La polémique lancée par Pierre Bergé était sans doute mal venue. Mais en mettant l’accent sur les conditions des appels à la générosité des Français il ouvre un vrai débat.
Le moment, d’évidence, était mal venu. Aussi mal venu que l’initiative prise en novembre 2006, par le site internet du diocèse de Fréjus-Toulon publiant un texte – du à une initiative individuelle – appelant au « boycott » du téléthon au motif qu’une partie de l’argent des donateurs servait à financer des actions contraires à l’éthique catholique. Le questionnement n’était pas illégitime. Le moment et la proposition d’action étaient, pour le moins, mal choisis.
Pierre Bergé préside le sidaction qui, bon an mal an, recueille cinq fois de dons que le téléthon (19,4 millions en 2008 contre 105 millions). Dans sa charge il fait valoir que les 100 millions de recettes du téléthon ne servent que la recherche sur la myopathie qui concerne… 4 000 malades. « Je trouve cela excessif » confie-t-il au Figaro Magazine.
J’avoue mon incompétence pour trancher ici de la pertinence des investissements opérés par l’Association française contre les myopathies et du bien fondé des « immobilisations » de fonds annuelles à hauteur de 120 millions d’euros. Mais je fais confiance à la Cour des Comptes pour nous dire si cela est ou non correct.
La question doit, me semble-t-il, être située sur un autre niveau. Quelle que soit la sympathie que l’on peut avoir pour la lutte contre la myopathie on peut tout de même se demander s’il est légitime que le service public de télévision mobilise, chaque année, trente heures durant, tous ses moyens, pour cette seule cause ? Les restos du coeur bénéficient de leur côté, depuis vingt ans, du concert des enfoirés retransmis à la télévision par TF1. Les autres associations ont beau jeu de faire valoir qu’elles ne bénéficient pas d’un tel soutien médiatique, sans doute non extensible, mais qui semble « figé » ad vitam aeternam sur ces deux seules causes.
Certes, le gouvernement, par le biais des « grandes causes nationales » annuelles, permet à d’autres associations de bénéficier à leur tour d’un réel coup de pouce, sous forme d’accès à la publicité télévisée sur les chaines du service public. Mais est-ce suffisant pour rétablir une forme d’équité ? Il n’est pas inconvenant de formuler au moins la question !
Pour autant la liste des 15 associations qui, en France, reçoivent le plus de dons fait apparaître, par exemple, que le Secours Catholique se situe en deuxième position derrière l’AFM et devant les restos du coeur. Sans soutien médiatique comparable. Ce qui prouve bien que cet aspect là, même important et inégalement réparti, n’est pas le seul à entrer en jeu.
Une dernière réflexion s’impose : le mérite du téléthon, quel que soit le soutien exceptionnel dont il dispose, a été de mobiliser, à travers la France, des centaines de milliers de « bénévoles d’un jour » ou de plusieurs… Il suffit de lire la presse régionale, à l’approche du « grand jour », pour s’en convaincre. On peut penser que cette mobilisation de l’opinion qui accepte de se décentrer de ses propres problèmes pour s’ouvrir à une démarche de solidarité, sert, par capilarité, toutes les causes présentes sur le « marché » de l’humanitaire, du caritatif, ou de la recherche médiacale. De ce point de vue on pourrait dire que le succès dont il bénéficie rejaillit également sur les autres. Voilà quelques éléments de réflexion personnels. Le débat reste ouvert !