«Et surtout, reste catholique !» Curieuse injonction en guise d’au-revoir, au terme d’un bref séjour romain de 72 heures.
L’ami qui «ose» la formule, avec humour, ne doute guère de mes convictions religieuses. Il sait néanmoins la somme d’interrogations à laquelle peut conduire une immersion, même brève, dans la machinerie vaticane. L’accueil des dicastères (ministères) est courtois, parfois chaleureux. L’échange peut-être «franc», de part et d’autre. Mais il laisse peu de place aux interrogations. Le poids des certitudes est ici égal à celui de la Tradition. Le temps de l’Eglise n’est pas celui du monde, à plus forte raison celui du monde des medias. On devine, par moment, que la question soulevée pourrait un jour trouver sa réponse… dans quelques années ou quelques décennies. Si le bien de l’Eglise l’exige ou y autorise !
A Rome, les foules pèlerines se pressent avec ferveur. Ces jours-ci, en début d’après-midi, la file d’attente pour entrer dans la basilique Saint-Pierre peut s’étirer jusqu’à l’extrémité de la colonnade du Bernin. Ce matin, plus de vingt mille personnes se pressaient sous le soleil, pour l’audience hebdomadaire. Comme tous les mercredis le pape a parcouru les travées, debout dans sa voiture blanche, sous les vivats de la foule et le crépitement des appareils photos. Puis, au terme d’une longue méditation spirituelle, lue en italien, il a salué les nombreuses délégations présentes, venues des quatre coins du monde catholique, rivalisant de démonstrations de joie à l’évocation de leur nom. Parmi elles, les diocèses normands et celui de Gap et Embrun. C’est ce qu’on appelle «faire son métier de pape». On devine la charge que cela doit représenter pour un homme de 85 ans à la santé fragile, dont les bains de foule ne sont pas à proprement parler la «tasse de thé». Cette image de liesse et de ferveur populaire autour de sa personne et de la fonction pontificale, est une donnée incontournable du catholicisme contemporain.
Le Palais-de-Dieu au bois dormant.
Il en est d’autres, moins immédiatement perceptibles, mais aussi lourdes de sens. En ce mois d’avril 2012, le Vatican ressemble à ce «Palais-de-Dieu au bois dormant» dont parlait Joseph Delteil dans son Jésus II. La personnalité du Pape Benoît XVI est moins en cause que son âge avancé et l’évidente fatigue dont témoignent ceux qui l’approchent. Récemment confortée par la nomination de nouveaux cardinaux dans ses rangs, la Curie (gouvernement) tient fermement les rênes. Et les familiers des lieux, si attachés soient-ils à l’Institution, ne sont pas à court d’anecdotes sur les rigidités et les disfonctionnements d’une administration un peu livrée à elle-même, convaincue depuis toujours d’être un «rempart». Au point d’inviter tout «bon catholique» à faire silence sur ses possibles faiblesses, afin de ne pas affaiblir l’Eglise. Comme si, de ce point de vue, rien n’avait vraiment changé depuis le Concile de Vatican II, dont on va célébrer cet automne le cinquantenaire.
Difficile pour le journaliste, présent à Rome en ces jours, de ne pas interroger ses hôtes sur la réponse jugée «encourageante» de Mgr Bernard Fellay, chef de file de la FSSPX (Fraternité sacerdotale Saint Pie X) reçue par le Vatican. Sur le contexte, les commentaires se font sans réticence. Pour la première fois, semble-t-il, les héritiers de Mgr Lefebvre ont accepté de répondre aux questions soulevées par le «Préambule doctrinal» qui leur a été soumis. Après avoir, durant des mois, tergiversé et mis a rude épreuve les nerfs des quatre membres de la commission Ecclesia Dei chargée de renouer le dialogue, par leur constante prétention à vouloir «Ramener Rome à la vraie foi». Reste à ladite commission à «évaluer» au plan doctrinal les réponses de Mgr Fellay et à en référer à Benoît XVI dont chacun, ici, souligne que lui seul détient les clés de la décision finale de nature canonique.
Brebis égarées… retour de l’enfant prodigue ? Voire !
