A trop nous ressembler, le Jésus d’Amélie Nothomb ne me parle pas, ne m’intéresse pas !
L’été était serein, léger malgré la chaleur. Période propice à l’évasion au travers de lectures elles-mêmes légères. C’est chaque année ma parenthèse polar, avant que la rentrée ne frappe les trois coups de lectures plus sérieuses, qui, pour moi, sont souvent des « essais ». Et là, en deux semaines à la fin du mois d’août, voilà que la Vie puis Pèlerin vinrent m’alerter sur la sortie du dernier opus d’Amélie Nothomb : Soif. (1) Rien moins qu’un roman sur les dernières heures de Jésus. Revisitées par un écrivain – une écrivaine – qui n’est pas sans talent. Et qui nous dit avoir écrit là « le livre de sa vie ». Une expression souvent un peu convenue qui, pour tout littérateur, participe de la nécessaire promotion de son dernier livre. Pour retarder le moment où il sombrera dans l’oubli.
Mais je crois Amélie Nothomb sincère lorsqu’elle dit son amour pour Jésus. Elle en parle très bien, avec beaucoup de conviction et de sensibilité. C’est d’ailleurs un peu ce qui m’a trompé. J’ai aimé ses entretiens donnés à la presse. Mais pas son livre. Dans ma petite ville de province où je terminais mes vacances j’ai été le premier client à me précipiter chez mon libraire pour lui demander « le dernier Nothomb ». Le lendemain je lui aurais presque proposé de lui rendre l’exemplaire.
Jésus marié à Marie-Madeleine ou à Saint-Jean…
Bon, c’est mon ressenti spontané et j’assume ! Cela ne m’a pas empêché de prendre connaissance, ici ou là, des commentaires souvent fort élogieux publiés dans la presse ou mis en ligne sur les réseaux sociaux. Je pense par exemple à celui d’Isabelle de Gaulmyn , sur son blogue de La Croix, que j’ai trouvé particulièrement pertinent. Et puis, entendre un de mes proches, qui ne grenouille guère dans les bénitiers, confier que la lecture de Nothomb lui a donné envie de rouvrir les Evangiles, voilà qui interpelle, comme on dit chez les cathos !
Alors j’ai repris Soif pour une deuxième lecture (j’écris deuxième, pas seconde…). On devrait toujours lire un livre au moins deux fois. Cela permet de vérifier que les frustrations nées d’une première lecture hâtive viennent souvent du fait qu’on n’a pas trouvé ce qu’on cherchait, même inconsciemment. Une deuxième lecture devient dès lors plus gratuite, posée, décontractée, « objective » car sans enjeu, toute centrée sur ce qu’a écrit réellement l’auteur et non sur nos fantasmes ou préjugés. Sauf que malgré tous mes efforts, je n’aime toujours pas. Même si je ne me reconnais pas, a priori, dans la peau d’un « catholique bas du dogme » pour reprendre la savoureuse expression de Jean-Pierre Denis, dans la Vie, dont je serais bien en peine de savoir, à le lire, ce qu’il pense vraiment du roman.
