Vingt-six théologiens expliquent pourquoi les évolutions souhaitées par le pape François sont à la fois nécessaires et possibles !
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Cet article a été repris sur le site causeur.fr. Il est également en ligne sur le site des chrétiens de gauche et en liens sur celui de confrontations, association d’intellectuels chrétiens, que je remercie.
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En décembre 2014, quelques semaines à peine après la clôture de la première session du Synode sur la famille, le Vatican adressait aux conférences épiscopales une nouvelle liste de «questions» auxquelles les fidèles étaient appelés à répondre, dans la perspective de la seconde session d’octobre 2015. L’idée est alors venue aux responsables de la Conférence des évêques de France de solliciter des théologiens : prêtres, religieux ou laïcs, invités à s’emparer des thèmes qui leur semblaient les plus en résonance avec leur domaine d’expertise. Vingt-six théologiens francophones de renom, hommes et femmes, ont accepté de relever le défi. Un ouvrage, judicieusement initié par Bayard éditions, rend désormais leurs contributions accessibles à un large public (1). La lecture en est tout simplement passionnante.
Des évolutions à la fois souhaitables et possibles
Allons à l’essentiel : les uns et les autres semblent s’accorder sur cette idée que les réformes pastorales souhaitées par le pape François, concernant l’enseignement de l’Eglise catholique sur le mariage et la famille, sont tout à la fois nécessaires et possibles.
Nécessaires parce que la crise qui traverse aujourd’hui le couple et le mariage, dans le monde occidental, touche également le couple et le mariage chrétiens. Et qu’il serait trop facile de n’y voir que l’effet dévastateurs de la sécularisation. Si crise il y a, analysent nos auteurs, c’est bien parce que le mariage n’est pas une institution universelle, dans son principe et ses modalités, comme le démontrent les anthropologues, pas plus que le «mariage chrétien», tel que nous le connaissons aujourd’hui, ne peut être «traduit» immédiatement de la Bible. Marie-Jo Thiel pose sans doute une question essentielle lorsqu’elle interroge : «Est-ce que le mariage sacramentel, tel qu’enseigné par l’Eglise catholique, est une bonne nouvelle susceptible de donner sens à la vie entière d’un couple et plus largement des personnes qu’il réunit sous le vocable famille ?» (2) En transformant l’idéal en norme juridique rigide, l’Eglise ne contribue-t-elle pas à rendre le mariage sacramentel «non désirable» ?
La place donnée à la famille jugée excessive
Si une réforme est nécessaire, analyse le jésuite Christoph Théboald, c’est aussi sur la place centrale, selon lui excessive, accordée par l’Eglise catholique à l’institution du mariage. Une vision qui, écrit-il, transparaît des textes préparatoires au Synode. Sévèrement, il note à ce propos : «Il faut critiquer la tendance de la Relatio synodi (conclusions de la première session du Synode) de mettre les époux et leur famille dans une position ecclésiologique privilégiée» (3), position que les textes du Concile (Lumen Gentium, Gaudium et Spes) ne lui accordent pas. Une dérive qui à ses yeux, risque de donner, dans l’Eglise, et de manière théologiquement infondée, une place symbolique disproportionnée au couple et à la famille, par rapport aux «autres baptisés» notamment aux célibataires, dont le témoignage de vie dans l’Eglise est pourtant tout aussi essentiel pour dire la tendresse de Dieu. (4)
Une approche sélective de l’exégèse biblique
Plusieurs contributeurs de l’ouvrage reprochent au magistère, d’une manière générale, une approche utilitariste de l’exégèse biblique. L’Eglise négligerait volontairement le travail des spécialistes, préférant ne retenir de la Bible que ce qui sert et conforte son enseignement, sans chercher à en vérifier les fondements de manière permanente, au regard des progrès de l’exégèse biblique. André Wénin écrit en ce sens : « A l’exégèse du texte, on préfère une herméneutique qui rend le texte compatible avec l’enseignement que l’on souhaite fonder.» (5) Et de noter, par exemple, que la «fraternité» est sans doute une valeur plus centrale dans la morale évangélique, que la famille vis à vis de laquelle Jésus a parfois des paroles très dures.
