Derrière la démission de Benoît XVI se trouve posée la question de la gouvernance de l’Eglise, entre centralisation et collégialité.
Benoît XVI a donc décidé de se démettre de ses fonctions le 28 février prochain. A qui donc pourrait-il remettre sa démission, sinon à Dieu lui-même ? On avait justement salué le courage de son prédécesseur, poursuivant sa mission jusqu’à la limite de ses forces, persuadé qu’il appartenait à Dieu de décider de la fécondité ultime de son pontificat, qu’aucune grille de lecture humaine ne permettait de déchiffrer vraiment. C’est également de courage qu’il faut parler pour Benoît XVI. Ce renoncement a de la grandeur et suscite admiration et respect. Il faut beaucoup d’humilité pour prendre acte, ainsi, de sa propre faiblesse et ne pas vouloir qu’elle puisse faire obstacle à la marche de l’Eglise au service de l’Evangile, à l’aube du XXI siècle.
Pape de transition, ce «statut» était gravé sur son pontificat depuis le premier jour, ne fut-ce qu’en raison de son âge. A 78 ans, que pouvait-il espérer vraiment pour lui-même ? Mais les cardinaux avaient-ils un autre choix possible ? Pouvaient-ils, en quelques semaines, faire leur deuil de ce pape d’exception qu’avait été Jean-Paul II, et oser un autre regard que le sien sur l’avenir de l’Eglise ? Restait donc à élire celui qui avait eté le plus proche, le plus fidèle des collaborateurs. On a parlé de Benoît XVI comme de «celui qui ne voulait pas être pape». Rien n’est plus juste ! Mais pouvait-il se dérober ? Au-delà des maladresses, des «erreurs de communication» qu’il a lui-même reconnues, on lui doit d’avoir crevé l’abcès de la pédophilie dans l’Eglise, et remis de l’ordre dans la congrégation des Légionnaires du Christ qui, rétrospectivement, apparaissent comme deux ombres portées sur le pontficat de son prédécesseur. On lui doit aussi d’avoir redit, son attachement au concile Vatican II – fut-ce au travers d’une herméneutique de la continuité qui pose question- au moment même où il acceptait de prendre acte du refus de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X d’accepter la main qu’il lui tendait avec persévérance, et donc de revenir dans la communion de l’Eglise catholique.
L’a-t-il suffisamment dit : sa seule ambition était de servir le Christ, de Le remettre au cœur de la foi de l’Eglise. Ses ouvrages de théologien sur Jésus en portent témoignage. Et ses encycliques, tournées vers les trois vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité. En revanche, pas plus que Jean Paul II il ne s’est senti l’âme d’un réformateur de la gouvernance interne de l’Eglise. Et il est probable que la «lassitude» de ces derniers mois est venue, en grande partie, du sentiment qu’il n’avait plus prise sur la machinerie vaticane et sur la Curie, prompte à considérer que «les papes passent» et qu’elle seule reste, pour défendre la Sainte Eglise et sa Tradition contre vents et marées, au risque de s’aveugler sur sa propre légitimité.
L’heure est aujourd’hui à l’hommage que justifie le geste historique de Benoît XVI. Pas encore aux spéculations sur sa succession. Elles arriveront à leur heure, sans faire l’économie d’une nouvelle réflexion, en profondeur, sur la situation contrastée de l’Eglise catholique à travers le monde, cinquante ans après l’ouverture du Concile Vatican II. Au moins peut-on s’interroger dès à présent sur la signification profonde de ce renoncement. Que nous dit réellement Benoît XVI ? Qu’à 85 ans la tâche était trop lourde pour pouvoir être assumée, ou que l’Eglise, à ce moment précis de son histoire, doit s’interroger sur les limites d’une centralisation du pouvoir, écrasante pour tout homme, quel que soit son âge, et que pourrait venir réguler, une saine institution de la collégialité, (1) au niveau de chacun des continents ? Et que l’évêque de Rome, successeur de Pierre, appelé à présider à la communion entre les Eglises chrétiennes, loin d’en être affaibli, pourrait y retrouver une force nouvelle ?
Il se pourrait que ce « pape de transition », par ce geste audacieux, dont l’intelligence profonde nous échappe encore en partie, vienne de poser là un acte fondateur, prophétique pour l’avenir de notre Eglise ! Comme Jean XXIII un certain 25 janvier 1959.
(1) Ce lien a été rajouté postérieurement à la mise en ligne de mon article. Mais il développe très exactement l’idée que j’avais en tête au moment où j’écrivais ce texte, idée largement évoquée par moi notamment sur France Info dans une interview, le jour même de la décision de Benoît XVI, puis sur RCF. Bref une idée qui m’est chère et que le cardinal Ratzinger lui-même avait développée en tant que théologien.