En «bon berger», on sait Benoît XVI désireux, comme son prédécesseur, de tout faire pour réduire le schisme et ramener au bercail les brebis égarées. D’autres préfèrent évoquer «le retour de l’enfant prodigue», invitant les fidèles à ne pas adopter la dureté de cœur du fils aîné de la parabole. L’une et l’autre images se heurtent à des objections aujourd’hui sans réponse. S’agissant du retour de l’enfant prodigue, on imagine mal Mgr Fellay et ses proches revenir dans le «giron» de la Sainte Eglise catholique, avec repentance, la demande de pardon aux lèvres : «Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils…». Ici, à Rome, certains observateurs pressentent plutôt un «Ralliement partiel, triomphaliste et ambigu». Quant à la brebis perdue, il est peu probable que Mgr Williamson et les «durs» de la FSSPX adhèrent à un possible accord avec Rome souhaité par des catholiques sincères, désireux d’entrer à nouveau en communion avec l’Eglise. Ce qui laisse présager une pérennisation du schisme… nul ne pouvant empêcher l’évêque dissident et révisionniste d’ordonner à son tour des évêques, comme le fit Marcel Lefebvre.
Faut-il vouloir retenir des catholiques… déjà protestantisés ?
«Les français sont obsédés par cette question» s’étonne-t-on, ici ou là, au Vatican. Il est vrai qu’en Italie, en Espagne, ou ailleurs, la question du traditionnalisme ne recouvre guère que la préférence de certains fidèles pour la liturgie de Saint Pie V, sans ce relent de maurrassisme et d’antisémitisme qui caractérise la situation Française et, de manière moindre : l’Allemagne et la Suisse. Suggère-t-on à son interlocuteur que les Français sont également obsédés par un autre schisme, silencieux celui-là, que Rome semble ne pas vouloir connaître, on devine bien vite que la question, ici, a trouvé sa réponse. l’Eglise ne va pas changer une Tradition deux fois millénaire pour satisfaire à des revendications qui prennent leur distance avec la foi catholique. D’ailleurs, souligne l’un de nos hôtes : «les prêtres autrichiens qui appellent à la désobéissance appartiennent tous à la génération soixante-huit». Avant de poursuivre, sans état d’âme apparent : «L’Eglise vit un moment de purification.»
Et l’on devine, en filigrane, derrière ce constat, qu’il n’est peut-être pas nécessaire de vouloir retenir des catholiques, hommes et femmes, déjà en partie protestantisés, dont on ne sait plus très bien s’ils croient toujours en la Présence réelle, en l’indissolubilité du mariage, s’ils prient encore, fréquentent les sacrements et se soucient réellement de transmettre la foi à leurs enfants ! Un tel déni de la réalité laisse sans voix. Et soulève quelques questions : les évêques Français partagent-ils cette analyse ? Ont-ils acté la disparition prochaine d’une «génération sacrifiée» ou plus exactement «perdue», sur les ruines de laquelle ils pourraient rebâtir enfin une Eglise pacifiée, à l’abri des questionnements intempestifs ? Et si tel n’est pas le cas, peut-on imaginer, lors des prochaines visites ad-limina, qu’ils tentent respectueusement de dessiller les yeux des responsables des dicastères romains sur l’enjeu réel de cette hémorragie au regard de la nouvelle évangélisation ?
Lux in arcana, retour sur l’Histoire douloureuse de l’Eglise.
En ce printemps pluvieux, il est un autre lieu dans Rome où l’Eglise catholique se donne à voir… jusqu’au mois de septembre prochain. Le Musée du Capitole accueille l’exposition «Lux in arcana» (lumière sur les secrets) qui présente au public 100 documents originaux : manuscrits, parchemins, codes, registres, sortis des archives secrètes (privées) du Vatican à l’occasion du 400e anniversaire de la création de cette «section». Des documents datés du VIIIè siècle à nos jours, connus des spécialistes et des historiens bien que rarement exposés ainsi côte à côte. Par quelle malice le public semble-t-il s’attarder plus longuement devant le rouleau de parchemin, long de 60 mètres, où furent transcrits par trois cardinaux les 231 dépositions du procès des Templiers, voulu par Philippe le Bel ? devant l’acte d’accusation de Galilée, des pièces du procès de Giordano Bruno, la bulle d’excommunication de Martin Luther ou la lettre d’Erasme prenant sa défense auprès du pape ? Autant de témoignages émouvants d’une Histoire douloureuse qui nous rejoint en notre siècle !
