Lettre à Pietro de Paoli

J’attendais beaucoup de ces « Petites conversations avec ma nièce sur la question de Dieu ». Trop, sans doute.

Cher Pietro,

J’ai eu souvent le projet de photographier, à espace régulier, les rayonnages de ma bibliothèque. Je ne connais rien de plus impudique qu’une bibliothèque. Elle dit de nous plus que nous le souhaiterions. Elle est changeante, au gré de nos humeurs, de nos découvertes, de nos coups de cœur. Les élus d’un moment peuvent se retrouver au purgatoire, parfois en toute injustice. Mais c’est ainsi ! Relire ces photos sur la durée serait une manière de revisiter un parcours intellectuel, affectif, voire spirituel. Mais peut-être n’est-ce là que nombrilisme. Et au fond, je me réjouis de n’être jamais passé à l’acte.

Pourquoi ce préambule ? Parce que je t’écris d’une pièce où tes ouvrages sont à l’honneur. A côté du majestueux Vatican 2035 (que j’aimerais tant pouvoir qualifier de prophétique…) ont trouvé place chacun des petits bijoux que tu nous as livrés depuis lors. Ton «héros», Marc Belhomme, est devenu pour moi, comme sans doute pour des milliers de lecteurs, une sorte de frère. Je suis heureux qu’ayant fait de lui un évêque tu lui permettes désormais de faire entendre sa voix au sein – ou à côté – de la conférence des évêques de France.

Tu m’avais annoncé ces «Petites conversations avec ma nièce sur la question de Dieu». Je m’en réjouissais par avance sans trop comprendre, au demeurant, quelle nécessité te poussait à les publier tout à coup avant le livre, plus ambitieux, que tu avais en chantier et dont l’urgence, pour moi, demeure. Peut-être faut-il y voir la simple exigence d’un éditeur soucieux qu’un trop long silence ne te fasse oublier de ton public. Ce que je ne crains pas.

Mais déjà, à tant de circonlocutions, tu dois pressentir que mon propos, tout en restant amical – fidèlement et résolument amical – sera ombré de quelques réserves. Elles sont à la mesure de la déception qui a suivi le bonheur de lecture des premières pages. Je m’explique. Je me suis découvert une véritable affection pour la nièce de ton  «héros». Elle correspondait bien aux jeunes qui m’entourent : saine, pétulante, un rien impertinente sur les choses de la foi. Sa prise de distance avec la génération des jeunes cathos «fan de Benoît» me semblait salutaire. Enfin une fille à peu près normale, au sens de «dans la norme» de sa génération, telle que l’Eglise a perdu l’habitude à moins que ce ne soit plus gravement le désir, de les voir.

J’ai pensé un instant que ta catéchèse, ouverte, intelligente, me permettrait d’offrir le livre à quelques jeunes de mon entourage, en rupture de ban avec l’Eglise, mais qui se retrouveraient bien dans la «liberté» de Chloé. Hélas ! Après avoir rué un peu dans les brancards, la voilà qui très vite – trop vite à mes yeux, du simple point de vue d’une évolution psychologique et spirituelle normales – retrouve sagement les chemins de la messe dominicale, envisage sa confirmation au point de demander à son oncle évêque de bien vouloir lui servir de parrain, puis s’apprête à rejoindre les JMJ de Madrid, Dieu merci au sein du groupe Coexister de l’ami Samuel Grzybowski. Mais quand même ! Là, pardonne-moi, mais on vire à la littérature édifiante.

Non, Pietro, et à mon grand regret, je n’offrirai pas «Petites conversations…» aux jeunes qui me sont proches, parce qu’ils les recevraient comme un piège, une provocation, une tentative maladroite de les faire revenir dans le giron d’une Eglise dont aujourd’hui ils n’attendent rien. Une Eglise qui, d’ailleurs, le leur rend bien puisqu’elle semble ne rien attendre d’eux, tellement heureuse de lire un nouveau printemps de la foi dans l’enthousiasme, sincère et généreux, des fans de Benoît et de leurs «grands frères», fans de Jean-Paul. J’en connais. Je les aime. Mais là n’est pas la question.

Je ne t’en veux pas. Ton livre recèle par ailleurs tant de propos avec lesquels je me trouve, une fois encore, en résonance et qui nourrissent mon espérance. Comme celui-ci, sous la plume de ton héros : «Alors, si nous revenons à la question de Dieu, je ne crois pas qu’il sépare les bons des méchants. Je crois qu’il sépare en chacun de nous le bien du mal. Je crois que, au jour du jugement, nous nous retrouverons en vérité devant Dieu et là, il faudra que nous acceptions de rejeter le mal qui est en nous.»

Mais après tout, ce livre que je n’ai pas trouvé dans tes «Petites conversations…» peut-être est-ce à moi de me risquer à l’écrire !

Fraternellement.

 

Pietro de Paoli, « Petites conversations avec ma nièce sur la question de Dieu », Plon. 116 p.

 

5 comments

  • Je n’ai pas (encore) lu ce livre (mais ça ne saurait tarder). Sans préjuger de ce que j’en penserai, est-ce un piège de penser une Chloé qui va aux JMJ et éventuellement retourne à la messe ? Je ne sais pas, mais je vois que chez nous (quelque part en France 😉 ) les jeunes qui ont été aux JMJ en sont revenus enthousiastes (et pas forcément groupies de B16) et que nos « dimanches en chemin » (ateliers et catéchèses diverses avant la messe sont très suivis même par des jeunes.
    En tout cas, tu parles d’un bouquin que tu pourrais écrire : ah mais oui, que voilà une bonne idée ! Comme Pietro de Paoli ne peut tout dire, on pourrait très bien avoir un bouquin catho de cette tendance qui contrebalancerait un peu ce qui sort actuellement sur le sujet et qui me parait très, très, très conservateur… Tu m’en réserves un exemplaire ? 😉

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    J’écris actuellement mes mémoires de vieillard sur mon jeune confrère de jadis, le curé d’Ambricourt et suis tombé sur un jeune prêtre semblable à lui, Marc. L’on me dit que son créateur, Pietro, aurait glissé son adresse mail dans son livre Dans la peau d’un évêque. N’ayant pas le temps d’acheter ce livre en ligne, devant soumettre mes mémoires à l’Histoire d’ici 8 jours, je voulais savoir s’il vous serait possible de me transmettre cette adresse mail, si tant est qu’elle fonctionne. Je cite beaucoup dans mes mémoires l’ouvrage de Pietro, »38 ans », et voulais lui soumettre mes pauvres lignes et peut-être lui demander un service. Ayez la gentillesse prendre ce message au sérieux, au-delà de son malheureux camouflage, et me répondre par mail, s’il vous plaît. A très bientôt. Meilleurs sentiments.

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