Comparer l’amour conjugal à celui du Christ pour son Eglise «n’est pas juste»
Mais si les réformes souhaitées par le pape François apparaissent possibles, c’est bien grâce au travail d’intelligence de la foi effectué par les théologiens, qui ouvre à de nouvelles lectures de la Bible. Un exemple. Sur la question centrale de l’indissolubilité du mariage, le magistère met systématiquement en avant l’Epitre de Paul aux Ephésiens (5, 21-35) toujours enseigné selon l’interprétation d’Isidore de Séville : «Le mariage représente l’union du Christ et de l’Eglise, or l’union du Christ et de l’Eglise est indissoluble, donc le mariage humain est indissoluble». Plusieurs théologiens, dans le livre, font valoir qu’on oublie trop systématiquement le contexte culturel de la Lettre aux Ephésiens et le fait qu’en tout état de cause l’analogie n’est pas tenable.
Il est significatif, de ce point de vue, que le père Philippe Bordeyne, recteur de l’Institut catholique de Paris, écrive dès la préface de l’ouvrage : «La théologie sacramentelle aide à comprendre qu’il ne serait pas juste de faire jouer l’analogie entre l’union du Christ et de l’Eglise (…) et l’union conjugale de l’homme et de la femme, en oubliant la différence de nature entre ces deux unions.» (6) Ce qui conduit Anne-Marie Pelletier à constater «le fait que la référence nuptiale Christ-Eglise soit présentement inaccessible à la très grande majorité de ceux qui reçoivent le sacrement de mariage». (7) Et Marie-Jo Thiel de conclure : « L’engagement à vie et la fidélité sont essentiels en christianisme et il faut en maintenir l’exigence, tant ils disent le sérieux de la démarche, mais impliquent-ils pour autant un lien juridiquement indissoluble ? » (8)
D’autres contributions illustrent, dans le même livre, le fait que sur la contraception, la conjugalité homosexuelle, ou les divorcés remariés des «avancées», souhaitées par les fidèles au nom de leur compréhension de l’Evangile, sont également possibles, sans trahir l’un et l’autre Testaments.
La recherche au service de l’intelligence de la foi
On s’en doute, voilà le type d’ouvrage jugé insupportable dans certains milieux catholiques. L’un des premiers à dégainer a été le philosophe Thibaud Collin, sur son blogue hébergé par le site du quotidien la Croix. Reprenant l’accusation récurrente de vouloir «acclimater la morale sexuelle de l’Eglise à l’esprit du temps», il commente : «Ce volume, par nature composite, se signale cependant par sa très grande homogénéité : presque toutes les contributions sont en effet des critiques de l’enseignement de l’Eglise sur le mariage et la sexualité. A croire qu’il y a eu un grand vide magistériel sur ces sujets entre la fin des années 1960 et aujourd’hui.»
L’axe choisi pour sa critique est significatif. Il n’oppose pas l’analyse de ces théologiens à celle d’autres théologiens qui penseraient différemment, mais à l’enseignement du magistère. Illustration parfaite d’une certaine conception réductrice de la théologie qui devrait se cantonner à l’enseignement et à la justification des positions du magistère, alors qu’il est aussi dans la fonction du théologien de nourrir la recherche, au nom de la raison, pour aider l’Eglise à entrer toujours plus profondément dans l’intelligence de la foi. Sans ce travail théologique permanent, Vatican II dont les enseignements font désormais partie du magistère, eût été tout simplement impensable et impossible. Où l’on vérifie que le magistère d’aujourd’hui n’est jamais que le résultat de la recherche théologique d’hier et des siècles précédents.
Le travail de recherche en théologie est d’autant moins contestable dans son principe que les théologiens savent parfaitement – et ils l’acceptent – qu’in fine ce seront les dépositaires de l’autorité magistérielle dans l’Eglise qui trancheront. Dans la phase de consultation voulue par le pape François pour nourrir la réflexion des Pères du Synode dans la recherche d’un sensus fidei, la Conférence des évêques de France, critiquée par certains pour son initiative, était donc parfaitement légitime à solliciter ces théologiens, et eux-même à s’exprimer en toute liberté.