A la Villa Bonaparte, résidence de l’ambassade de France près le Saint-Siège, on se prépare au rendez-vous de l‘automne prochain où le nouvel ambassadeur devra accueillir les évêques Français en visite ad-limina, dans un contexte qui pourrait s’avérer délicat. Ces visites coïncideront, si François Hollande est élu, avec la période où il entend soumettre au parlement français ses projets de loi sur l’euthanasie et le mariage homosexuel. Evolutions sociétales dont on sait combien elles irritent le Saint-Siège. Ce qui pourrait bien conduire quelques évêques à «monter au créneau» plus rudement peut-être qu’ils ne l’auraient fait si leur voyage à Rome avait été programmé à une autre période. Pas de quoi, cependant, faire perdre leur flegme aux diplomates Français en poste dont on devine «qu’ils en ont vu d’autres…»
Un beau visage d’Evangile !
Evoquant François d’Assise, l’un de nos interlocuteurs au Vatican avait eu cette phrase : «Plutôt que de contester l’autorité, il a choisi de vivre l’évangile.» Cette pensée m’habite tandis que notre délégation, serrée autour de l’autel de sa chapelle privée, célèbre l’eucharistie avec le cardinal Roger Etchegaray. Je suis venu bien des fois lui rendre visite. L’homme va sur ses quatre vingt-dix ans. Mais il rayonne d’intelligence et de bonté. Serviteur fidèle de l’Evangile il a parcouru le monde, à la demande du pape Jean Paul II, partout où l’Eglise pouvait aider à promouvoir la paix et la réconciliation entre les hommes. Il n’en tire aucune gloire, se contentant d’évoquer ses souvenirs comme ce jour où il vit perler quelques larmes sur les joues de Fidel Castro, par la seule évocation de la probable rencontre de leurs mères respectives, au paradis, d’où elles les protégeaient.
A l’automne prochain, il devrait publier un «petit livre» en forme de testament spirituel. Il y revisitera son itinéraire personnel, abordant les questions les plus brûlantes de l’heure, mais surtout témoignant de sa rencontre avec Jésus. «Je voudrais dire que cela vaut la peine de vivre et d’être chrétien.» Titre provisoire : Emerveillez-vous ! Installés dans le salon qui jouxte son bureau, il jette sur notre petite troupe un regard circulaire : que des laïcs. Ce qui lui fait penser au Concile dont il fut un artisan discret mais déterminé : «Souvenez-vous toujours que les Pères ont décidé, dans Lumen Gentium, de positionner le chapitre sur l’Eglise «peuple de Dieu» avant celui sur sa structure hiérarchique.»
Appuyé sur sa canne, soutenu par le bras d’un confrère, il nous reconduit à l’ascenseur au bout de la longue loggia qui ouvre sur les toits de la Ville Eternelle. A l’heure de l’au-revoir, spontanément, lui et moi nous embrassons, pour la première fois.
L’église Santa Maria in Transtevere, animée par la communauté de Sant’Egidio, n’est qu’à deux pas, sur le chemin du retour. A cette heure matinale, la nef baigne dans la pénombre. Soudain, par la magie d’un euro glissé dans la fente d’un tronc, l’immense mosaïque qui surplombe l’autel s’illumine. Le Christ y déploie tendrement son bras sur les épaules de Marie. Quelques instants de bonheur avant que ne revienne l’obscurité.
Pour moi, c’est une nouvelle escapade romaine qui prend fin. La trentième, la cinquantième ? Je ne sais. Dans le couloir de la passerelle qui conduit à l’avion du retour je repense à l’invitation : «Et surtout, reste catholique !»
Merci pour l’ensemble de ce message … en particulier le dernier paragraphe sur le Cardinal Etchegaray… belle journée à vous ….
je me retrouve à lire ces lignes
oui « ni partir, ni se taire »
telle est la question!
garder confiance…
envers et malgré tout
il y a plusieurs bergeries dans la maison du Père
et Dieu refusa Babel
prions pour que rome intégre cela!!
Merci pour ce texte.
