Le texte du pape François sur la famille semble de nature à recueillir un large consensus, sauf en quelques bastions irréductibles.
Cet article a été repris sur le site de Confrontations, association d’intellectuels chrétiens, que je remercie vivement.
L’exhortation apostolique Amoris Laetitia (1) a été rendue publique à Rome le 8 avril. A l’heure d’Internet, des millions de fidèles ont eu la possibilité d’en découvrir la teneur avant même que le texte ne soit disponible en librairie. Réactions et commentaires ont donc été immédiats sur les réseaux sociaux et se sont prolongés les jours suivants, avec parfois, chez les mêmes auteurs, des glissements de l’hostilité au simple questionnement qui valent d’être soulignés.
Une parfaite maîtrise de la communication.
Il est trop tôt pour analyser en profondeur la «réception» de ce texte par les fidèles catholiques. Et c’est plutôt bon signe. En renonçant – nous y reviendrons – à inscrire dans ce long document la «petite phrase» tant espérée par les uns et redoutée par les autres sur l’accès aux sacrements des divorcés remariés, le pape François, habilement, a coupé l’herbe sous les pieds de nombreux commentateurs et obligé chacun à aller y voir de plus près !
La longueur même du texte liée aux développements sur l’amour dans le couple, sa fécondité ou l’éducation des enfants, prouve, paradoxalement, que le pape François a bien compris les enjeux de la communication moderne. Il y a un demi-siècle ce texte, envoyé confidentiellement aux évêques, eut été mis en situation par chacun d’eux pour coller à la réalité de son «peuple». A l’heure du numérique, ces médiations n’existent plus. Ni le pouvoir qui leur était associé. C’est dire que par son opulence même et son ton direct ce texte échappe à ceux qui avaient pour habitude de s’en faire les commentateurs autorisés, pour s’adresser directement aux pasteurs et fidèles.
Sur les divorcés-remariés : rupture ou continuité ?
Il fallait s’y attendre, c’est la question des divorcés remariés qui nourrit le plus souvent la controverse dans les commentaires des réseaux sociaux. Avec ce «marronnier» (2) d’une mise en cause des journalistes qui, en survalorisant ce thème, auraient une nouvelle fois opposé un «synode des médias» au synode réel ! Belle hypocrisie ! Cette question hante les synodes diocésains de l’hexagone depuis des décennies, (3) constituant aux yeux de certains sociologues une : «zone de fracture majeure pour le catholicisme en France» (4) Et c’est bien la peur de voir remise en cause la discipline sacramentelle les concernant qui a nourri, depuis deux ans, bien des alarmes et mobilisé l’opinion contre les prétendus risques de rupture contenus dans les projets réformateurs du pape François. (5)
De fait, ce que l’on peut appeler la non-réception, par certains, d’Amoris Laetitia, porte sur cet aspect du document. Avec une belle opposition dans l’argumentation. Pour les uns, ce texte, «bien pire que le rapport du cardinal Kasper» qui avait pourtant servi d’épouvantail, «ouvre une brèche dans la doctrine morale antérieure». Bref il concrétise la rupture tant redoutée et doit être rejeté. Pour d’autres, au contraire, en ne contenant aucune formule explicite sur l’accès aux sacrements des divorcés remariés, le texte du pape François se situe dans la continuité de la discipline sacramentelle en vigueur dans l’Eglise. Il y a là une autre forme, plus subtile, de non-réception, développée notamment par le P. José Granados, vice-président de l’Institut Jean-Paul II et, pour la France, par le bouillant évêque de Bayonne, Mgr Marc Aillet.
D’une herméneutique de la continuité dans la pensée du pape François.
