Sans une nouvelle mobilisation de l’opinion, il est à craindre que les recommandations de la Ciase ne soient appliquées qu’à minima.
(Merci à la rédaction de Golias Hebdo et à son directeur Christian Terras pour la reprise de cet article dans son n°768 du 11 mai et sur son site. Il est repris par le p. Jean-Pierre Roche dans sa Lettre Notre pain quotidien du 8 mai. L’article est également publié par le site Garrigues et sentiers, en date du 24 mai. Qu’il en soit remercié)
A l’automne 2021, les révélations de la Ciase sur les faits d’agression sexuelle sur mineurs dans l’Eglise catholique faisaient l’effet d’une bombe, par leur ampleur et la démonstration de leur caractère systémique. Le 6 novembre, à Lourdes, les évêques de France, agenouillés sur l’esplanade du Rosaire, demandaient pardon à Dieu pour tant de crimes. Dans la foulée, ils décidaient d’engager une procédure de reconnaissance et de réparation à l’égard de toutes les victimes qui se feraient connaître et confiaient à neuf groupes de travail le soin de préciser les modalités de mise en œuvre des recommandations du rapport Sauvé. Dix-huit mois plus tard, que reste-t-il de ces belles résolutions ? La question vaut d’être posée au lendemain d’une Assemblée Plénière de printemps où les participants aux groupes de travail qui « rendaient leur copie » sont repartis avec le sentiment qu’une majorité d’évêques souhaitait surtout tourner la page… Ce qui serait une gifle pour les victimes présentes et à venir et un drame pour l’Eglise !
La qualité du travail fourni par la centaine de bénévoles engagés dans cette démarche : laïcs, consacré.e.s, diacres, prêtres, évêques et victimes, coordonné par Hervé Balladur (1) est remarquable. En 2021, pourtant, le principe même de ces groupes de travail avait été critiqué par ceux qui y voyaient le désir des évêques, après le coup de massue du rapport Sauvé, élaboré par une commission indépendante, de gérer désormais la suite en interne, avec moins de risques. Dix-huit mois plus tard on trouve dans leurs soixante propositions bien des “audaces“ comparables à celles de la Ciase. Il y a là une forme de désaveu à l’égard des huit membres de l’Académie catholique de France qui jugeaient illégitime qu’une instance extérieure à l’Eglise s’autorise à préconiser des réformes jugées être du ressort du seul Magistère. Même si elles étaient évoquées, depuis des décennies, dans bien des synodes diocésains… Les voilà aujourd’hui reprises et confortées par une instance nationale de nature incontestablement synodale. Pour le plus grand dépit de ceux, parmi les évêques, qui pensaient pouvoir laver le linge sale en famille.
Des propositions audacieuses… qui passent à la trappe !
Le long rapport des groupes de travail (275 pages très lisibles et en libre accès) reprend à son compte l’argumentation et les conclusions de la Ciase. D’une certaine manière il va même plus loin en suggérant « un élargissement du périmètre à toute situation de violence dans l’Eglise, c’est-à-dire “d’abus sexuels, d’abus de pouvoir et de conscience“ qu’il s’agisse de victimes mineures ou majeures. » C’était souhaité par les associations de victimes et correspond mieux, de fait, aux demandes du pape François (2). Dans ce document, chacun des neuf thèmes est présenté sous forme de synthèse, puis de développement détaillé, enfin de «propositions » de mise en œuvre.
Impossible d’en exposer ici l’intégralité, accessible dans sa version finale (3) sur le site de la Cef. Citons néanmoins les demandes de : créer un Comté de suivi, un observatoire national et un rapport annuel (Gr1) ; relancer la recherche pluridisciplinaire sur le célibat des prêtres (Gr4) ; intégrer des laïcs et des femmes dans tous les conseils épiscopaux ; instaurer 48 heures de latence entre l’annonce de la nomination d’un évêque et son caractère définitif (Gr5) ; interroger le système paroissial et le recours aux prêtres fidei donum (Gr6) ; expérimenter la présence de laïcs au sein de l’Assemblée plénière et du Conseil permanent (Gr7) ; ouvrir la prédication aux laïcs ; officialiser la présence de filles comme servantes d’autel ; demander au Vatican de définir précisément et de hiérarchiser les différents types d’agressions sexuelles dans le code de droit canonique, de réfléchir à l’opportunité du diaconat féminin et à l’ordination d’hommes mariés…(Gr8) ; mieux contrôler les associations de fidèles (Gr9). On le voit : rien qui trahisse ici une forme de docilité ou de complaisance.
Sauf qu’à Lourdes, après deux journées en commun entre les évêques et la centaine de membres des groupes de travail, et une longue délibération épiscopale à huis clos,la plupart de ces propositions sont passées à la trappe. Certes, comme on peut le lire dans la liste des résolutions, les évêques officialisent l’ouverture des conseils épiscopaux aux laïcs hommes et femmes (ce qui est déjà le cas pour nombre d’entre eux), ils actent le principe d’une assemblée plénière de type synodal « élargie » aux laïcs tous les trois ans et confirment vouloir « se donner les moyen d’exercer une vigilance collégiale » sur les associations de fidèles… Pour le reste : ils « accueillent avec gratitude l’ensemble des propositions » formulées par les groupes (4), renvoyées soit aux instances diocésaines, soit à différents services de la Conférence comme la Commission doctrinale ; ils « saluent avec gratitude le travail du groupe 8 » dont ils ne retiennent pas pour autant – ce n’est là qu’un exemple – la proposition “audacieuse“ de confirmer le droit des petites files à être servantes d’autel.
Renvoyé aux diocèses pour « mise en œuvre » ou libre réexamen ?
Le communiqué de la Cef faisant état des « Résolutions votées par les évêques de France les 30 et 31 mars » est suffisamment ambigu pour qu’on ne sache pas au juste si le renvoi des propositions à différentes instances l’est « pour mise en œuvre » (après adoption explicite) ou libre réexamen ! Et le long discours de clôture de Mgr Eric de Moulins Beaufort au nom des évêques (rarement discours aura aussi bien porté son nom) est tout aussi opaque. Certes, il ne manque pas d’évoquer une ambiance de « sérénité discrète » partagée sur les bords du Gave « en constatant le remarquable sérieux des analyses qui nous ont été apportées, la rigueur des propositions qui nous étaient faites et l’esprit de service du Seigneur Jésus et de son Eglise qui animait celles et ceux avec qui nous discutions.». Mais lorsque le président précise : « Il nous a paru essentiel d’engager les prêtres et nos autres collaborateurs à travailler les analyses qui nous ont été apportées et à intégrer le plus possible dans le fonctionnement concret de nos Eglises diocésaines les propositions faites. » (ce qui n’est pas en soi une mauvaise idée) on comprend que rien, ou très peu, a finalement été acté par les évêques, sinon, précisément, ce renvoi à l’échelon inférieur. Deux pas en avant, cinq pas en arrière… Que s’es-il donc passé ?
Une immense déception difficile à contenir…
Le souci de ne pas trahir une sorte de devoir de réserve par solidarité à l’égard des évêques conduit nombre d’acteurs et témoins non épiscopaux de ces journées à accepter de se confier tout en souhaitant ne pas être cités nominativement. Si tel responsable souligne que, de toute manière : « la déception faisait partie des risques assumés », beaucoup reconnaissant qu’elle fut bien au rendez-vous pour la centaine de participants aux groupes de travail, en lisant le compte rendu de l’Assemblée.
Au lendemain de l’Assemblée plénière, réunies à leur initiative en visioconférence, les douze victimes-témoins membres des groupes de travail s’accordaient sur un constat ainsi résumé par l’une d’elles : « Que dans un processus de type synodal la décision appartienne aux évêques n’est pas ici en cause, mais au moins qu’ils disent clairement ce qu’ils ont décidé. A ce stade, on ne sait pas ce que notre travail va devenir. Ils ne sont pas allés au bout de la démarche préférant botter en touches. Sincèrement, nous sommes écœurés ». Dans une tribune au Monde, publiée le 14 avril, la sociologue Céline Béraud, qui a participé de l’intérieur aux travaux des groupes, ne cachait ni sa déception ni celle quelle percevait autour d’elle : « Je suis aujourd’hui témoin de leur tristesse et, pour certains, de leur colère. » Comment expliquer, s’interrogent nombre de participants, que des propositions validées par les évêques lors de leur passage dans les carrefours, à l’aide d’une majorité de gommettes vertes, n’aient finalement pas été retenues ?
Christophe Jadeau veut bien témoigner ouvertement de ce qu’il a vécu au sein du groupe huit, commun à la Cef et à la Corref. (5) Sans doute était-il prévisible que se cristalliseraient sur ce groupe les critiques les plus vives puisque son thème était « L’analyse des causes des violences sexuelles au sein de l’Eglise » sujet hautement inflammable. Il conserve le souvenir d’un travail de groupe très riche, dense, émouvant du fait même de la présence de deux victimes et de l’audition systématique du témoignage de plusieurs autres lors des séances de travail. Un groupe qui n’a pas eu de difficulté à s’accorder sur l’analyse des causes mais où des divergences sont apparues dans le choix des préconisations. Peut-être, reconnaît-il, l’erreur vis-à-vis des évêques a-t-elle été de ne pas leur faire valider séparément les deux.
« On nous a reprochés de sortir de notre champ en abordant les questions touchant au cléricalisme et à la formation morale dans l’Eglise où domine encore la confusion entre péché et crime ou délit, alors que c’était dans notre feuille de route. Nous avons entendu des propos très durs sur le rapport Sauvé qui, selon l’archevêque de Lyon, Mgr Olivier de Germay : “a remplacé l’Evangile“. Pour certains, les abus relèveraient plus de la psychiatrie que de causes systémiques internes au fonctionnement de l’Eglise. Sur cette question, apparemment tranchée, les deux tiers des évêques restent dans une forme de déni. Ils veulent tourner la page et pensent que le relais doit être pris désormais par les diocèses, en fonction des moyens dont ils disposent. C’est la raison pour laquelle ils ont rejeté la création d’un comité national de suivi. Alors, je m’interroge vraiment : sur le fond ont-ils réellement compris ce qu’on voulait leur dire ? Honnêtement, je ne sais pas ! J’ai un peu le sentiment que nous avons travaillé pour rien ! »
Après le flux…le reflux !
Voilà donc des groupes de travail, officiellement mobilisés par la Cef pendant une année pour mettre en musique les recommandations de la Ciase et qui se heurtent, au final, à un corps épiscopal qui semble rétrospectivement en contester les fondements. Alors qu’à l’automne 2022 les évêques avaient acté, à la majorité : la responsabilité institutionnelle de l’Église, la dimension systémique des violences, et l’exigence de réparation. Sans doute ce consentement fut-il acquis à l’époque sous l’effet conjugué du « choc » du rapport Sauvé, du témoignage bouleversant des victimes et de la pression de l’opinion publique (certains rajoutent volontiers : et de l’usage d’une sorte de 49.3 par Mgr de Moulins Beaufort) ; comme il s’est émoussé par la suite sous le coup de boutoir des huit membres de l’Académie catholique de France relayé par la nonciature, des réticences de certains prêtres – comme de nombreux fidèles – exaspérés des accusations qui pesaient sur eux, et du quasi désaveu par le pape François du travail de la commission Sauvé et, partant, de sa validation par la Présidence de la Cef.
« Le rapport Sauvé n’a pas vocation à être mis au placard. Mais il pourrait l’être… »
L‘archevêque de Poitiers, Mgr Pascal Wintzer, tient une place singulière au sein de l’épiscopat. Son “tract“ d’une soixantaine de pages sur les « Abus sexuels dans l’Eglise catholique » publié début 2023 n’est pas passé inaperçu. (6) Il y appelle à de profondes réformes, estimant que « lorsque la confiance en une institution est atteinte, le seul discours ne suffit pas. » Du travail partagé pendant près d’un an comme membre d’un des groupes, à l’instar de huit autres de ses frères évêques à l’assiduité inégale (7) il garde le souvenir d’une expérience riche où chacun était dans une totale confiance pour le travail des autres. Avec déjà ce pressentiment d’un décalage, potentiellement porteur de difficultés, entre les évêques qui avaient creusé le sujet et la majorité des autres, ultérieurement appelés à se prononcer sur des propositions qu’ils comprenaient d’autant moins que peu d’entre eux avaient pris le temps de lire le rapport qui leur avait été adressé deux semaines plus tôt.
