La procédure de nomination des évêques se trouve ici une nouvelle fois mise en question.
L’évêque émérite de Créteil a été informé à l’automne 2021 de la sanction prise à son encontre par la Congrégation de la doctrine de la foi et invité à vivre désormais retiré “dans la prière et la pénitence“. Epilogue d’un procès canonique engagé à la suite de la plainte déposée en 2019 par deux hommes pour des « abus spirituels à des fins sexuelles » commis dans les années 1990 par l’abbé Michel Santier alors Directeur, à Coutances (Manche), d’un école de formation et de discernement pour des jeunes majeurs de 18 à 30 ans. Au-delà de la stupéfaction, cette nouvelle « affaire » soulève nombre de questions dont celle de la procédure de désignation des évêques.
L’enquête publiée vendredi 14 octobre sur le site de Famille Chrétienne a fait l’effet d’une déflagration. L’article est parfaitement documenté. Chacun peut théoriquement s’y reporter sur internet bien qu’il soit réservé aux seuls abonnés. « Les faits, rapporte le magazine, se sont déroulés dans les années 1990, dans le diocèse de Coutances où était incardiné Mgr Santier, alors prêtre. Directeur de l’Ecole de la foi à Coutances, une école de formation à la prière d’une année pour les jeunes de 18 à 30 ans, Mgr Michel Santier a exercé une emprise psycho-spirituelle et usé de son ascendant sur deux jeunes hommes majeurs à des fins sexuelles. Circonstances aggravantes, ces faits ont été commis avec une instrumentalisation des sacrements, notamment celui de la confession. »
« Si le juste se détourne de sa justice et commet le mal… »
On apprend à la lecture de l’article que les victimes ne se sont fait connaître qu’en 2019, presque trente ans après les faits. Le 5 décembre de cette même année Mgr Michel Aupetit alors archevêque de Paris et métropolite de la Province, transmettait le dossier à Rome. Les mesures disciplinaires prises par la Congrégation pour la doctrine de la foi ont été signifiées à Mgr Santier en octobre 2021. Elles lui demandent « de mener une vie de prière et de pénitence », en l’occurence au sein d’un couvent de religieuses dont il assurera les fonctions d’aumônier. Ces informations ont été confirmées par Mgr Laurent Le Boulc’h, évêque de Coutances, chargé d’appliquer ces sanctions dans le diocèse où Mgr Michel Santier avait choisi de se retirer pour sa retraite.
J’avais eu connaissance il y a plus d’un an déjà – comme d’autres journalistes – des accusations portées contre Mgr Santier ainsi que de l’ouverture d’une procédure canonique. Début octobre 2022, la lecture du nouveau Trombinoscope de Golias qui venait de paraître, les avait confirmées et en quelque sorte officialisées. La notice relative à l’actuel évêque de Créteil, Mgr Dominique Blanchet, contenait en p.297 l’essentiel des faits aujourd’hui portés à la connaissance du public. Dès lors il fallait bien se douter que la presse ne tarderait pas à s’emparer du dossier. J’en avais discrètement informé quelques ami.e.s proches du diocèse de Créteil auquel j’appartiens.
Les deux victimes, désormais reconnues comme telles par l’Eglise, ont droit à notre compassion et à notre soutien au travers des dispositifs de reconnaissance et de réparation mis courageusement en place par la Conférence des évêques de France et la Corref, suite à la publication du rapport de la Ciase il y a tout juste un an. Nous devons respecter, autant que faire se peut, le désir exprimé par ces deux hommes de rester dans l’anonymat et de ne pas voir les médias se répandre sur ce qu’ils ont vécu.
Mgr Santier a été mon évêque. En divers lieux et circonstances – secrétariat général du synode diocésain, conseil de la communication… – j’ai bénéficié de sa confiance. Il avait la mienne. Ce n’est pas si fréquent et je lui en sais gré. Aujourd’hui j’entends avec une autre acuité l’avertissement du prophète Ezechiel : « Si le juste se détourne de sa justice et commet le mal (…) on ne se souviendra plus de toute la justice qu’il a pratiquée » (Ez. 18,24)
Sortir du secret des procédures canoniques est devenu une nécessité.