Un bol d’oxygène spirituel
Dans l’entretien de 2013 accordé par le nouveau pape François aux revues jésuites, une phrase avait frappé nombre d’observateurs. Evoquant les raisons possibles de ce qu’il est convenu d’appeler le schisme silencieux, qui, en Occident, a vu des centaines de milliers – des millions – d’hommes et de femmes s’éloigner discrètement de l’Eglise au cours du dernier demi-siècle, il confiait : «Peut-être l’Eglise avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme mais non pour son âge adulte.» (9) Ces «réponses pour l’enfance», comment ne pas les identifier, parfois, à certains enseignements du magistère qui ne sont plus ni reçus ni jugés recevables dans nos sociétés post-modernes où une majorité d’hommes et de femmes ont accédé à un haut niveau d’instruction et de conscience personnelle ? Et comment s’étonner que le pape François veuille en faire l’inventaire ?
A la veille du Synode romain, où fleurit toute une littérature pieuse plaidant l’immobilisme au nom de la fidélité à la Tradition, la réflexion de ces théologiens en liberté sera reçue par beaucoup, dans l’Eglise, comme un véritable bol d’oxygène intellectuel et spirituel. Et comme une grande espérance.
© René Poujol
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- Collectif, Synode sur la vocation et la mission de l’Eglise et de la famille, dans l’Eglise et le monde contemporain. Bayard, 324 p., 16,90 .
- ibid p.45
- ibid p.137, Il fait référence au n°13 de la relatio synodi et son évocation du «mariage naturel des origines» en référence à Adam et Eve, très contesté par les théologiens.
- ibid p.138
- ibid p.77
- ibid p.20
- ibid p.60
- ibid p.49
- Pape François, L’Eglise que j’espère, Flammarion/Etudes, p.97-98.
Voilà un livre qui laisse présager pour leurs auteurs de graves désillusions lorsque l’Eglise rappellera que l’enseignement traditionnel du magistère n’est pas soumis au diktat des experts autoproclamés ni des philosophies du moment.
Là on est dans la caricature. Mais, avec vous, on a l’habitude !
@ Pascal:
La mise en parallèle – que les Ecritures bibliques et la tradition chrétienne ont générée – entre le mariage d’un homme et d’une femme, d’une part, et l’union du Christ à son Église, d’autre part, a été mise à profit pour justifier trois règles du Magistère, qui ont d’ailleurs servi à bétonner sa doctrine :
(a) L’indissolubilité du mariage
(b) Le sacerdoce réservé aux hommes à l’exclusion des femmes
(c) La domination de l’homme, avec soumission de la femme
Il existe toutefois des objections sérieuses à une pareille mise en parallèle, comme l’explique le Père Joseph Moingt dans sa Préface du livre « Le Déni : Enquête sur l’Eglise et l’égalité des sexes » (voir ci-dessous) :
« Le Nouveau Testament et la tradition chrétienne proposeront à la femme, sous la double figure de Marie et de l’Eglise, l’une et l’autre campées en Nouvelle Eve, un autre modèle, tout de dignité et de pureté, d’où résultera également pour l’homme un autre type de rapport à la femme, déterminé par le lien du Christ, Nouvel Adam, à sa Mère virginale et à l’Eglise, son Epouse, mais sans affranchir radicalement ce modèle et ce rapport de leurs attaches au mythe patriarcal dont le caractère irrationnel et l’orientation inégalitaire se répandront dans la dogmatique chrétienne. Le modèle de Marie, vierge et mère, qui ne veut être que la servante du Seigneur, ne fera que renforcer la vocation de la femme au service et qu’ajouter au « mystère » du féminin la contradiction d’unir la charge de la maternité à la dignité de la virginité et de la chasteté. Le modèle du Christ, chaste amant de l’Eglise dont il fait son corps, réserve au mari, d’une part, la domination sur son épouse, devenue sa propriété exclusive, et à l’homme, d’autre part, à l’exclusion de la femme, l’accès au pouvoir sacerdotal, curieusement qualifié de « service », mais obéré de l’astreinte au célibat. »
(Extrait de la préface du Père Joseph Moingt s.j. du livre « Le Déni : Enquête sur l’Eglise et l’égalité des sexes » de Maud Amandier et Alice Chablis, Bayard, 2014)
La clé de lecture du P. Moingt est erronée. Le parallèle établi ne doit pas être interprété en termes de pouvoir : le sacerdoce n’est pas un pouvoir sur autrui mai un service. Il n’y a pas un mythe patriarcal et inégalitaire que l’Eglise aurait formé, car ce « mythe » existait bien avant. Au contraire, l’Eglise propose une transformation du rapport entre l’homme et la femme : le Christ n’est pas le dominateur d’une Eglise qui devrait juste être soumise.