A Lourdes il a perçu, chez nombre de ses frères évêques, une certaine lassitude et le désir de tourner la page, de passer à autre chose. « Moi-même, reconnaît-il, je me souviens avoir exprimé une telle pensée, il y a trois ans, à propos des “affaires“. Aujourd’hui je considère que je n’ai plus le droit de le dire. Ces drames sont révélateurs de dysfonctionnements que nous devons à tout prix corriger pour être en phase avec la mission et prendre le mal à la racine. Les victimes ne peuvent pas “tourner la page“. Et nous n’avons pas le droit de les abandonner.» Plus fondamentalement, analyse-t-il, les évêques de France adhèrent encore majoritairement à la vision de Jean-Paul II – qui est aussi celle du Concile – d’un pouvoir absolu de chaque évêque en son diocèse, n’ayant de compte à rendre qu’au pape. « Ils ne conçoivent la Conférence des évêques que comme un lieu de fraternité, pas comme une instance de décision où l‘on ose faire des choix qui engagent » contrairement à la vision du pape François. D’où la décision finalement imposée à la présidence de la Cef par sa base, de laisser chaque diocèse se saisir de ce qu’il voudra parmi la soixantaine de propositions. Avec cet aveu éclairant : « N’a été mis au vote que ce qui pouvait raisonnablement être adopté » Même si l’Assemblée est convenue d’un minimum de suivi et d’un rendez-vous d’étape en 2025. On peut donc imaginer que certains diocèses se mobiliseront sur la base de ces propositions et d’autres non. Et Mgr Wintzer de conclure : « Le rapport Sauvé n’a pas vocation à être mis au placard. Mais ici ou là, il pourrait l’être. »
Les religieux et religieuses de France valident les propositions de leurs groupes de travail
L’effet est d’autant plus désastreux que la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) qui se réunissait deux semaines plus tard, a validé, elle, l’ensemble des propositions formulées par ses cinq groupes de travail (8) dont l’action, parallèle à celle des groupes de la Cef, a été coordonnée par Frédéric Mounier (9). Peut-être faut-il voir dans cette validation, apparemment sans problème, le résultat d’une différence de méthode de travail. Avant même que les 200 délégués n’aient eu à se prononcer, le Conseil d’administration de la Corref avait examiné les rapports des groupes dont il avait synthétisé les réflexions. Le document « Préconisations et règles de bonnes pratiques » a ainsi été voté en bloc. Il couvre les différents aspects de la vie en communauté religieuse : les constitutions, les instances de gouvernance et leur fonctionnement, le discernement des vocations et la formation, le respect de la liberté spirituelle ou encore le traitement des plaintes… Mais il interpelle également de manière incisive les autorités ecclésiastiques vaticanes tant sur la réforme des procédures canoniques que sur la qualification précise des infractions pénales et des peines ou sur la fermeté à l’égard de communautés « prétendant à la vie religieuses » soumises à la juridiction des évêques…
Une détermination qui ne doit pas pour autant faire illusion : pas plus que la Cef vis-à-vis des évêques, la Corref n’a de pouvoir canonique sur les supérieurs et supérieures de congrégations. La mise en œuvre réelle de leurs propres préconisations dépendra donc du bon vouloir de chacun. « Si la moitié suit, ce sera bien » ai-je entendu ! Au moins la règle du jeu commune est-elle claire ! Sans doute est-il difficile à la Présidente de la Corref, sœur Véronique Margron, de s’en prévaloir trop ouvertement au risque de froisser ses alter ego de la Cef… Une précaution apparemment non-partagée par le coordinateur de ses groupes de travail qui, dans son discours de la mi-novembre devant les supérieurs et supérieures de congrégations n’a pas mâché ses mots : « A Lourdes, ( il faisait allusion à l’Assemblée plénière des évêques qui venait de s’achever) il m’a semblé que le tsunami des abus s’est doucement enfoncé dans le mur de sable, construit par ceux qui préfèrent le cabotage confortable entre nos petites îles rassurantes, au détriment d’une traversée vers le grand large. Et Dieu sait s’ils sont nombreux, ceux qui considèrent que la crise des abus n’est qu’une infection virale relevant d’un simple traitement médicamenteux, et non pas d’un cancer récidivant relevant d’une chimiothérapie. »
Alors la question est posée : que restera-t-il, demain des préconisations de la Ciase ? On sait que certaines, parmi les plus audacieuses, ont été « expédiées » à Rome car étant du seul ressort du Magistère ; on sait désormais que d’autres, précisées par les groupes de travail de la Cef et de la Corref… sont aujourd’hui remises au bon vouloir de chaque évêque en son diocèse ou de chaque supérieur de congrégation. Restent les deux instances de reconnaissance-réparation Cnirr et Crr présidées respectivement par Marie Derain de Vaucresson et Antoine Garapon pour la mise en œuvre d’une vraie justice réparatrice, non sans difficulté…
Maintenir la pression dans les diocèses
Dans sa tribune au Monde, déjà citée, la sociologue Céline Béraud écrit sur un mode plus optimiste : « Reste qu’une culture du débat est bel et bien en train de s’installer dans le catholicisme français, avec laquelle l’épiscopat doit désormais compter. » Sauf que la temporalité de l’Eglise n’est pas celle des victimes et de ceux, parmi les catholiques, qui ont choisi de les soutenir, parce qu’il y va de la cohérence de leur foi. Comment entrer réellement dans un processus de reconnaissance-réparation qui solderait le passé sans, en même temps, prendre toutes les dispositions nécessaires pour préserver l’avenir ?
Les frilosités et reculades épiscopales de ce printemps semblent finalement donner raison à toutes celles et ceux, et ils sont nombreux, qui plaident depuis toujours que l’Eglise est incapable de se réformer de l’intérieur. Et du même coup elles désavouent et mettent en échec ceux qui tentent de plaider le contraire. Désormais le risque existe de les acculer à une forme de radicalité et se surenchère auprès de l’opinion publique pour que chaque évêque en son diocèse soit contraint de passer à l’acte. Une transposition à la vie ecclésiale de « l’effet casserole » de notre vie politique. En réalité, il faudra attendre 2024 et la clôture du Synode sur la synodalité pour connaître réellement, sur les points essentiels, les intentions du pape François et/ou sa capacité à faire enfin bouger l’institution dans le sens des recommandations tant de la Ciase qu’aujourd’hui des groupes de travail de la Cef et de la Corref, que tout catholique responsable devrait se faire un devoir de lire et de travailler. Le rendez-vous sera décisif ! Le signe sans précédent donné le 26 avril dernier par la décision d’intégrer au synode « 70 membres non évêques, qui représentent d’autres fidèles du peuple de Dieu (prêtres, hommes/femmes consacré [e] s, diacres, fidèles laïcs) » est encourageant. A la fin de ce mois le documentum laboris qui servira de base au travail de l’Assemblée synodale du mois d’octobre prochain sera également un indicateur significatif… Mais cela suffira-t-il à désarmer ceux qui ont décidé de contrer François comme aucun autre pape depuis un siècle ?
- Hervé Balladur appartient au diocèse de Créteil.
- Le champ d’investigation de la Ciase ayant été limité, par la lettre de mission de la Cef, aux seuls abus sexuels sur mineurs, alors que La lettre au peuple de Dieu du pape François d’août 2018 intègre bien la diversité des abus sur toute personne quel que soit son âge.
- Au cours de l’Assemblée plénière certaines propositions ont été revues à la demande des évêques. Il y a donc un décalage , intéressant à analyser (ce qui est en partie l’objet de ce billet) entre les propositions initiales (rapport) et celles qui ont finalement été soumises aux évêques.
- On retrouve cette formule pour les groupes 1, 2, 3, 4, 6 et 7.
- Sur les 9 groupes de travail, quatre étaient communs à la Conférence des évêques de France et à la Conférence des religieux et religieuses de France. Il s’agit des groupes 2,3, 8 et 9 ainsi que d’un dixième groupe sur la démarche mémorielle. De son côté la Corref a mis en place cinq groupes de travail spécifiques à la vie religieuse : Gouvernance, Forces et faiblesses de nos traditions, Façon dont la lecture biblique peut être instrumentalisée au service du pire, Pratiques indispensables lors d’un signalement et Vocation et Formation à la vie religieuse.
- Mgr Pascal Wintzer, Abus sexuels dans l’Eglise catholique, Des scandales aux réforme. Gallimard, collection Tracts, n°47. 60 p., 3,90 €. p.19
- NNSS. Batut (Blois), Bozo (Limoges), Bustillo (Ajaccio), Kalist (Clermont), Lacombe (Auch), Micas (Tarbes et Lourdes), Nault (Nice), Valentin (Carcassonne et Narbonne). La liste exhaustive des 100 participants se trouve en pages 9 et 10 du rapport.
- Concernant les quatre groupes communs avec la Cef (voire supra note n°5), c’est l’Assemblée plénière de novembre de la Corref qui devra en valider les propositions parvenues trop tardivement pour pouvoir être examinées.
- Frédéric Mounier est ancien journaliste et correspondant du quotidien « La Croix » à Rome (2009-2013).
LA TOILE DE SYSTÉMICITÉ DE L’ÉGLISE
(Conclusion du groupe 8)
(Au moment où nombre d’évêques semblent n’être plus convaincus du caractère systémique des abus sexuels pourtant démontré dans le rapport de la Ciase, voilà que le groupe de travail interne, constitué par eux, parvient aux mêmes conclusions, explicitées notamment dans cette conclusion (p.217 du rapport).
Ces pages qui résument un an d’écoute des victimes et d’experts variés montrent le caractère systémique des violences sexuelles en Église, où aucun événement n’apparaît comme le fruit d’une cause unique, mais comme l’intersection d’une multitude de défaillances qui ne cessent d’interagir ensemble et d’engendrer le pire – ce que nous avons estimé pouvoir appeler dans notre introduction la toile de systémicité où l’Église s’est empêtrée.
Ce caractère systémique des abus, emprises et violences en Église court le risque d’être reçu avec découragement, car il est pris justement comme une toile dont il est impossible de couper ensemble tous les fils ; mais il doit être reçu bien plutôt comme un encouragement à l’action, chacune de ces lignes de force constituant aussi un terrain possible d’action où peut être stoppée la libre circulation du mal. Chaque mécanique de pouvoir mise sous contrôle, chaque système d’enfermement poussé à l’ouverture, chaque idolâtrie morale ramenée à la libération et la vivification des personnes contribue à desserrer les nœuds de causalité où se produisent les agressions. Aussi notre rapport s’adresse-t-il autant à nos commanditaires de la CEF et de la CORREF qu’à l’ensemble du Peuple de Dieu, et à tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui collaborent avec lui. Nous espérons qu’il éclairera ainsi toute la variété des acteurs susceptibles de participer aux nécessaires transformations de l’Église et à la revivification de ses lieux de mort.
Pour ceux parmi nous qui professent la foi de l’Église, nous savons que Dieu entend par excellence le supplice de l’innocent (Gn 4), et qu’il écoute avant tout la souffrance d’un enfant (Gn 21). Nous croyons que Dieu entend éminemment les souffrances des victimes passées et présentes des emprises et violences sexuelles en Église, et qu’il veut purifier sa maison, comme il le répète continuellement au long de l’Histoire de l’Alliance. Nous croyons que le Christ, innocent torturé par une institution uniquement soucieuse de se préserver elle-même, est présent dans chaque victime (Mt 25, 40). En Lui nous espérons la résurrection des morts et la purification du Temple (Ap 21). Nous croyons enfin que l’Esprit saint est à l’œuvre dans le monde, « éternellement » (Jn 14, 16). Nous savons qu’il souffle où il veut (Jn 3, 8) et nous avons à cœur de savoir le discerner et l’écouter, dans notre prière, dans notre vie d’Église, dans la bouche des victimes et de nos autres contemporains.
Magnifique explication des gravures ! Je me demande comment font nombre de mes confrères et de nos évêques pour penser qu’il ne s’agit pas d’un cancer. Toute une tendance qui s’était reconnue dans l’attitude antivax lors de la pandémie (à ce jour, pas loin de 7 millions de morts recensés pour une estimation par l’OMS de 20 millions probables) voudrait traiter le phénomène des abus comme une simple « grippette ». L’interdiction de la réflexion est la meilleure façon de contribuer au naufrage de notre Eglise. On ne saurait mieux offrir le flanc à découvert à ceux qui pensent que notre foi c’est du flan ! Heureusement qu’il y a des propositions faites, entre autres, par le rapport de la Ciase et par les groupes de travail. Je crois profondément en l’action de la Providence divine mais elle ne peut pas agir si nous sommes paresseux intellectuellement et spirituellement. Je vis dans une région où les éleveurs sont confrontés aux loups. Eh bien les troupeaux ne sont pas si bêlants que ça et savent avertir leur éleveur quand le danger est là. Puisse cette image faire comprendre que le temps est venu pour les ouailles du bercail de bousculer leur pasteur qui dort ou qui ne veut pas être dérangé. Nous sommes en plein dans le chapitre 10 de l’évangile de Jean 10, 11-13 : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. » Avant de tourner cette page, et celle de la crise des abus, il convient de bien la lire et de bien la méditer, surtout les mercenaires.
Il n’y a rien d’étonnant à cela. Le contraire l’eut été. En ne recevant pas JM Sauvé, le pape a désavoué le rapport et ses auteurs. Et les évêques sont les vassaux du pape. Pourquoi les évêques tiendraient-ils compte d’un rapport dont le pape n’a que faire? Ils sont cohérents avec eux-mêmes et avec leur sujétion à l’égard de l’évêque de Rome. Le vrai responsable, c’est le pape. Evidemment il n’est pas interdit à ces évêques de se comporter en adultes autonomes et responsables. Mais c’est peut-être trop leur demander.
C’est en effet certainement trop demander à des évêques de référer à leur conscience personnelle, alors qu’ils ont été formés dès l’enfance à obéir au pape avec zèle et déférence quels que soient ses ordres qui sont nécessairement divins est donc inattaquables et infaillibles. Référer à leur conscience profonde et la suivre serait trahir leur mission voyons ! Leur rôle : obéir au pape sans réfléchir, commander au peuple chrétien d’obéir aux ordres et se montrer servile et taiseux et surtout sans penser par lui-même.
Certes, l’Évangile de Jésus dit le contraire, mais qui s’intéresse encore à Jésus dans la hiérarchie impériale de l’église !
« la tentation de tourner la page » : en application de son antique loi du silence.
Le choc des cultures .
Les frilosités et reculades des évêques évoquées par René ont une cause plus profonde qu’une simple opposition au contenu du rapport Sauvé .
Il me semble que les évêques ont vis à vis de ce rapport la même position que le cardinal Bellarmin vis à vis de Galiée au XVI ° siècle . Leur cadre de pensée ne leur permet de saisir ni le contenu ni la méthode du rapport de la Ciase comme Bellarmin ne pouvait pas comprendre l’héliocentrisme démontré par Copernic et Galilée alors que l’Eglise pensait le monde à partir du système aristotélicien d’une terre immobile et centre du monde .
ll en est de même pour les abus commis dans l’église . Ce que dit le rapport de la Ciase ne peut pas entrer dans le cadre de pensée de la plupart des évêques Il leur est au sens premier de ces mots incompréhensible inappréhendable. C’est pourquoi le rapport de la Ciase leur est en réalité totalement indifférent .
On se tromperait en pensant que les frilosités et reculades des évêques ne sont que des conséquences de leur duplicité et de leur lâcheté . Certes ils ont , pour calmer le jeu pris de grandes résolutions qui n’engageaient que ceux qui les ont écoutées . Certes ils ont découragés leurs propres troupes en initiant un travail d’un an dont ils n’ont tenu aucun compte . Tout cela relevait d’un exercice obligé pour éteindre l’incendie du scandale . Mais fondamentalement ils n’ont toujours pas compris la nature et les enjeux de la réalité de la question des abus telle qu’elle est formulée par la Ciase parce qu’ils ne le veulent ni surtout ne le peuvent tant leur cadre de pensée et la culture de l’institution les en empêche . Bellarmin (évêques ) versus Galilée ( J M Sauvé )
Dans notre juste critique de la position et des actes des évêques ,ils faut se garder de tout anachronisme . Le logiciel de l’église et celui de la société ne sont pas compatibles . ils ne peuvent pas dialoguer .
Post scriptum :
– Le document de travail résultant des groupes missionnés par les évêques est intéressant et constructif ( je l’ai lu attentivement ) Mais signe qui ne trompe pas , selon mes informations qui confirment celles de René , la plupart des évêques n’avaient même pas pris le temps de lire le document sur lequel ils devaient se prononcer à Lourdes . Preuve du manque total d’intérêt qu’ils portent à ce travail .
– Sur le droit des petites filles à être servantes d’autel . il faut aussi rappeler que le refus des évêques
de reconnaitre ce droit est théologiquement faux . En effet selon la saine doctrine catholique seuls les ministères ordonnés ( évêque , prêtre et diacre )sont genrés et réservés aux hommes Tous les autres services dans l’église sont fondés sur le sacerdoce commun des baptisés qui ne fait aucune distinction entre les sexes . Comment croire en la légitimité de la parole d’évêques qui ne tiennent m^me pas compte de leur propre doctrine ?
Un refus révélateur
Le refus des évêques d’entériner à Lourdes fait que les filles puissent être servantes d’autel ou plus exactement de ne pas s’opposer à cette discrimination théologiquement infondée est , de mon point de vue un signal fort .
C’est le signal d’une adhésion. à la thèse du sociologue Y Raison du Cleuzou selon laquelle l’avenir de l’église passe par les observants conservateurs .