Depuis la sortie de l’article de Famille Chrétienne et sa reprise dans les médias, je lis sur les réseaux sociaux l’expression de l’incompréhension, de la stupéfaction, de la colère, de l’exaspération et, pour certains, d’une souffrance difficile à contenir. Je les comprends, je les respecte, je les partage. Même si je me souviens que les mêmes, parfois, ont pu avoir des paroles d’une grande violence vis-à-vis de tous ceux qui, depuis des années, dénonçaient des faits dont ils avaient connaissance, possiblement désastreux pour l’Eglise comme on le vérifie aujourd’hui. En 1949 Albert Camus écrivait dans ses carnets, dans un tout autre contexte : « On ne dit pas le quart de ce que l’on sait, sinon tout croulerait. Le peu qu’on dit et les voilà qui hurlent. » Le propos est plus que jamais d’actualité !
J’ai une pensée pour les victimes. Toutes les victimes : les deux dont il est ici question et les autres dont certaines restent parfois exclues des dispositifs officiels prévus par les autorités religieuses, parce qu’elles ne rentrent pas exactement dans les cases définies qui exigent l’existence d’agressions de nature sexuelle. Alors qu’on peut avoir été pareillement détruit par des abus spirituels ou de pouvoir. J’ai une pensée pour Mgr Santier, pour toutes celles et ceux, prêtres et diacres, laïcs-laïques, religieux-religieuses qui l’ont connu et sont aujourd’hui ébranlés par ces révélations. Certains pourront trouver injuste que l’image d’un homme se trouve à jamais ternie par l’évocation publique d’actes certes condamnables mais auxquels on ne saurait le réduire. Sans doute faut-il il lire sous cet éclairage le twitt malheureux de Mgr Michel Aupetit en date du 15 octobre :
Car, quoi qu’il en pense, les victimes ont le droit que ce qu’elles ont vécu soit dit, reconnu ; que les sanctions prises contre leur agresseur, aujourd’hui encore enfermées dans le secret des tribunaux ecclésiastiques, viennent confirmer publiquement leur statut de victimes. Il y a là, sans doute aucun, une exigence de justice, un passage obligé de leur propre droit à réparation.
Si l’Eglise qui « appelle » est réellement le peuple de Dieu, alors il faut associer les fidèles à la désignation des évêques.
Une autre question est soulevée par l’épilogue de cette affaire comme par d’autres qui l’ont précédée : celle des modalités de nomination des évêques. Car enfin, si chacun peut avoir ses faiblesses, nul n’est obligé de briguer ou d’accepter des postes de responsabilité au sein d’institutions qui pourraient avoir à souffrir de son inconduite passée. Sauf à considérer que la grâce sacramentelle suffira… Il y a là, d’évidence, un manque de discernement à la fois personnel et institutionnel.
On connaît, à propos du mariage, la phrase popularisée par le cinéma hollywoodien : « Si quelqu’un s’oppose à cette union, qu’il parle maintenant ou se taise à jamais ! » Une disposition dont l’Eglise devrait s’inspirer. Il y a vingt ans, c’est la nomination d’un autre évêque qui avait décidé sa victime présumée à porter plainte. On peut imaginer que si les deux victimes de celui qui était alors « l’abbé Santier » avaient eu connaissance de sa possible promotion épiscopale, ils se seraient manifestés plus tôt. Et lui auraient évité l’opprobre et l’humiliation qui s’abattent aujourd’hui sur lui au point de gommer tout ce qu’il a pu réaliser de bon par ailleurs.
J’entends bien que les choses ne sont pas simples. Mais le problème est réel. Après tout, pour nombre de postes importants de la société civile, qu’il s’agisse de dirigeants ou d’élus, on connaît bien souvent la liste des “pressentis“ ou des candidats en présence. Pourquoi n’en serait-il pas de même dans l’Eglise ? On m’objectera qu’ici nul n’est candidat à quelque ministère que ce soit, à plus forte raison s’il s’agit de l’épiscopat. C’est l’Eglise qui appelle et nomme « dans sa grande sagesse ». Avec les erreurs possibles que l’on voit s’accumuler. Si l’Eglise est vraiment « peuple de Dieu » comme l’enseigne le Concile Vatican II, ne pourrait-on imaginer qu’en amont de toute nomination les fidèles soient consultés, puis informés du contenu de la « terna » (liste de trois noms) élaborée par le Nonce apostolique et transmise au pape pour choix définitif ?