@ Pascal:
Du parallélisme – bancal – entre les binômes Christ – Eglise et Homme – Femme, l’Eglise catholique induit que seul l’homme – à l’exclusion de la femme – est habilité à représenter le Christ sur terre.
Faisant même abstraction de toute relation de domination-soumission, l’ « exclusion de la femme » dont question ci-dessus vous paraît-elle en conformité avec une relation égalitaire ?
@ Pascal, je vous rappellerai que les théologiens qui se sont exprimés dans ce livre et que vous qualifiez « d’experts autoproclamés » sont tous professeurs et enseignent au titre d’une « mission d’enseignement » reçue du Saint Siège après examen de leurs publications par la Congrégation pour la doctrine de la foi et, en ce qui concerne les clercs, au titre d’une mission reçue de leur « ordinaire » (Supérieur régional ou Évêque).
René, vous croyez vraiment cela ? J’enseigne également en séminaire, certes en philosophie. J’ai prêté à ce titre le serment antimoderniste, qui reste de rigueur. Croyez vous que mgr Bordeyne l’a prêté ?
Je crois quoi Pascal ? Pour ce qui concerne la prestation de serment, j’ignore si Mgr Bordeyne s’est livré à l’exercice et je m’en moque. Je vais vous dire le fond de ma pensée : cette exigence est proprement scandaleuse et d’un autre âge ! Mais j’observe – et je souhaiterais que vous le fassiez aussi avant de dériver vers une autre objection – qu’il est recteur de l’Institut catholique de Paris (pas vous) et donc que quelqu’un d’autorisé a bien du l’y nommer. Et s’il a été appelé par le pape François à siéger au prochain synode sur la famille c’est sans doute qu’il n’est pas totalement hérétique.
@ Pascal :
« J’ai prêté à ce titre le serment antimoderniste, qui reste de rigueur. » écrivez-vous.
Mais de quelle version s’agit-il précisément ?
Probablement pas du « serment antimoderniste » promulgué par le Motu Proprio « Sacrorum Antistitum » de Pie X en 1910 (voir ci-dessous).
http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/46/19/78/Magistre-de-l-Eglise/Serment-antimoderniste.pdf
Cette version du serment antimoderniste a été supprimée en effet par Paul VI et remplacée, en 1967, par une formule nettement plus concise et plus accommodante.
« Peut-être l’Église est-elle apparue trop faible, peut-être trop éloignée de leurs besoins, peut-être trop pauvre pour répondre à leurs inquiétudes, peut-être trop froide dans ses contacts, peut-être trop autoréférentielle, peut-être prisonnière de ses langages rigides, peut-être le monde semble avoir fait de l’Église comme une survivance du passé, insuffisante pour les questions nouvelles ; peut-être l’Église avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme mais non pour son âge adulte. »
Replacer la dernière phrase dans son contexte met en lumière un contresens que vous n’êtes pas seul à commettre. Le pape ne reprend pas cette affirmation pour lui même, elle traduit une interrogation de l’homme contemporain.
Je ne vois pas en quoi replacer la dernière phrase dans son contexte vous autorise cette interprétation.
Il me semble qu’il faut comprendre des propos de PJ que le pape est un homme contemporain (jusqu’à preuve du contraire) qui s’interroge humainement sur l’état de la religion dont il est le patron….
Il a des précautions de langage, mais il suffit d’enlever les « peut-être » (mis pour ménager certains…) et le constat est particulièrement éclairé et juste.
