Il n’appartient pas au chrétien de se résigner à vivre «dans la foi» des situations qu’il juge contraires au bien commun.
Osons cette évidence : les catholiques sont partagés sur la question du mariage gay. Et les «chrétiens de gauche» n’échappent pas à la règle. J’ai lu la position de TC. Je la respecte sans la partager. Et je reçois aujourd’hui, comme marque d’ouverture, la proposition qui m’est faite d’exprimer ma «différence» dans ses colonnes (1).
Elle ne porte pas sur le constat. Oui, des couples homosexuels vivent parmi nous, qui ont droit à notre estime, à une forme de reconnaissance sociale et à la quète de leur propre bonheur. Oui, les familles homoparentales sont une réalité. Oui, des couples homosexuels sont capables d’aimer et d’éduquer les enfants dont ils ont la charge. Oui, il est légitime qu’ils souhaitent pour eux les droits qui reviennent indistinctement à tous les «petits d’homme». Oui, enfin, l’homophobie reste un mal à combattre. De ce constat, faut-il conclure, avec le gouvernement, à l’urgence du mariage pour tous ? C’est ce qu’avec d’autre, je conteste.
Le mariage civil n’est pas un contrat qui viendrait officialiser nos amours ou nos préférences sexuelles, dont la puissance publique n’a pas à connaître. Il est une institution, basée sur la différence des sexes, garantissant aux enfants qui pourraient naître de cette union l’inscription dans une filiation claire. La revendication au mariage pour tous porte donc en elle la revendication à la parentalité, bien au-delà de la seule adoption. Et c’est là que le bât blesse.
Plus que d’amour, l’enfant a besoin de savoir d’où il vient.
Contrairement au discours convenu et au risque de choquer, ce dont a besoin l’enfant pour se construire, ce n’est pas d’abord d’amour (la résiliance montre que l’on peut, au besoin, en pallier le manque) mais la clarté sur ses origines, son inscription dans une généalogie qui, sauf accident, lui permette de savoir de quel homme, de quelle femme, il est le fils ou la fille. Je puis comprendre le «désir d’enfant», comment moyen de donner sens à sa vie et être source de bonheur. Mais peut-on construire son bonheur au détriment de celui de l’autre ? Nous vivons dans un Etat de droit. Aucune déclaration des Droits de l’homme ne mentionne un quelconque «droit à l’enfant». Alors que la Convention internationale des droits de l’enfant reconnaît à chacun d’eux le droit à une double filiation père et mère. Au nom de quel principe le législateur entend-il faire prévaloir le désir des adultes sur le droit des enfants ?
Les médias, avec une unanimité touchante, ont salué le 1er janvier la naissance de Sasha, premier bébé de l’année 2013 qui, comme par hasard, est né de deux mamans. Quel journaliste a osé formuler la question de savoir s’il n’aurait pas été préférable pour lui qu’il eût un papa ?
Refuser la marchandisation du vivant est un acte de culture.
Libéralisme, libertarisme… même combat !
Vivre chrétiennement» les lois de la Cité…
Si les chrétiens de gauche sont aujourd’hui divisés «sur» le mariage pour tous, ils ne sont pas divisés «par» lui. C’est ma conviction et mon espérance. Je ne doute pas un instant qu’au lendemain du vote parlementaire, quelle qu’en soit l’issue, les chrétiens de gauche – et je l’espère, l’ensemble des chrétiens – ne se retrouvent autour d’une même attitude : témoigner aux personnes et aux couples homosexuels, comme éventuellement à leurs enfants, et jusqu’en notre Eglise, de notre fraternelle amitié et solidarité.
(1) Cet article a été publié, sous forme de tribune, dans la lettre hebdomadaire de Témoignage Chrétien en date du 17 janvier 2013.
Merci, René. J’ai beaucoup apprécié ton texte. Il mérite d’être diffusé largement : médias, parlementaires… Mais peut-être est-ce déjà fait ?
Bien amicalement,
Jean
Merci Jean. Mais je crains que non ! C’est le type de discours que personne ne veut entendre !
Merci pour ce beau texte. En écho, je me permets de renvoyer à cet article très intéressant de Marianne, sur le rapport de la gauche à la réforme de la parenté. Ce papier ose aller plus loin que la bien-pensance de rigueur sur le sujet, c’est encourageant.
http://www.marianne.net/L-homoparente-contre-l-egalite_a225873.html
Je me permets de poster moi-même, ici, ce commentaire qui a été mis, par l’auteur, en commentaire d’un article précédent sur l’abbé Pierre.
Envoyé le 18/01/2013 à 19 h 42 min
Pour René POUJOL
J’ai beaucoup aimé votre article; »Mariage Gay:le coeur et la raison ». je ne partage pas du tout la position deTC parru le 20Décembre…et je suis ravie de vous lire car je suis complètement de votre avis.Je ne crois pas être Chrétienne de gauche bien que souvent assez critique du comportement de certain chretiens dans nos paroisses…
J’ai beaucoup apprécié votre article , il est bien écrit avec des arguments qui m’aideront à continuer de défendre le »non au mariage gay ! »malgré tout ce qui est dit sur le fait que de toute façon la loi va passer tout de même…Merci pour votre écrit . Nicole R