marx , un suppôt du structuralisme ou un disciple zélé de Pierre Bourdieu , il faut être complètement étranger à notre culture pour penser encore que les comportements ne sont pas aussi déterminés par les « structures » sociétales, religieuses , culturelles , familiales , psychiques qui influent sur notre comportement indépendamment de notre volonté propre .
Au nom de quoi l ‘église catholique échapperait elle à cette réalité ?
La structure écclésiale détermine aussi le comportement de ceux qui y appartiennent , sans que cela ne diminue d’un iota leur responsabilité personnelle dans les actes qu’ils commettent ( Contrairement à l’affirmation des huit académiciens qui, par une faute logique grossière , estiment que reconnaitre la responsabilité de l’église dédouane les clercs pédocriminels de leur responsabilité personnelle )
Donc oui il y a des causes structurelles à la pédocriminalité dans l’église .
2) L’enjeu est donc , dans l’église comme dans toute institution de trouver le mode d’organisation qui permette de s’affranchir autant que possible des déterminismes qui influent sur nos comportements et de retrouver un espace qui nous permet de nous en libérer autant que possible .
Les sociétés civiles ont reconnu : la liberté de conscience , les droits de l’homme , la limitation et la séparation des pouvoirs et la reconnaissance de la légitime altérité comme moyens de garantir cet espace de liberté .
L’église ne reconnait pas ces principes et plus encore sacralise comme « voulue par Dieu » une organisation qui refuse la légitimité du principe d’altérité pour rechercher la vérité .
Elle est donc très mal armée pour espérer évoluer .
Les huit académiciens ont au moins un mérite , c’est qu’ils poussent jusqu’au bout la logique de l’institution en montrant qu’elle est construite pour être irréformable . De cela nul ne peut leur en faire reproche . Le problème est qu’ils sont prêt à sacrifier toutes les victimes sur l’autel de leur idolâtrie de l’institution écclésiale et m^me à tomber dans la contradiction qui consiste à accepter que l’église ne témoigne pas de l’Evangile .
Comme commence à le suggérer René (je constate son évolution progressive vers une analyse qui rejoint la mienne ) la méthode synodale n’apporte aucune garantie quant à la prise en compte des suggestions de fidèles pour faire évoluer l’église et lui faire renoncer aux causes structurelles et systémiques qui suscitent permettent et couvrent la pédocriminalité des clercs et plus généralement tous les abus de conscience .
La question est pourtant simple au niveau des principes : La reconnaissance de la légitimité de la différence et l’organisation d’un débat institutionnalisé permettant cette confrontation des différences pour construire l’unité est la seule méthode efficace pour lutter contre les abus .
C’est ce qui a permis la pérennité du judaïsme après la destruction du temple en 70 et la disparition du judaïsme sacerdotal : la mutation vers le judaïsme rabbinique qui est fondé et organisé sur la légitimité de la controverse .
La méthode synodale ne permet pas que le pouvoir limite le pouvoir puisqu’elle repose sur le fait que l’on puisse parvenir à un consensus sans recourir à la confrontation organisée des points de vue et qu’elle laise à la hiérarchie existante la possibilité de choisir ce qui lui convient .
3) Voilà pourquoi , l’église , en ce qu’elle ne remet pas en cause radicalement son organisation féodale de concentration sacralisée des pouvoirs est irréformable . En en étant ou non conscient , les évêques en légitimant toujours leurs pouvoirs sacrés reçus du Christ , sont pris , quelque soit leur bonne volonté , dans une contradiction irréductible .
C’est sans doute le calcul du vatican que de les laisser s’y enferrer . Nul besoin alors de les contredire ou de les désavouer aujourd’hui dans leur volonté de mettre en oeuvre quelques préconisations du rapport de la CIASE: ils sont condamnés à échouer .
Consolation ? Le pape François est manifestement sous l’influence d’un évêque français : le cardinal de Retz qui considérait que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment . Faut il vraiment s’en réjouir ?
Guy, vous proférez une énormité en écrivant que l’Eglise ne reconnaît pas la liberté de conscience !
