Où l’on vérifie que le dialogue interreligieux est devenu indispensable à la foi de chacun.
La crise profonde que traverse le catholicisme en France et en Europe occidentale a le double effet d’inciter certains à s’interroger radicalement sur le cœur même de leur foi et de leur pratique, tandis que d’autres s’engagent tous azimuts sur le chantier de la mission pour aider à l’Eglise “a se reconstruire“. Il est tout à fait passionnant de découvrir, à la faveur du dernier livre du père Yann Vagneux, prêtre des Missions Etrangères de Paris (MEP) à Bénarès, comment le fruit de sa réflexion sur un quart de siècle de présence missionnaire en Inde, terre d’hindouisme (mais pas que) peut nous provoquer, à notre tour, à revisiter en profondeur notre propre tradition, au-delà de ce que nous aurions osé ou imaginé spontanément. Pour nous aider à entrer avec confiance dans l’obscurité de l’avenir, rien ne vaut, parfois, le regard acéré de celui qui, partageant notre héritage et notre enracinement en Christ, nous en restitue de l’extérieur le message, enrichi de l’apport des mythes et de la mystique hindoues.
Yann Vagneux vit depuis 2010 sur les bords du Gange, à Bénarès, (1) ville sainte où coexistent huit religions. Mais sa découverte du sous-continent indien remonte à l’année 1997. C’est assez dire que son compagnonnage avec l’hindouismee s’étend sur un quart de siècle. Comme tout prêtre des Missions Etrangères de Paris (MEP) nommé “à vie“, il s’est plié à l’étude des langues du pays d’accueil : ici notamment l’hindi, la langue officielle et le sanskrit la langue des lettrés qui donne accès aux Textes les plus sacrés de la tradition hindoue. La lecture de ses « maîtres » et prédécesseurs Jules Monchanin (1895-1957) auquel il a consacré son doctorat, et Henri le Saux (1910-1973) venu rejoindre celui-ci en Inde, l’a convaincu que, selon les paroles mêmes de Monchanin : « avant que d’écrire quoi que ce soit étaient nécessaires une incarnation silencieuse dans la culture indienne et une connaissance approfondie des textes et traditions hindoues. »
Le livre né de l’expérience de vingt-cinq ans de présence en Inde
Le livre Une émulation de sainteté, Hindouisme et christianisme en dialogue (2) qui sort en librairie à la veille de l’été est le résultat de ce long travail d’inculturation. « Plus qu’un traité systématique qu’il n’est pas encore temps d’élaborer, les différentes études de ce livre n’ont eu qu’une seule ambition : relancer une nécessaire conversation entre hindouisme et christianisme dans une véritable « émulation de sainteté. » L’expression qui fournit son titre à l’ouvrage, est de Jules Monchanin qui situait là le véritable enjeu entre ignorance, suffisance et mépris mutuel ou tentation syncrétiste. L’auteur poursuit : « Puisse le lecteur de ce livre écouter avec une telle oreille (qui sait écouter l’autre) les chefs d’œuvres scripturaires de l’hindouisme en lesquels il pourra percevoir l’empreinte de l’Esprit du Ressuscité. » Car c’est bien là, de fait, la découverte la plus passionnante !
L’ouvrage, composé de plusieurs textes rédigés entre 2016 et 2023, est d’érudition, ce qui en renforce le statut. Mais les aller-retour entre exposition de la pensée hindoue et ses résonances possibles avec la tradition chrétienne, en rendent la lecture passionnante et finalement accessible. De même que les textes d’introduction et de conclusion qui développent de manière convaincante et engagée les enjeux de ce – de tout – dialogue interreligieux. On comprendra, dès lors, que cette recension ne s’aventure pas dans un champ lexical complexe nourri de termes sanskrit accessibles aux seuls spécialistes. Je m’en tiendrai donc, en béotien, à l’étonnement – reconnaissant – suscité par la lecture du livre, aboutissement d’une longue fréquentation des textes sacrés de l’hindouisme : Vedas, Upanisads, Bhagavadgita… et de dialogues confiants entre l’auteur et ses amis brahmanes lettrés de Bénarès.