Il faut se faire à l’idée que nous avons changé de monde.
Etre peu n’est pas si triste :
«L’Eglise vit un moment de purification.»
Rome lâcherait l’Europe, et surtout la France, trop libre ?
Et alors, est ce si grave ?
Un grand nombre d’entre nous n’échappe pas à la règle : nous restons plus indécrottablement romains que véritablement catholiques, attachés viscéralement à Rome, à ses fastes et à sa com’. Or, en Europe, comme dans la Genèse au 6ème jour, comme lors de la Passion au soir du vendredi, Dieu s’absente comme avant la Résurrection. L’Eglise se tait ou n’est plus audible, et Dieu parait mort dans la bouche de nos contemporains. Dans la bouche, mais peut-être pas dans les coeurs.
Rome semble nous abandonner ? Eh bien, « sachant que ce n’est pas par les oeuvres de la loi que l’homme est justifié, mais par la foi en Jésus Christ » (Galates 2, 16), nous devons continuer à annoncer l’Evangile, de façon catholique, c’est-à-dire universelle.
Pendant ce long Samedi Saint, on ne reste pas sans rien faire, on avance sans les cloches.
Merci pour vos commentaires. En fait, nombre d’amis, ont répondu à ce texte soit directement sur FB soit par message perso. Dommage ! Je me retrouve bien dans votre ressenti. @Thierry : j’ai moi-même développé dans une conférence sur l’Eglise (sur ce blog, partie gauche) cette idée que les Eglises n’échappaient pas au mystère pascal : certaines en étant au Jeudi saint, d’autres connaissant le calvaire du Vendredi saint et d’autres encore – dont nous sommes – le grand silence du samedi saint… qui précède juste la Résurrection. Ayons confiance et continuons à nous exprimer avec la « liberté des enfants de Dieu ».
«Plutôt que de contester l’autorité, il a choisi de vivre l’évangile.»
Remarque tout en malice d’un représentant de l’autorité…
Pourtant, c’est le pouvoir qui est au service de la Parole et non l’inverse.
Quand le Christ visite la curie romaine, est-il reconnu?
Merci pour ce texte et surtout merci à Thierry pour son commentaire vivifiant
Merci René pour cette réflexion et ce témoignage! C’est vrai que nous avons le sentiment d’être entré dans une saison hivernale, le printemps conciliaire est bien loin. Personnellement je me console en voyant poindre des pousses parfois lointaines, mais combien aura-t-on perdu ou découragé de femmes et d’hommes qui sont l’Eglise.
Le dernier livre de Joseph Moingt est une lumière dans cet hiver et même si un prélat français aurait dit « le Père Moingt , il n’est plus chrétien ! », je me régale de cette liberté exprimée dans » Croire, quand même », il faudrait tout citer aujourd’hui je retiens cette phrase: « l’Evangile ne donne pas des préceptes de religion, il apprend aux hommes à vivre en hommes. »
Merci encore de partager regard et réflexion! !
@El papa. La question est cruelle mais il faut relire sans se lasser la légende du Grand Inquisiteur dans les frères Karamazov de Dostoievski. La tentation demeure ici ou là dans l’Eglise de considérer qu’en appelant les hommes à la liberté Jésus a commis une bévue en ls surestimant, car ils n’aspirent qu’au pain et à la sécurité et sont prêts pour les avoir à abdiquer leur liberté. Ce serait à l’institution cléricale d’assurer la survie de l’Eglise en en gommant toute perspective utopique. Dans son Jésus II, Delteil renouvelle le genre avec bonheur en imaginant Jésus revenant voir le Pape. Avec cette phrase extraordinaire : « Dieu est Dieu, dit le pape. Et l’homme est son prophète répondit Jésus ! »
@Bernard. Bien d’accord. Je vais lire Moing. Je l’avais déjà beaucoup aimé dans un article de la Revue Etudes sur les femmes dans l’Eglise. Numéro qui avait été retiré de la distribution lors d’un rassemblement des jeunes de Chrétiens en Grandes Ecoles pour ne pas les scandaliser (les pauvrets ! ) Et surtout, par peur que ces petits jeunes de la bonne bourgeoisie catho ne tournent le dos à leurs aumôneries convaincues de gauchisme ! C’est comme cela qu’on va sauver l’Eglise. lol !