Comment formuler, en peu de mots, le sens de mes réserves ? La première touche aux amours supposées de Jésus avec Marie-Madeleine, passage obligé de tout narrateur qui se veut tendance, depuis Nikos Kazantzakis et sa Dernière tentation du Christ, en 1954. La thèse avait été reprise par Dan Brown dans son Da Vinci Code. En 2006, lors de la sortie du film tiré du best seller, j’avais été invité sur le plateau de C8 par Jean-Marc Morandini, pour donner le point de vue du directeur de Pèlerin que j’étais alors. Devant son insistance à me faire « avouer » la probabilité des amours légitimes de Jésus et Marie-Madeleine, j’avais joué la provocation en lui affirmant que les exégètes les plus sérieux se demandaient plutôt s’il n’avait pas vécu en couple avec Saint-Jean, « le disciple qu’il aimait ». J’avais suscité chez l’animateur un moment de stupeur – sinon de panique – dont j’avais tiré profit pour enfin « en placer une… »
Le sexe, le pouvoir et l’argent
Trève de plaisanterie. Nos contemporains se fichent comme d’une guigne de savoir si Jésus et Marie-Madeleine étaient mari et femme, ce qui leur importe est de savoir s’il « a couché ». Pas de sexe, pas d’humanité vraie ! Ainsi parlent nos modernes Zarathoustras. Je tiens que l’expérience sexuelle est l’une des plus fortes qui soient et qu’accepter de « recevoir son plaisir d’un – une – autre » est aussi une manière de ne pas se prendre pour le centre de l’univers. Il y a bien là, de fait, une voie d’humanisation de l’être. Et j’adhère au propos que l’auteure prête à Jésus : « on est quelqu’un de meilleur quand on a eu du plaisir. »
Mais est-ce suffisant pour en conclure que Jésus, parce que vrai homme, a « connu la femme » au sens biblique du terme ? J’entends bien qu’à trop avoir voulu magnifier la chasteté (et plus encore la continence) du Christ, on – l’Eglise institution – a fini par faire croire au chrétien lambda que plus il s’abstenait, plus il se conformait à sa vocation humaine profonde, ce qui est d’une totale stupidité ! Mais à l’inverse, à vouloir à tout prix que Jésus ait été marié – sans qu’on nous explique pourquoi les Evangiles auraient caché ce fait fort honorable pour un rabbi – on évite de s’interroger sur ce que la chasteté du Christ peut avoir à nous révéler de notre propre quète d’humanité. Sans nous contraindre pour autant à quoi que ce soit.
Je tiens, pour ma part, qu’en renonçant volontairement au sexe, au pouvoir et à l’argent (ce qui correspond aux vœux monastiques de chasteté, obéissance et pauvreté), le Christ nous indique un possible chemin de libération et d’humanisation au regard des trois sources majeures de violence qui dominent l’histoire des hommes. Trois sources de violence qui, comme par hasard, mobilisent l’essentiel de notre arsenal pénal. En réintroduisant le sexe, de manière totalement arbitraire, dans la vie du Christ on évacue le reste de son témoignage sur le pouvoir et l’argent. Ce qui me semble dramatique.
Dépeindre un Jésus qui nous ressemble et que « nous puissions accepter »
En fait, à lire Amélie Nothomb, on réalise qu’il y a deux manières pour un chrétien de faire le lien entre son humanité et celle de Jésus. Soit accepter de s’interroger sur l’humanité du Christ à partir de ce que nous en disent les Evangiles, soit projeter sur le Christ ce que nous comprenons – ou voulons bien retenir – de notre propre humanité. Deux phrases, parmi d’autres, de l’excellente interview de l’auteure dans l’hebdomadaire La Vie peuvent illustrer mon propos : « Que Jésus ait connu l’amour, et l’amour physique, cela me paraît une évidence, dit-elle. Il est incarné : pourquoi serait-il passé à côté de cette expérience-là ? Ce serait absurde ! (…) J’aime Jésus d’un amour total, mais comment peut-il accepter la crucifixion ? C’est insoutenable. Comment peut-il dire que c’est ce qu’il faut faire ? Et en même temps, comme j’aime Jésus autant qu’on peut aimer, j’ai voulu aussi donner une version de la crucifixion que je puisse accepter. »
« Je me regarde dans le miroir »
Dépeindre un Jésus qui nous ressemble et que « nous puissions accepter » plutôt que d’avoir à nous interroger à son sujet, voilà donc l’affaire ! Amélie Nothomb est-elle réellement dupe de la pirouette ? A-t-elle réalisé qu’elle met dans la bouche de Jésus des paroles qui pourraient bien se retourner contre elle en un effet boomerang : « Rien n’est plus irritant que ces gens qui, sous prétexte qu’ils vous aiment, prétendent vous connaître par cœur. » (p.85) Amélie… aussi !