Je redis ici fermement que sans une détermination farouche à prendre à bras le corps, au travers du Synode en cours, les réformes qui s’imposent dans notre Eglise, réformes dont certains pensent pouvoir s’affranchir au nom d’autres priorités de nature spirituelle, l’effondrement se poursuivra.
De la conférence de presse de ce jour du président de la CEF on peut retenir :
– l’aveu qu’il connaissait la sanction frappant M Santier dès qu’elle a été prononcée mais qu’il a estimé ne pas devoir en informer l’ensemble des évêques ni les fidèles .
-que 11 évêques en activité et en retraite font ou ont fait l’objet d’une action judiciaire et / ou canonique pour violence sexuelle ;
– que les évêques prennent acte de la maturité suffisante du peuple de Dieu et estiment qu’îl est suffisamment mûr pour entendre la vérité relatif aux abus des clercs .
Et voilà que le cardinal Ricard,archevêque émérite de Bordeaux et ancien président de la CEF passe aux aveux. Comme l’écrivait le philosophe Vincent Cespedes il y a un an, « dissolvons l’Eglise catholique ». Tout cela est à pleurer. Quelle bande de tartufes.
Ne confondons pas, s’il vous plait, l’Église et l’Institution.
Il va être bien difficile, long et pénible à beaucoup, ce passage/pâques qui consiste à dissocier ce qu’on nous a appris à regarder comme l’Église …de l’Institution. Certains, la plupart de ceux qui restent attachés à l’Institution qu’ils nomment « l’Église », ne s’y résoudront pas tant il est difficile de concevoir l’Église autrement qu’entre des murs: dogmes, trinité, catéchisme, sacrements,prières, cultes… et jusqu’aux murs de l’église et du cimetière… L’Église n’est pas d’abord ces murs, elle est d’abord le tissu de liens qui relie les humains. Or, il faudra bien en arriver à comprendre que cette conception, d’une nature toute autre que l’idée de religion, s’oppose à ce que l’Église puisse être réduite à une religion. Qu’on s’entende bien: adhérer à l’Institution n’est pas contradictoire avec se croire de l’Église, simplement se croire de l’Église ne nécessitera plus de se raccrocher à l’Institution. Si l’Institution comprend cela, elle va pouvoir se décontracter: cesser de lutter contre ce qu’elle nomme la sécularisation…. et au contraire l’encourager, l’accompagner là où « c’est mûr ».
Pardon, je poursuis une réflexion personnelle suite à mon dernier post relatif à Dom Lassus. Dans une interview, Dom de Lassus s’exprime par ces mots « Dans un contexte ecclésial, on pourrait dire que le pouvoir pour les brebis devient un pouvoir sur les brebis. Le pasteur n’est plus au service des brebis, mais les brebis au service du pasteur. Finalement, la question est bien de savoir comment est utilisé cet ascendant et quelle limite on y met. Plus il est grand, plus la personne qui en est dépositaire peut s’en servir pour le bien ou le mal. En réalité, les abus ne sont pas extérieurs à nous, ils sont en puissance à l’intérieur de chacun (…)Dans la plupart des cas, un Père Abbé qui déraille n’est pas un personnage pervers au départ. C’est le temps, l’environnement, puis l’orgueil, la gloire, le pouvoir qui le font peu à peu fléchir ». Mais dans son ouvrage, sur les abus, Dom lassus rapporte qu’ une institution défaillante, débute par « la mise en place d’une structure pyramidale -où tout vient d’en haut et tout remonte en haut- qui freine les échanges entre les membres (les relations se font toujours en direction verticale, jamais horizontale) avec pour conséquence la mise en place d’une culture du mensonge : on perd alors le sens de la vérité et le mensonge détruit la relation. Cette mise en place de la concentration des pouvoirs survient lorqu’arrive une personnne présentant certains traits de caractère. L’exemple type étant la personnalité narcissique qui allie souvent de grands talents et une forte capacité de séduction, c’est « une étoile double, association d’un soleil et d’un trou noir » selon Pascal Ide (Manipulateurs, personnalités narcissiques). Ceux qui seraient lucides, sont vite mis hors d’état de se manifester car une personne manipulatrice saura utiliser la force à son profit personnel. Celle-ci a ausssi l’art de la dissimulation et de la séduction, déployé vis-à-vis des personnes qui ont autorité (Évêque ou supérieur général) pour qu’ ils ne se rendent pas compte de la réalité de ce qui se vit. L’autorité sera subjuguée par ce qu’ elle voit et ainsi rendue incapable d’accueillir les critiques émises à l’encontre de cette institution ». Je crois vraiment que ces propos de Dom Dysmas de Lassus éclairent parfaitement le danger du pouvoir dans l’Eglise et la nécessité absolue des contre-pouvoirs. Le fait que dans l’Eglise, des paroisses aux institutions, il y a un réel problème relatif à la concentration des pouvoirs, cad un terrain favorable à la « toute puissance », doit faire réfléchir comme cela s’est passé au fil du temps, dans les ordres monastiques. Les évèques ne devraient-ils pas tous lire ce genre d’ouvrages qui depuis la CIASE se sont démultipliés et qui apportent de vrais éléments de réflexion sur les mécanismes révélateurs de déviance ? La mise en place d’un conseil de suivi au niveau national, auquel tout évêque ou archevêque devra se référer dès lors qu’il aura connaissance d’abus sexuels commis par un prêtre, certes c’est déjà bien, mais cela ne peut suffir, pour réduire les abus de pouvoir dans l’Eglise, n’est-ce évident ?