Analyse hautement risquée ! Les aficionados de l’herméneutique de la continuité feraient bien de se pencher sur cette même herméneutique dans la pensée du pape François. Bref rappel chronologique : dans l’avion qui, trois mois après son élection, le ramène des JMJ de Rio, répondant à la question d’un journaliste sur la situation douloureuse des divorcés-remariés, il dit sa conviction que «l’Eglise doit soigner les gens avec miséricorde». Le 5 novembre le document préparatoire au synode sur la famille annoncé pour 2014 et 2015 s’alarme du fait «que dans le contexte actuel tant d’enfants et de jeunes, nés de mariages irréguliers, ne pourront jamais voir leurs parents recevoir les sacrements…» Quelques semaines plus tard, on peut lire dans Evangelli Gaudium qu’il présente comme le programme de son pontificat : «les portes des sacrements ne devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison» ( 6) Ce sera son combat permanent – et le motif permanent de l’opposition de certains – durant toute la durée du synode jusqu‘à l’adoption du rapport final qui, sans trancher vraiment, lui laisse les mains libres sur cette question. (7)
On sait l’homme déterminé. Comment imaginer qu’à l’heure de rédiger son exhortation apostolique il ait pu opter pour un statu quo jusque-là combattu ? Impensable ! La bonne exégèse du texte semble donc bien être que la note 351 ouvre la possibilité non optionnelle aux évêques et aux prêtres d’accueillir les divorcés remariés aux sacrements, sous certaines conditions de discernement pastoral dont les modalités de mise en œuvre leurs appartiennent. (8) C’est en tout cas la lecture qui l’emporte largement parmi les évêques et qui, pour beaucoup, leur apparaît comme venant légitimer a posteriori la pastorale «de fait» qu’ils mettaient en œuvre depuis longtemps déjà dans leur diocèse.
L’expression du «bon sens de la foi»
Tout document de ce genre demande un certain temps de lecture, de compréhension, d’approfondissement et d’adhésion, à plus fortes raison lorsqu’il vient à ce point changer les perspectives comme l’exprime l’évêque d’Oran, Jean-Paul Vesco, ardent défenseur de «l’ouverture» pontificale. (9) Il est fort probable que ce texte sera «reçu» sans grande difficulté par une majorité du peuple croyant et de ses pasteurs. Pour la bonne raison qu’il est fondé en droit sur une délibération synodale valide et qu’il exprime le sensus fidei fidelium ce «bon sens de la foi» commun aux baptisés (pape, évêques, prêtres, laïcs…) du fait même de leur appartenance au Christ, tel qu’exprimé avec constance depuis longtemps au travers des synodes diocésains. Chacun ayant par ailleurs à l’esprit, à l’heure de l’œcuménisme, que la question des divorcés-remariés ne se pose même pas chez nos frères protestants pour lesquels le mariage n’est pas sacramentel et que les Orthodoxes ont depuis longtemps accédé à une pratique pastorale d’accueil aux sacrements sans avoir le sentiment de trahir l’enseignement du Christ.
