La pratique des sondages est ambivalente voire ambigüe pour qui prétend leur faire dire autre chose que ce qu’ils révèlent vraiment : le simple état de l’opinion. De là à les diaboliser et avec eux ceux qui en ont passé commande…
Intéressant le sondage TNS-Sofres-logica publié cette semaine par Pèlerin sur l’avenir des ressources de l’Eglise. J’ai déjà évoqué dans un blog précédent les pistes ouvertes par les réponses des sondés, pour optimiser la collecte du denier de l’Eglise, notamment.
D’autres résultats seront, peut-être, moins bien reçus, justifiant à nouveau, dans certains milieux, des tirs nourris contre de prétendues « arrières pensées » , peu catholiques, de la part de l’hebdo du groupe Bayard.
Dans le sondage évoqué, une question vise en effet à mieux cerner la perception que les catholiques ont de leur Eglise. La question était pertinente car elle pouvait permettre d’identifier des freins à leur participation au denier de l’Eglise. Autant la vision des pratiquants réguliers (7% des Français) est franchement positive, hormis le « renouveau de la foi en France » qui ne convainc que 38% d’entre eux ; autant l’image est plutôt sombre s’agissant de l’ensemble des 57% de Français qui continuent de se dire catholiques.
Seuls 44% d’entre eux font confiance à l’Eglise pour la gestion de ses fonds ; 43% seulement estiment que la paroisse est un lieu de vie accueillant ; 39% également que l’Eglise joue un rôle important dans la société ; 35% que le Vatican et le pape représentent bien l’Eglise ; 18% qu’il y a, en France, un vrai renouveau de la foi.
Ici l’objection souvent formulée est double : ces chiffres sont-ils crédibles et est-il opportun de les publier ? La question de la crédibilité suggère souvent que seuls les pratiquants réguliers, par définition « bien insérés dans l’Eglise », seraient à même de répondre à de telles questions de manière pertinente ! Or, nous l’avons dit, ils sont plutôt positifs dans leur jugement.
Mais peut-on à la fois se féliciter que 57% de Français continuent de se dire catholique et refuser de considérer leur avis ? Plus même, d’autres sondages récents (celui de la Croix sur l’ordination d’ hommes mariés ou celui de Pèlerin sur les divorcés ) ont montré qu’une majorité de pratiquants réguliers étaient en désaccord avec les pratiques de leur Eglise…
La « vérité », entend-on habituellement en guise d’argument, n’a que faire de ces sondages. Le sensusfidei ne saurait se confondre avec une simple opinion publique sondagière. Le Magistère n’a pas à se plier à ces fluctuations et c’est un mauvais coup porté à l’Eglise que de donner ainsi de la visibilité – donc une forme de légitimité – aux désaccords de certains vis à vis de son enseignement.
Sauf que ces désaccords préexistent le plus souvent aux sondages qui ne font jamais que les révéler, sauf manipulation bien entendu. Si tant d’évêques n’avaient pas pris pour habitude de renoncer à faire remonter à Rome les opinions de leurs fidèles « qui fâchent » en hauts lieux, leur expression passerait pour ce qu’elle est vraiment : le simple exercice d’une opinion publique, dans l’Eglise, telle que reconnue par le Code de Droit canonique.
Il est vrai que depuis 1997 des directives venues de Rome leurs interdisent explicitement d’ouvrir les synodes diocésains à certains débats. « … l’évêque a le devoir d’exclure de la discussion synodale les thèses ou positions – peut être proposées avec la prétention de transmettre au Saint-Siège des « voeux » à ce sujet – qui ne concordent pas avec la doctrine perpétuelle de l’Eglise ou du magistère pontifical ou qui concernent des matières disciplinaires réservées à l’autorité ecclésiastique suprême ou à une autre. » (Documentation Catholique 2167 p.826 à 832)
On ne pourra pas éternellement opposer aux croyants l’argument selon lequel seule serait légitime l’expression publique d’une opinion « juste » parce qu’ éclairée par le Magistère… ( perpétuel ?) et donc se confondant avec lui. Aussi longtemps que l’on ne sortira pas de ce système clos, les sondages resteront, en effet, la seule manière de quantifier et donner à entendre des opinions dont l’existence n’est finalement contestée par personne.