Comprenons-nous bien : je tiens que la création littéraire doit être libre y compris sur un personnage aussi essentiel pour moi que Jésus. Et je ne conteste à personne le droit d’aimer ce livre. Peut-être représente-t-il comme le suggère ma consœur de La Croix, un bol d’oxygène au regard du langage convenu de la foi toujours à dépoussiérer et à confronter, c’est vrai, à la manière dont nous pensons notre propre humanité » à frais nouveaux ». Je dis simplement que moi, il ne me parle pas et que je trouve un rien suspecte cette unanimité louangeuse de la presse catholique. Comme si en période de vaches maîgres il fallait déclarer « santo subito » tout auteur qui se risque à parler de Jésus avec amour, quel que soit son propos.
Et puis, autant révéler le fond de ma pensée. Ce Jésus dont l’auteure emprunte la voix est trop bavard à mon goût. Sur ce moment de la crucifixion qui a inspiré tant d’artistes et nourri des méditations d’une telle profondeur, je préfère l’austérité féconde des Sept dernières paroles du Christ (2) à la superbe un peu cavalière de ce Jésus de roman nous expliquant que des Sept paroles qui lui sont attribuées par les évangélistes, une seule serait authentique : « J’ai soif », le reste étant pure et méprisable invention. Qu’a-t-il attendu vingt siècles pour pubier ce rectificatif par romancière interposée ?
Le dernier paragraphe a lui seul dit bien les limites de la démarche romanesque. C’est encore Jésus qui parle : « Il faut accepter ce mystère : vous ne pouvez pas concevoir ce que les autres voient dans votre visage. Il y a une contrepartie au moins aussi mystérieuse : je me regarde dans le miroir. Ce que je vois dans mon visage, personne ne peut le savoir. » (p.152) Pas même Amélie Nothomb ! Et moi pas davantage qui, en plus, ai du mal à imaginer le Jésus que j’aime « se regarder dans le miroir » !
- Amélie Nothomb, Soif, Albin Michel 2019, 162 p.
- Les Sept dernières paroles du Christ en croix : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. (Lc 23,34) En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. (Lc 23,43) Femme, voici ton fils. Voici ta mère. (Jean 19,26–27) Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Mc 15,34 et Mt 27,46) J’ai soif. (Jn 19,28) Tout est achevé. (Jn 19,30) Père, entre tes mains je remets mon esprit. (Lc 23,46).
100 % d’accord avec vous ! Merci !
Enfin un avis qui n’est pas moutonnier sur le livre d’Amélie Nothomb qu’il est de bon ton d’encenser .
N’ayant pas lu ce livre , je m’abstiendrai bien évidemment de tout avis sur ce texte .Par contre ce que je trouve intéressant dans le démarche d’Amélie Nothomb (cf son interview dans « la Vie « ) c’est justement sa subjectivité . Elle dit ce que Jésus est pour elle .Ce qui ne peut qu’intéresser un chrétien . Elle parle d’un jésus de sa foi en recréant un jésus de l’histoire , ce qui est la méthode des rédacteurs des évangiles !
Et comme je suis un chrétien bas du dogme pour reprendre le très charitable qualificatif de monsieur Jean Pierre Denis , je me rappelle simplement que nous ne savons strictement rien de l’homme jésus hormis les connaissances générales sur les mentalités , le mode de vie ,et la société de son époque . Comme le rappelle le théologien et évêque Joseph Doré il faut distinguer Jésus (le Jésus de l’histoire ) et jésus Christ ( le jésus de la foi ) . Les évangiles écrits à posteriori et conséquence d’une expérience croyante ne nous parlent que de Jésus Christ .
Qu’Amélie Nothomb déduise des évangiles donc de jésus Christ ,sa vision subjective du jésus de l’histoire pour nous parler du jésus de sa foi est un exercice intéressant en soi . Mais comme croyant , son jésus de l’histoire comme toutes les autres vison du jésus de l’histoire y compris les constructions du magistère de l’Eglise catholique , ne concernent pas ma foi . Qu’il ait été physiquement plus proche de Yasser Arafat que d’un doux chevelu roux aux yeux bleus et à la peau blanche , qu’il ait été marié ou pas, colérique et /ou doux , féministe avant l’heure ou pas n’a strictement aucun intérêt dans l’ordre de la foi .