@ Bernard
Hiver ou printemps ? Les expériences sont diverses à cet égard. Quand j’étais adolescent dans les années 80-85, j’avais l’impression que c’était « morne pleine », que l’Eglise n’était pas intéressante, pas attirante. Puis il y a eu un tournant, notamment les JMJ avec JPII qui furent décisives. Aujourd’hui, quand j’observe la jeune génération, que ce soit à travers mes trois grands enfants qui ont entre 16 et 21 ans, les jeunes de la paroisse ou encore les scouts dont je me suis occupé comme chef de groupe, je vois des jeunes qui sont à l’aise dans l’Eglise et à l’aise dans le monde, qui ont confiance en ce qu’enseigne l’Eglise. Pour eux, ce n’est pas l’hiver dans l’Eglise.
@ Guillaume. Bernard te répondra – ou pas – selon son choix. Si je partage une forme de pessimisme c’est que l’Eglise semble se satisfaire du petit troupeau et, comme toi, de voir que des jeunes « y croient » encore. Je ne m’en plaindrai pas. Mais le autres, tous les autres… qui s’en vont sur la pointe des pieds, qui ne comprennent plus le langage de l’Eglise ? En cette période d’élections va donc expliquer autour de toi à des non-cathos la querelle du « non-négociable », je te promets de beaux éclats de rire ! Oui, Guillaume, je crains que l’Eglise après avoir « purifié » ses rangs de tous les mal-pensants ne soit en train de se constituer en une petite secte cool où l’on passe son temps à se congratuler et s’auto-convaincre que l’on possède la Vérité en tous domaines et e toute éternité, même sur des questions qui ne se posaient pas il y a encore dix ans ! Pardon de ne pas nous résigner à cet enfermement !
1 – Les effectifs délaissés
Si on regarde quelques chiffres, notre bon René a raison, peut-être même au delà de ses craintes :
* Intégristes dans le monde : 200 000 et je crois être généreux
* Protestants ex catholiques en France seulement: 127 000 (déduit de sondage IFOP pour Réforme juillet 2010). Si on ajoute le reste du monde, on parle en millions de catho qui sont partis sans bruit… ils ont trouvé à manger ailleurs, car ils mourraient de faim chez nous, alors que l’on nous a dit « donnez leur vous-même à manger »…
2 – La « purification », où la bêtise à l’oeuvre. C’est que je vous propose dans la parabole des loups gris :
‘Un jour, le Grand Loup décida que les loups noirs devaient être bannis. Ce qui fut fait sans état d’âme – mais les loups ont-ils une âme ?
Quand la meute se réunit à nouveau, quelques loups trouvèrent que certains loups, sans être strictement noirs, y ressemblaient quand même… et ces loups anthracite furent bannis, eux aussi…
Je vous laisse deviner comment, plus tard, le Grand Loup, trop gris fut banni par le dernier loup blanc, qui mourût, dit-on, de faim, car il était le dernier, et, sans meute, les loups ne peuvent plus chasser efficacement… »
Y-aurait à Rome des loups blancs, ou qui se croient tels ?. Attention : on est toujours le loup gris d’un loup plus blanc, sauf à être le dernier loup blanc.
Je voudrais revenir sur l’interprétation du fils prodigue. Ce fils, qui a dilapidé la moitié de la fortune familiale, décide – revenant en lui-même – d’apprendre par coeur – PAR COEUR ! – une phrase afin de fléchir le coeur de son père, coeur qu’il imagine dur comme la pierre. Et lorsqu’il aperçoit son père, il lui ressort cette fameuse phrase in extenso, jusqu’à ce qu’il soit interrompu par son père, qui n’a rien à faire de ce misérabilisme artificiel. C’est si je ne m’abuse, la seule fois qu’apparaît une telle manipulation dans les évangiles : comment nous dire plus clairement que le fils ne pense pas un mot de ce qu’il dit ? tout fils sincère ne se serait-il pas précipité dans les bras de son père en pleurant et en se contentant d’un « papa » submergé d’émotion ?