En 2001, le théologien Bernard Sesboüé écrivait : «Le problème qui se pose aujourd’hui à l’Eglise catholique est de faire passer dans ses institutions l’esprit qui a présidé à la rédaction des documents de Vatican II, afin de donner à travers elles le signe concret d’un meilleur équilibre entre principe de présidence, principe de collégialité et principe de communauté.» (10) Ce vœu du retour à un magistère fondé sur le pape, les évêques et les fidèles, le pape François l’a réalisé avec ce synode. Et du fait même a fait tomber, chez beaucoup, une certaine prévention vis-à-vis du principe d’autorité en vigueur qui, plutôt que d’argumenter l’enseignement de l’Eglise préférait en affirmer l’éternelle vérité. On repense ici à la confidence du pape François aux évêques brésiliens, en juillet 2013 : «Peut-être l’Eglise avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme, mais non pour son âge adulte.» (11)
Une question de confiance
Les pourfendeurs de l’exhortation apostolique pensent avoir trouvé la parade en ergotant sur son degré «d’infaillibilité» lorsqu’ils n’en contestent pas purement et simplement le caractère magistériel. Ce texte, analyse par exemple le cardinal Burke, serait une simple opinion émise par le pape François qui n’engagerait pas l’Eglise. Un ange passe ! Trève de plaisanterie ce texte appartient d’évidence au magistère ordinaire-et-universel. Citons encore Bernard Sesboüé : «L’adhésion qui est demandée devant les interventions personnelles du pape est «la soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence», mais non l’acte formel de foi. Ceci suppose que le magistère authentique du pape – et aussi des évêques – peut légitimement enseigner des points qui ne relèvent pas formellement de la foi et ne sont donc point irréformables.» (12)
Tout semble dit. Que ce texte puisse soulever ici et là des questions de nature philosophique, théologique ou simplement pastorales qui méritent d’être prises en considération – comme l’exprime par exemple le philosophe Thibaud Collin – est une évidence qui ne dispense pas du devoir d’obéissance, sachant qu’en dernier ressort chacun est renvoyé à sa libre conscience. (13) Mais c’est bien à l’apôtre Pierre et à ses successeurs que le Christ a promis «Ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le Ciel», pas aux docteurs de la loi ni aux maîtres de philosophie. La question aujourd’hui posée aux catholiques est donc simplement une question de confiance envers un pape décidé à engager loyalement l’Eglise sur des nouveaux chemins d’évangélisation.
P.S. La préparation de ce billet m’a conduit à relire l’ouvrage Le Magistère à l’épreuve cité en référence. Je voudrais dire à cette occasion l’immense reconnaissance du laïc autodidacte que je suis envers le théologien et pédagogue de la foi qu’est Bernard Sesboüé.
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- Pape François, La joie de l’amour, chez divers éditeurs dont Bayard-Cerf-Mame, 264 p. autour de 4,50 €.
- Dans la presse, un marronnier est un sujet peu original qui revient régulièrement.
- Pour autant, une Instruction sur les synodes diocésains du 9 juillet 1997 (DC.2167 p.826-832) fait obligation aux évêques «d’exclure de la discussion synodale les thèses ou positions (…) qui ne concordent pas avec la doctrine…» et donc par voie de conséquence leur interdit de transmettre à Rome aucun vœu dans ce sens. De ce point de vue la «consultation» lancée par le pape François auprès des fidèles, dans la perspective du synode sur la famille, rompt avec ce durcissement.
- Nicolas de Brémont d’Ars, Catholicisme, zones de fracture, Bayard 2010, p.105
- Citons pour mémoire l’ouvrage collectif : Demeurer dans la vérité du Christ, Ed. Artège 2014, 312 p.
- Pape François, La joie de l’Evangile, n°47
- Les paragraphes 84 à 86 décrivent la nécessaire intégration des divorcés remariés à la vie ecclésiale.
- Que la note se réfère aux situations irrégulières en général ne permet pas de conclure que les divorcés remariés en soient exclus.
- Jean-Paul Vesco, Tout amour véritable est indissoluble, Ed. du Cerf, 2015.
- Bernard Sesboüé, Le magistère à l’épreuve, DDB 2001, p.262.
- Pape François, l’Eglise que j’espère, Flammarion-Etudes 2013, p.97-98
- Bernard Sesboüé op cit. p. 220
- Dans sa tribune libre déjà citée, l’abbé Claude Barthe évoque l’hypothèse d’une «objection de conscience» de la part de certains prêtres. On ne peut l’évacuer. Je ne suis pas compétent en la matière mais j’imagine qu’un évêque puisse dispenser un prêtre d’entendre en confession un divorcé-remarié si cela est contraire à sa conscience. J’imagine moins bien que lui-même puisse se prévaloir d’une même objection pour interdire à ses prêtres ce que l’exhortation semble désormais rendre possible.