Nous avons déjà beaucoup de peine à comprendre la mentalité de nos grands parents et le contexte dans lequel ils ont vécu alors que nous les avons connus . Aussi, comprendre la mentalité et la psychologie d’un homme ayant vécu il y a plus de deux mille ans dans un contexte économique , culturel et sociétal totalement différent du notre et que nous ignorons pour la plupart d’entre nous (hormis les historiens et ethnologues spécialistes de cette période et de cette région ) pour recréer notre représentation de la personne de jésus me semble hasardeux . Le jésus de l’histoire ne peut être que le fruit de notre imagination et de nos fantasmes . Celui d’Amélie ou d’un autre , peu importe puisque nous ne pouvons pas connaître l’homme jésus , le Jésus de l’histoire .La vie du jésus de l’histoire relève donc du roman .
Nous ne connaissons Jésus Christ que par une parole , récit d’une expérience croyante rédigée dans un but apologétique (l’Ecriture) et par l »expérience de ceux qui au cours de l’histoire en ont vécu et en ont témoigné (La Tradition de l’Eglise) . Cela suffit largement pour informer la foi du « bas du front » du dogme que je suis .
N B : pour mes contradicteurs préférés . 1) On a déjà reproché à ma conception d’être trop marquée par le judaïsme en ce sens qu’elle donne une trop grande place au texte (évangélique ) par rapport à la personne de Jésus . »Qu’importe que dieu existe ou pas puisque nous avons le Torah « pour reprendre une célèbre boutade . J’assume pleinement cette critique . Ce qui importe à la foi c’est l’expérience croyante racontée par les évangélistes ( Qui dites vous que je suis ) plutôt que l’idée non documentée que nous nous faisons de la personne de l’homme jésus à tout jamais inaccessible . 2) Bien évidemment je ne fais pas une lecture fondamentaliste ou littérale de l’écriture .et je privilégie une grille de lecture psychosymbolique qui me semble plus féconde et mieux à même de faire sens pour une personne vivant aujourd’hui avec les connaissances et la mentalité de notre temps . ( en clair que les « miracles » de jésus soient factuels ou non m’indiffère totalement , ce n’est pas dans ce champ qu’ils sont ou non à même de faire sens et de nourrir ma foi . )
Mon cher Guy j’ai du mal à vous suivre lorsque vous écrivez : N’ayant pas lu ce livre , je m’abstiendrai bien évidemment de tout avis sur ce texte. Par contre ce que je trouve intéressant dans le démarche d’Amélie Nothomb (cf son interview dans « la Vie « ) c’est justement sa subjectivité.
Qu’un auteur de roman exerce sa subjectivité pour donner corps à ce qui reste dans l’ombre d’un personnage historique, j’en suis d’accord. Encore faut-il que ce ne soit pas en contradiction totale avec ce que l’on croit savoir par ailleurs. Prétendre que sa vision du Jésus de l’Histoire, telle que rapportée dans le roman, n’influe pas sur la foi suppose un lecteur qui fait la différence entre les deux. Ce qui ne me semble pas du tout évident. La subjectivité d’Amélie Nothomb au regard de l’homme Jésus, vous le dites vous-mêmes, exprime quelque chose de son regard sur le fils de Dieu. Que la presse catholique se pâme à ce point devant une subjectivité largement contradictoire avec la foi commune me laisse perplexe !
Cher René,
– D’accord avec vous sur cet étrange engouement envers le livre d’A Nothomb de la part de la presse catholique . Peut être la fascination envers quelqu’un qui parle librement de jésus . Pour être de grande qualité la presse catholique entretient avec l’institution ecclésiale des rapports dont l’indépendance n’est pas la qualité première ( ce phénomène me semble s’accentuer au fur et à mesure de la marginalisation de l’institution ecclésiale dans notre société ) . Etant abonné à » La Vie », depuis 35 ans j’ai perçu cette évolution . J’ai très souvent critiqué cette subordination qui ne dit pas son nom, subtile et bien élevée des éditoriaux de jP Denis notamment à l’époque de la loi Taubira . . L’envie de ceux qui se sentent liés vis à vis de ceux qui sont libres ?
