Voici le texte de ma chronique de ce 1e avril sur Radio Notre Dame. Un texte que je souhaite pouvoir développer dans les prochains jours. (1)
Du scrutin de ce dimanche, on peut tirer nombre d’enseignements. Je m’en tiendrai ici au seul aspect de l’impact possible, sur la déroute socialiste, des manifestations contre la Loi sur le mariage pour tous.
Car les commentateurs les plus avisés conviennent qu’à côté de l’aggravation du chômage et de l’alourdissement de la pression fiscale, le poids idéologique des réformes dites de société a certainement amplifié le vote contestataire. (2)
Au lendemain du premier tour, un sondage Harris-Interactive pour la Croix, montrait que la question du mariage pour tous avait pesé sur le vote des catholiques pratiquants réguliers et, curieusement, plus encore sur celui des Français se disant sans religion. Avec l’hypothèse, que ce débat aurait prolongé les divisions jusque dans les urnes : les uns sanctionnant lourdement la gauche pour la loi Taubira, d’autres, à l’inverse, ayant voulu soutenir des candidats jugés progressistes. (3)
Quoi qu’il en soit, il est peu probable que le gouvernement de Manuel Valls se hasarde, d’ici la fin de la législature, à d’autres aventures sur le terrain des réformes de société. On sait que le projet de loi Famille, susceptible de faire ressurgir les questions clivantes de la PMA voire de la GPA pour les couples de même sexe a été reporté aux calendes Grecques.
Quand au débat sur la fin de vie, il est intéressant de constater qu’un Laboratoire d’idées (Think tank) comme Terra Nova, proche de la gauche socialiste, qui a largement contribué à populariser l’idée de mariage pour tous, se fait plus discret sur la question de la fin de vie en disant son opposition et à l’euthanasie et au suicide assisté. (4)
De cette forme de reculade, je tire l’idée qu’en matière de réformes sociétales il est prudent, dans les périodes d’incertitude économique et sociale telles que nous les connaissons, de s’en tenir à ce qui fait consensus dans un pays, sans vouloir aller au-delà et imposer une idéologie, au motif d’incarner ou d’accélérer le sens de l’Histoire.
Nous l’avons bien vu à propos de la Loi Taubira, le consensus existait sans doute, dans ce pays, pour reconnaître aux personnes de même sexe une égalité de droits en matière conjugale, pas pour leur ouvrir les portes de la filiation. Or le mariage sans la filiation, c’est le contrat d’union civile que préconisait l’UNAF (Union nationale des associations familiales) et dont le gouvernement n’a pas voulu débattre.
De même sur la fin de vie. Méfions-nous d’une interprétation hâtive des sondages qui disent les Français favorables à l’euthanasie alors qu’ils acquiescent surtout à l’idée de pouvoir «mourir dans la dignité», c’est-à-dire, autant qu’il est possible, sans souffrance.
Ce n’est pas l’opinion publique, construite le plus souvent par les médias sur des idées réductrices, qui fait la maturité démocratique d’un pays mais sa capacité à débattre en profondeur et en vérité. Pour l’avoir nié, le pouvoir a connu, dimanche, un revers électoral sans précédent dans ce type de scrutin.
(1) Les lecteurs « fidèles » de ce blogue pourront être étonnés – voire déçus – par la brièveté du propos, son caractère un peu superficiel et l’absence de toute argumentation en profondeur. Mais c’est hélas la loi du genre pour une chronique radio de trois minutes. Son animateur, Louis Daufresne, renvoyant systématiquement à ce blogue, certains auditeurs se sont étonnés de ne pas y trouver très vite la chronique qu’ils venaient d’entendre. D’où mon choix d’en poster ici le texte, en espérant pouvoir l’étoffer dans les meilleurs délais, ce qui – à l’expérience – n’est pas toujours possible. Que chacun veuille bien me pardonner ce « compromis ».
(2) Dans son édition du 2 avril, p.6, le Monde publie une interview de Patrick Menucci, candidat socialiste malheureux à la mairie de Marseille qui déclare : « Je confirme que ces mesures sur les grandes questions de société nous ont coûté des voix sur le terrain. » Dans un article voisin, Sébastien Pietrasanta, en échec à Asnières-sur-Seine explique : « Le vote de la loi pour le mariage pour tous puis l’instrumentalisaion de la polémique sur la théorie du genre a pesé, en alimentant les conservatismes. » CQFD.
(3) La Croix du 25 mars 2014 p.3. La question posée était ambiguë qui demandait aux électeurs s’ils avaient tenu compte du mariage pour tous au moment de voter. 42% des catholiques pratiquants réguliers répondaient par l’affirmative mais également 45% des personnes « sans religion ». Autant il est probable que les premiers ont signifié là un choix renforcé pour un candidat de droite, autant l’analyse reste incertaine pour les seconds. D’où l’hypothèse de cet article que ces derniers aient pu, à l’inverse, manifester leur soutien à une famille politique qui avait « osé » la loi Taubira. Mais, j’en conviens, ce n’est là qu’une hypothèse qu’il conviendrait de valider.
(4) Terra Nova préconise une «assistance pharmacologique au suicide» permettant à un malade en fin de vie de se faire prescrire par son médecin un produit létal qu’il pourrait s’administrer lui-même ou, au besoin, avec l’aide d’un proche. Suicide donc mais hors du cadre médical. Le suicide étant ici perçu pour ce qu’il est : une liberté, et non comme un droit opposable à la société.