Ce qui est sans doute désespérant c’est que l’on continuera, globalement, sans rien changer…
« On ne change pas une équipe qui perd…. »
Et ça se comprend. A la tête sont des vieux prélats formatés depuis l’enfance dans les petits séminaires et bien endoctrinés dans le sens de la Tradition…. Psychologiquement, ce formatage mental n’est pas modifiable. Ils s’auto-entretient d’ailleurs par la pratique de « l’entre-soi ».
Même l’Esprit-Saint n’y arrive pas, c’est dire !
Mais surtout ce qui est triste dans ce livre, c’est qu’il réunit sous les auspices (hospices ?) de la CEF des théologiens qui vont tous dans le même sens (amis du pluralisme, bonjour) et se prononcent contre l’enseignement du magistère le plus constant.
Pourquoi ne pas avoir donné la parole à mgr Aillet, par exemple ?
http://diocese64.org/actualites/item/904-la-saintete-a-l-ecole-du-concile-vatican-ii
Je crois que vous commettez un contresens : François craint que le monde pense que l’Eglise n’ait jusqu’ici eu que des solutions pour les enfants. Croyez vous vraiment que le pape François estime que l’Eglise ne s’adresse pas aux adultes ? Non, c’est absurde.
@ Pascal, Mgr Aillet, qui est évêque, ne rentre pas dans la catégorie des théologiens enseignants-chercheurs sollicités. Et plutôt que de chercher malice, une telle convergence des théologiens devrait vous interroger sur l’absurdité de la formule « le magistère le plus constant ». Pour le reste je persiste et signe. Oui, l’Eglise a largement contribué à infantiliser le peuple chrétien au motif que les clercs avaient la culture et la vérité et qu’il suffisait que les fidèles, gobent tout ce qu’on leur disait. Or cette période est révolue. Sauf pour ceux qui acceptent, concernant les choses de la foi, de rester volontairement et définitivement en maternelle…
René, tout évêque est docteur de la foi 🙂
Mais ce sont les évêques eux-mêmes qui ont sollicité les théologiens pour le travail dont je rends compte. Preuve que malgré leur rang de docteurs de la foi ils trouvaient que ce pouvait être enrichissant, non ? Ce que Mgr Aillet veut dire sur le sujet il a tout à fait la possibilité de le dire. Et il semble ne pas s’en priver !
@ Pascal :
Non, à mon avis, la doctrine immuable que prêche l’Église catholique ne convient pas à un esprit adulte.
La « mise à l’index » a longtemps servi à maintenir en l’état cette doctrine immuable de l’Église catholique.
Et même depuis la suppression formelle de l’index, l’esprit « index » continue de sévir, pour discréditer, désavouer, réduire au silence les voix discordantes.
Comme celle du Père Moingt, par exemple.
Car du côté des traditionalistes – où « fidélité à l’Évangile » et « fidélité à l’Église » ne sont pas toujours en phase – c’est la fidélité à l’Église qui prime, celle à l’Évangile passant au second plan.
A mes yeux, le Père Moingt est strictement fidèle à l’Évangile – et cela seul suffit (voir ci-dessous)
http://www.leprogres.fr/rhone/2014/10/28/quand-un-grand-theologien-ouvrait-ses-portes-aux-divorces-remaries
Qui donc pourrait lui tenir rigueur de vouloir rendre la doctrine de l’Église plus fidèle à l’Évangile – dès que ladite doctrine s’en écarte ?
Il ne faut pas opposer l’Eglise et l’Evangile, pour la raison que, comme le remarque saint augustin, nous ne croyons en l’Evangile que par l’autorité de l’Eglise.
Le fait que le P. Moingt soit à vos yeux fidèle à l’Evangile ne suffit pas, en réalité. L’Evangile nous demande d’être fidèle à l’Eglise : « Qui vous écoute m’écoute… » Relisez Dei Verbum : l’Eglise ne tient pas sa certitude de la seule Ecriture. Cela nous évite de tomber dans le subjectivisme.