C’est curieux comme ceux qui étaient « pour le pape » quand celui-ci défendait la « doctrine » pourtant souvent très liée à l’histoire plutôt qu’au dogme, se sentent soudain obligés de rappeler cette soit-disant doctrine quand le pape parle de pastorale ! Les mêmes sans doute auraient contesté le chemin que prend le bon pasteur de la parabole pour aller cherche la brebis perdue, du genre, « Il prend un chemin boueux, ce n’est pas propre, et puis les brebis sentent mauvais, etc. » Ça me fait penser au pharisien et au publicain…
Sur les réseaux sociaux, certains ironisent à mon égard, depuis des mois, sur la papolâtrie soudaine d’une génération de catholiques «progressistes» qui les avait habitués à plus de réserve voire de critique vis à vis du Vatican. Ce à quoi j’ai l’habitude de répondre par un égal étonnement devant les critiques à peine déguisées vis-à-vis du pape François, venant de ces mêmes catholiques qui nous opposaient régulièrement leur filiale obéissance au Saint-Père. Réponse du berger à la bergère !
Plus sérieusement, je pense – au risque de nouvelles attaques – qu’il y a dans notre attitude plus de cohérence. Car enfin, c’est en effet un certain principe d’autorité (Bernard Sesboüé parlerait, plus justement, d’une reduplication du principe d’autorité) que notre génération a toujours mis en cause. On n’obéit pas au pape en toute chose parce que c’est le pape (ou à l’Eglise parce que c’est l’Eglise) indépendamment de la justification qui nous est donnée de leur enseignement, légitimement ouvert à l’examen selon des principes bien établis lorsqu’il ne s’agit pas du strict dépôt de la foi. Vatican II l’avait parfaitement compris et mis en œuvre, bien avant les « contestations » de Mai 68 où le principe d’autorité a été, de fait, remis en cause vis-à-vis de toutes les institutions : université, justice, armée, entreprise… Eglises. C’est pourquoi nous nous sommes – effet générationnel aidant – si bien reconnus dans ce Concile.
Faut-il s’étonner de nos réserves vis-à-vis des papes Jean-Paul II et Benoît XVI dès lors que, quels qu’aient pu être par ailleurs leurs charismes et leurs gestes prophétiques, ils se sont engagés résolument dans un « serrage de boulons », une reprise en main pastorale et cléricale du peuple chrétien, tournant le dos aux intuitions du Concile ?
Nos détracteurs prétendent que leur «filiale soumission» à JPII et BXVI ne venait pas d’une sympathie pour leurs idées mais d’un simple devoir d’obéissance… Soit ! Alors qu’ils obéissent pareillement à François ! Si aujourd’hui nous «adhérons» plus volontiers à son enseignement, ce n’est pas parce que c’est le pape – ce en quoi nous sommes cohérents avec nous-mêmes – mais parce que l’écclésiologie qu’il met en œuvre est bien celle de Vatican II, voulue par l’Eglise catholique, à laquelle notre génération, c’est vrai, est particulièrement attachée.
Merci d’avoir provoqué cette clarification. Il n’est pas exclu que je consacre un jour un « billet » de ce blogue à ce thème qui m’est cher.
Ce qui doit gêner le plus certains opposants, menés par un cardinal à dentelle et cappamagna limogé à Malte, ce n’est pas tant la note 351 que le n° 305 d’Amoris laetitia :
« Par conséquent, un Pasteur ne peut se sentir satisfait en appliquant seulement les lois morales à ceux qui vivent des situations ‘‘irrégulières’’, comme si elles étaient des pierres qui sont lancées à la vie des personnes. C’est le cas des cœurs fermés, qui se cachent ordinairement derrière les enseignements de l’Église « pour s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et superficialité, les cas difficiles et les familles blessées »… »
Dans ce n° d’Amoris laetitia :
1 – l’allusion des pierres lancées à la vie des personnes est référence à Jn 8,1-11 : la femme adultère;
2 – les cœurs fermés, référence aux cœurs de pierre que Dieu peut remplacer par des cœurs de chair, capables de miséricorde (Ez 36,26).