« Descends de ton arbre » dit le Christ à Zaché, si cette leçon de sagesse et d’humilité s’adresse d’abord à chacun de nous, il reste que dans l’Eglise se trouvent des religieux et prêtres qui grâce au pouvoir cherchent toujours à grimper « le plus haut possible » et peuvent commettre de graves abus de pouvoir tandis que la plupart des évèques restent encore perchés dans une sorte de tour d’Ivoire même s’ils commencent à entrevoir -par la force des choses- un problème de fonctionnement (traitement en circuit fermé, entre évêques , une naïveté entretenue ; un manque de considération pour le peuple de Dieu, Mgr de Moulins-Beaufort/ 8 nov) : on a remarqué que lorsqu’ils découvrent ces abus, il est déjà toujours trop tard pour les victimes alors qu’il y a eu de leur part, une réelle non-assistance apportée à personne en danger, ce qui est « un délit fort grave » dont ils auront à rendre compte, et la page n’est pas tournée en la matière,…
Sophia, n’est-ce pas, pour commencer, la notion de brebis qui est profondément pernicieuse… et forcément, à la suite, la notion de pasteur?
Sophia, pour ma part la volonté de puissance présente incontestablement chez bien des clercs a tous les niveaux et je dis bien à tous les niveaux existent aussi chez bien des laïcs. Rien n’est plus difficile lorsqu’on est possesseur d’un certain pouvoir de savoir l’utiliser avec modération et délicatesse
Quant à être une brebis il faut bien évidemment ne pas assimiler ce terme à « mouton bêlant »
A Sophia
L’église ne se rend t elle pas incapable de penser le pouvoir en son sein puisqu’elle ne le nomme pas de manière juste .Elle le nomme service sans s’interroger sur le fait que la dimension service n’est qu’un des aspects du pouvoir . Une finalité vers laquelle il faut travailler pour l’orienter . il ne suffit pas de dire : dans l’église le pouvoir est service . Pour qu’il s’oriente en effet vers la finalité du service encore faut il en prendre les moyens concrets. Je me rappelle d’une phrase révélatrice de l’évêque Dubost interrogé sur ces questions et disant péremptoirement » la question du pouvoir ne se pose pas dans l’église »
On peut mettre cette absence de réflexion sur le compte de la naïveté mais aussi sur celui de l’adhésion à une culture qui refuse de penser la question du pouvoir en l’habillant d’attributs divins » les pouvoirs sacrés reçus du Christ lui même » avait dit l’année dernière EMB lors de l’an de la CEF du 5 novembre 2021 pour désigner le pouvoir des évêques .
Cette absence de réflexion est la conséquence de l’adhésion à une idéologie selon laquelle , le pouvoir venant de Dieu , il ne peut par définition qu’être bon .
C’est ce qui empêche les évêques d’être lucides sur le fonctionnement réel de l’église , très différent du fonctionnement affiché et qui les fait s’étonner et se scandaliser à chaque fois qu’est rendue publique une affaire d’abus de la part des clercs .