Sentant combien le discours ecclésial est hors sol , la presse catholique se précipite pour porter aux nues une écrivaine qui » déringardise « le phénomène Jésus . Au risque minimiser le hiatus entre la foi de l’église et la légitime subjectivité d’une artiste .
– Vous évoquez une question qui est centrale dans notre manière de vivre la foi dans l’église catholique : le lien et la cohérence entre le Jésus Christ de la foi fondé sur la Tradition de l’ Eglise et l’Ecriture et notre représentation personnelle et intime du Jésus de l’histoire . Comment les concilions nous ?
Je ne suis pas choqué par le parti pris et l’approche subjective d’Amélie Nothomb pour la seule raison que la seule représentation de la personne de jésus dans laquelle je me reconnais, à même de faire sens, est le visage du prochain et surtout du plus faible ici et maintenant . C’est là le seul visage de jésus qui m’intéresse , le seul qui me lie à la personne de Jésus vivant .
Je ne suis pas sûr que cette approche soit contraire aux préceptes évangéliques .
Pour être franc , toutes les homélies et commentaires
qui déduisent du texte évangélique un portrait psychologique de l’homme Jésus et qui , cerise sur le gâteau , s’en servent pour légitimer des impératifs moraux pour aujourd’hui ne me paraissent pas , du fait de leur anachronisme fantaisiste devoir être pris au sérieux .
J’ai effectué en février dernier avec une trentaine de personnes dont 50% de prêtres (majoritairement des Missions étrangères de Paris), un « pèlerinage sur les pas du Bouddha » en Inde et au Népas, pour mieux découvrir la réalité du bouddhisme. Je n’ai rencontré aucun bouddhiste qui se sente obligé, pour justifier de l’humanité du Bouddha, de lui inventer des aventures sexuelles. Nous libérer, comme chrétiens, d’un poids de culpabilité imbécile entretenu par l’Eglise, n’exige aucunement que nous fassions Jésus à notre image et ressemblance. C’est tout ce que je dis !
à René
Sauf erreur de ma part le bouddhisme n’est pas une religion qui croit en l’incarnation de la divinité elle même . Cette incarnation implique donc que nous recherchions dans le Dieu incarné en Jésus, ce qu’il a de profondément humain . Cette légitime recherche , faute de connaissances avérées ouvre donc la porte à toutes les possibilités y compris les plus fantaisistes (je pense moins à A Nothomb qu’à l’humanité de jésus Christ pour la FSSPX) . Voilà pourquoi le seule humanité accessible pour nous de Jésus me semble se situer exclusivement dans le visage du prochain , qui (trop ?) souvent ne me ressemble pas ! Enfin pas assez pour ma faible foi qui a du mal avec l’altérité !
Parce qu’on procède d’une religion incarnée il y aurait donc obligation à baiser, sauf à commettre un péché mortel. Mais on est où là ? La liberté des enfants de Dieu, vous connaissez ?
« … n’exige aucunement que nous fassions Jésus à notre image et ressemblance » écrivez-vous.
Par son incarnation, Jésus doit partager la condition humaine dans tous ses aspects, y compris dans sa composante sexuelle.
Chercher à oblitérer celle-ci (« Couvrez cette sexualité que je ne saurais voir ») me semble être un artifice peu crédible.
Vous êtes incroyable ! Jésus est libre d’appréhender comme il veut sa condition humaine. Je ne prétends pas qu’il soit inaccessible à la sexualité humaine, je dis – parce que toute une tradition nous le dit et que d’autres fondateurs d’autres religions ont fait le même choix de continence – qu’il n’a sans doute pas « couché » pour parler crûment. Je connais autour de moi des hommes et des femmes qui ont également fait le choix. ils n’en sont pas moins sexués et bien dans leur humanité. Cet impératif du passage à l’acte au motif que tout humain doit baiser pour prouver son humanité me semble être d’une stupidité renversante.
A René ,
Ou ai je écrit que jésus avait eu des relations sexuelles ? Désolé , le mot « baiser » ne fait pas partie de mon vocabulaire pour la simple raison que la différence entre « baiser » et avoir des relations sexuelles ouvre justement l’espace ou peut se vivre la chasteté .