À mon sens, ce que veut nous dire Jésus à travers cette parabole, c’est que ce qui compte pour le Père, c’est la volonté de revenir, pas la contrition. Et il me semble bien que c’est le choix de Benoît XVI : il a attendu patiemment que les Lefèbvristes aient cette volonté de revenir, et à ce moment il a ouvert ses bras de père.
Le cas des fidèles (!) quittant l’Eglise catholique est – en ce sens – très différent : ils ont la volonté de partir, et on ne peut, face à cette volonté, que pleurer en constatant notre propre péché, nos insuffisances qui les poussent ailleurs. D’ailleurs tous ceux que j’ai rencontrés mentionnaient l’indigence de l’accueil et de la joie, pas les exigences romaines. À ce propos, je suis perplexe devant les deux points de « Lecteur et acolyte ». Le premier entre dans une espèce de comptabilité électorale qui me fait frémir, surtout en ce moment : c’est exactement ce genre de calculs qu’on reproche à nos politiciens. Sur le second, la parabole est amusante, …mais me semble parfaitement inadaptée : c’est le grand loup qui décide le bannissement, pas les loups noirs qui décident de partir (la volonté, encore) d’eux-mêmes. Il ne s’agit dans l’Eglise pas d’une purification, juste d’un chemin de sainteté qui passe par un dépouillement de vieil homme (mon pseudo montre qu’il me reste à cet égard du travail…) et que tout homme est libre de gravir, ou d’abandonner plus ou moins définitivement. Une autre grande différence est que la couleur du loup concerne l’être, et non pas le comportement.
Sur les points non-négociables, il se trouve que j’en ai moi-même beaucoup parlé à des non-cathos, et je n’ai encore jamais récolté le moindre éclat de rire. Au contraire « mes » non cathos (par ce « mes », je conviens de les considérer comme non-représentatifs) sont très intéressés par la démarche de l’Eglise : ils apprécient que celle-ci n’agisse pas en GPS (« tourne à droite », « tourne à gauche »… mais en boussole qui indique le ciel et qui se contente de signaler les précipices casse-gueules, les montagnes infranchissables et les océans engloutissants ; en nous laissant libre de choisir le chemin qui nous convient.
Veuillez pardonner ma logorrhée, que Dieu vous bénisse !
@ Vieil imbécile (mais non, pas si vieux ni si imbécile…)
Pour faire court, je n’ai pas été assez clair, aussi, je complète ce que j’avais en tête et que je n’ai pas écrit :
1 – les nombres sont là seulement pour montrer que si l’on s’intéresse à un petit nombre d’intégristes, c’est que l’on juge probablement que c’est faire, mais que si en même temps on ignore ou pire on laisse consciemment une hémoragie plus grave saigner, là, je peux me poser des questions sur les bergers indifférents à certaines brebis qui s’en vont ?
J’ai laissé sur un autre blog catho un tableau de la décroissance des catholiques pratiquants qui sont passé de 20% des français en 1972 à 6% en 1987 et à 4.5% en 2009, alors que le % des non pratiquants est quasiment constants autour de 60% des français : les chiffres viennent de sondages IFOP pour des journaux catho.
2 – La parabole des loups gris est un appel à ne pas exclure quand on est d’accord sur l’essentiel : si la nature nous a fait loups, il faut vivre en loup sans regarder à la couleur du poil de nos frères loups (et sans se faire peroxyder pour paraître plus blond…)
Et j’ai encore oublié ! Les loups gris sont aussi pour ces gens éminents qui à rome se soucient peu de ceux qui partent sans bruit (vous comprenez, ils n’ont pas d’évêques ! »)
« Et l’on devine, en filigrane, derrière ce constat, qu’il n’est peut-être pas nécessaire de vouloir retenir des catholiques, hommes et femmes, déjà en partie protestantisés, dont on ne sait plus très bien s’ils croient toujours en la Présence réelle, en l’indissolubilité du mariage, s’ils prient encore, fréquentent les sacrements et se soucient réellement de transmettre la foi à leurs enfants ! »
La question de René est bien une question de « purification » : on laisse filer ces « mauvais chrétiens » pour avoir une Église de purs, vieille tentation depuis Montan (pas Yves, qui s’écrit avec un d à la fin, mais celui du 2ème siècle) qui finit toujours en secte.