Sur ce sujet ils en restent à des déclarations d’intentions sans jamais se poser la question des causes profondes des abus , bien que le rapport de la Ciase soit particulièrement éclairant sur cet aspect
Aussi leur prétendue lutte contre la pédocriminalité se réduit en réalité à se protéger pour que leur responsabilité pénale et civile ne soit plus mise en cause . La création du tribunal national canonique et les conseils créés pour ne pas laisser un évêque seul affronter les cas d’abus des clercs n’ont qu’un seul but : protéger les évêques en diluant les responsabilité .
Faute d’une réflexion sérieuse sur le pouvoir dans l’église les évêques en sont réduit à ne chercher qu’à se protéger eux même . Quand ils disent que l’église doit être » une maison sûre « , c’est de leur propre sureté qu’ils parlent .
Si la conférence de presse d’EMB , son discours de clôture surréaliste et la lettre aux catholiques paraissent si décalées , si inaudibles , c’est que nous ne sommes plus dupes de la prison idéologique dans laquelle les évêques se trouvent enfermés et qui les empêchent de comprendre la réalité . C’est dommage pour eux , mais aujourd’hui les fidèles ne sont pas des « brebis » immatures incapables d’entendre que leur « pasteurs » puissent faillir .
Tant que les évêques se complairont dans leur prison idéologique ils resteront incapables de comprendre le réel et la logique des abus légitimée par leur vision fausse et simpliste de leur pouvoir, continuera son oeuvre de destruction .
Guy dans votre propos, la phrase de Mgr Dubost est parfaitement révélatrice de bien des réactions et attitudes d’hommes d’Eglise : pourtant un prêtre m’a dit récemment, que même un curé de paroisse lui semble avoir trop de pouvoir. Et si dès qu’il a une information sur un abus au lieu d’enquêter, l’évêque la bloque ou la minimise (sans enquête) ou la sous-traite en circuit fermé, il parait juste de dire péremptoirement, qu’il n’y a pas de problème de pouvoir dans l’Eglise » : un oiseau auquel on coupe les ailes, peut-il encore voler ?
Il faudrait surtout davantage d’écoute et de collégialité : on se retrouve dans l’Eglise avec les mêmes problèmes d’autocratie que dans certaines entreprises : c’est là vraiment là, que le bât blesse. Le Christ nous dit à plusieurs reprises dans l’Evangile (j’ai cherché) « les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devrait pas en être ainsi ». Ce texte trouvé sur le site des Bernardins est particulièrement éclairant je crois, sur le lien entre le pouvoir, l’humilité et le service (https://www.collegedesbernardins.fr/content/lexercice-du-pouvoir-conduit-au-don-de-soi) : je cite « l’humilité consiste à s’entourer de personnes compétentes, souvent plus que soi, et à apprendre à travailler en collaboration avec d’autres (…). Le dialogue patient et confiant, favorise l’ouverture de la conscience » (!).
J’insiste aussi sur le défaut d’écoute et de dialogue (qui ne permet donc pas de se saisir des moyens pour un juste discernement en profondeur et vérité) qui est une défaillance réelle chez bien des évêques (ce devrait être au cœur de leur mission) : pour ne citer qu’un exemple (hors cette situation particulièrement grave que je connais), j’avais entendu Jean-Luc Souveton, témoigner sur rcf (bien avant qu’il ne soit invité à Lourdes, l’an passé) du fait que c’est le comportement totalement irrespectueux de son évêque suite à ce qu’il lui avait confié (abus) qui l’a décidé à écrire soudainement dans le journal « La Croix » (sentiment de trahison suite à la parole donnée qui n’avait donc pas été « entendue » et respectée en vérité).
a Sophia
Votre approche me semble minimiser voire ignorer l’aspect institutionnel des choses .
L’écoute et le respect de la position d’autrui ne peuvent pas être laissés à la seule appréciation personnelle du responsable et dépendre de la profondeur de sa spiritualité .
L’écoute et ses modalités , le respect et la prise en compte de l’opinion d’autrui, cela s’organise et s’institutionnalise dans des instances paritaires qui ont l’obligation de se réunir sur un ordre du jour qui n’est pas laissé à la seule discrétion du chef .
Une fois encore il faut en revenir à ce sain principe des pères de la constitution américaine : seul le pouvoir limite le pouvoir .
Après et seulement après peuvent intervenir les critères liés à la personne , à la qualité de sa vie de sa réflexion et de la profondeur de sa spiritualité . M^me dans l’église , cela est second , essentiel mais second . Second parce que la condition que cette approche spirituelle soit prise en compte est que le contexte institutionnel le permette .