Aussi que Jésus ait eu ou non des relations sexuelles – ce que nous ne pourrons jamais historiquement établir , n’a strictement aucune importance pour appréhender le Jésus de la foi , Jésus Christ . Je m’en fous éperdument . Qu’A Nothomb le dise dans un roman relève de la liberté de la création artistique . Que la presse catholique s’esbaudisse devant son texte relève d’un conformisme petit bourgeois qui ne m’étonne pas .
Par contre , que Jésus ait témoigné par sa vie qu’humaniser nos pulsions (sexe , pouvoir argent ) en les régulant ou en les sublimant , peu importe , mais en prenant la saine distance avec elles c’est à dire en les vivant en tenant compte du désir de l’autre , de la situation de l’autre , pour entrer dans une relation bienveillante et fraternelle est un critère qui me semble essentiel pour vivre de manière véritablement humaine et s’ajuster au projet de dieu pour sa création . La joie n’est jamais au bout des assouvissements disait Sulivan . Voila ce qui importe à la foi au Christ .
Baiser ou ne pas baiser ,telle n’est pas la question .
Guy Legrand
Je tiens l’évangéliste Jean pour un témoin direct.
A Claudine , Ce n’est, de mon point de vue, pas la question .Que Jean soit ou non un témoin direct , ne donne aucune indication sur le registre de son récit. Aucun Evangile n’est un reportage sur les faits et gestes de Jesus et celui de Jean encore moins que les autres .Chaque évangéliste a adopté un registre spécifique , un type de récit particulier pour rendre intelligible et retransmettre à des destinataires de cultures différentes leur expérience croyante .Ce qui explique les différences voire les contradictions entre les quatre Évangiles .
Tenir Jean pour l’auteur et un disciple est affaire de foi. Le pb est que le savoir n’est pas vraiment d’accord!
1/ « Les évangiles ont été écrits en plusieurs phases, par la deuxième ou troisième génération de disciples, dans une fourchette qui oscille entre 65 et 95, d’après les différentes options historiographiques » selon l’article « Evangiles » Wikipédia qui cite des sources.
2/ Voir aussi mon commentaire ci-dessous de 10h56 et la source citée de 2011 pour laquelle chaque évangile a selon toute probabilité plusieurs auteurs. Comme indiqué, l’auteur initial (2de ou 3ème génération donc), les traducteurs et copistes de ce temps là « n’enfilaient pas des perles » comme nous ferions aujourd’hui. Ils avaient, eux aussi des choses à dire et ne s’en privait pas.
3/ le premier papyrus contenant une petite fraction de « selon Jean » est daté de 125, … les deux codex en grec contenant à peu près les textes complet des évangiles sont du milieu du IVème siècle.
« Mais à l’inverse, à vouloir à tout prix que Jésus ait été marié – sans qu’on nous explique pourquoi les Evangiles auraient caché ce fait fort honorable pour un rabbi – on évite de s’interroger sur ce que la chasteté du Christ peut avoir à nous révéler de notre propre quète d’humanité. Sans nous contraindre pour autant à quoi que ce soit. » René, outre que la chasteté n’est pas réservée à celles et ceux qui s’abstiennent de rapports sexuels, tu reprends là un cliché qui a fait plus de mal que de bien dans les esprits et les cœurs. AN ne dit pas que Jésus a été marié, elle intègre à son incarnation une dimension de commune humanité que vingt siècles de morale janséniste et mortifiante ont bien tort d’avoir négligée.
Je n’ai jamais prétendu confondre chasteté et continence. Je les différencie même explicitement dans mon texte. Tu m’as mal lu ! Pour le reste, j’observe que la « dimension de commune humanité » n’est pas interrogée uniquement par le jansénisme mais par d’autres traditions religieuses comme le bouddhisme. Encore une fois Amélie Nothomb écrit ce qu’elle veut et la lit qui veut. Je dis simplement qu’à mon goût – et je ne suis le porte parole d’aucune institution – elle se façonne avec trop de complaisance le Jésus qui lui plait ! Et je reprends ici les paroles qu’elle met elle-même bien imprudemment dans sa bouche : « Rien n’est plus irritant que ces gens qui, sous prétexte qu’ils vous aiment, prétendent vous connaître par cœur. » Ce n’est pas moi qui le lui fait écrire !