J’ai souvent cité déjà cet extrait du St Cardinal John Henry Newman, lui-même cité dans le Catéchisme de l’Eglise catholique( § 1778) :
« La conscience est une loi de notre esprit, mais qui dépasse notre esprit, qui nous fait des injonctions, qui signifie responsabilité et devoir, crainte et espérance … Elle est la messagère de Celui qui, dans le monde de la nature comme dans celui de la grâce, nous parle à travers le voile, nous instruit et nous gouverne. La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ. »
(Newman, lettre au Duc de Norfolk 5)
a Michel ,
Vous faites un contresens sur ce que l’église entend par liberté de conscience . Il ne s’agit ni d’un droit à « l’erreur « , ni de la permission morale d’adhérer à » l’erreur , » mais uniquement du droit de ne pas subir de contrainte extérieure vis à vis de l’enseignement infaillible de l’église .
En clair la liberté de conscience pour l’église , c’est le droit d’adhérer librement à sa doctrine qui est la Vérité .
Or la liberté de conscience c’est la reconnaissance de la légitimité du doute y compris vis vis de l’expression de la doctrine de l’église
à Guy
Il n’est pas certain que je je fasse un contresens sur la liberté de conscience, mais si je comprends tout à fait la légitimité du doute je vous laisse l’entière responsabilité de votre apologie du relativisme.
Michel,
Le doute bien mené ( on ne peut douter de tout en effet car il y a des évidences qui s’imposent à l’esprit et ce serait inutile ) ne conduit pas nécessairement au relativisme.
Il est la condition nécessaire au contraire de la libération des opinions non fondées et préjugés et donc une condition de la recherche du vrai.
Il est une opération saine de la raison .
Ma remarque, Marie-Christine, visait seulement l’opinion selon laquelle tout se vaut… in fine la question de Pilate à Jésus : « Qu’est-ce que la vérité ? »
En réponse, il garda le silence »
A Michel,
Je n’ai jamais dit que tout se valait , ce qui est effectivement du relativisme ; auquel je n’adhère pas .J’ai écrit que la doctrine de l’Eglise et à fortiori son expression dans un langage archaïque , n’était pas l’alpha et l’omega . Et qu’il est nécéssaire de questionner la doctrine au vu de l’Ecriture , des sciences et globalement du savoir d’aujourd’hui ..
.
Le discours d’un magistère qui prétend qu’il est détenteur de la vérité ( ce qui n’est déjà pas conforme à la tradition de l’Eglise ) doit passer au crible du questionnement et du doute . Mais ce n’est pas ce que l’église considère comme le légitime exercice de la liberté de conscience ;
L’alternative : vérité de la doctrine ou relativisme n’est pas une bonne manière de poser la question de la réception du discours du magistère , ni de celle de la recherche de la vérité .
Guy, désolé si je vous ai mal compris, mais comme vous écriviez à propos de la liberté de conscience pour l’Eglise : « Il ne s’agit ni d’un droit à « l’erreur » , ni de la permission morale d’adhérer à « l’erreur », j’en avais conclu que vous défendiez cette autre conception qui n’est pas celle de l’Eglise et qui me paraissait de l’ordre du relativisme.
Mais s’il s’agit pour vous de questionner la doctrine au vu de l’Ecriture, des sciences et globalement du savoir d’aujourd’hui, je vous suis bien sûr.
On peut apprécier aussi un texte un peu plus ancien sur la conscience :
« La conscience est la voix de Dieu. Dans la plupart des hommes, cette voix est ou méprisée, ou mal entendue, ou entièrement éteinte. Elle est méprisée en ceux qui ne veulent rien faire de ce qu’elle dit ; mal entendue en ceux qui lui font dire tout ce qu’ils veulent ; éteinte en ceux qui la méprisent sans en recevoir de reproche. Le dernier de ces états est sans doute le pire, puisqu’il est malaisé d’en sortir et que c’est un état désespéré. Mais les autres conduisent à celui-ci, et, à cela près qu’on en sort plus aisément que du dernier, on peut dire qu’ils sont pires. Le dernier est la peine des autres.