L’église mélange allègrement les deux champs et privilégie le plan personnel ( important mais second ) pour ne pas se poser la question du champ institutionnel comme l’illustre la remarque inepte (parce que culturellement immature )de Dubost .
Je ne veux pas minimiser ni l’intérêt ni la profondeur ni la pertinence de la réflexion de Lassus mais elle n’a de sens pratique que dans un système clos . ( ordre religieux , monastère ) Or l’église diocésaine et les clergé séculier vivent dans un système ouvert , confrontés à une société qui a d’autres références et ils ne peuvent pas ne pas en tenir compte pour se positionner et s’organiser .
( cf la fiction sur les aveux » spontanés « du cardinal Ricard décrit par EMB alors qu’on sait que ces aveux n’ont été rédigés que parce que son cas allait être rendu public ; la communication désastreuse de la CEF est la conséquence de cette totale absence de prisent compte de l’altérité dans l’organisation de l’église )
Mélanger le spirituel et l’institutionnel pour ne jamais se poser la question de l’institutionnel au motif qu’il est intangible parce que voulu par Dieu est une erreur fondamentale de méthode si l’on veut vraiment supprimer la spirale des abus . En plus c’est historiquement faux puisque l’église est organisée sur le modèle de la société civile du X° siècle .
OUI Guy, l’aspect institutionnel doit être revu dans l’Eglise j’avais pensé qu’en parlant de pouvoir -et contre pouvoir- et en insistant sur les problèmes graves de gouvernance cela était évident (je crois que c’est avec vous qu’il y a eu bcp d’échanges à ce sujet, déjà).Mais tout ce que j’ai repris dans mon post du 9 nov de l’ouvrage de Dom Lassus est en vérité d’une grande pertinence et est en totale adéquation avec ce qui se passe dans certaines institutions eclésiales, « hors système clos » (malheureusement, je ne peux en dire davantage). Un canoniste ayant même parlé de « voie royale, ouverte aux abus ». Même chose pour l’exemple type qu’il donne de la personnalité narcissique en faisant référence à une étude de P. Ide sur les manipulateurs (je pense aussi à Marie-France Hirigoyen, experte reconnue en ce domaine) . Cela recoupe tout à fait les propos du psychiatre allemand Martin Flesch qui a décrit et analysé les domaines de la souffrance mentale dans l’Église catholique : celui-ci est convaincu que derrière l’exploitation des relations pastorales, derrière les blessures et les souffrances, il y a un système qui attire et favorise les bourreaux (certes, j’en conviens le mot est « fort », et il y a des degrés !). Le narcissisme est pour lui « un élément de base des structures abusives et juste une condition préalable au cléricalisme qui persiste ». Et il ajoute (ce qui va ans votre sens) que « tant qu’il y a un manque de volonté de remettre en question les structures narcissiques et orientées vers le pouvoir et d’entrer dans une position complètement impuissante et orientée vers la pastorale, il n’y a aucune chance de changement » (ce message est essentiel à mes yeux) : le pire danger, c’est une âme “habituée” (Péguy).
Pendant ce temps, l’Eglise fait piteusement « la une » de certains journaux : ainsi un article du journal Marianne au titre savoureux « quand les évêques pataugent dans le déni » (Publié le 10/11/2022).
Dans une quinzaine de jour viendra le temps de l’Avent qui s’entend musicalement comme un envol, et qui a fait dire au pape François qu’ on peut aussi expérimenter le silence de Dieu dans la prière, l’aridité des phases de désolation (…) avec cette invitation à regarder plus loin, vers ce qui est promis en nous ouvrant à la beauté, à la bonté et à la tendresse de Dieu : «Prie, marche et il y aura toujours un pas fait en avant», a résumé le Pape. Et si la plus haute forme de l’Espérance, c’était le désespoir surmonté ? (Bernanos)
NB/ J’ai oublié de citer ce passage très pertinent du psychiatre Martin Flesch lorsqu’il précise que des prêtres considérent le sacerdoce comme « un lieu sûr qui donne protection et sécurité » et il ajoute « L’élévation qu’ils perçoivent dans le sacerdoce les place alors dans la situation tendue et conflictuelle d’avoir à composer avec leurs propres carences.
Bien sûr toute généralisation serait abusive, j’en conviens, il y a des prêtres d’une humilité remarquable !