Lorsque le pape va rappeler l’enseignement de toujours, il vous faudra avoir un sursaut de confiance : c’est bien l’Esprit Saint qui la conduit, même quand son enseignement vous déplaît.
Pascal, l’enseignement de toujours est un pur fantasme. Il y a un noyau dur de la foi qui oblige tout baptisé. Pour le reste… « Saint Thomas d’Aquin soulignait que les préceptes donnés par le Christ et par les Apôtres au Peuple de Dieu “sont très peu nombreux ». Citant Saint-Augustin, il notait qu’on doit exiger avec modération les préceptes ajoutés par l’Eglise postérieurement “pour ne pas alourdir la vie aux fidèles“ et transformer notre religion en un esclavage, quand “la miséricorde de Dieu a voulu qu’elle fut libre. » Saint-Thomas d’Aquin et Saint-Augustin, ça vous va comme références ? Ah, j’allais oublier, la citation est du pape François, dans Evangelii Gaudium au n°43.
2 remarques :
1) je ne comprends pas pourquoi il faudrait accepter que le magistère puisse trancher pour telle ou telle position si cela n’est pas compris par les fidèles et manifestement puisse être en contradiction ferme avec l’avis de ces théologiens. Ma question est la suivante : comment accepter l’autorité magisterielle si à l’évidence celle ci ne tient pas compte de l’avis de théologiens qualifiés comme vous eemblez l’entendre ? Vous dites vouloir vous émanciper de l’autorité de la tradition mais manifestement vous ne radicalisez pas pleinement ce choix, acceptant servilement que l’autorité papale puisse dire non à ces propositions (ce qui semble être en bonne voie aux vues des récentes déclarations) Bref contradiction dans les termes.
2) si vous dites que ces théologiens sont si compétents c’est parce qu’il semble se détacher de l’interprétation exegetique traditionnelle. Doit-on rappeler que des théologiens actuels confirment, justifient ces interprétations et n’en sont pas moins qualifiés ? En ce cas qui devons nous croire ? Ceux qui tentent de réduire le modèle chrétien à une norme juridique évolutive ou ceux qui au contraire tentent de maintenir une exigence de vie difficile, à contre courant de la pensée actuelle ? Je ne pense pas que le christ en disant je suis la voie la vérité la vie ait institué un historicisme mais au contraire une vérité éternelle vers laquelle nous devons tendre et non que nous devrions rabaisser aux revendications d’une société dans laquelle règne le relativisme.
Voilà bien le type de commentaire, purement malveillant, que je pourrais me dispenser de rendre public sur mon blogue. Rien dans sa formulation, qui ouvre à un quelconque dialogue. Simplement l’envie – la prétention – de mettre l’auteur de l’article en difficulté , faute d’accepter seulement de comprendre ce qu’il a réellement écrit.
Sur le premier point de votre commentaire, aucune contradiction dans mes propos. Ce que j’ai explicité dans mon article est tout simplement le mode de dialogue qui existe de manière officielle, institutionnelle, entre les théologiens et le magistère, sous contrôle de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Les théologiens proposent, le magistère dispose. Que cela puisse parfois créer des tensions dans l’Eglise est une évidence assumée par les uns et par les autres. En tant que catholique je l’accepte. Que cela vous chagrine est votre affaire.
Sur le second point, la compétence des théologiens qui s’expriment dans l’ouvrage est attestée par la « mission d’enseigner » qu’ils ont reçue du Saint-Siège. Que d’autres, avec d’égales qualifications, pensent différemment ne m’a pas échappé. Mais je pourrais vous retourner le compliment : disqualifier les premiers en caricaturant leur démarche, pour mieux mettre en valeur ceux qui vous conviennent, est une pratique habituelle mais peu convaincante. Elle tend à renvoyer les uns et les autres dos à dos pour botter en touche en expliquant que la Vérité est donc ailleurs puisqu’elle ne peut pas être plurielle et à plus forte raison contradictoire. Alors, qui a la Vérité ? Personne, bien sûr !