On méprise cette voix, c’est le premier pas. Elle nous avertit du mal que nous avons fait, de celui que nous devons éviter, du bien que nous pouvons faire. Pour une fois que nous obéissons, combien de fois méprisons-nous cette voix ? Cependant c’est la voix de la raison, c’est la voix de l’homme, c’est notre propre jugement, c’est ce que nous estimons le plus raisonnable. Voilà pourquoi Dieu ne nous condamnera que sur le jugement que nous avons fait nous-mêmes de nous-mêmes. C’est la voix de la grâce. Cet avis, ce bon conseil que vous recevez dans le fond de votre cœur, c’est le prix du sang de Jésus Christ, c’est le germe de l’éternité, c’est la voix du Saint Esprit. »
St Claude de la Colombière, jésuite, 1641-1682, proposé en commentaire des textes du 3e dimanche de l’Avent sur le site l’Evangile au Quotidien.
Merci DM63 pour ce texte fort intéressant de St Claude de la Colombière
Je ne sais ce que l’Eglise entend par « liberté de conscience ». Sans doute est-elle sincère en en parlant.
Mais concrètement : je rejoins Guy en cela que la liberté qui m’était donnée était celle d’entrer toujours plus avant dans ce qui était enseigné.
A ce sujet, une ex-carmélite m’a rapporté la façon dont était expliquée l’obéissance au noviciat : « ce n’est en rien une contrainte ou une soumission, ni de la docilité, puisque tu dois arriver à adhérer totalement à ce qui t’est demandé ».
Personnellement, pour exercer ma liberté de conscience, il m’a fallu quitter ma communauté – ça c’est sans doute normal, à cause de la « servitude volontaire » -, puis l’Eglise pour cesser enfin de culpabiliser parce que j’écoutais ma conscience.
Précisément, Anne, d’après votre témoignage on ne respectait pas votre liberté de conscience.
Si je ne m’abuse, il s’agit ici de la conscience morale qui « parle » en chacun.
Et non de la liberté de nature intellectuelle d’adhérer à telle ou telle idée.
Mais ce n’est peut être pas cette assimilation que vous vouliez faire ?
Je précise que mon commentaire s’adressait DM63 ( et à Michel ) concernant l’interprétation de cette citation de C. de la Colombiere.
Les termes de « conscience » et donc de « liberté de conscience « étant ambigus, il faut donc distinguer, je pense, la conscience morale qui nous fait discerner le bien et le mal ( et coïncide pour C. de la Colombiere avec la voix de la « grâce « parlant en chacun ) avec la liberté de l’esprit d’adhérer ou non à telle ou telle thèse.
L’Eglise reconnaît, bien évidemment la 1 ère forme de liberté de conscience, puisque l’homme possède le libre-arbitre, reconnaît elle pour autant la seconde ? Si oui, ce serait quand même contradictoire avec la définition du vrai telle que le Magistère la promulgue.
La conscience, tellement précieuse et toujours mystérieuse (malgré les avancées des neurosciences). Tout enseignement spirituel digne de ce nom doit avoir un respect infini de la conscience de chacun, sous peine de porte-à-faux immédiat, prélude aux dérives massives qui ne peuvent plus être maintenant dissimulées ou minimisées. Si ma conscience n’appuie pas pleinement mon adhésion à telle ou telle thèse, mieux vaut ne pas adhérer : la parabole de l’aveugle qui guide un autre aveugle et l’entraîne avec lui dans un trou ne dit-elle pas précisément cela ?
La conscience n’a été longtemps qu’un mystère comme âme, sacré, esprit: « En fait, plus votre science est grande, plus est profonde votre conscience du mystère » (Nabokov 1973) et ce bref poème plein d’humour, un siècle plus tôt, d’Emily Dickinson (1830-1886): « Le cerveau est plus spacieux que le ciel… Car mettez-les côte à côte,…L’un sans peine contient l’autre…Et vous de surcroît ».