Une plongée dans les mythes et la mystique hindoue
Les rédacteurs des Vedas, nous dit Yann Vagneux, confrontés 1 500 ans avant notre ère aux mystères du monde ont eu l’intuition d’une « générosité à l’origine de tout ». Ils ont construit le récit du sacrifice originel du Purusa, ce que Raimon Panikkar, cité par l’auteur, traduisait en ces termes : « La création est dépeinte comme le démembrement du Créateur ». Dès lors la recherche de l’unité, à travers le sacrifice rituel puis le sacrifice intérieur de chacun – le renoncement à l’ego – devient-elle la quête centrale de l’hindouisme. Autre clé, l’image de la confluence où toute rivière finit par se jeter dans le vaste océan. Il y a là le « symbole mystique de l’être éveillé s’immergeant totalement dans la splendeur incirconscrite de l’Absolu. » Cet être unifié, dans la tradition hindoue, c’est le Yogin qui renonce volontairement au savoir purement intellectuel. Troisième approche : le lent glissement, dans les Upanisads, de la vénération de la lumière extérieure solaire à la quête d’un soleil intérieur à tout être : « le mystère même du cosmos manifesté comme étant le mystère le plus intérieur de l’homme ». La quatrième étude introduit, elle, un autre glissement depuis la béatitude esthétique au contact de la beauté, vers l’extase érotique qui ouvre à son tour sur l’expérience mystique. C’est elle qui, par dilatation de la conscience, est fusion dans l’Absolu. Enfin, dernière approche : l’expérience selon laquelle l’amour ne nait pas de la présence de l’être aimé mais de l’absence « comme s’il n’était d’amour véritable que dans la séparation et dans l’inextinguible désir de se retrouver. » On me pardonnera ces raccourcis peut-être audacieux !
Des points de résonance entre hindouisme et christianisme
Je l’ai déjà souligné, l’apport le plus original de l’ouvrage est le dialogue singulier introduit dans chaque chapitre entre l’exposé de la pensée hindoue et ses résonances possibles dans le contexte chrétien. Ainsi le sacrifice originel du Purusa peut-il être rapproché de la vision dans l’Apocalypse, de « L’agneau immolé dès la fondation du monde » (Ap.13,8) : le Christ; et le sacrifice rituel également mis en parallèle avec le « mystère de l’eucharistie qui se célèbre chaque jour en d’innombrables lieux du monde. » Ainsi encore l’image du Yogin qui se dépossède de toute ambition de connaissance comme accomplissement spirituel peut-elle être rapprochée, dans la tradition chrétienne, de l’enfant comme « miroir du cheminement chrétien vers le mystère de l’éternelle naissance en Dieu. » De même le « soleil intérieur » à tout être humain peut-il être rapproché de la notion de “corps glorieux“ propre au Christ ressuscité, préfigurant la résurrection promise à chacun. Plus loin, c’est la dimension érotique de l’expérience humaine, magnifiée notamment dans le tantrisme, qui peut être rapprochée de la lecture que bien des mystiques chrétiens – notamment des Pères de l’Eglise – ont fait du Cantique des cantiques. (3) Enfin, l‘idée d’amour dans la séparation même, peut susciter une interrogation sur la séparation – et le désir des retrouvailles – comme réalité ultime de l’Amour désirant de Dieu pour l’humanité. Là encore on me pardonnera de possibles raccourcis.
Nous laisser interpeller sur notre propre tradition
Yann Vagneux met lui-même en garde son lecteur contre le risque « d’opérer des comparaisons hâtives conduisant à des jugements erronés sur l’une ou l’autre tradition » au risque d’un syncrétisme qu’il réfute. Il interroge : « ne pourrions-nous pas prendre le temps de laisser (ces traditions) s’éclairer mutuellement afin qu’apparaisse pour chacune de nouvelles perspectives jusqu’alors insoupçonnées ? » Pour le catholique occidental la perception de telles “résonances“ est d’autant plus interpellante qu’elles portent parfois sur des notions questionnées par certains, comme la dimension sacrificielle de l’Eucharistie. Ce « commun » à deux religions à ce point différentes viendrait-il conforter et comme légitimer de l’extérieur la pertinence profonde de la tradition catholique ? Le mérite du livre est en tout cas de nous laisser interpeller ! « Ce livre, écrit encore l’auteur, voudrait convoquer le meilleur des traditions hindoues et chrétiennes ou plutôt il voudrait laisser l’hindouisme convoquer le meilleur du christianisme et vice-versa, le tout dans une « émulation de sainteté » qui donnera à ce départ vers l’inconnu une fécondité insoupçonnée. » Démarche aux antipodes d’un dialogue interreligieux perçu, ici ou là, comme artificiel et potentiellement destructeur de chaque identité !