à Loic
D’accord avec vous . Non seulement il ne faut pas mélanger chasteté et continence, assimiler la chasteté avec l’absence de rapports sexuels mais il ne faut pas non plus réduire son champ au seul domaine de la sexualité . La chasteté est une attitude spirituelle concrète d’accueil et de respect de l’autre dans notre relation avec lui dans tous les aspects de cette relation y compris la vie sexuelle . On peut être chaste en ayant des rapports sexuels ou l’autre n’est pas objet de désir mais sujet dans une relation de plaisir échangés. On peut n’être point chaste , tout en s’abstenant de rapports sexuels , dans le simple regard de désir qui prend l’autre comme objet .
Le magistère de l’église tout influencé de la culture romaine de l’objectivation abstraite , tout pétrit du présupposé que « le troupeau » ne peut pas entrer dans la complexité de l’exigence spirituelle et a besoin de règles simple et claires a sciemment confondu chasteté avec absence de relation sexuelle, oubliant que c’est avant tout une disposition de l’esprit respectueuse de l’autre dans tous les actes de la vie relationnelle sans exceptions . L’exercice du pouvoir , l’usage de l’argent sont aussi concernés au même titre que nos pratiques sexuelles par l’exigence éthique de chasteté . Mais pour dire cela encore aurait il fallu que l’église ne s’érigeât pas en puissance de ce monde concubinant sans honte ni réserve avec les autres puissances temporelles .
Lu avec attention le commentaire de René Poujol avec qui je suis la plus part du temps tout à fait en phase.
Je n’ai pas acheté le livre d’A. Nothomb c’est un cadeau de mon mari suite à une conversation avec un ami enthousiaste. Disons le franchement Melle Nothomb m’agace régulièrement et je n’avais pas envie de la lire mais j’ai fini par ouvrir le livre trois semaines plus tard et je l’ai dévoré. Je n’avais aucun a priori n’ayant ni lu, ni écouté les différents articles à son sujet à peine survolé celui de Gabriel Ringlet dans la Croix.
L’amour supposé de Jésus et Marie-Madeleine (je n’ai pas lu qu’il y avait eu « mariage ») m’indiffère pour être honnête . La romancière reprend cette hypothèse sans doute pour que l’homme Jésus le soit « pleinement » et cela ne me choque pas et je tique un peu lorsque vous dites que le sexe , avec le pouvoir et l’argent , conduit à la violence. Le simple fait d’être humain peut conduire à la violence si l’individu laisse sa part d’ombre prendre le dessus.
C’est un roman pas une thèse rigoureuse et si l’auteur supprime 5 des dernières paroles du Christ en croix, elle garde aussi « tout est accompli »(p.114), c’est une licence que le roman autorise. En bonne romancière cela vient conforter le titre et l’essence de son roman à savoir que la soif a rendu « supportables » pour le Christ les douleurs effroyables de sa crucifixion.
Bémol quant à mon relatif intérêt pour ce livre, je trouve que ce pauvre Christ souffrant atrocement philosophe longuement alors que la souffrance annihile toute pensée construite chez un humain ordinaire .
Allez j’ai une petite tendresse pour ce livre parce qu’on y sent en effet tout l’amour de l’auteur pour le Christ. Il ne s’agit certes pas d’en faire un socle de réflexions pour biblistes accomplis mais je ne crois pas que ce soit le but du livre.
Vous écrivez : « je tique un peu lorsque vous dites que le sexe , avec le pouvoir et l’argent , conduit à la violence. » Non, je ne dis pas cà ! Je dis que les principales sources de la violence sont, en effet, le sexe, le pouvoir et l’argent. Il suffit de lire Shakespeare ! Et d’observer comment toutes les législations, dans toutes les sociétés, se sont toujours efforcé d’encadrer l’exercice de la sexualité, du pouvoir, et des richesses. Qu’il y ait une « saine gestion » possible des trois est au fond l’invitation des Evangiles.