Sur la base du constat fait par J Ratzinger en 1968 (in la foi chrétienne hier et aujourd’hui ) l’avenir de l’église dépend du « petit reste » . Ce petit reste est cette frange d’observants qui selon Raison du Cleuziou reste arcbouté à un monde révolu mais « constitue cependant la matrice actuelle de l’église « .
A Lourdes en mars dernier on n’a pas seulement assisté à des frilosités et des reculades apparentes , On a de fait validé un choix stratégique et politique : donner à la frange la plus conservatrice une légitimité qu’elle n’osait plus espérer .
A Lourdes en mars dernier nous avons assisté au « Münich » silencieux de l’église de France .
L’histoire dira , je suis prêt à en prendre le pari ,en quoi ce choix calamiteux non seulement ne sauvera pas l’institution écclésiale mais aura constitué un obstacle majeur à sa capacité à témoigner de l’Evangile .
PS : il ne sert à rien de comparer la position courageuse de la Corref à celle de la CEF. Au vu des effectifs ( 27000 )et des moyennes d’âge ( 79 ans pour les femmes et 69 pour les hommes )des religieux en France , elle est sans avenir .
Si il me semble, contrairement à vous, que la positon courageuse de la Corref n’est pas sans importance. La question est moins de savoif si ces congrégatons existeront encore après-demain, que si elles vont jouer aujourd’hui le jeu de la reconnaissance-réparation à l’égard des victimes. Car avant-même l’éventuelle mise en œuvre de réformes préventives il existe un devoir de justice pour le présent.
A René
Ou ai je dit que les choix de la Corref n’étaient pas courageux ou qu’ils ne contribuaient pas à rendre justice aujourd’hui aux victimes ?
Mon propos ne concernait pas les procédures d’indemnisations qui n’étaient pas l’objet des groupes de travail mais les mesures structurelles pour l’avenir qui elles l’étaient .
Etant donné les chiffres actuels et les projections pour le futur des congrégations religieuses , les mesures prises, indépendamment de leur pertinence , ne concerneront qu’un très petit nombre de gens et n’auront donc pas d’effet tangible sur la vie concrète de l’église .
A Robert,
Oui, mais cette fois c’est illusoire je crois. Comme l’a compris Pascal Wintzer, les victimes, elles, ne peuvent tourner la page, n’ayant pas d’éponge magique. Elles ont commencé à parler, et même si certaines meurent, il en vient toujours d’autres. La loi du silence ne peut donc plus fonctionner et du coup, c’est toute la machine qui est en panne.
Il fallait penser avant aux versets de Matthieu : « Si tu vas présenter ton offrande à l’autel et que tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande »….
A croire que l’Evangile n’est que pour ceux à qui il est prêché.
A Anne,
Depuis toujours, les mêmes pratiques hypocrites ont été appliquées dans l’Eglise catholique :
– Loi du silence
– Culture du secret
– Double vie
Au lieu d’espérer benoîtement que l’Eglise abandonne un jour sa loi ancestrale du silence, ne serait-il pas plus efficase que ceux qui décident de rester dans cette Eglise se rebellent dès maintenant – et de toutes leurs forces – contre pareille pratique hypocrite ?
A Robert,
Mais je crois que beaucoup de ceux qui restent dans l’Eglise (pas tous) ne se rebelleront pas ou peu. Leur position serait par trop inconfortable. Je l’observe continuellement.
C’est pourquoi je compte plus, sauf exceptions bien sûr, et qui sont plus que bienvenues, sur celles et ceux qui n’ont plus de conflits de loyauté, plus rien à perdre et qui ne vont cesser de dénoncer à présent ce qu’ils ont subi. Ces voix-là devraient finir par ébranler l’édifice puisque c’est par l’Eglise qu’elles ont vécu dans leur sang, dans leurs tripes, dans leur vie fichue l’exact inverse de ce que celle-ci proclame si haut, si fort et avec tant de fierté sans jamais s’interroger malgré tout ça, tous ces immenses dégâts.
La Ciase a confirmé en 2021 ce que pas mal de chrétiens avaient compris sans oser parler, compris dans le silence et la peine: l’institution catholique a façonné, au fil des siècles, un système de régulation en son sein -pour les consacrés, ordonnés et quelques « grands » laïcs- visant à maintenir l’auréole immaculée qui a fit sa puissance; désormais auréole et puissance sont en soins palliatifs. Le mensonge avec ses demi et quart de vérité, le silence, les secrets, les promesses de vie éternelle et le sirop spirituel… ont été les armes bien affutées qui ont permis aux grands prêtres aux scribes et aux pharisiens de prendre et conserver le pouvoir.
A ma connaissance et en France, ce sont des prêtres ouvriers qui, vers 1954-55 ont les premiers qualifié l’institution de système. Puis, le « truc » du manteau de l’oubli a semblé marcher; sauf que des adultes de l’époque et leur enfants ont compris, avec par exemple en France Y. Congar puis le dominicain F. Leprieur (Quand Rome condamne, Dominicains ouvriers d’Hellemmes), que l’institution était incurable. Ce mot est revenu en 2019 quand le rapport du Sénat sur les violences sexuelles sur mineurs a souligné qu’il ne concernait que l’institution catholiques. L’incapacité dont font preuve les membres de l’institution et les laïcs qui lui demeurent inféodés à parler clair sur l’abus spirituel qui est à la racine des maux que cachaient le mot système est compréhensible et conduira à la disparition prochaine de l’institution tant la question n’est pas seulement française, mais mondiale.
Après la démission forcée de Luc Ravel pour des motifs qui en cachent manifestement d’autres (chronique d’I. de Gaulmyn la Croix du 27/04), après la tribune de Pierre Vignon (la Croix 4/05) sur le pouvoir en jachère d’évêques qui ont quasi tous la pétoche, avec ce fabuleux problème des filles de chœur qui est tout à fait en phase avec le renvoi de l’état clérical d’un prêtre pour avoir reconnu sa paternité il reste à souhaiter que l’agonie ne dure pas trop et soit à peu près paisible pour celles et ceux que l’institution a abusés, et abuse encore un peu.
Au sortir de la lecture d’une chronique, je reprends cette citation qui me semble-t-il pourrait exprimer avec force le sentiments de bien des victimes: « Que se passe-t-il quand s’écroulent ces rêves qui justifiaient jusque-là votre confiance dans le monde, quand un choc vient soudain lézarder une vie jusqu’alors bien réglée ? Qu’en est-il, lorsque la foi ne peut plus s’appuyer sur une confiance dont l’accroissement semblait si naturel ? Qu’arrive-t-il lorsqu’une personne hantée par de tels souvenirs ne dispose de l’aide d’aucun psychologue et ne peut plus chercher refuge qu’en l’Église ? » (J.B. Metz – MP).
Et qu’en est-il quand cette personne ne peut même plus chercher refuge en l’Église qui justifiait jusque-là sa confiance ?
Et comment comprendre ce passage de l’évangile de Matthieu : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. » (Mt. 5, 13) ?
……………………..
L’analyse de René. permet de clarifier ce qui a pu se passer lors du dernier rassemblement des évèques à Lourdes, un certain nombre d’entre eux « ne conçoivent la Conférence des évêques que comme un lieu de fraternité, pas comme une instance de décision où l‘on ose faire des choix qui engagent » contrairement à la vision du pape François. Celui-ci hier a encore reconnu devant la Commission pontificale pour la protection des mineurs « combien il a appris » ces dernières années en insistant sur les abus qui ont « défiguré notre témoignage même de l’amour de Dieu». Ce désir de changement radical de mentalité fait défaut à bcp d’évèques : « Dieu attend au tournant l’Homme de Désir » disait Marie- Noel ; là j’ai le sentiment que la majorité des évèques restent drapés dans l’étoffe vertueuse de leur entre-soi face à la nécessité comme il est écrit, d’entreprendre courageusement une vraie chimiothérapie. Face à leur inertie en la matière, les souffrances perdurent, et d’autres formes d’abus trouvent toujours un terreau favorable dans leur aveuglement. Je sais par expérience que toute forme de radicalité cause aussi des ravages (et autres aveuglements). Quoiqu’il en soit « la parole s’est libérée » (parfois encore par la force des choses, en simple vagues de fond…), aucun retour en arrière n’est possible et des exemples récents avec des démissions d’évèques en sont les signes.
Sans une nouvelle mobilisation de l’opinion, il est à craindre que les recommandations de la Ciase ne soient appliquées qu’à minima.
Tout à fait d’accord avec cette remarque… Et prêt à m’investir… Et je ne suis certainement pas le seul…
Daniel, vous avez certainement raison. Mais il est clair que l’opinion publique n’en a plus grand-chose à faire de la pédophilie et autres frasques et abus des gens d’église… Ce qui est fondamental c’est abroger la loi sur les retraites. Voilà les victimes pour lesquelles il faut désormais se mobiliser ! Et pour y parvenir taper sur des casseroles chaque fois qu’un ministre montre son nez !
Alors, les victimes de toutes ces saloperies ecclésiastiques, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Ils attendront une indemnisation qui ne viendra jamais… le dossier est enterré. Circulez, il n’y a plus rien pour vous. Les lois du mensonge, de l’inertie et de l’oubli gagnent toujours. Au Vatican on le sait bien depuis tant de siècles.…
Les préconisations des groupes de travail de la CEF rappellent souvent le manque grandissant de personnels. L’Eglise « recrute » en effet de moins en moins. Cette donnée devrait évidemment organiser l’avenir, au moins pour la génération prochaine ( c’est à dire dans les années 2050) et ordonner les priorités pastorales présentes. Or la priorité pastorale digne de l’Evangile s’applique à ceux qui souffrent, et parmi eux, à ceux que l’Eglise a fait et fait souffrir. Les scandales incessants, autant que les communications désastreuses, accélèrent la désaffection générale, précipitant la ruine de l’ Eglise ( nul besoin de la quitter, c’est elle qui nous quitte.)
Je vois mal comment, face à de tels drames, nécessitant de telles capacité de réformes, d’ anticipation, d’inconfort moral et spirituel, une pénurie de moyens humains, et donc économiques et matériels, peut construire elle-même sa riposte sincère et durable.
Concernant la formation des séminaristes, leur maturité personnelle, ces futurs prêtres, je m’interroge : quel sera leur avenir objectif, concret ? Comment s’organisera leur vie sociale, spirituelle, matérielle, dans ce contexte de pénurie généralisée ? Selon quelles politiques pastorales ? Quelles priorités ? Comment est-il possible de garantir une Eglise sûre quand repose/ reposera, sur de rares et frêles épaules humaines toute la rigueur des déserts ?
Je trouve très inquiétant que la lutte actuelle contre les abus ne soit pas correlée à l’appréciation démographique objective des religieux et diocésains oeuvrant au sein d’un peuple de Dieu de toute façon disparaissant. Je trouve tout à fait intéressant les travaux du groupe sur la confession et l’accompagnement spirituel : mais comment superviser lorsqu’il n’ y aura plus que trois pelés et deux tondus ? Mais il est vrai qu’il y aura tout aussi peu de pratiquants et de confessants.
Or cette raréfaction, loin d’assécher l’abus, peut au contraire le faire proliférer : les personnes, inquiètes, confrontées aussi aux manifestations; cette fois bien visibles du dérèglement climatique, violentées alors alors dans leur rapport au monde comme création, peuvent se laisser tenter par des radicalismes. Les « communautés nouvelles » peuvent avoir de beaux restes.
La lutte et la réparation des abus devrait être la priorité pastorale. Mais il semble que seule la gestion de la pénurie déjà présente, pensée en termes, pourtant dépassés, de vie paroissiale et de pratique sacramentelle ( cette Eglise qui nous quitte), aveugle ou épuise ses « cadres », incapables de directives pastorales radicales tournant résolument le dos à une église-paroisse exténuante, condamnée à la disparition.
Le maire d’une commune balnéaire des Landes a fait renforcer la digue pour préserver la plage, rongée par la force de la mer. Il sait que c’est en vain. Tout au plus, gagne-t-il un peu de temps ( une poignée d’années) pour penser l’avenir. L’avenir est simple : sa commune disparaitra. Il faudrait déjà penser à partir. Qui va le dire aux riverains ? En Eglise, le scandale a brisé toutes les digues. Qui va dire aux catholiques qu ‘il faut partir, planter ailleurs la tente, et rassembler ses forces pour ce nouveau campement, uniquement préoccupé de justice ?
Comment peut-on être prévenu de tous les nouveaux commentaires par e-mail sans devoir mettre soi-même un commentaire pour ce faire ?
En cochant la case « prévenez-moi de tous les commentaires par e-mail » qui se trouve, pour chaque article, à la fn du dernier des commentaires publiés.
Oui bien sûr, René, mais je suis obligé de mettre un commentaire pour valider !
Pingback: 7 mai 2023 | Synode quotidien
Que l Eglise catholique repare concretement le mal fait aux victimes et aide tous les prêtres à ne plus reproduire ce genre de crimes, que l Eglise s’ouvre au mariage des pretres et cesse toute hypocrisie
En mars le pape invitait à se préoccuper des victimes au sein de l’Eglise (et pas la moidre intention de prières entendue dans notre diocèse à ce sujet) Ce que les évèques n’ont semble t-il pas « entendu » à Lourdes (au même moment), les bénédictines du Sacré-cœur de Montmartre l’ont fait : elles ont reconnu, publiquement, un « système d’emprise aux conséquences graves » (qui a rongé leur institut et causé le départ de plusieurs sœurs) avec le désir de s’inscrire dans l’intention de prière formulée par le pape pour le mois de mars 2023 : « faire la totale lumière sur les dysfonctionnements subis afin qu’ils ne se reproduisent pas ». Toutes celles qui se sont associées à cette déclaration sont broyées par l’ampleur des souffrances qu’elles ont subies durant tant d’années : abus de pouvoir et d’autorité, violences morales, menaces, mensonges systématisés, calomnies, climat de peur et de manipulation, humiliation (etc)l’autorité de l’époque ne les ayant ni soutenues, ni accompagnées, mais ostracisées. Les signataires de cette déclaration commune ont demandé la mise en place d’une « commission indépendante et pluridisciplinaire », afin de permettre à l’Institut de mieux identifier l’ensemble des dérives qui ont eu lieu et d’envisager les contours d’une juste réparation. Voilà qui a le mérite d’être clair. Il en va de même aux Missions étrangères de Paris qui ouvrent, les 10 et 11 mai, (à l’intitiative du supérieur) une vaste enquête pour recenser d’éventuels cas d’abus commis par leurs membres entre 1950 et aujourd’hui (étude, qui devrait s’achever fin 2023) confiée à un cabinet anglais réputé pour volontairement sortir « de l’entre soi et avoir un œil extérieur ». J’ai ciblé ci-dessus des termes qui évoquent les souffrances subies car bien des évèques se voilent la face alors qu’ils ont écho que de tels drames se perpétuent dans d’autres institutions (mais il y aura un bricolage de surface ?). Ces religieuses ont eu le courage d’entendre l’appel de François «L’Église ne doit pas cacher la tragédie des abus, quels qu’ils soient. Ni lorsque les abus se produisent au sein des familles, ni même dans des associations ou dans tout autre genre d’institutions. L’Église doit être un exemple. Elle doit aider à résoudre ces abus, elle doit les faire apparaître au grand jour aussi bien dans la société qu’au sein des familles»
Je dois à la vérité de dire que ce long billet m’a valu, de la part de personnes engagées à un haut niveau dans ce processus (et qui ne souhaitent pas être citées ou mentionnées), acquiescement sans réserve des unes et critiques amères des autres. L’une est formulée en ces termes : « J’observe, un peu désappointé, qu’il est décidément plus aisé de voir en toute chose la bouteille à moitié vide. » Je peux comprendre ! Sauf que bouteille à moitié pleine et bouteille à moitié vide sont les deux faces « objectives » d’une même réalité. Je ne pense pas que mon interlocuteur ait souhaité que j’évoque plutôt la bouteille à moitié vide. J’en conclus donc qu’il regrette simplement l’évocation d’une bouteille à moitié pleine perçu comme jugement négatif sur le travail accompli au motif de son incomplétude. Mais on peut aussi en faire une autre lecture. Si l’objectif poursuivi est la bouteille remplie, mieux vaut la voir « à moitié pleine » comme incitation et invitation à poursuivre le remplissage. Dans un contexte où le risque – exprimé comme tel par nombre de mes Interlocuteurs – est précisément, chez certains, d’estimer qu’on en a fait pas mal et qu’il faut peut-être passer à autre chose.