Comme je le dis dans mon billet d’aujourd’hui, il faut se méfier des « vieux » Papes. Il aura étè seeviteur des servitteurs jusqu’au bout
Merci René pour cette analyse d’une grande pertinence. Ça change du verbiage fatiguant des journalistes de télévision qui nous apprennent rien et ne se focalisent que sur la succession et les aspects « people » de l’événement …. C’est usant à chaque fois…
oui geste premier en ces temps modernes
geste courageux
un espoir est né
mais rien n’est pire qu’un espoir déçu!!
l’heure est à la prière de tous pour que la bonté et la simplicité d’un Jean XXIII lui succède et non la fausse tradition rigide des dogmes, puisque le peuple de Dieu n’est pas convié dans cette lourde décision……….
l’Eglise n’a pas le droit à l’erreur
Nous espérons tous dans la confiance et la lucidité
L’humble ouvrier de la vigne du Seigneur se retire. Tristesse, espérance, admiration, gratitude.
« tristesse, espérance, gratitude »oui, mais aussi interrogation,mais je sais bien qu’en disant cela je ne suis certes pas dans l’air du temps
Je ne vois pas en quoi se poser des questions serait contraire à l’air du temps !
Pour être plus précis je voulais dire qu’ à la lecture de tous les messages publiés ici et ailleurs tout le monde s’accorde à encenser la décision du Pape.Or pour ma part cette décision que je comprends parfaitement sur le plan humain m’interroge énormément au plan spirituel,car enfin si le Pape lui-même se déclare incapable d’assurer son écrasante,certes, mission,n’est-ce pas là un contre-exemple pour tous ceux qui eux aussi sont tentés au renoncement?Par ailleurs,lorsque son successeur aura atteint le même âge que lui quelles pressions s’exerceront sur lui pour le pousser à suivre le même chemin?
Il va de soi ,néanmoins ,qu’en disant cela je ne doute pas une seconde que Benoît XVI ne se soit pas posé ces mêmes questions.
Je comprends ces scrupules mais si un jour nous avons un pape atteint d’un Parkinson ou d’un Alzheimer, vous le voyez allet au terme de sa mission sauf à se résigner à ce que ce soit son entourage qui prenne la réalité du pouvoir ?
René,pour ma part je considère que personne, absolument personne ne peut se sentir en état de diriger la Barque de Pierre sans la grâce divine.Dès lors j’ai tendance à considérer que c’est à Dieu et à lui seul de considérer lorsque l’on est pape que l’on est encore utile ou pas.
Quant à la maladie de Parkinson ,n’est-ce pas ce dont souffrait JeanPaulI II?
Pour moi il m’est impossible de considérer que le Seigneur se désintéresse totalement de la marche de son Eglise et de celui qui est à sa tête?
Par ailleurs , on nous explique en long en large et en travers qu’il est totalement déraisonnable de prendre un engagement pour la vie, que c’est impossible à tenir,et seule l’Eglise continuait à croire que cela était possible avec l’aide de Dieu et de son Esprit,et là, à ma grande stupéfaction,il me semble que Benoît XVI prend le contre-pied de cette tradition mulltiséculaire.
Au plan humain je le comprends parfaitement,mais au plan spirituel que fait-il donc de la grâce d’état???
L’engagement que Josef Ratzinger a pris pour la vie est la prêtrise. Il le tient toujours.
…et en même temps comme je le disais plus haut,je suis bien certain que cet aspect des choses n’a pas échappé à Benoît XVI.Alors que faire?
Considérer que le Seigneur est parfaitement d’accord avec cette décision,mais pour moi cela n’a rien d’évident…
Dominique, je peux comprendre votre raisonnement mais je n’y adhère pas. Certes, Jean-Paul II a eu un Parkinson, mais pour avoir connu deux cas d’Alzheimer dans mon entourage proche, l’un et l’autre s’étant développés sur plus de sept ans avec des états grabataires sur des années, je ne vois pas comment on peut prétendre que ce serait là la volonté de Dieu pour son Eglise d’où pourrait sortir un « plus grand bien ». Regardez un peu ce qui se passe au Vatican, aujourd’hui, conséquence du fait que deux papes successifs se sont désintéressés de la « machinerie administrative » de l’Eglise… Quelle lecture spirituelle y aurait-il à faire du fait de laisser l’Eglise gérée par des hommes dont je ne conteste pas la qualité mais qui n’ont aucune légitimité comparable à celle d’un pape élu par ses pairs… Et quid encore en cas d’AVC ? Non, je crois que la décision de Benoît XVI est sage et humble. Rackam a raison d’écrire que l’engagement de Joseph Ratzinger dans le sacerdoce voire même l’épiscopat n’est pas remis en cause.
D’accord avec René qui a écrit (ci-dessus):
« …que l’Eglise, à ce moment précis de son histoire, doit s’interroger sur les limites d’une centralisation du pouvoir, écrasante pour tout homme, quel que soit son âge, et que pourrait venir réguler, une saine institution de la collégialité, (1) au niveau de chacun des continents ?
Et que l’évêque de Rome, successeur de Pierre, appelé à présider à la communion entre les Eglises chrétiennes, loin d’en être affaibli, pourrait y retrouver une force nouvelle ?