S’enrichir mutuellement de la part de vérité de l’autre
Voilà qui nous introduit à ce qui est sans doute le cœur du livre : cette conviction formulée par les textes conciliaires de Vatican II et reprise, nourrie, par tous les papes depuis lors, que la mission de l’Eglise consiste moins à aller “porter“ aux périphéries, une vérité figée, qu’à se mettre à l’écoute de ce que l’autre, quel qu’il soit, peut nous révéler de cette même vérité généreusement offerte à tous les humains par décision divine. Yann Vagneux cite ici un texte de Joseph Ratzinger qui pourra en surprendre plus d’un : « Ce qu’il faut exiger, c’est le respect de la foi de l’autre et la disponibilité à rechercher, dans les éléments étrangers que je rencontre, une vérité qui me concerne et qui peut me corriger, m’emmener plus loin. » (4) Ce qui conduit l’auteur, missionnaire catholique des bords du Gange, à écrire : « Le Christ que nous annonçons est déjà venu mystérieusement dans la puissance de l’Esprit à la rencontre de l’hindouisme, du bouddhisme, du jaïnisme, de l’islam et de chacune des quêtes de l’Absolu en ce monde. »
Cette conviction est merveilleusement développée et étayée dans les cinquante dernières pages de l’ouvrage. Il faudrait ici tout citer. Tenons-nous en, déjà, à cet admirable propos du pape François : « Le contraire de la conversion, c’est le fixisme, c’est-à-dire la conviction cachée de n’avoir besoin d’aucune autre compréhension de l’Evangile. C’est l’erreur de vouloir cristalliser le message de Jésus dans une forme unique qui serait toujours valide. Au contraire, la forme doit toujours pouvoir changer pour que la substance reste toujours la même. La véritable hérésie ne consiste pas seulement à prêcher un autre Evangile, comme le rapporte Paul (Ga 1,9), mais aussi à omettre de traduire celui-ci dans les langages et les modalités actuels, ce qu’a fait précisément l’Apôtre des Gentils. “Conserver“ signifie maintenir vivant le message du Christ et non l’emprisonner. » (5) C’est là une attitude qui exclut tout à la fois l’ignorance méprisante et la tentation du syncrétisme qui « fait violence à l’interlocuteur en niant sa singularité.» Une attitude qui vaut pour le missionnaire envoyé à l’autre bout du monde, comme pour la mission “ad intra“ au sein même de l’Hexagone où se côtoient cultures et religions diverses.
« Ici, il n’est de remède que les terres et les temps de métissage. »
Yann Vagneux poursuit alors sa réflexion en des termes qui font écho à notre contexte ecclésial et électoral français du moment : « Nous le savons bien, les hommes préfèrent parfois la stérilité du dessèchement intérieur au renouvellement apporté par la présence de l’étranger. Un tel danger guette aujourd’hui autant l’hindouisme, le christianisme, ainsi que les sociétés prétendues mondialisées qui se barricadent dans des bastions identitaires où l’intelligence régresse. Ici, il n’est de remède que les terres et les temps de métissage. »
Nous laisser évangéliser en retour par un christianisme inculturé d’hindouisme
Il y aurait encore beaucoup à écrire tant le texte est riche et nourrissant, et peut être appréhendé à différents niveaux de lecture. Tenons-nous à cette évidence : l’image que bien des catholiques se font encore du prêtre missionnaire est très marquée par le XIXe siècle : aller porter partout la Bonne Nouvelle de l’Evangile en des termes marqués par la culture occidentale, puis : convertir et baptiser. Une démarche à sens unique. Ayons l’humilité d’écouter l’un de ces missionnaires, témoigner de la richesse de son expérience spirituelle indienne qui peut venir provoquer nos certitudes : « Lorsqu’on vit en Inde, on perçoit avec évidence que le rite est une dimension essentielle de l’être humain. Il est le socle même dans lequel sa croissance spirituelle est rendue possible, car il le relie à l’immémorial, loin du zapping perpétuel auquel l’acculent les mondes prétendument évolués. » Ayons tout autant l’humilité de l’entendre nous dire sa découverte et sa conviction que le Christ l’a précédé sur les bords du Gange comme il a précédé jadis les disciples en Galilée. Et que, missionnaire revenu – ne fut-ce que ponctuellement – dans l’Hexagone, ou plus durablement au travers de son livre, il peut nous apporter aussi, à titre d’évangélisation, la Bonne Nouvelle d’un christianisme indien inculturé dans une tradition hindoue capable d’enrichir notre propre identité catholique. Comme ailleurs d’autres missionnaires au contact d’autres religions. Ou ici même, chez nous, si nous savons nous ouvrir pareillement à l’autre. C’est au fond le message essentiel du livre !
- Yann Vagneux, Prêtre à Bénarès, Ed. Lessuis 2018, 250 p. Lire ma recension du livre.