Et je ne peux que répéter René, en vous remerciant pour ce billet, que le « vide » de la bouteille est en réalité rempli de personnes en grande souffrance. Tout simplement.
A Anne
Oui le vide n’est pas vide mais rempli de la souffrance des victimes .Révélateur que cela soit perçu comme un vide par ceux dont le rapport au réel est ecclésiolo -centré . Pour ceux là , les interlocuteurs de « haut niveau » de René seul existe le réel défini par l’église . A Lourdes en mars dernier ils ont clairement signifié que les victimes n’étaient plus dans leur champ de vision .Il est plus facile de tenter de culpabiliser ceux qui ne se contentent pas de ces petits pas .
Cette nouvelle reculade me fait penser à celle de l’an dernier sur le thème de l’écologie intégrale.
L’analogie avec Munich me plait bien ! Tiens,un grand danger vient à ma rencontre, il m’est confirmé par tous les spécialistes politiques, scientifiques ou théologiens, pas grave… je recule.
Tout cela relève du déni suicidaire ; je ressens cela comme une grande violence.
Et j’appelle donc à nouveau Helder Camara à la rescousse pour comprendre et anticiper ce qui va se passer : la violence institutionnelle appelle la violence révolutionnaire qui toutes 2 vont appeler la violence policière.
Continuons l’analogie écologique, l’état-évêque est inactif, le peuple-laïc se rebelle, la police-curie (diocésaine ou vaticane) matraque !!! Qui s’en réjouit et va tirer les marrons du feu ?
Le repli identitaire ! La messe (en latin !) est dite !
Certes il y a bien la solution de l’énergie renouvelable du souffle mais vous comprenez elle ne correspond pas au « canon » de la beauté des dorures et on ne sait pas trop d’où elle vient, il vaut mieux s’appuyer sur les vieilles idées fossiles même fragiles et en voie de disparition.
Il vaut mieux construire un ligne « magiemots » (par exemple la fameuse et incompréhensible « invitation au repas des noces de l’agneau ») et attendre, toujours attendre;
Il y en a même qui seraient tentés par une révolution théologique, vous savez le « bien-croire », le retour à la sobriété heureuse de la foi !
Ah non, il vaut mieux construire des mégabassines baptismales « congrès mission » quitte à laisser s’évaporer et s’épuiser les dernières ressources qui nous restent !
J’attends avec impatience, les signes de la violence révolutionnaire (prise de parole et de pouvoir dans les églises)
Quant à la violence canonique, j’espère l’esquiver comme tant d’autres.
Faites un petit effort !
L’incompréhensible, selon vous, « invitation au repas des noces de l’agneau » vient directement du Livre de l’Apocalypse 19, 9.
oups !! C’est bien ce que je craignais, je ne suis pas à la hauteur pour entrer dans vos débats !
Et comme je n’ai pas envie que ma foi et ma pratique soient de de l’ordre de l’effort, je vous laisse à votre science biblique.
Au revoir tout le monde !
Ce serait dommage de vous voir partir si tôt. Je crois que vous avez raison, d’une certane manière, tous les deux. Michel par son rappel bilique, vous en soulignant une évidence : pour qui n’est pas du sérail (et n’a pas de culture religieuse) ce terme est incompréhensible.
Mais d’un autre côté il y a une foultitude de lieux dont le langage est incompréhensble aux non initiés. Prenez le langage scientfique ou psychanalytiques. Et j’imagine qu’assister à un office bouddhiste ou une tenue maçonnique ne dot pas être aisé pour un non initié.
« Initié » le mot est lâché ! Il me semble incontournable. On ne peut réduire le vécu d’une communauté et son expression à cela seulement que tout le monde comprend à l’extérieur. Et dans le même temps toute communauté doit être soucieuse d’être intelligible. Je ne vos pas comment on peut écarter cette double exgence !
A René : initie ou acculturé .?
Je pense que c’est l’un et l’autre.
Denis, vous partez bien vite !
Je ne sais que penser d’une telle réaction…
Il ne s’agit pas « d’être à la hauteur », mais sur quoi se fonde votre foi et votre pratique pour récuser aussitôt toute référence biblique.
On parle aux catéchumènes des sacrements de l’initiation ; c’est bien de cela dont il peut s’agir.
Pour le reste, je vous ai lu, je comprends certaines de vos attentes, mais je ne vous suis pas dans votre attente de l’appel à la violence révolutionnaire…
Le « Faites un petit effort » que vous utilisez dans votre réponse, me démontre à nouveau combien cette institution ecclésiale peut être blessante pour les petits, pour les non-sachants, les non-initiés et les acculturés.
8 ans de petit séminaire et 25 ans d’engagement pastoral m’avaient pourtant déjà averti sur cette posture que je ressens toujours comme hautaine.
René, pour votre questionnement sur cette double exigence de l’initiation et l’intelligibilité d’une communauté, je vous suggère une 3e voie, celle de la rencontre, de l’écoute vous savez celle empruntée par un certain JC il y a quelques 2000 ans, alors même qu’il était encore dans le ventre de sa maman ? Il a suffi que cette future maman dise un simple « bonjour » plein de joie de vivre, à sa cousine pour que le petit qui était dans le ventre d’Elisabeth, réagisse ; un simple bonjour, pas un grand discours avec des références bibliques et hop ça marche l’évangélisation est en route !! (référence C. de Chergé ).
Je conçois que mon ton léger soit un peu provocateur. Il est à l’image de la révolution que j’attends, pas très violente vous en conviendrez Michel !
Bon vent à vous tous !
Je vous trouve un peu dur et par là même injuste ! C’est votre droit.
Je crois que le cœur du message chrétien s’adresse de fait à tous et pas unquement aux Bac+8. Et que de se savoir aimé de Dieu, appelé à aimer les autres comme soi-même est accessible à tout un chacun.
Mais ne sombrons pas non plus dans une forme d’anti-intellectualisme et d’irénisme. La simple expérience commune du mal et de la souffrance n’interroge-elle pas déjà sur l’amour ce Dieu d’Amour ? Et que toute élaboration d’une réponse – comme sur bien d’autres questions – ait suscité au fil des sècles des constructions théologiques plus difficiles d’accès ne me semble pas être en soi scandaleux !
Encore une fois c’est là le propre de toute communauté humaine ! Je ne suis pas sûr que les arcanes du fonctonnement de notre République rendent immédiatement perceptibles les beaux principes de liberté, d’égalité et de fraternité…
Je vous trouve un peu dur et par là même injuste ! C’est votre droit.
Je crois que le cœur du message chrétien s’adresse de fait à tous et pas unquement aux Bac+8. Et que de se savoir aimé de Dieu, appelé à aimer les autres comme soi-même est accessible à tout un chacun.
Mais ne sombrons pas non plus dans une forme d’anti-intellectualisme et d’irénisme. La simple expérience commune du mal et de la souffrance n’interroge-elle pas déjà sur l’amour ce Dieu d’Amour ? Et que toute élaboration d’une réponse – comme sur bien d’autres questions – ait suscité au fil des sècles des constructions théologiques plus difficiles d’accès ne me semble pas être en soi scandaleux !
Encore une fois c’est là le propre de toute communauté humaine ! Je ne suis pas sûr que les arcanes du fonctonnement de notre République rendent immédiatement perceptibles les beaux principes de liberté, d’égalité et de fraternité…
Denis, le « Faites un petit effort » ne se voulait pas hautaine et ne s’adressait pas, comme je le subodorais, à un « petit » ou à « non-sachant », mais à quelqu’un du sérail (8 ans de petit séminaire et 25 ans d’engagement pastoral) qui adoptait une posture et qui voulait seulement en découdre avec l’institution ecclésiale…
Mais bon, j’aime bien ce que vous dites sur le « bonjour » de Marie reçu in utero avec joie par Jean le Baptiste… lequel 30 ans plus tard déclarera : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » (Jean 1, 29)
@ Denis … et les autres.
Cet échange est intéressant.
J’ajouterai un troisième élément dans cet « échange d’initiés » : la figure de Jésus (si tant est qu’on s’intéresse encore à lui ici) qui ne jargonnait pas savamment mais avait des mots simples pour s’adresser à tout un chacun par des paraboles ou des métaphores, rejetant le jargon abscons des clercs de l’époque. Toute personne pouvait aisément le comprendre et c’est pour ça que des foules le suivait. En 2023, pour ce qui est de l’église, la foule a déserté… restent les initiés pour bavarder entre eux. C’est d’un triste !
A la lecture des Evangiles je ne suis pas aussi sûr que vous que les Paroles de Jésus soient toujours d’une grande compréhension…
Cher René, le partage fraternel de l’Evangile aide beaucoup à progresser dans ce domaine…
Mais on ne le pratique pas « ici » ! Ce n’est pas un reproche, un simple constat, et un peu de regrets.
@ Le Voyageur
Trouvez-vous simple à comprendre, par exemple, cette parole de Jésus :
« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. »
(Luc 12, 49-51)
@ Michel de Guibert
Je la trouve interpellante. Pour la comprendre il faut quitter « tout raisonnement intellectuel et savant ». Jésus s’adresse toujours à « l’homme ordinaire » et non pas aux docteurs de la loi qui savent toujours tout sur tout à l’aide d’explications alambiquées dans lesquelles ils s’enferment. Évidemment si on croit qu’apporter la division a quelque chose à voir avec la guerre… c’est qu’on est trop savant et intellectualisé. Ouvrez votre cœur et vous verrez que c’est simple à comprendre qu’il faut diviser et faire la part des choses en nous profondément et même radicalement, pour accéder au salut qu’il propose et qui est un brasier ardent qu’il faut allumer.
Pour le coup, je ne suis pas sûre que l’Apocalypse soit compréhensible par beaucoup de catholiques, même pratiquants. Et quand on creuse un peu les dogmes, la doctrine, il est vrai que la foi chrétienne a quelque chose d’extrêmement ésotérique.
C’est sans doute vrai de tous les univers comme le dit René. Pourtant le christianisme se veut parlant à tous, pour tous et l’Eglise est dite « universelle ».
Je ne critique pas, je réfléchis tout haut.
Anne,
Mais c’est vrai cependant, comme le dit Rene, que tous les langages supposent une culture de référence préalable et demandent une initiation et quand il s’agit de textes religieux qui misent sur le symbole , une exégèse.. Il y a ce qui fait sens pour les uns, et ce qui n’est pas compréhensible pour les autres. Moi aussi, je réfléchis tout haut.
Marie-Christine,
J’ai rencontré bien des catholiques très pratiquants qui n’avaient à peu près aucune idée du sens de l’Apocalypse et étaient très peu à l’aise, de toute façon, avec la théologie.
Je ne pense pas qu’on fasse une théologie très approfondie au cours du catéchisme. Pendant le catéchuménat, peut-être ? Je l’ignore.
Il est vrai – mais on va me répondre que je suis une exception – que j’ai été baptisée et confirmée adulte sans avoir ouvert le catéchisme (jamais ouvert non plus depuis), en ayant signalé que je ne croyais pas que Jésus était fils de Dieu ni à la résurrection. Mais « Dieu était pressé » et « ça viendrait plus tard ».
De même que pour la prise d’habit où j’ai expliqué que je ne me sentais appelée à aucun des 3 voeux : pas grave, « ça viendrait plus tard aussi », il était si évident que Dieu m’appelait pour être toute à lui.
En fait, rien n’est venu et j’ai vécu l’enfer, en culpabilisant qui plus est. J’ai tout de même fait des etudes de théologie ; la liturgie, st Jean et st Paul m’ont beaucoup appris. C’était éblouissant et nourrissant, mais je n’y adhérais pas en fait.
Je digresse, pardon, et cela nous ramène aux catastrophes causées par les communautés nouvelles. Une « génération sacrifiée » m’a dit Thibault Verny, évêque auxiliaire. Il fallait évangéliser, « convertir » comme on disait, à TOUT prix.
Car tout cela n’a été qu’une succession d’erreurs et de mauvaises compréhensions.
De l’extérieur maintenant en tout cas, je vois combien le langage chrétien peut être abscons et il ne me semble pas du tout qu’il puisse être simple d’accès. Ce sont beaucoup de constructions très élaborées, parfaitement « ficelées » et pas forcément en accord ou du moins connectées à l’essence du message évangélique : l’amour de l’autre et particulièrement du plus plus faible, qui seul peut donner accès à la vie en plénitude.
Mais j’ai bien compris que pour se dire chrétien, croire en cela est très loin d’être suffisant, il y a tout le reste.
En tout cas, pour rebondir sur ton commentaire et conclure, les multiples symboliques (pas toutes cependant) peuvent faire sens, comme cela a été en partie le cas pour moi, mais cela n’a pas fait de moi une chrétienne, quelqu’un qui « croit ».
En ce qui me concerne, j’ai décidé de « militer » dans mon environnement paroissial et géographique pour que ce que la Bible dit de Dieu et de Jésus-Christ soit rendu accessible à tout un chacun.