3 – Ceux qui sont dans la cathèdre de Moïse, en Mt 23,1-35 sont ceux qui attachent de pesants fardeaux sur le dos des gens mais ne les aide pas du petit doigt …
Il y a vingt siècles, des pharisiens et des scribes ont fait tuer quelqu’un pour ces propos séditieux.
Le serviteur n’est pas au dessus du maître. Puis-je, en toute immodestie, vous proposer de relire le billet publié sur ce blogue le 15 mars 2013, quarante-huit heures après l’élection du pape François ? https://www.renepoujol.fr/pour-une-paternite-spirituelle-du-monde/
Voici un texte que je ne résiste pas au désir de faire partager. Il dit l’ampleur de la non-réception du texte dans certains milieux catholiques. Avec un appel non dissimulé à la désobéissance, au nom de la vérité. Voici le dernier paragraphe du texte :
« Chaque cardinal, mais aussi chaque évêque et chaque prêtre est appelé, dans son propre domaine de compétence, à maintenir la discipline sacramentelle catholique et à le professer publiquement. Si le pape n’est pas disposé à introduire des corrections, il reviendra au prochain pontificat de remettre les choses en place officiellement. »
http://benoit-et-moi.fr/2016/actualite/le-chaos-erige-en-principe-dun-trait-de-plume.html
Cher René,
en sens inverse des non-réceptions, en voici une tout à fait remarquable à plus d’un titre, celle de l’abbé Guillaume de Tanoüarn, rallié comme exclu de la fraternité St Pie X et fondateur de l’Institut du Bon Pasteur. Cette phrase de conclusion résume tout : « C’est dans cette universalité ecclésiale revendiquée, c’est dans un esprit missionnaire (et non dans un confessionnalisme étriqué) qu’il faut lire l’exhortation apostolique sur la Joie de l’amour. » Mais j’aime aussi beaucoup : « la miséricorde qui non seulement ne casse pas les prix mais nous rend plus chers aux yeux de Dieu, qui que nous soyons. »
Mais je vous laisse découvrir le reste publié sur Aleteia (ce qui ne gâche rien en l’occurrence)
http://fr.aleteia.org/2016/04/16/amoris-laetitia-un-manuel-de-misericorde/
Par ailleurs la lecture de Mgr Dominique Rey a été aussi une bonne surprise, même si la note de bas de page n’est pas l’essentiel pour lui. Il s’agit d’un « manuel de théologie pastorale ».
https://www.facebook.com/monseigneurdominiquerey/videos/1097244246985013/
Le texte de Guillaume de Tanoüarn contient de bons passages, mais sur le fond, il omet quand même des choses essentielles. D’abord, il semble nier qu’Amoris laetitia soit un texte de rupture, or c’est une évidence : l’exhortation apostolique du pape François change explicitement et sans la moindre ambiguïté possible la discipline imposée naguère par une autre exhortation apostolique, celle de Jean-Paul II, Familiaris consortio. Cette rupture, Guillaume de Tanoüarn semble refuser de la voir.
Il se ferme aussi les yeux sur la situation des homosexuels. Selon Tanoüarn, le pape François ne ferait, dans Amoris laetitia, que rappeler la doctrine catholique sur le sujet. Or, c’est un mensonge. Si le pape refuse (à tort, à mon avis) de faire une analogie entre mariage homo- ou hétérosexuel, il est tout de même à noter qu’il ne rappelle nulle part l’idée (toujours erronée, à mon avis) selon laquelle les actes homosexuels seraient « intrinsèquement désordonnés ». On me dira que le pape ne dit pas non plus le contraire ; certes, mais c’est révélateur.