Et il y a aussi ce passage de l’ouvrage de Dom Lassus qui dans le cadre de son enquête a reçu cette réponse « votre texte est d’une telle vérité et pertinence, que cela me retourne le couteau dans la plaie avec une pointe très acérée. Cela est sans doute le principal et meilleur commentaire que je puisse vous faire (…) La lettre très claire où je posais ces graves questions, est celle à laquelle on n’a jamais répondu ». Cela confirme ce que l’on sait d’expérience : et François de Foucaud a aussi affirmé que « cette contrainte au silence imposée par quelques-uns ne passe plus »
Jean-Pierre hors d’une bonne compréhension des Evangiles, oui cette notion de « brebis » peut paraitre (voire être) nocive, c’est vrai, et d’ailleurs Dom Lassus en souligne lui-même la déviance (lorsque le sens du service est dévoyé). Le Christ lorsqu’il parle du « bon pasteur » ne s’adresse-t-il pas justement aux scribes soupçonneux du comportement du Christ et de sa proximité avec les pécheurs ? F Cassingena Trevedy fait du pasteur, le « maître de chant » qui -sans prétention absolutiste- met en liberté tandis que les brebis écoutent la voix, celle du Vivant, du bien-aimé, du bâtisseur aussi : « comme des pierres vivantes approchons-nous de lui ». Dans son homélie, les brebis passent de « la main du Fils » à la main du Père » (lieu du bercail) ; ces propos se rapprochent de ceux de Zundel qui souligne que le Christ étant lui-même représenté comme un agneau, nous sommes à notre tour le berger de cet agneau qui donne la vie au monde, qui demande à la samaritaine « Donne-moi à boire ». Zundel cite en évoquant le bon pasteur, les mots d’un poète anglais » Qu’est-ce que Dieu ? Dieu est Celui qui tient l’homme dans sa main. Et qu’est-ce que l’homme ? C’est celui qui tient Dieu dans sa main ». J’ajouterai qu’avec la notion de brebis perdue, on se souvient que jusqu’au dernier moment, Dieu nous cherche et nous attend. C’est peut-être lors de séjours en montagnes et en observant les bergers que notre regard s’affine et s’élève. Dieu ne peut être ce pasteur pernicieux qui tel le joueur de flute d’Hamelin fit disparaitre comme des brebis innocentes, tous les enfants de la cité. Voyez celui qui prêche avec l’intelligence de la Foi et du cœur pour moi, est aussi un vrai pasteur !
Quand Jésus se présente comme Le Bon Pasteur (Jean 10), il se pose précisément en opposition aux « mauvais pasteurs » dont parle Ézéchiel au chapitre 34 de son livre : « Malheur aux bergers d’Israël qui se paissent eux-mêmes ! N’est-ce pas le troupeau que les bergers doivent paître ? (…). Vous n’avez pas fortifié les bêtes faibles, vous n’avez pas guéri celle qui était malade, vous n’avez pas fait de bandage à celle qui avait une patte cassée, vous n’avez pas ramené celle qui s’écartait, vous n’avez pas recherché celle qui était perdue, mais vous avez exercé votre autorité par la violence et l’oppression. Les bêtes se sont dispersées, faute de berger, et elles ont servi de proie à toutes les bêtes sauvages ; elles se sont dispersées. »
Seul le bon berger qu’est Jésus peut guider les siens vers la Vie en plénitude, sans emprise aucune. Les « pasteurs » à la suite de Jésus courent toujours le risque de ressembler plus aux responsables du peuple dont parle Ézéchiel (au temps de l’exil, mais valable au-delà…!) qu’au Berger véritable. Les mots et les beaux discours ne suffisent pas pour valider cette place de « berger à la suite du Christ », les invocations « prêtre, pasteur » pour être recevables doivent être confrontés au réel des situations, et aujourd’hui cela demande notamment une analyse qui intègre les sciences humaines. Et de lire avec attention les textes bibliques qui sur ce sujet, ont déjà une approche qui intègre beaucoup plus le réel et le concret que les discours échafaudés par l’Église au cours des siècles pour justifier le pouvoir de ceux qui sont présentés comme « bergers ». Par exemple : comment discerner ce qui relève du pouvoir et du service ? Une piste, parmi beaucoup d’autres possibles : la parabole des serviteurs inutiles. Non qu’ils ne servent à rien, mais s’ils se pensent (ou sont présentés comme) indispensables : sont-ils encore des serviteurs ?
merci pour vos propos !