J’ai entendu un monsieur plutôt âgé, agriculteur, qui n’avais sans doute pas dépassé le certificat d’études mais qui savait bien lire à haute voix, lire admirablement bien l’épître à la messe. À la sortie, alors que je lui disais mon admiration pour la qualité de sa lecture, il m’a confié : « Oui, mais je n’ai rien compris à ce que j’ai lu… » ; il s’agissait d’un passage de l’épître aux Hébreux… Avec une simple phrase d’introduction, il aurait été possible de faire émerger du sens à cette lecture…
Autre fait vécu : un agriculteur, dont la culture religieuse n’a pas dépassé celle du catéchisme de son enfance (il va avoir 80 ans…) a eu entre les mains la Bible Nouvelle en Français Courant, œuvre d’une équipe de traducteurs (et traductrices) œcuménique, qui a travaillé à remplacer les expressions absconses par des expressions compréhensibles par tout-un-chacun ; exemple : « Le Verbe s’est fait chair » est devenu : « La Parole est devenue un homme »… Du coup, il a été très heureux de découvrir qu’il pouvait comprendre ce qu’il y lisait…
Mon moteur dans ce militantisme : si je ne comprends pas une expression, un texte, je me pose la question : « Qu’est-ce que ça veut dire ? » et je ne lâche pas jusqu’à ce que j’ai trouvé la réponse.
J’ai la chance d’avoir pratiqué cette démarche tout au long de ma vie professionnelle, et d’avoir dû en communiquer les résultats à des générations d’étudiants rétifs à la matière que je leur enseignais (la Physique)…
Et en ce qui concerne les évangiles, le Nouveau Testament ou le reste de la Bible, je me fais un devoir de partager les découvertes que je fais… Comment garder pour soi la découverte d’un contre-sens dans la traduction du Magnificat, où on dit « Il s’est penché sur son humble servante » alors que le grec, langue initiale du texte, dit : « Il s’est penché sur l’humiliation de sa servante » ? La servante en question, Marie, était menacée de lapidation pour sa grossesse d’origine humainement douteuse…
Bref, tout ça pour dire que s’il y a une chose qui doit bouger dans notre Église catholique de France, c’est le niveau de sa culture biblique à tous les niveaux. À de rares exceptions près, les catéchèses transmettent davantage des pratiques dévotionnelles que des chemins de découverte de qui est Jésus-Christ. Or comment découvrir, et aider à découvrir, qui est Jésus-Christ si on n’est même pas foutu de s’intéresser à ce qu’en disent le écrits du Nouveau Testament, écrits qui sont quand même à la base de toute théologie ultérieure…
Les théologies des Pères de l’Église, grecs puis latins, du Moyen Âge, de l’Église tridentine puis celle des théologiens de Vatican II partent toutes de la Bible, en en faisant une lecture avec les catégories mentales de leur temps, et essayent d’en transmettre le contenu aux fidèles de leur temps compte-tenu de leur culture… À nous, aujourd’hui, de nous retrousser les manches, et d’en faire autant. Comment ? En ayant le courage de se demander « Qu’est-ce que ça veut dire ? » quand on ne comprend pas, ce que tout le monde peut faire : intello à bac + 8 comme simple quidam à bac – 8… De partager cette question avec d’autres, et de ne pas lâcher le morceau tant qu’on n’a pas compris ! Pas besoin d’être passé par le grand séminaire ou par une licence de théologie pour ça !…
A Marie-Françoise,
Intéressant en effet de comprendre la littéralité de la Parole de Dieu (qui est à la fois parole d’hommes et parole divine).
Dans les deux exemples que vous donnez, je suis convaincu par le deuxième: « Il s’est penché sur l’humiliation de sa servante », beaucoup moins par le premier. Pas sûr que votre agriculteur ait mieux compris après avoir entendu que « la parole est devenue un homme ». La polysémie ne s’accommode pas toujours de la traduction même la plus littérale, car elle aussi suppose le choix d’un sens parmi plusieurs possibles.
A noter enfin que nous parlons de plus en plus des langues étrangères au sein d’une même langue. On le comprend quand il s’agit du langage scientifique comme dans votre spécialité, la physique. On le comprend beaucoup moins quand la langue administrative devient à peu près hermétique aux citoyens administrés. Il faudrait plaider pour une Pentecôte juridique ou, plus sérieusement, encourager les efforts de traduire la langue administrative en Français courant. Cet effort existe et porte un nom que j’ai présentement oublié. Un nom et une méthode. Quelque chose comme la langue simplifiée.
@ Marie-Françoise
« (…) Comment ? En ayant le courage de se demander « Qu’est-ce que ça veut dire ? quand on ne comprend pas, (…) » dites-vous. Vous avez raison il faut un certain courage pour affronter les « têtes savantes vaticanes et théologiennes ». Cependant il y a aussi une autre approche possible : plutôt que le qu’est-ce que ça VEUT dire, il y a le qu’est-ce que ça ME dit à moi. En lisant quel est le message transmis à ma conscience éclairée par l’esprit. C’est cela une parole vivante. Elle dialogue avec moi dans mon for intérieur. Et ainsi peu à peu elle me transforme par le dedans et me fait agir de manière nouvelle et donc, vu son origine, plus dans l’esprit de Jésus. Quand c’est un théologien qui vous répond c’est un peu comme disait Coluche en substance : « avec sa réponse savamment instruite vous ne comprenez même plus votre question ».
Oui et non ! Entre soi et l’Eglise institutionnelle il y a place aussi pour la communauté de croyants avec qui partager ce que nous percevons dans notre conscience « éclairée par l’Esprit ». Les plus grands déviants nous ont dit avoir été éclairés de la sorte… Si chacun se bricole sa Vérité, même en toute bonne foi, je crains le pire !
@ René
«Si chacun se bricole sa Vérité, même en toute bonne foi, je crains le pire ! »
Voilà une phrase que j’ai entendue 10 000 fois, ou quelque chose de semblable.
Et la situation actuelle de délabrement collectif et collégial de l’église : vous ne croyez pas qu’on est déjà dans le pire ! Vous ne cessez d’ailleurs de nous le dire.
Et puis ce mot « bricole » c’est méprisant à mon égard il me semble. Car je ne bricole pas ma Vérité (surtout avec une majuscule détestable), la vérité c’est de suivre Jésus ce que je tente de faire. Je vous aime bien René, mais là vous décevez un de vos lecteurs de longue date, quoique commentateur occasionnel.
Pardonnez-moi si je vous ai blessé mais bien évidemment ma réponse dépassait votre seule personne. Que cette réponse ait été formulée 10 000 fois ne suffit pas à prouver qu’elle soit fausse car « imposée » comme idéologie par une intitution toute puissante (ce qu’elle n’est plus depuis longtemps). Il me semble qu’elle découle du simple bon sens. J’ai le plus grand respect pour mes propres convictions… que je crois mûries en conscience. Pour autant il me semble difficile de ne pas prendre en considération la maniière de voir d’autres personnes qui partagent ma foi et peuvent avoir une approche différente qui m’interpelle. Comme peuvent m’interpeller les réflexions de non-croyants. Mon propos ne va pas au-delà. Mais pas en-deçà non plus !
@JULIEN WEINZAEPFLEN 10 mai 2023 at 5 h 17 min :
Vous conviendrez cependant avec moi que traduire « logos » par « Parole », cela fait plus immédiatement sens au commun des mortels que de le traduire par « Verbe ».
De même, le mot « chair » qui traduit le grec « sarx » évoque aujourd’hui la viande, alors que chez les grecs, il évoquait la part fragile de la totalité de l’être humain…
@ Le Voyageur 10 mai 2023 at 10 h 21 min
Ceci étant, même si « ce que me dit le texte » est un passage obligé pour en faire entrer la teneur dans nos vies, ne croyez-vous pas que, pour reprendre l’exemple du prologue de l’évangile de Jean, ce que pourrait me dire « Le Verbe s’est fait chair » aura la même teneur que ce que peut me dire « La Parole est devenue un homme » ?
La tradition de la Lectio Divina en honneur chez les moines depuis les pères grecs les invite à Lire (ce que dit le texte) avant de Méditer (ce que me dit le texte aujourd’hui), puis de poursuivre par la Prière qui, s’il plaît à Dieu, pourra s’épanouir en Contemplation…
A Anne,
Les bras m’en tombent qu’au prétexte que Dieu était pressé de vous avoir toute à Lui, on vous ait présentée au baptême alors que vous ne croyiez pas en la résurrection ou qu’on vous ait incitée à faire des voeux religieux alors que vous avertissiez que vous n’étiez pas faite pour ces voeux. Et pourtant, je vous le répète sans flagornerie ni goût du paradoxe, vous êtes pour moi une des meilleures théologiennes de ce blog. Vous dites beaucoup du Christ dans le désir de Lui que vous exprimez comme aussi dans ce que vous avez cessé d’en croire ou n’avez jamais cru de Lui.
Mais ce qui vous est arrivé en ces deux matières pointe du doigt le vice profond de l’évangélisation conçue comme une sorte de pêche miraculeuse où on hameçonnerait des âmes dans des seines de rue, âmes qui seraient complètement tourneboulées par le texte de l’Evangile sans qu’on ait pris soin de les connaître et d’interroger leur désir au préalable. On décrète a priori qu’elles sont faites pour l’Evangile et que l’Evangile est fait pour elles. Fermez le ban(c de poisson!)
A Julien,
Les bras vous en tombent, oui je comprends.
Tout cela était pourtant monnaie courante du temps des grands shows de Paray le Monial et de la « nouvelle Evangélisation ». Et si vous lisez les témoignages de celles et ceux qui sortent actuellement des communautés, on en est toujours à peu près là. Manque d’écoute, de respect de l’autre, incompétence, désir de faire nombre. Et ensuite l’Eglise vous laisse tomber.
Autant dire que nous sommes nombreux à y avoir trouvé le pire de ce que peut être une « famille », mot qui me parait toujours étrange quand on parle de l’Eglise.
Et d’une certaine manière je comprends que pas grand monde n’ait envie de voir la réalité, celle que nous avons eté nombreux à vivre, en face. Ça poserait trop de questions.
A René,
Plutôt que le lien que vous donnez pour accéder à la version complète du rapport des groupes de travail, je conseille celui-ci, où le téléchargement se fait en un clic:
https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/lutter-contre-pedophilie/539808-rapport-des-groupes-de-travail-remis-aux-eveques-de-france/
Merci Julien, j’ai modifié le lien.
Il ne faut pas « tourner la page » sur les péchés et les actes mauvais qui ont ou sont commis et sur les fausses justifications qui leur sont données, mais s’interroger légitimement sur la panique morale qui décale la juste quête de sanctions et de protections de la part des victimes
en une accusation générale et vague qui utilise des concepts flous comme l’abus spirituel
ou en une accusation très relayée de certains et remarquablement discrète pour d’autres à la réputation plus ouverte
ou dans le débarquage de certains évêques alors que d’autres dorment tranquilles.
Il serait bon de ne pas se cantonner dans des approches psychologiques ou statistiques, mais de s’intéresser aux « fumées de satan » qui sont rentrées dans l’Eglise et à la diversité des abus qui s’y rencontrent.
Certains sont dénoncés, et il est juste que les comportements déviants soient révélés et sanctionnés et fassent l’objet d’enquêtes sérieuses et sévères, sans miséricorde vaporeux,
Mais sans se cantonner uniquement à la question sexuelle et morale, mais en parlant aussi de l’enfouissement de la vérité catholique, de la beauté liturgique et de la justice morale, économique sociale et politique.
Pour vous, le concept d' »abus spirituel » est flou. Pour ceux qui l’ont vécu, pas du tout. D’autant que c’est cet abus-là qui entraîne tous les autres.
Il suffit de lire les témoignages, nombreux maintenant, sur le sujet, puis les études qui ont suivi et qui continuent car on n’a pas fait le tour de la question.
Le terme a fini par être retenu car c’est celui qui recouvre le moins mal un faisceau de réalités.
Mais c’est toujours pareil : il faut « s’immerger » pour comprendre.
Le mot « flou » est sans doute insatisfaisant et ne revient pas à dire qu’il n’y ait pas eu de fautes et de comportements condamnables. Mais je maintiens que la notion d’abus telle qu’elle est utilisée actuellement me semble insatisfaisante et incomplète, tout comme je me souviens que les publications des Fraternités monastiques de Jérusalem me semblaient assez incomplètes et insatisfaisantes dans les années 1990.
Les comportements que vous dénoncez méritent des analyses partant de plusieurs points de vue et méthodes pour qu’on puisse ne pas les voir ressurgir.
Plusieurs points de vue, plusieurs méthodes, pourquoi pas ? Et autant que faire se peut extérieurs à l’institution puisque ces fautes et comportements, ces abus tous au départ spirituels sont spécifiques et dûs à un système, le mot qui fâche.
Car je suppose que vous visez sans le dire le rapport Sauvé.
C’est oublier un peu vite que ses conclusions, qui peuvent être approfondies, complétées etc… sont entièrement fondées sur les témoignages des victimes, ce qui est incontournable et irremplaçable et je ne sache pas que l’institution l’ait fait ni eu envie ni même pensé à le faire. Elle ne veut pas et ne SAIT pas écouter les victimes, toutes vous le diront, c’est leur plus grand point commun. Et tant de gens dans l’Eglise parlent pour elles, savent pour elles ! C’en est vraiment fatigant.
Je n’ai pas connu ces abus qu’au sein des FMJ, loin de là. Et je ne suis pas une exception. Quant à l’envie de ne pas voir et de et de ne pas se remettre en cause, elle ne peut qu’être inhérente à une Eglise sainte et de droit divin. Sinon, tout s’écroule.
Si l’Eglise a peur de « l’enfouissement de la vérité catholique » (je ne vois pas très bien ce que cela signifie et pour moi cette expression n’augure pas grand chose de bon, mais passons), elle n’a qu’à commencer par être vraie avec elle-même et avec celles et ceux qui lui sont confiés, particulièrement ceux qu’elle a lésés. Ce serait un bon début mais je vois, en vous lisant entre autres, qu’elle n’en prend guère le chemin et que beaucoup ne l’y aideront pas. La vérité n’est décidément pas son fort, c’est trop coûteux.
Le terme d’abus spirituel englobe les abus d’autorité, de conscience etc…effectués avec des légitimations spirituelles ou dans un « milieu spirituel » . Rien de flou là dedans.
@ Philippe Edmond,
Les « abus spirituels » seraient flous ? Et la demande de justice des victimes viendrait « d’une panique morale qui décale la juste quête » ?
Mais bon, si ce qui est transparent et net ce sont « les fumées de Satan » (ce gars là utilise comme ça sa moquette ?), alors je ne me pose aucune question sur : » l’enfouissement de la vérité catholique, de la beauté liturgique » !
Ceci dit, la dernière chose que j’ai lu, écrite par vous, venait tout droit (la gazette de france en … 1843) d’un journal ultra-monarchiste faisant l’apologie de la société du XVIII° siècle (ben oui, je lis aussi le site de Golias, bis repétita). Du coup, je ne m’étonne pas trop…
Si l’on mettait toute l’énergie déployée à défendre l’Eglise-institution, toute l’ingéniosité utilisee pour contourner, détourner, déplacer, minimiser, relativiser, circonscrire, mettre de côté, en doute, en perspective, comparer… le phénomène des abus en Eglise (à présent qu’on peut difficilement les nier), si donc on mettait toute cette énergie à comprendre leurs fondements et comment on peut les laisser se produire et perdurer, je pense qu’ils pourraient être sérieusement combattus même s’il y a peu de chance pour qu’ils soient jamais éradiqués.