Depuis la fin des années 1980 ce concept a commencé de quitter le domaine exclusif de la philosophie et de la théologie pour être aussi abordé par les sciences: neurosciences et sciences de l’évolution du système nerveux et du cerveau… pour l’évolution dans ses deux dimensions de l’individu et de l’espèce. Après plus de 30 ans de recherches, il n’est plus possible de se limiter au mystérieux sens commun. Il a fallu des siècles pour que la conscience de la place et de la forme de la Terre dans l’univers modifie les traditions, un siècle pour que l’évolution ne puisse plus être regardée comme une théorie, sans doute faudra-t-il encore quelques décennies avant que les approches classiques par le mystère prennent en compte le savoir sur nos 100 milliards de neurones, 1000 à 5000 milliards de cellules gliales…
Tout à fait pertinent le rappel biblique de Philippe Lefèvre. L’extérieur, voire l’ennemi, seront les conditions auxquelles l’institution peut être repensée et refondée. En effet on ne voit pas trop maintenant comment ladite institution pourrait s’autoréformer.
Mais comment imaginer concrètement cette intervention extérieure ?
Mon point de vue (totalement irréaliste) est qu’il faudrait commencer par abolir la distinction clerc/laïc, repartir de la condition de baptisé, et repenser les conditions d’attribution des rôles et fonctions. En résumé : de quoi une communauté croyante a-t-elle besoin pour vivre et fonctionner comme telle ? Enseigner, prier, célébrer, s’occuper du caritatif, gérer l’intendance – tout cela pour témoigner de quelque chose comme « s’aimer les uns les autres ». Formons des hommes et des femmes aptes à assumer cela et mandatons-les à chaque fois pour des durées déterminées. Choisissons des petits collectifs chargés de coordonner tout ça. Faut-il une instance centrale ? Locale sûrement. Les communautés deviennent comme des graines semées à la surface de toute la terre (oui on est dans l’après-Babel), en réseau les unes avec les autres, se reconnaissant les unes les autres à leurs pratiques et leur commune référence aux évangiles. Un tel genre de fonctionnement – démocratique et non plus monarchique, mais L’Eglise n’est pas consubstantiellement inféodée à telle ou telle forme d’Etat – ne mettrait pas à l’abri, évidemment, de rivalités de pouvoir ou autres, mais du moins on n’aurait pas une catégorie de baptisés affublés d’un pouvoir sacré à vie… Totalement irréaliste, vous dis-je.
Vous souhaitez donc des engagements à durée déterminée/ Fort bien,sauf que lorsque je vois les difficultés sans nom que connaissent nos frères protestants pour renouveler leurs conseils pastoraux,conseils qui ont le pouvoir de prendre des décisions,voire d’inviter le pasteur à aller voir ailleurs… je suis franchement très sceptique,et puis…je ne sais plus qui a dit »celui qui met la main à la charrue puis regarde en arrière n’est pas fait- pour le Royaume de Dieu »
Qui plus est j’ai moi même été membre de plusieurs conseils paroissiaux et je ne peux pas dire qu’il y régnait une douce harmonie et que bien sûr comme dans toute association humaine la volonté de puissance y prenait une certaine place …comme chez les Douze d’ailleurs…
Pingback: Décembre 2021 |
Le récent livre de Chantal Delsol « La fin de la chrétienté » apporte sa contribution au débat. Si elle est plutôt de tendance traditionnaliste, la philosophe n’en est pas moins lucide et invite l’Eglise Catholique, puisqu’elle n’a plus de société chrétienne à régenter, à s’organiser pour survivre comme l’ont fait les protestants et les juifs et rester un « hopital de campagne » accueillant , pour reprendre les mots de François. Ce dispositif de survie implique de se dépouiller de toutes les prétentions et attributs d’un rôle social qui n’éxiste plus.. Delsol n’est surement pas dans la ligne de toutes les 45 propositions de la CIASE, mais son diagnostic n’est pas loin de rejoindre celui de Joseph Moingt : seul l’évangile sauvera l’Eglise.