(…) une idée qui m’est chère… »
@ Arcenciel. Une idée que le théologien Joseph Ratzinger avait d’ailleurs développée sans hostilité.
René, est-ce que par hasard être dans l’entourage du Pape c’est obligatoirement voire automatiquement une preuve manifeste d »incompétence , de dissimulation, voire d’hypocrisie et d’arrivisme?
Quant à l’hypothèse d’un Pape atteint de la maladie d’Alzheimer ,d’une part à ce jour cela ne s’est, autant qu’on le sache ,pas produit,d’autre part il m’est difficilement envisageable que le Seigneur maintienne sur le siège de Pierre quelqu’un qui en serait atteint.Pour moi, on devient Pape par grâce de Dieu.Dès lors le sort celui qui est élu est entre les mains du Seigneur.
Quant à ce qui se passe au Vatican aujourd’hui,je vois avant toute chose que la lutte contre la pédophilie est très fermement engagée et que Vatileaks ,aussi lamentable soit -elle, n’a pas révélé de secrets particulièrement scandaleux.
« que l’Eglise doive s’interroger… » je n’imagine pas une seconde qu’elle ne le fasse pas au niveau le plus haut,pas une seconde,mais pour faire cela si bien sûr on doit se servir de son intelligence,on doit avant tout faire silence au fond de soi seule méthode pour entendre ce qui vient d’en haut qui n’est pas obligatoirement en accord avec l’opinion moyenne…
Ecoutez Dominique, puisque vous pensez que le Seigneur est aux commande, qu’aucun pape n’aura jamais de maladie d’Alzheimer et que tout va pour le mieux… au Vatican, je ne vois pas qu’ajouter, sinon que je ne partage pas votre point de vue. Mais ce n’est en rien dramatique, ni pour vous, ni pour moi.
René,désolé de constater que comme d’autres sur d’autres sites chrétiens,vous n’aimez pas trop la contradiction et que vous avez recours à la caricature ,car enfin, où ai-je laisser entendre que tout allait bien au Vatican?Je n’ai jamais dit cela,pas plus que je n’ai décrété que jamais aucun Pape ne serait atteint de la maladie d’Alzheimer.J’ai seulement dit que cela ne s’était pas encore produit et que,grave faute de ma part,je pensais que le Seigneur s’occuperait le cas échéant de » ce problème.
En fait,vous souhaitez que l’Eglise dans son fonctionnement trouve son inspiration dans la société politique actuelle.Moi,non.
Dramatique,cette divergence, certes pas,mais anodine non plus.
Dominique. Si je n’acceptais pas la contradiction, j’aurais tout simplement « omis » de publier vos commentaires postés sur mon blog. Les lecteurs se feront leur propre idée sur notre « disputatio ». Je ne veux polémiquer ni avec vous ni avec qui que ce soit, mais moi aussi je me « désole » de constater que pour beaucoup, accepter la contradiction, signifie se ranger à leurs arguments. Acceptons nos désaccords.
Vous me soupçonnez de « souhaiter que l’Eglise, dans son fonctionnement, trouve son inspiration dans la société politique actuelle », ce qui est pur procès d’intention. Tenez, je vous propose une idée de réforme, pour l’Eglise, à laquelle je suis attaché depuis longtemps et qui n’émane d’aucune formation politique. « »La tâche à envisager serait de distinguer à nouveau, plus nettement, entre la fonction proprement dite du successeur de Pierre et la fonction patriarcale; en cas de besoin de créer de nouveaux patriarcats détachés de l’Eglise latine (…). Finalement on pourra se demander si les Eglises d’Asie et d’Afrique, comme celles d’Orient, ne pourraient pas présenter leurs formes propres en tant que ‘patriarcats’ ou ‘grandes Eglises’ ou quel que soit le nom que dans le futur porteront ces Eglises locales dans l’Eglise entière » . Joseph Ratzinger, Le nouveau Peuple de Dieu, Aubier, 1971, p.68.
René, je ne vous demande pas de céder à mes arguments,mais de ne pas caricaturer ce que j’écris,nuance.
Pour le reste,je n’ai pas suffisamment d’orgueil pour croire que ce que je pense me vient en droite ligne du Saint Esprit.Oui, l’Eglise latine connait une crise. Ce n’est pas la première ,ni la dernière non plus.
L’avenir de l’Eglise,je ne le connais pas, mais je crois fermement qu’elle n’est pas au début de sa disparition,loin de là et ce même si elle doit connaître encore une perte considérable d’influence.
Par ailleurs,ma femme étant de confession réformée je constate que son Eglise dans laquelle il n’y a plus de hiérarchie,plus de dogme,qui connait une forme certaine de démocratie,et qui a ouvert le pastorat aux femmes connait à peu près les mêmes difficultés que nous.
Pourquoi donc ces principes si on les adoptait dans l’Eglise catholique donneraient bien évidemment de meilleurs fruits?
A un journaliste qui lui demandait ce qu’il y aurait selon elle, à changer dans l’Eglise, Mére Térésa a répondu: »vous et moi »
Je suis absolument convaincu de la justesse de cette réponse.