En tout cas, une chose me semble certaine : l’Eglise, tout comme la vérité, n’en sortiraient pas défigurées, mais grandies.
Et oui, les royalistes ultra ont pu être prohétiques et bien plus en avance sur leur temps que Marx, qui avait lu leurs cousins allemands mais qui a choisi un autre chemin.
C’est en effet en relisant, réinterprétant et réinventant certaines institutions du passé qu’ils ont su inventer du nouveau, contrairement à certains « progressistes » plus brillants, mais moins imaginatifs et féconds.
@ Philippe Edmond (et Anne Mardon),
Bonjour les amalgames ? Il y a t-il un lien entre ceux que, P. Edmond, vous taxez d’être des « progressistes » et Marx ? On m’a très souvent collé l’étiquette de progressiste, mais je n’a i jamais adhéré aux analyses marxistes… Et sur ce blog, je n’ai vu personne adhérer aux analyses marxistes.
Anne, « l’enfouissement de la vérité catholique « , dans la bouche des traditionalistes (du type royaliste adhérent à la FSSPX, ou pas…) désigne l’église de Vatican II pas assez identitaire… Ceux là reprochent à l’église habituelle classique de ne plus agiter la peur du péché, la peur de l’enfer (fumée du diable). Ils reprochent à l’église de Jean Paul II d’être trop moderne (si si…) et de ne plus affirmer les grandes vérités du genre : hors de l’église point de salut etc…
Je me questionne quand même sur les fameux « cousins allemands ». Ceux qui ont donné naissance au système bismarkien paternaliste, sous la férule des Hohenzollern , dont le gros héritage, en plus de la guerre franco-prussienne de 1870 ont légués à notre Europe deux guerres mondiales désastreuses avec les plus grands crimes contre l’humanité au XX° siècle. Voilà donc ce que Monsieur Philippe Edmond a l’air de trouvé « brilant, imaginatif et fécond » sans compter qu’ils seraient « prophétiques » « et « en avance sur leur temps »… Sous prétexte que ces ultras royalistes français proposaient, en 1843, un retour à la société … d’avant 1789 !!!
Merci Dominique de me décrypter l’expression « vérité catholique ».
Rien à voir en effet avec la vérité, ce dont je me doutais un peu. Mais que voulez-vous, ce langage, l’idéologie qui est derrière et toutes les peurs qui s’y rattachent font beuguer mon cerveau. C’est un autre monde.
Ben, il faut surtout que le concept « abus spirituel » reste flou, malléable, dénué de sens…. comme le mot système au fond dont il est le jumeau, il faut oublier, passer à autre chose.
C’est sans bien sur un sens aigu de la « Miséricorde vaporeuse » et de la divine prudence qui ont conduit M. Aupetit à fermer le centre St Merry et son successeur à ne pas esquisser un geste vers la réouverture, ces même sens qui ont conduit la Pape à rétropédaler avec la commission Sauvé, contrains Luc Ravel à la Démission, à traiter Caritas international par dessus la jambe… et tant d’autres petitesses!
Soyons sérieux car, si tout cela est sans aucun doute difficile, c’est aussi très concret, en rien vaporeux: il faut donc oser creuser, affronter des désordres à bas bruits (j’ai des exemples vécus, charnellement, en tête) et surtout parler vrai.au lieu d’encourager comme fait notre vieux Pape, les danses latinos qui engendrent des doutes profonds, de reprendre à son compte les vieilles recettes: lenteur du temps, oubli, construction de légendes, demi-vérité et gros secrets…
Panique morale? Oui le concept serait recevable si tant de temps n’avait pas été déjà perdu en simagrées, en « excès d’adresse, au point que la panique morale est nécessaire. Gare au plantage du synode sur la synodalité!
Dans son livre » SOIS PIEUSE ET TAIS-TOI De l’emprise à la liberté : témoignage » – auquel j’ai déjà eu l’occasion de faire référence sur ce blog – Sabine Tainturier fait une analyse approfondie de ce que représentent des « abus spirituels » :
Je la cite :
» Ceux qui ne sont pas passés par ce que nous vivons ne peuvent pas comprendre jusqu’où va la profondeur du désastre, de la souffrance. Nul ne peut percevoir combien nous frôlons la mort dans notre lutte quotidienne pour en sortir. » (p. 55)
Quant à Marie-Laure Janssens, victime des soeurs contemplatives de saint Jean, elle écrit qu’elle a été » victime d’un crime que ni le droit pénal ni le droit de l’Eglise ne reconnaissent : l’abus spirituel « . (p. 55)
…
» Je commence à noircir une page blanche du drame de mes souvenirs. » (p. 56)
…
» Devant ma feuiile, je me sens en revanche attirée par un livre, Les Frères Karamazov :
» Ne dis rien, tais-toi. D’ailleurs, que pourrais-tu dire ? Je ne le sais que trop. Tu n’as pas le droit d’ajouter un mot à ce que tu as dit jadis. Pourquoi es-tu venu nous déranger ? Car tu nous déranges, tu le sais bien. » (p. 56)
De tout cela je conclus ce qui suit :
L’emprise existe partout, les plus faibles étant sous l’emprise des plus forts.
Quant aux ordres religieux, l’emprise y existe également, les trop rétifs à l’emprise étant priés de quitter les lieux (et c’est cela, précisément, qui lui est arrivé !).
Concernant la vie religieuse plutôt que de conclure comme vous le faites, autant laisser parler Véronique Margron, présidente de la Corref et prieure provinciale des dominicaines » J’aimerais tant parler de la beauté de la vie religieuse, et je vous assure qu’elle est belle, heureusement. Elle est surtout belle dans tant de choses minuscules, des choses qui ne feront jamais la une des grands médias nationaux, mais qui font le coude-à-coude ordinaire avec les femmes et les hommes de notre pays, de notre planète. Et cela, c’est vraiment magnifique. La vie religieuse est belle, mais voilà, dans la vie religieuse des atrocités ont aussi commises, des crimes, et il faut les regarder en face. »(https://www.vaticannews.va/fr/eglise/news/2023-05/le-travail-de-la-corref-contre-les-abus-dans-l-eglise.html)
Sans doute Sophia, mais le propos actuellement n’est pas de chercher les beautés de la vie religieuse mais de comprendre ce qui y rend les atrocités et crimes possibles, sans doute plus facilement qu’ailleurs, en raison même des spécificités de cette vie. La mise à l’écart du monde qui vous ôte références, mises en perspective, recours autres que ceux de l’intérieur. L’obéissance qui peut facilement faire de vous une marionnette puisque c’est à un être en chair et en os, pas plus saint que les autres et, dans certaines ctés bien plus mégalomanes, que vous obéissez. La pauvreté qui rend très difficiles une sortie et une réinsertion. Ne parlons pas de la chasteté qui est encore un autre problème. Avec, en prime, l’idée que la souffrance fait partie du combat spirituel et que plus vous prierez et mieux vous obéirez, plus vite vous vous détacherez du vieil homme, cause de tous vos malheurs. Donc une immense culpabilité quand vous n’êtes pas « heureuse » et les efforts pour le paraître quand même.
Alors la boucle est bouclée.
C’est tout cela qui est à interroger, toutes ces réalités qui n’ont guère posé problème jusqu’à notre époque mais sont beaucoup moins vivables pour beaucoup aujourd’hui. Tout cela a évidemment été mis en lumière par les ctés nouvelles qui se sont fait fort de revenir à la radicalité. Et du coup, les désastres qui s’y sont produits ont entraîné une réflexion sur toute la vie religieuse, surtout cloîtrée. Cette réflexion,
des personnes comme Véronique Margron, Bruno Cadoré… doivent s’y coller aujourd’hui et, pour les connaître et avoir échangé avec eux, je crois que c’est franchement rude.
Situations et conséquences parfaitement décrites , vous parlez de ce que vous connaissez et dire que cela a duré pendant des siècles
Ne faites pas dire à Véronique Margron ce qu’elle ne dit pas car à partir du mot unique « conclusion » vous mélangez des sujets distincts.
Vers la fin de l’entretien, c’est le journaliste qui demande à V.M. « pour conclure, combien de temps encore ? Quelle issue ? »
Dans sa réponse, Véronique Margron – après avoir prononcé le passage que vous citez – continue en disant « Je me lève tôt le matin en me disant que je vais encore entendre des victimes. Et il faut que je les entende. Et ceci ne va pas s’arrêter parce que, par définition, je ne sais pas jusqu’où il y en a.
Et l’entretien n’est pas fini.
…
La sélection que vous faites des mots prononcés par V.M. conduit à une interprétation erronée de l’entretien.
Je sais, par expérience, que les medias catholiques vous demandent toujours une conclusion optimiste. C’est systématique. « Pour ne pas désespérer Billancourt ». Il y a donc toujours la dernière petite question, la conclusion qui fait remonter le niveau de la joie et de l’espérance au dernier moment parce qu’ils sont là pour ça. Je ne pense pas que René me contredise, il en a parlé lui-même. Et c’est ce que retiennent hélas beaucoup des lecteurs ou auditeurs parce que c’est cela qu’ils veulent lire ou entendre.
Mais Anne, la réalité est ce qu’elle est rarement univoque, souvent complexe et paradoxale. Je ne vais pas déclarer vide une bouteille que je vois à moité pleine uniquement pour « mobiliser » des troupes dont on imagine, sans preuve aucune, que la Vsion/peur du vide la rendrait plus courageuse. Je n’en crois rien. Il nous faut donc tenir A LA FOIS que tout n’est pas blanc ou noir et que le combat engagé n’est pas facultatif.
Robert le passage cité de Véronique Margron n’était pas clos du tout avec ces mots « dans la vie religieuse des atrocités ont aussi été commises et il faut les regarder en face » puisque j’ai pris la peine de mettre le lien pour poursuivre la lecture (il suffisait de cliquer comme vous l’avez fait) mais il n’est pas possible de laisser supposer que toute vie religieuse est soumise à un système d’emprise. Et « Le crime de quelques uns n’est pas le crime de tous » nous dit Benoit de Sinety.
Anne, j’ai pu écouter VM sur RCF et tout ce que vous dites est bien là au cœur de ses propos. Chacun de ses mots sonne fort juste « si nous ne faisons pas en notre chair l’expérience de la déflagration provoquée par la résonance de l’écoute et du compagnonnage avec qui a été floué, violenté, humilié, nous ne comprenons pas ce qui se passe. Et nous continuons à dire que « ça va bien », qu’il faut passer à autre chose de plus « positif », « joyeux »(…) et sans l’ébranlement des certitudes, des repères même, cette écoute ne peut se faire implication, prise de partie, décision. C’est à jamais, je crois, que nous sommes changés. Peut-être est-ce d’éprouver la profondeur du mal, la terreur qu’il impose, la multiplicité de ses ramifications qui fait cette expérience et l’obligation éthique comme spirituelle de ne rien laisser de côté. Je ne sais s’il faut souhaiter cela à certains de nos interlocuteurs, car ce n’est pas sans souffrance, ni sans questions abyssales. Mais peut-être que le chemin de l’Évangile est aujourd’hui à ce prix dans notre Église (https://www.rcf.fr/articles/actualite/edito-de-veronique-margron-abus-et-agressions-sexuelles-dans-leglise-en-parler). Combien Anne, vous avez raison de dire que son combat est rude mais le chemin de l’Evangile n’est-il aussi à ce prix ?
A Robert
Cet exemple illustre bien qu’une bonne partie des catholiques restent dans le déni et ne veulent pas entendre ce qui dérange.
La dernière prise de position de la CEF qui considère que le dossier est clos est de mon point de vue révélateur d’une attitude très répandue : la volonté de passer à autre chose , de tourner la page sans se préoccuper vraiment ni des victimes ni des causes des abus .
Le rôle du rapport Sau e aura été de percer l’abcès, mais pas de traiter la maladie .Une occasion manquée .Plus qu’une faute, une erreur .
Guy, évoquer une postion de la Cef qui considère que le dossier est clos me semble pour le moins excessif. Ce n’est pas, en tout cas, ce que dsait mon billet. Je persiste à penser que la présidence de la Cef entend assumer le dosser Ciase et sa mise en œuvre mais se trouve, de fait, mise en difficulté, par sa base sur laquelle, nous le savons, elle n’a pas d’autorité canonique. Pas plus que le Secrétaire général de l’ONU n’a de pouvoir sur les Etats membres de l’organisation.
A René
je ne sais pas si ma position est excessive , mais elle me semble logique . Vous affirmez vous même que « la base » c’est dire les évêques qui constituent la CEF ne seraient pas en phase avec la présidence de la CEF . Donc logiquement sauf à pouvoir être mis en minorité , et contraint de démissionner ( ce qui ferait désordre quand on veut toujours affirmer l’unité de l’épiscopat ) le président de la CEF reprend la position de la majorité des évêques . Ce qui est sa fonction même et que nul ne peut lui reprocher
Je n’entre pas dans le fait de savoir si EMB et quelques évêques souhaitaient effectivement assumer le dossier CIASE et en tirer les conséquences concrètes . Force est de constater que s’ils le souhaitaient , ils ont échoué à Lourdes en mars dernier .. Effectivement parce que la CEF n’a pas d’autorité sur les évêques qui ne dépendent hiérarchiquement que du pape .
Juridiquement les décisions de la CEF n’engageant aucun évêque ., Ce que peut dire ou pas la CEF n’a donc pas de véritable portée pratique . et ses propos n’engagent que ceux qui les prennent au sérieux .
Votre comparaison avec l’ONU et son secrétaire général est judicieuse . Que ce soit pour l’invasion de l’Irak ou celle de l’Ukraine , les USA comme la Russie ne se sont jamais encombré d’un avis de l’ONU .
Pour les états comme pour les évêques la seule justification de leur action est l’adage toujours utile : » quia nominor Leo . »
A Sophia
A votre constat » le crime de quelques uns n’est pas le crime de tous » je veux objecter le fait que n’être pas coupable ne dispense en aucun cas d’être tous responsables du fonctionnement de l’église . » responsable mais pas coupable » comme l’avait très bien dit la ministre lors de l’affaire du sang contaminé
De plus l’église , parce qu’elle ne reconnait pas la légitimité de contrepouvoirs en son sein est structurellement abusive . Les règles de la vie religieuse créent les conditions pour susciter permettre et couvrir les abus . C’est quand même un des constats qui ressort du rapport de la CIASE .
Enfin affirmer que parce que l’on a pas ressenti dans sa chair la souffrance des victimes on serait incapable de la comprendre est d’abord totalement faux . (un peu d’honnêteté intellectuelle peut suffire) et d’autre part ouvre la porte à un dolorisme compassionnel très catholique qui enferme les victimes dans leur statut de victime .