- Yann Vagneux, Une émulation de sainteté, Ed. DDB 2024, 280 p., 20 €.
- On pourrait d’ailleurs s’interroger sur les raisons de cette peur du sexe dans la tradition catholique. Et de l’inversion qu’elle suscite en contre sens total de la « pédagogie » des Evangiles. Car c’est l’amour observable et pour une part charnel que se portent un homme et une femme qui peut nous éclairer sur ce que peut être l’amour, par nature asexué, du Christ pour son Eglise et non l’inverse. Sauf à prendre prétexte de cette inversion ( partir du lointain abstrait en prétextant éclairer le proche) pour justifier une approche non seulement chaste mais la moins érotisée possible de l’union conjugale.
- Joseph Ratzinger, L’unique alliance de Dieu et le pluralisme des religions. Paroles et Silence, 1999, p.93.
- Pape François, Discours à la Curie romaine du 22 décembre 2022.
La messe est dite et même très bien dite. Un dialogue interreligieux peut nos enrichir mutuellement, sachons néanmoins que nous croyons au Christ et non à des idées, fussent-elles les meilleures, et nous croyons aussi que l’Esprit Saint agit partout dans le monde et que, sans syncrétisme, Il nous conduit parfois dans des chemins insoupçonnés.
Cher René,
Tu t’excuses de faire des raccourcis. Que dire de quelqu’un dont la « fièvre commentatrice » s’empare d’un livre qu’il n’a pas lu, dans son besoin boulimique de rapprocher le christianisme occidental et les spiritualités d’Extrême-Orient, fort mal connues et vulgarisées en Occident sans qu’on puisse espérer beaucoup mieux, tant les aspirations sont différentes? Ce commentateur compulsif ne fera pas des raccourcis, il ne pourra proposer que des contrepoints.
Je commencerai par l’histoire tout à fait personnelle de ma conversion qui prouvera que mon besoin de trouver des convergences dans ce dialogue entre hindouisme, bouddhisme et christianisme n’est pas un vain mot, convergences plus profondes que, par exemple, dans le dialogue islamo-chrétien où il s’agit de faire converger dans le même destin des personnages de la Bible et du Coran, ou des personnages empruntés par le Coran à la Bible. J’aime à répéter que le Coran met des noms de personnages sur le « dieu des philosophes » (grecs), contrairement à la tradition chrétienne tellement compliquée, selon la remarque que m’a faite un interlocuteur musulman que, selon saint Augustin lui-même quand il parle de son impossibilité de « vider » ou d’épuiser le mystère de la Trinité, la philosophie peut à peine en rendre compte.
Le 27 mai 1984, je connus le seul transport que ma toute petite capacité mystique m’a permis de vivre. À travers une homélie prononcée par le Père Michel Quoist, prédicateur assez régulier du « Jour du Seigneur », je reçus quatre adresses où pouvoir rencontrer Dieu en qui j’avais cessé de croire, me rendant compte qu’en n’y croyant plus, j’étais beaucoup plus heureux qu’en y croyant. Cela fut assorti d’une parole de connaissance où Michel Quoist disait: « Je connais un garçon qui, quand il entendit cette promesse du Seigneur, bondit de joie. » Ce garçon était sans doute un vrai petit garçon connu dans la vraie vie par le prédicateur. Mai ce petit garçon, c’était moi aussi. J’avais rencontré l’Esprit-Saint, pas le Christ.
J’avais écouté cette émission chez ma grand-mère, prostré, à genoux, dans son salon. C’était la fête des mères. Mes parents étaient séparés et je devais regagner l’appartement de mon père pour passer le dimanche avec lui. Il avait passablement guinché la veille. Il sentait l’alcool, cela lui arrivait rarement, mais cela m’affligea, surtout un jour pareil.