En bonne théologie classique, seul le Christ est Vérité éternelle. Cela relativise d’autant ce que les uns et les autres, au cours des siècles, avec les meilleures intentions et la foi la plus profonde, ont cru comprendre de son message et du message Biblique, à partir de l’univers intellectuel qui était les leurs, et qui a reçu autorité magistérielle… jusqu’à ce que de nouveaux approfondissements viennent apporter un nouvel éclairage et une nouvelle formulation du magistère.
Tout ceci justifie qu’aujourd’hui, comme il y a cent, trois cents ou quinze-cents ans, en fonction du monde incarné dans lequel nous vivons et des questions nouvelles qui nous sont posées, on s’efforce de chercher de manière constante dans la Bible et dans la Parole du Christ, la compréhension, l’approfondissement de cette Vérité. C’est précisément la mission confiée aux théologiens, notamment aux exégètes, par ceux qui exercent l’autorité dans l’Eglise. Trois illustrations :
Lorsque Pie XII – de vénérable mémoire – reconnaît dans les années cinquante la légitimité pour les couples chrétiens de maîtriser leur fécondité, il rompt, de fait, avec le magistère précédent. Lorsque Vatican II reconnaît la liberté religieuse, il rompt avec le Syllabus qui condamnait en vrac la liberté de pensée, la démocratie et les droits de l’Homme.
Saint Paul, lui, était persuadé, avec les Juifs de son temps, que la Création du monde remontait à 6 000 ans et qu’Adam et Eve avaient eu une existence historique. Deux mille ans plus tard, le pape Jean-Paul II a reconnu, au nom de l’Eglise, la justesse de la théorie de l’évolution, ce qui transforme le récit de nos « premiers parents » en simple mythe – un genre littéraire parfaitement honorable – et nous oblige à penser autrement la notion de péché originel… Si cela vous semble inacceptable, c’est tout simplement que vous n’êtes plus catholique romain.
Ah ben voilà que vous donnez une leçon de romanité. Quand vous croyez que cela vous arrange, il faut obéir aveuglément au pape. Vous croyez que JPII a renvoyé Adam et Eve aux oubliettes mythologiques, et donc on n’a plus le droit d’y croire…
Il faut être cohérent : JPII ne rectifie pas uniquement la foi de ceux qui ne sont pas d’accord avec vous, surtout si vous n’acceptez pas vous même de rectifier votre propre foi à partir de ses enseignements. Surtout que les positions d’un pape sur les enseignements scientifiques nous engagent moins que ses enseignements en matière de moeurs.
Vos positions sur humanae Vitae permettent par exemple de dire que vous n’êtes pas non plus catholique romain. Ce reproche que vous adressez à Robert vous convient à vous aussi. Alors faites ce que vous attendez de Robert, convertissez-vous 🙂
Pardon, ce n’est pas Robert mais Geoffroy 🙂
Oh si Pascal, vous avez le droit d’y croire si cela vous fait du bien.
@ Geoffroy,
« une vérité éternelle » écrivez-vous.
A défaut de toute mise en contexte et de toute inculturation, cette expression n’est qu’un oxymore, à mon avis.
Il est dommage qu’à l’aide de vos deux remarques, vous ne fassiez pas avancer le débat mais que vous cherchiez avant tout à tendre un piège…
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Après lecture du livre j’ai surtout été frappée par la richesse et la diversité des analyses. Si, comme l’écrit Pascal Jacob, elles vont toutes dans le même sens, elles y vont par des chemins originaux puisque chaque texte est le fruit du travail personnel des théologiens qui se sont penchés sur les questions qui leur étaient soumises et que chaque intervention amène quelque chose de nouveau au débat. N’est-ce pas courcircuiter les vraies questions que de poser à priori que les théologiens interrogés vont tous dans le même sens par une forme d’idéologie présupposée ? Leur lecture, au plus près des textes bibliques, qui se trouve dégager effectivement, par des voies d’accès diverses, une certaine unanimité sur des points qui sont sujets à la controverse, ne doit-elle pas nous amener à chercher à comprendre plus profondément ce que Jésus nous dit pour notre temps à travers les Ecritures et non à chercher dans celles-ci la justification des pratiques actuelles si celles-ci sont appellées à évoluer face aux défis du temps présent ?