Je crois que le meilleur moyen d’aider les victimes à s’en sortir c’est justement de ne pas les enfermer dans leur statut de victime en les enfouissant sous des tonnes de compassion mais de leur rendre justice autant que faire se peut et cela passe par le moyen certes insuffisant mais nécéssaire de l’indemnisation pécuniaire ( la victime peut tout a fait légitimement redistribuer cet argent mais c’est sa liberté et on ne doit pas le lui imposer comme on a pu le constater dans l’attitude de Monsieur Garapon dans un reportage télévisé ) . Cette compassion excessive affichée ne sert en réalité qu’à dédouaner l’église de sa responsabilité et à considérer les victimes exclusivement dans leur statut de victime . ce qui est le pire service à leur rendre .
Je suis sur ce point en total désaccord avec la position exprimée par V Margron dans sa chronique sur RCFquand bien même je suis le premier à admirer ce qu’elle a fait en faveur des victimes et la manière dont elle a tordu le bras des évêques pour qu’ils en fassent autant .
Rendre justice aux victimes c’est réparer les dégâts commis en indemnisant financièrement à hauteur du préjudice subi .
C’est cela la seule et unique priorité pour peu que l’on souhaite vraiment que justice soit faite . . .
A Sophia,
« il n’est pas possible de laisser supposer que toute vie religieuse est soumise à un système d’emprise » écrivez-vous.
Selon moi, dans toute communauté de personnes – laïques ou religieuses – un réseau va s’établir plus ou moins rapidement entre elles, dans lequel les personnes les plus influentes et les plus opportunistes vont exercer leur emprise sur les personnes qui le sont moins.
A Sophia,
Si vous n’avez pas lu le livre de Sabine Tainturier « Sois pieuse et tais-toi ! De l’emprise à la liberté : témoignage » préfacé par sœur Chantal-Marie Sorlin, aux éditions L’Harmattan, c’est là une mine d’informations très intéressantes sur le sujet de l’emprise. Vous ne le regretterez pas.
C’est après la lecture de ce livre que j’ai pu affirmer :
« L’emprise existe partout, les plus faibles étant sous l’emprise des plus forts.
Quant aux ordres religieux, l’emprise y existe également, les trop rétifs à l’emprise étant priés de quitter les lieux et c’est cela, précisément, qui est arrivé à Sabine Tainturier ! » (voir plus haut)
A ce propos, je citerai encore Dysmas de Lassus (voir en 4eme de couverture):
« Il n’est plus permis aujourd’hui de prendre à la légère ces témoignages. […]. Plaise à Dieu que le trop long chemin de l’Eglise depuis l’occultation jusqu’à la reconnaissance des abus sexuels profite à la vie religieuse pour les abus non sexuels qui se commettent aussi en son sein. »
« Il est illusoire de considérer que le chapitre des abus sexuels est clos » : » Les abus sexuels jouent pour moi un rôle similaire à celui des scandales liés au commerce des indulgences, juste avant la Réforme. Au début, les deux phénomènes semblaient marginaux. Or tous deux ont révélé des problèmes systémiques beaucoup plus profonds. Dans le cas du commerce des indulgences, il s’agissait de la relation entre l’Église et l’argent, l’Église et le pouvoir, le clergé et les laïcs. Dans le cas des abus sexuels, psychologiques et spirituels, il s’agit de la maladie du système que le pape François a appelée “cléricalisme”. Il s’agit avant tout d’un abus de pouvoir et d’autorité. » (Frédéric Mounier, La Croix, 2/5/2023, vers l’article)
Pour Benoist de Sinety qui s’avère toujours aussi clairvoyant sur l’épaisseur de la crise que traverse l’Eglise « Rien ne changera dans l’Église sans l’action de l’Esprit saint » (https://fr.aleteia.org/2023/05/07/rien-ne-changera-dans-leglise-sans-laction-de-lesprit-saint/) : « Que l’incertitude du moment présent ne nous égare pas : ne pas comprendre n’est jamais une raison suffisante pour refuser la confiance. N’avançons pas en aveugle, mais croyons que nous sommes guidés par Celui qui rend toute chose possible » écrit-il en final. Comment ne pas penser un peu à Christian Bobin qui n’a eu de cesse d’arracher des bribes de lumières aux opacités du monde : « le paradoxe écrivait-il est qu’on peut trouver de la lumière dans le noir de l’encre. C’est comme de la nuit sur la page, et c’est pourtant là qu’on voit clair ». N’est-ce alors avec « Celui qui rend toute chose possible » qu’il nous est demandé de ne pas avancer en aveugle et d’être capables de croire en d’autres chemins qu’en ceux que l’on a connus et de s’y aventurer chacun avec les outils qui nous sont propres ? Notre engagement étant d’aller le plus loin possible pour la vérité et la justice avec Celui qui a appelé à sa suite un zélote, un publicain, Pierre, Judas etc….
Le texte est effectivement beau, bien écrit, savant… mais je peine à en ressortir quelque action – ou même juste orientation – que ce soit !
Ok pour ne pas « s’opposer à l’action de l’esprit saint », mais en pratique ? Est-ce que l’on considère que l’Esprit Saint est dans le rapport Sauvé, donc mettons le en pratique ! Ou bien qu’il est dans la bouche des évêques, alors enterrons le rapport !
Reste l’idée d’élections/suffrages qui est intéressante, mais en ces temps troubles ou les politiques eux mêmes refusent de soumettre des lois au vote – y compris de parlementaires (ne parlons même pas de donner la parole directement au peuple !), j’ai bien peur que l’idée de démocratie soit agonisante.
Sophia,
Selon moi, Danièle Hervieu-Léger s’avère également clairvoyante dans son entretien concernant l’avenir du catholicisme et son « implosion » à venir.
Elle y montre comment l’Église romaine « implose » sous le système romain qu’elle a elle-même mis en place pour conjurer sa maladie. (entretien avec Danièle Hervieu-Léger, LACAN Web Télévision, mis en ligne en mai 2023, vers l’entretien)
Sur cette « implosion », sur ses causes profondes, il me semble que ces paroles d’André Gide qui se savaient mourant, telles que rapportées par Roger Martin du Gard (note sur André Gide, mai 1949) apportent un éclairage intéressant: « Avez-vous jamais réfléchi à ceci, cher? Les hommes, pendant des siècles, n’avaient guère douté de leur double nature… Ils savaient leur corps périssable, mais leur âme éternelle… Et tout à coup, voilà que l’humanité cesse de croire à cette immortalité spirituelle! L’importance de ce fait! N’est-ce pas une chose bouleversante, cher? » Que cette réflexion soit venue d’un homosexuel assumant sa nature et voulant bousculer, malgré tout ce qu’il en coutait alors encore, la pudibonderie traditionnelle, n’est pas neutre.
Jean-Pierre, il me parait un peu regrettable de se référer ici à Gide (même si la lecture de Gide m’a enthousiasmée et qu’il reste dans ma bibliothèque) car André Gide est sans doute l’écrivain le plus célèbre se revendiquant « pédéraste » tant il était convaincu que la pédérastie serait reconnue et acceptée (Marianne 2020 Pédophilie : d’André Gide à Gabriel Matzneff, comment la littérature a arrêté d’être une excuse).
A cette époque, ne pas cacher son orientation n’était pas donné à beaucoup de ce genre d’homme. Il est de ceux qui ont, comme Proust, Baudelaire… obligé l’humanité à regarder en face cet aspect d’elle-même sans fausseté hypocrite. Cela ils mérite à mes yeux d’être salués. Dans le même ordre d’idée et à cette même époque le dominicain Marie-Alain Couturier a écrit qu’en matière de sacré l’art n’est pas enfermé dans l’académisme. Je préfère me référer à d’honnêtes personnes, avec leur part d’ombres, qu’aux tordus qui ont aussi longtemps que possible tout fait pour que des enfants juifs baptisés ne soient pas rendus à leur famille. Je pense notamment au cardinal Gerlier et au pape Pie12 à la même époque. L’Institution est et demeure inexperte en humanité, ce qu’elle rappelle avec ce débat sur HV. Qu’ils aient peur que tout s’écroule après avoir beaucoup fait pour être dans cette situation est un progrès.
L’Église est malade d’un système de pouvoir clérical et « le surinvestissement sacral de la figure du prêtre est une source possible d’abus de pouvoir » (dixit) : oui, « l’institution est obligée de s’interroger sur les racines profondes du cléricalisme et sur les moyens de redéfinir la place du prêtre dans les communautés » mais cela fait écho à ce qui a été déjà souvent partagé mais personnellement, je ne crois absolument pas à un effet de panique totale comme le suppose la sociologue. «C’est en retrouvant l’audace confiante des commencements apostoliques que nous pourrons accueillir l’avenir, tel que Dieu le veut, et qu’aucun d’entre nous ne peut programmer (…) la communauté chrétienne aura un avenir à la mesure de sa foi et de son labeur. » (B Chenu)
@ Sophia Gabel,
« A la mesure de sa foi et de son labeur » écriviez vous. Il y a donc deux jambes proposés par B Chenu. Il faut donc « labeurer » : ce qui n’est surement pas se contenter de faire le dos rond en attendant que l’orage passe. Et là, je vous rejoins dans l’idée de réinterroger le commencement, les temps apostoliques pour se nourrir d’une tradition plus globale en ne se limitant pas aux décisions du XVI ° siècle, hystérisées au XIX°.
Permettez moi d’être franche.
Toutes ces considérations, enfilades de multiples citations savantes, de plus sans le contexte et l’intention de leurs auteurs, sont très belles et exaltantes certes. Mais quel est au juste leur but réel ? En quoi autrui, malgré les apparences, est il ici concerne ?
Et, surtout à partir de la, qu’est ce qu’il faut faire ? Qu’est ce que signifie au juste: « retrouver l’audace confiante des commencements apostoliques ? » Et comment ?
Rien de concret n’est jamais dit. Aucune analyse du réel n’est vraiment faite. Ce flou et presque cette évasion du réel, à croire que l’abondance de paroles masque l’absence de la considération des actes, me posent grandement problème.
C’est du moins mon sentiment. Mais je pense que vous ne le comprendrez pas tant une certaine manière de raisonner fait système.
a Marie Christine
Parmi les nombreux problèmes que rencontre aujourd’hui l’église il y a les questions institutionnelles .
Celles ci ne pourront se résoudre que si on les pose au seul niveau institutionnel et non en plaçant le débat dans le champ spirituel pour mieux éviter d’avoir à le poser au niveau ou il se pose et ou on peut éventuellement le résoudre .
Le recours au Saint Esprit à temps et à contretemps n’est qu’une manoeuvre dilatoire plus ou moins consciente pour ne surtout pas se poser les questions qui dérangent .
Dans l’église tout le monde le sait , tout le monde fait semblant de ne pas s’en apercevoir et tout le monde continue à spiritualiser à outrance ce qui a d’abord vocation à être considéré de manière réaliste et osons le mot terre à terre .
Le fait même de ne pas nommer le pouvoir en l’appelant toujours service et quand on le nomme à le sacraliser pour que son exercice soit intouchable suffit à démontrer que l’église ne veut ni ne peut se reformer concrètement .
Il y a un excellent article dans « la Vie » de cette semaine : (interview de madame Clémence Pasquier) qui illustre au delà de mes espérance mon diagnostic . Il aurait pu se titrer : faire une place aux femmes sans rien changer dans l’institution écclésiale .
Ce n’est pas avec des voeux pieux ( aussi sincères soient ils ) que l’on adaptera l’église à sa mission .
René, j’entrevois quelque chose de ce que vous dites. Je ne suis pas fabriquée ainsi, mais je comprends quelque chose. Cela me fait réaliser que c’est à moi de plus me protéger dans le milieu catholique pour éviter de la souffrance supplémentaire.
Merci encore pour ce que vous faites.
A Guy,
Je ne suis pas sûre que dans l’Eglise tout le monde sache comme vous le dites qu’on brandit le spirituel pour éviter le concret. Pour ma part je sens bien, chaque fois qu’on me répond que justement le spirituel c’est du réel, c’est même ça LE réel, avec toutes les citations a l’appui, qu’il s’agit en fait de 2 planètes différentes.
Cela vient peut-être du fait d’être persuadé que l’homme n’est fait que pour le ciel.
Je trouve ça redoutable à présent.
« Dix ans du mariage pour tous » dans le journal le Monde d’aujourd’hui : on comprend bien à lire les témoignages toute l’horreur que peux inspirer l’institution cléricale (qui a voulu soulever l’ensemble de l’Eglise dans sa haine pathologique) et qui veut donc toujours « tourner la page » à tout prix pour faire oublier ce qu’elle est. Cette institution qui n’a de cesse de se montrer sous un jour malveillant et bête est en réalité une organisation à bien des égards criminelles. La question est bien : Comment ne peut-on pas la quitter ? Y rester c’est endosser trop de choses au delà du supportable. C’est donc tout simplement infaisable sous peine de devenir maboul. On notera au passage l’interview très intéressant de Anne Gaillard (Docteure en théologie : tout le monde ne peut pas en dire autant) paru dans la Croix du 15 mai : « La théologie queer prend au sérieux la ‘révolution’ générée par le christianisme ». p. 21. L’Eglise est-elle intrinsèquement patriarcale et irrécupérable ? OUI Remettez vous donc en cause la différence sexuelle ? Réponse OUI. Au moins on peut ici commencer à réfléchir comme du temps de Paul. Bravo les filles. Foutez-nous en l’air cette institution de mecs.
A Guy (réponse post du 16/05) Permettez-moi de préciser Guy qu’il n’y a aucune idée de dolorisme dans les propos cités de Véronique Margron : pour elle, le propre de l’expérience de l’écoute dont elle parle c’est précisément que celle-ci ne reste pas de l’ordre de la simple information reçue (car ainsi on tournera vite la page avec un « j’ai entendu » ou « je sais ») mais qu’elle prenne « prenne chair » en soi pour qu’il y ait une véritable prise de conscience (et donc un ébralement des certitudes) qui va en conséquence permettre de prendre la décision d’agir et de s’impliquer « avec l’obligation éthique comme spirituelle de ne rien laisser de côté »
a Sophia
Qu’il est difficile de se comprendre . Je ne mets en cause ni la bonne foi , ni le courage , ni la ténacité de V Margron pour faire reconnaitre et prendre en compte la situation des victimes de la pédocriminalité des clercs .
Par contre je refute son affirmation selon laquelle il faut nécessairement partager la souffrance des victimes dans sa chair pour se rendre compte de leur situation .
N’importe quel observateur de l’organisation de l’église -et les évêques ne sont pas des simples observateurs peut constater que la sacralisation d’un pouvoir absolu est en soi structurellement abusive . Et que donc dès le signalement d’un premier cas d’abus , toute personne honnête aurait questionné l’organisation ecclésiale en ce qu’elle suscite , permet et couvre les abus .