Je remontai dans ma chambre et commençai à lire le seul livre de la Bible dont je disposais:c’était le livre des Actes des apôtres, transcrit en Braille. Il allait me raconter ce qui arrivait aux apôtres, remplis de l’Esprit-Saint. J’avançai dans ma lecture et peu à peu, un malaise me gagna. J’avais coup sur coup, dans les deux semaines précédentes, écouté une émission du « Parcours de l’étrange » de Jean-Yves Casgha et vu un film inspiré de faits réels où une petite fille était un enfant réincarné qui avait des hantises et, comme le père biologique de sa vie antérieure dans laquelle elle était morte brûlée vive dans un accident de voiture, l’avait retrouvée et reconnue un peu comme d’autres dénichent le nouveau Dalaïlama, elle mourait dans un cauchemar dans sa lutte contre les hantises et reprenait feu comme dans sa première vie parce que les parents de ses deux vies la nommaient de ses deux prénoms différents pour la tirer de sonc auchemar de flammes et la sauver. Elle était perdue entre ses deux vies et la mort était le prix de cette confusion et de cette perte. Audrey-Rose qui portait un autre prénom dans sa nouvelle vie était emportée dans les flammes. Pour moi, ce film donnait une preuve irréfutable de la véracité de ce qu’on appelait la réincarnation et je venais d’en être ébranlé. Ma foi chrétienne encore plus nouvelle me commandait d’y renoncer séance tenante puisque la Révélation que je venais de recevoir emportait la foi en la résurrection du Christ, fait tellement personnel et (que Dieu me pardonne!) espérance tellement fade par rapport à la possibilité de trouver un « soleil intérieur » qui nous ferait continuer notre vie en être sauvés par un Principe extérieur, appelons-le Jésus-Christ, de nos enfers personnels, de nos schémas répétitifs et de nos boucles internes. N’importe, j’avais été transporté, je devais transiger et je m’exécutai.
Deux autre points résonnent en moi à la lecture de cette recension. J’ai toujours indirectement perçu la Création comme « un démembrement du créateur » beaucoup plus que comme l’épandage généreux d’une matière à partir d’un Dieu qui pourtant lui serait extérieur par recherche d’un Vis-à-vis, car « il n’est pas bon pour Dieu d’être seul », même s’Il a si bien compris cet adage qui lui fait créer la femme en vis-à-vis de (ou latéralement à) l’homme qu’Il s’est fait Trinité avant la création du monde. Ce « démembrement » m’a toujours paru avoir pour corollaire ce que je n’aurais pas appelé « le rite sacrificiel », mais la vanité qu’il y a à séparer le Père du sacrifice du Fils et à l’en isoler entièrement, comme s’Il n’y avait aucune part. Si le Père s’associe dans la douleur au sacrifice du fils, il n’y a pas de théorie de la satisfaction qui tienne. Et si Dieu se sacrifie, si de plus Il est unique, combien l’hindouisme n’a-t-il pas raison de nous demander de renoncer à notre « ego ».
Enfin, l’amour se vit dans la séparation. Je le vis tous les jours à titre personnel, notre besoin de nous réunir sous une forme nouvelle devenant impérieux. malgré des conversations téléphoniques quasi-quotidiennes. Mais il a fallu cette séparation pour purifier ce que le fonctionnement de notre couple pouvait avoir, de mon fait ou à cause du caractère fusionnel de notre relation, de toxique. Mais si je dépasse l’histoire de mon petit « moi » que j’ai toujours pris comme « matière de mon livre » en prenant mon cas pour une généralité ou en saisissant ce qu’il y avait de potentiellement universalisable dans mon expérience singulière, je trouve que cet amour qui se creuse dans la séparation explique pourquoi le commandement de Dieu de ne pas pratiquer l’adultère jusqu’à l’interdiction de désirer quelqu’un d’autre sous peine de s’arracher les yeux faite par le Sermon sur la montagne plonge dans cette expérience que c’est dans la multiplicité des « amoures contingentes » qu’on trouve son seul « amour nécessaire », pour parler comme Sartre et Beauvoir dans leur manière de définir leur relation qui avait fini par être asssexuée, mais surtout de signer un pacte qui a cent ans d’avance sur la conception d’un mariage occidental renouvelé. Trouver « l’amour nécessaire » à travers la multiplicité des « amours contingentes », c’est reconnaître en même temps qu’on peut aimer plusieurs personnes au cours de sa vie et que l’amour n’est pas continu. Mais l’adultère consiste à s’investir à égalité dans chaque relation, dans l’oubli de l’être aimé une fois pour toutes ou de manière particulière si l’intensité de l’amour est la même dans chaque relation.
« Je n’ai jamais rencontré d’homme si ignorant qu’il n’eut quelque chose à m’apprendre. »
(Galilée, en italien Galileo Galilei, 1564-1642)
« Le souffle souffle où il veut, tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi va tout homme né du souffle » (Jn 3, 8) nous révèle et leur révèle que « le Christ les a précédés sur les bords du Gange » et leur a inspiré d’aller sur les bords du Gange pour vérifier cette révélation. Autrement dit je ne peux emprisonner ni la révélation ni l’inspiration.
« La forme doit toujours pouvoir changer pour que la substance (l’hypostase) reste toujours la même, » à savoir : maintenir vivant, le Vivant, Jésus, et son message.