Et surtout, le fameux paragraphe 305, avec sa note 351, ne se contente pas d’ouvrir les sacrements aux divorcés remariés : il les ouvre à toutes les situations considérées comme irrégulières, y compris donc aux couple homosexuels stables ou mariés. Encore quelque chose que M. de Tanoüarn ne veut pas voir. Tout cela limite fortement la portée de son analyse.
Cher ami, merci pour votre commentaire.
Je voulais insister sur le fait que venant d’un abbé traditionaliste, ou plutôt en l’occurrence traditionnel, son adhésion enthousiaste à l’exhortation de la miséricorde faisait déjà rupture. La force du propos vient de son contenu valorisé par son origine. Vous allez certes plus loin dans l’exégèse du texte, mais c’est logique, car je vous comprends manifestement affranchi du dogme, notamment en ce qui concerne le cœur de l’exhortation, le mariage et les fondements de la famille. En cela vous dépassez non seulement l’abbé tradi « éclairé », mais je pense aussi le pape : la nouvelle loi de « miséricorde pour tous » n’est pas celle du « mariage pour tous ».
Car c’est le but même de cette exhortation, après deux synodes sur la famille, de rappeler le rôle fondateur du mariage, union de l’homme et de la femme pour donner la vie et fonder la famille, et de la famille, habitat naturel de la personne, lieu de solidarité et église domestique, pour fonder la société.
Pour le reste je vous rejoins sur la rupture qui fait de la conscience du péché et de sa repentance, avec le seul jugement des personnes par Dieu, le postulat de la miséricorde : c’est la loi nouvelle, qui n’est autre que celle du Christ. Ainsi est accomplie la loi, qui n’est pas abrogée, si je comprends bien le pape, et d’autres. L’abbé de Tanoüarn insiste bien sur l’universalité de cette miséricorde, qui inclut donc toutes les situations « complexes », homosexuels compris. La miséricorde nouvelle, qui n’est autre que l’amour de Dieu à travers Jésus, c’est que plus personne n’est condamné éternellement, et jamais par les hommes, qui pourtant ne s’en privent pas : face à la norme de la vie dans le mariage, union indissoluble de l’homme et de la femme, nous devons discerner, avec nos pasteurs, face au faits réels et à notre propre conscience, celle que nous avons de ces faits avec le « poids des conditionnements » de la société profane.
Cette exhortation est aussi celle de la laïcité.
C’est ainsi que la loi de « miséricorde pour tous » qui englobe toutes les situations « complexes » change toute la perspective en ne condamnant plus explicitement. Mais la reconnaissance sans condamnation de la « grande diversité des situations familiales », avec les unions de fait dont les unions homosexuelles qui peuvent apporter une « certaine stabilité », respecte la loi vitale, celle de la création, dans le fait que ces unions « ne peuvent pas être placidement comparées au mariage « (art 52)
Car le Saint Père rappelle que nous avons le devoir de « »sauvegarder notre humanité, et cela signifie avant tout de l’accepter et de la respecter comme elle a été créée. » (art 56)
Pour finir, je pense que le fait même de vouloir insister exagérément sur la rupture qui fait de la norme de miséricorde la norme morale et abroge de ce fait l’ »exclusivité » autoritaire de la règle religieuse, provoque un conflit entre les « pour » et les « contre » contraire à l’esprit de miséricorde et à la joie de l’amour. Cela entraîne de facto le résultat inverse à celui recherché : l’exclusion et non l’intégration.
La loi nouvelle qui « fait rupture » aujourd’hui, c’est que la « théologie pastorale » n’est pas un simple « manuel », comme la nomme Mgr Rey, mais devient théologie morale, en regardant l’humain souffrant comme figure de Dieu, pour cheminer avec lui vers son idéal de création, la vie d’amour avec son Créateur : c’est la condition et la garantie de sa survie.
N’en profitons pas en le disant pour vivre le contraire : nous diviser et Le rejeter. Merci donc à vous, et à René, pour ce débat apaisant que nous pouvons avoir ici.