Mais madame Margron ne le fait pas parce qu’elle est prisonnière d’un conflit de loyauté et pose en hypothèse qu’il ne faut pas questionner à priori l’organisation de l’institution écclésiale . ( même si timidement le Corref commence du bout des lèvres à s’interroger sur la gouvernance sans toutefois remettre en question l’organisation et son caractère abusif de l’église et des ordres religieux .. Je précise que ce qui est considéré comme abusif aujourd’hui ne l’était pas aux temps médiévaux période à laquelle ont été figées les règles des grands ordres religieux et la structuration de l’institution ecclésiale ). Alors il ne lui reste plus que « le coup de pied à suivre « de la spiritualisation pour affirmer sa solidarité avec les victimes .
Dans sa position , sans doute ne peut elle pas faire autrement . Elle n’en a pas la marge de manoeuvre Mais souffrez qu’un laïc qui n’est tenu par aucun voeu d’obéissance à l’hiérarchie écclésiale puisse faire un autre constat . et prendre acte que lorsque l’on est juge et partie on ne peut pas analyser aussi objectivement la situation .
L’antique Israel savait que l’on ne pouvait pas cumuler les fonctions de prophète et de roi ( Moise avant de mourir a clairement institué cette séparation des pouvoirs ) . L’église veut toujours l’ignorer . Ce qui conduit aux apories dans lesquelles madame Margron en dépit de son courage reste enfermée .
En fait, c’est tout un Continent qui veut « tourner la page » de l’institution cléricale : rien de tel que la lecture du journal la Croix du 22 mai pour en être certain : c’est d’abord l’historien Guillaume Cuchet qui, page 19, enquête nationale à l’appui, annonce que la religion catholique va rétrograder en France à la deuxième ou à la troisième place, un « déclassement annoncé qui, dit-il, étrangement suscite peu de commentaires dans l’Eglise comme si les évêques sonnés par la crise des abus sexuels ne savaient plus qu’assister, muets et impuissants, à ce qui s’apparente à un effondrement ». Pour mieux comprendre cet effondrement programmé, il faut alors aller page 13 : là, on lit en larges extraits le discours du cardinal Ladaria, le grand inquisiteur, préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, sur Humanae Vitae, prononcé lors d’un congrès au Vatican : un discours bête et méchant, anti femmes, anti genre, patriarcal à tonf. Et il faut alors aller page 20 pour comprendre ce que peut donner une institution cléricale qui donne libre cours à ses penchants « intégralistes » et totalitaires (oui c’est possible) en lisant la chronique de Jean-François Colosimo sur l’Eglise orthodoxe de Kirill. « Tourner la page » d’une institution cléricale moisie qui pourrit par la tête. C’est dans le journal « la Croix ».
A Le Philistin
Ladaria ne peut pas dire autre chose que son discours inepte .Il a parfaitement compris que Humanae Vitae en ce qu’elle refute la légitimité de l’échange de plaisir sexuel , valorise en creux le célibat sacerdotal qui est lui même le fondement de la sacralisation du prêtre. (Homme célibataire, choisis par Dieu et mis à part du commun des mortels par son absence de sexualité pour léviter quelque part entre Dieu et les hommes comme intermédiaire obligé .Or c’est sur cette sacralisation du prêtre que repose tout l’édifice de l’institution ecclésiale .
Comme le dit très lucidement une femme participant a cette célébration de HV (eh oui y en a ) « Si on abandonne HV tout s’ecroule » Ladaria monte au créneau et tient le mur , c’est son job .
Comme il est très intelligent , il se sera mis a l’abri quand le mur s’écroulera .
Les cardinaux se battront jusqu’à la dernière femme comme dit on les anglais se sont battus à Dunkerque jusqu’au dernier français . Le courage n’est pas une vertu cardinalice fréquente .
Vous avez tout à fait raison sur le fond. Mais je pense surtout de plus en plus que notre réflexion en France tourne en rond dans un sens conservateur et étriqué qui tranche avec la vitalité qui se manifeste ailleurs dans le monde et en Europe. La recherche théologique française s’est fortement « provincialisée » (elle est même quasiment insignifiante) alors qu’elle infuse lentement et sûrement en langue anglo-américaine, allemande et un peu espagnole. J’avais déjà repéré le livre (assez unique en son genre) de Daniel Dubuisson (professeur émérite de l’université de Lille) sur « L’invention des religions » aux éditions du CNRS que j’avais trouvé très stimulant en se faisant tout simplement l’écho de la recherche américaine en Religion (forte de crédits importants et de programmes universitaires) et de sa production inconnue encore non traduite en français. On en a un nouvel exemple avec l’ouvrage intitulé « Dieu e », paru récemment aux éditions de l’Atelier sous la direction de Anne Gaillard et Lucie Sharkey qui se fait l’écho de beaucoup trop de recherches anglo-saxonnes et allemandes non traduites. Pour moi, simple quidam, le discours du Vatican a finalement quelque chose de curieusement ridicule, un peu comme la manif pour tous dix ans après.
A Le philistin .
Contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne notamment ,en France la théologie n’est pas une discipline séparée de l’église catholique . Tous les théologiens français dépendent pour leur postes et pour leur salaire de l’église ( avec la nuance qui ne change rien sur le fond des départements concordataires ) . L’église applique strictement la directive de J P II selon laquelle en matière de théologie la liberté du chercheur doit s’exercer sous l’autorité de l’institution et à son service . ( toujours influencé par la culture et les méthodes du marxisme léninisme ce grand pape ) Pas étonnant que la théologie en France se stérilise et que l’on s’esbaudisse comme étant novateur et très osé le fait d’enfoncer des portes ouvertes .et de considérer comme révolutionnaire ce qui est admis et démontré ailleurs .
En France l’enseignement de la théologie ne sert qu’à justifier le plus savamment possible discours du magistère . C’est juste un discours de la doctrine .
Autrement plus roboratifs les théologiens allemands catholiques ou protestants qui bénéficient de la liberté académique . Même si Ratzinger, commissaire politique impitoyable a réussi non sans mal à enlever son habilitation catholique à Küng , lui rendant ainsi une liberté qui n’a pas peu contribué à sa fécondité .
Il faut quand même préciser qu’à la dfférence de l’Allemagne où la théologe est enseignée à l’Université et où tout étudiant peut l’intégrer librement à son parcours d’études supérieures, l’Université française – au nom de la laïcité – s’y refuse. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que l’Eglise ait, de fait (mais pas de son fait), le monopole de l’enseignement et de la recherche en matière de théologie. Lorsque le gouvernement français, il y a quelques années, décida de former les futurs imams, non pas à la religion musulmane, mais à la culture des institutions françaises et aux « valeurs » de la République, l’Uniiversité publique se rétracta. C’est l’Institut catholique de Paris qui, sous la direction d’Olivier Bobineau, organisa la formation. Soyons cynique : cela permet aux tenants du laïcsme à la française de développer une fois de plus l’idée selon laquelle l’Eglise s’enferme dans ses vérités à l’abri des courants d’air… CQFD.
A René
Merci de cette précision. Il existe en effet en France un courant laicard qui comprend la laïcité comme un combat anti religieux et spécifiquement pour des raisons historiques anticatholique.
L’étroitesse d’esprit et le détournement de la notion de laïcité n’exonèrent pas pour autant l’église de son refus de la liberté académique en matière de recherche théologique que rien ne saurait justifier .Considerer que la finalité de la théologie n’est que la légitimation du discours du magistère, c’est le meilleur moyen de barrer la route à toute tentative d’intelligence de la foi .
Merci pour le signalement des ouvrages de D. Dubuisson, et aussi celui de Anne Guillard et Lucie Sharkey (et non Gaillard) « Dieu.e. – Christianisme, sexualité et féminisme ». Le refus de l’Institution à se laisser décaper par le temps présent à quelque chose de suicidaire, révoltant, incompréhensible. Comment l’Institution peut-elle se prétendre imprégnée et à l’écoute de Dieu et ignorer à ce point l’humanité, en se plaçant en surplomb, en donneur de leçons? Les différents articles que La Croix consacre en ce moment aux JMJ et qui entendent montrer l’engagement et l’enthousiasme d’une certaine jeunesse, sont assez inquiétants à cet égard; ils indiquent plus une dérive sectaire qu’un renouveau sain.
A René. Tout à fait, il n’y a que l’Université de Strasbourg qui comporte une faculté de théologie catholique et une faculté de théologie protestante, concordat oblige. A l’université de Metz il y aussi un département de théologie car la Moselle est concordataire elle-aussi. Mais il est dommage de ne limiter l’enseignement de la théologie aux seules universités présentes dans les départements concordataires. C’est une vision étriquée de la laïcité.
Guy Legrand a raison sur le fond : le motu proprio de JPII « Ad Tuendam fidem » est totalitaire. Pour être professeure dans une faculté des Instituts catholiques : il faut signer ce texte. C’est un viol intellectuel pur et simple. Une violence systémique. Si ce blog pouvait contribuer à restaurer la liberté académique en matière théologique et canonique en France, ce serait formidable.
A Jean-Pierre :
» se prétendre imprégnée et à l’écoute de Dieu et ignorer à ce point l’humanité, en se plaçant en surplomb, en donneur de leçons » écrivez-vous.
Dans une tribune du journal Le Monde (publiée hier 29 mai à 17 heures), Guy Legrand et Paule Zellitch ont écrit :
» Mais, mise au défi par la Réforme puis par les Lumières, loin de chercher à prendre en compte ces nouveaux contextes, elle s’est figée sur son modèle pyramidal, cherchant à le poser comme intangible et intemporel. »
…
» Alors que notre société civile se fonde désormais sur la raison et légitime le pouvoir par le processus démocratique et le principe de compétence, l’Eglise romaine persiste en effet à fonder le pouvoir sur la réception d’une onction sacrée, l’ordination, pérennisant le clivage quasi indépassable entre clercs et laïcs. «
A Guy (suite à votre réponse à M.Christine du 26) Oui Guy, belle interview que vous partagez : celle de cette JF de 28 ans dans « La Vie » alors autant y annexer le lien car il illustre aussi mes voeux « pieux »(direz-vous ) sur la place des femmes dans l’institution et tout ce qu’elle exprime du même coup (https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/ne-pas-se-priver-de-la-richesse-que-peuvent-apporter-les-femmes-88430.php) : » nous ne sommes plus capables d’accompagner ceux qui voient le monde avec une sensibilité particulière, parfois blessée, et dont la créativité brûlante permet de bâtir ce pont entre l’Église et le monde (….)Parmi les défis qui attendent notre génération, au-delà de la question des abus, demeure celle des querelles de chapelles, rendues particulièrement visibles sur les réseaux sociaux. Ces tensions blessent profondément et engendrent des réflexes de citadelle assiégée. Dans l’exhortation apostolique Christus vivit, le pape François écrit qu’ « en apprenant les uns des autres, nous pourrons mieux refléter ce merveilleux polyèdre que doit être l’Église de Jésus-Christ”. Et Jusqu’à sa référence à St François (« couvrez ce saint que je ne saurais voir » diront certains) le ton est juste et je pourrais ici signer Clémence car on a toujours un peu l’âge de son âme aussi (et au passage j’aurais aimé pouvoir lire en entier l’interview de cardinal J. C. Hollerich du 25 mai sur La Vie qui confie aussi sa vision de l’Eglise de demain en laquelle j’espère et il se pourrait en tremblant qui sait. 😂 Mais ce sera ici ma conclusion à l’heure de la Pentecôte).
Plutôt que d’être tenté de « tourner la page » du Rapport Sauvé – tentation qui me semble totalement injustifiée – une tentation qui, elle, se justifie totalement est de ne plus jamais désigner par abus le viol d’un enfant par un membre du clergé (le mot « abus » étant totalement inapproprié).
L’institution ne tournera la page que si les fidèles la lui laissent tourner en la tournant eux-mêmes. C’est sûrement une grosse tentation.
A Le Philistin
Puis je vous signaler la tribune parue ce soir dans le journal « Le Monde » que Paule Zellitch et moi même avons commise sur les causes de l’incapacité de l’institution écclésiale à parler aux hommes et aux femmes de ce temps .
Votre propos publié par le journal le Monde est tout à fait pertinent. J’y adhère complètement. Pour le dire d’une formule, il est curieux de constater à quel point l’architecture des hauts murs entourant le Vatican enferme désormais complètement cette cité de clercs consacrés dans un monde séparé, fantasmé et imaginaire. En même temps, j’avais été très frappé de la longueur de la queue formée par les touristes qui s’étendait très loin pour franchir la porte des musées à une autre entrée du Vatican. Deux mondes qui se frôlent : celui d’une bureaucratie en soutane et celui du tourisme. Ce qui est également étonnant c’est la capacité de cette institution à « tourner la page » : elle ne cesse pas de le faire, page après page, jusqu’à la dernière probablement. Il est possible aujourd’hui d’envisager qu’on puisse même refermer son livre. Dans le domaine intellectuel, qui se souvient par exemple des bêtises décrétées par la Commission biblique pontificale créée par Léon XIII à la fin du XIXe siècle ? Elle se croyait plus intelligente que les autres. Toute l’Europe cultivée s’est poliment esclaffée. Aujourd’hui, l’institution a tout simplement perdu son monopole sur l’exégèse et doit se garder de dire des énormités. C’est le sort qui la menace : un dessaisissement du contenu et du message qu’elle porte et dont elle se croit seule propriétaire. Le 3e homme dont parlait François Roustang il y a 60 ans est devenu le croyant lambda. Le risque principal pour cette institution cléricale est d’être captée par la frange la plus conservatrice. Dans ces conditions, j’identifie une voie de salut possible pour elle : ouvrir motu proprio la liberté de recherche, affirmer la liberté intellectuelle, dans le domaine théologique à l’intérieur des institutions universitaires qu’elle contrôle. Malheureusement, je n’y crois pas moi-même… Mais quelle importance ?
Je pense qu’il ne faut pas tourner la page concernant les abus, ni « tourner la page » de l’Eglise. Pour cela, continuer à dénoncer sans se lasser. C’est la seule manière drastique d’agir à notre disposition. J’apprends, par des rencontres, qu’une association vouée à l’accueil des personnes en difficulté (dont je ne cite pas le nom pour le moment), a pour responsable un homme qui a fait de la philosophie avec M. Dominqiue Philippe et qui soutient sa mémoire en présidant l’association des amis du P.Marie-Dominique Philippe. Ca veut dire que, malgré des dénonciations fortement argumentées de rapports circonstanciés prouvant les actions perverses de ce bonhomme, on peut continuer à le défendre et à répandre en sous-main ses thèses aristotitélicienes (soi-disant) qui conduisent inexorablement à des désastres (pédophilies ou abus sur des femmes, etc…). Le « mal » n’a pas fini de montrer son museau. Comment faut-il faire pour l’empêcher de continuer à se diffiuser ? (malgré le tavail des commissions appropriées). La grosse bête n’a pas fini de faire son travail de sape et de chercher à tromper tout le monde. Le devoir aujourd’hui, c’est la vigilance. J’ai appris ça ce matin même. Qu’en faire ? Si quelque’un peut me le dire, je suis preneur. Il faut agir le plus possible, comme le fit Golias efficacement.
Pingback: Synode : le pape François joue le va tout de son pontificat | René Poujol