Et juste en passant, encore ceci, ,lu sur un blog : La pastorale qu’instaure le bon Pasteur « et qu’il nous confie ne fait de nous, ni des toutous, ni des consommateurs, ni des assistés, mais des brebis attentionnées qui ont l’oreille fine. Le Christ nous met à l’aise, au large, dans un espace qui n’a d’autres dimensions que les siennes, illimitées »
A Anne,
Anne ayant compris qu’elle a été votre parcours, j’ai pensé à vous notamment en lisant ces lignes de Dom Dysmas « A vous toutes et tous, connu(e)s et inconnu(e) qui aviez voulu donner votre vie à Dieu dans un grand élan d’amour. A vous que la vie religieuse a déçus ou parfois, hélas, brisés. Même si vous n’y croyez plus, jamais Dieu n’oubliera que vous aviez voulu Lui consacrer votre vie. Par respect pour vous et par tristesse aussi, nous voulions faire entendre votre cri ». Cet ouvrage (résultat d’une enquête minutieuse durant 4 ans) a été en partie écrit avec un autre moine bénédictin et une religieuse cistercienne, vous le savez peut-être. Quant aux communautés nouvelles, Dom Dymas pense que pour elles aussi « l’espérance est permise », selon l’adage “Ecclesia semper reformanda”. Comme vous le savez, certaines ont été dissoutes, tandis que d’autres tentent fragilement de se redresser. « La condition essentielle pour une évolution positive est la prise de conscience par tous et à tous les niveaux, communautaires et ecclésiaux, de l’ensemble des abus, qu’ils soient financiers, administratifs, théologiques et doctrinaux, de manipulation ou de pouvoir, psychologiques, sexuels ou spirituels » (Isabelle Chartier-Siben, psychothérapeute et présidente de l’association C’est-a-dire, qui aide les victimes d’abus).D D de Lassus salue le travail de lucidité et de réforme des Petits Gris comme un exemple « dans la capacité de redressement que peut trouver une communauté qui accepte de se laisser interpeller et conduire par l’Église ». J’en ai eu qqs échos.
Reste que si son ouvrage a été vivement « recommandé à toute personne en responsabilités dans une communauté religieuse et plus largement à toute personne en exercice d’autorité dans l’Église » (revue des sciences religieuses), je doute que beaucoup d’évêques s’en imprègnent pour diagnostiquer les problèmes d’autorité qui se posent dans l’Eglise alors que c’est la 1ère fois que de telle études ont été produites et divulguées.
Sophia , douter parait tout à fait raisonnable i incontestablement mais ne peut-on pas espérer simultanément?
A Anne,
Je suis bien d’accord sur le fait que le fond du problême est la « question, vertigineuse, pour eux, du manque de prêtres ». Ce qui finit par conduire à compromissions et exactions sans fin.
Il va bien falloir finir par se poser la question : les prêtres, ou en tout cas l’abondance de prêtres, sont-ils indispensables a la vie de l’Eglise ? Je ne le pense pas. Les prêtres, les évêques, sont d’ailleurs eux-mêmes des « brebis », terme avec lequel j’ai bien des difficultés aussi.
Moins de sacrements n’entraînerait probablement pas la mort de la foi, ou alors c’est inquiétant.
Pour ce qui est des communautés nouvelles (toutes n’apportent pas des prêtres), l’énorme problème reste le soi-disant « charisme » du fondateur, la prégnance de celui- ci dans la communauté par-dela sa mort et le dévoiement profondément pervers de la notion d’obéissance, en admettant que celle-ci soit défendable. Etant donné ce que j’ai vu, subi et entends à présent, je reste très sceptique là-dessus. La encore, les discours sur l’obéissance sont toujours très beaux, mais ils sont toujours aussi très théoriques.
Qu’est-ce qu’un prêtre ? et selon la « définition », s’il faut en « avoir », comment ? c’est la question de fond.
Quant à ce terme de « charisme », c’est un joli miroir aux alouettes. Sauf si on le prend en son sens courant : « forte personnalité ».( terme souvent poli pour désigner un emmerdeur de première). Et si on dit que ces fameux fondateurs (emmerdeurs) avaient, une « forte personnalité », c’est plus clair : pour le meilleur et pour le pire…
On n’est pas encore sortis de l’auberge…