Je n’ai pas lu et n’avais pas l’intention de lire après le papier d’I De Gaulmyn sur son blog. Après vous avoir lu René, je suis plus curieux, non de lire cette œuvre d’artiste mais de rafraichir et approfondir ce qu’on crois savoir aujourd’hui des évangiles.
Avant d’écrire ceci, j’ai fait une recherche sur « authenticité des paroles du Christ dans les évangiles » et suis tombé en particulier sur » Effervescence autour de la source des paroles de Jésus (Q) » de Jean-Paul Michaud *. Dans les jours qui viennent je vais rouvrir « Que sait-on du NT » de R. E. Brown (1997) … en particulier à propos de l’ajout tardif -VIIème ou VIIIème siècle- d’une des dernières paroles du Christ (si je me souviens bien, il s’agit de « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ».
Résumé du paragraphe majeur (16/89) de l’article de Jean-Paul Michaud de 2011: La critique rédactionnelle nous a appris que les évangélistes n’étaient pas de simples compilateurs, mais des auteurs-théologiens capables de retoucher et adapter leurs sources, y compris de manière majeure.
Ce paragraphe est en harmonie avec l’ensemble du texte qui fait le point sur la recherche, les débats, et l’évolution au cours des dernières décennies sur ce qu’on croie savoir, sur les sujets à approfondir, sur les impasses aussi. Voilà qui justifie que des artistes, aujourd’hui comme aux siècles passés, mettent leur sensibilité au service de la collectivité des humains.
Ce livre ne sera sans doute pas, dans quelques siècles à la hauteur d’un Titien ou d’un Haydn (les 7 dernières …). Pourtant, je sais que les plus grands artistes, comme les théologiens, trouvent dans le labeur de leurs modestes prédécesseurs et contemporains, matière à nourrir leur œuvre. Ainsi ce livre, qui tombera sans doute dans l’oubli, pourrait nourrir une œuvre du XXIème siècle qui sera considérée majeure par les générations futures.
Exemple terre à terre, dans les années qui suivirent la fin de la guerre, qui en France n’a pas lu G. Cesbron, qui aujourd’hui le lit? Qui se souvient de ses énormes succès d’édition? Je sais ce qu’il a apporté de durable à l’ado que je fus et que j’ai tenté de transmettre … au titre de ma paternité biologique comme spirituelle.
* https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2011-2-page-145.htm
J’entends bien ! Mais quel est l’intérêt d’entendre Jésus nous expliquer que Marie n’était pas au pied de la Croix, et que la seule parole prononcée par lui était « j’ai soif » ? Le livre d’Amélie Nothomb nous présente un Jésus tellement et bassement humain (j’en connais qui me font meilleure impression) que l’on en vient à s’interroger sur sa divinité. Si c’est ça la nouveauté … on a déjà versé ! J’admire votre bienveillance.
A Jean Pierre
C’était bien Gilbert Cesbron , « Les saints vont en enfer » ou » Huit paroles pour l’éternité » je le relis parfois même si ça date un peu dans la forme .
Le plus dramatique dans la »théologie »de »Soif » étant que Jésus doit se pardonner d’être venu parmi les siens et d’avoir subi la crucifixion parce que les siens ne l’ont pas reçu !
Il est clair que lorsqu’on écoute les 5 émissions que Marie-Laure Delorme a consacrées à AN sur France Culture, on retrouve toutes les idées, toutes les interrogations, toute la »spiritualité » projetées par AN sur la personne de Jésus dans »Soif » .
On apprend aussi que d’après elle Jésus pèse 55kg et a des hauts le cœur en pensant à ceux qui prennent un petit dej au saut du lit ! Ce n’est plus du roman c’est une farce ! Et si sincérité il y a c’est la sincérité de quelqu’un qui ne différencie pas soi d’autrui quoiqu’intellectuellement elle s’en défende.
Dans une émission qui gagne à être écoutée, Antoine Nouis de l’EPUdF me semble faire preuve d’une modestie et d’une sensibilité qui font défaut à bien des propos que je viens de lire ! https://www.google.fr/amp/s/rcf.fr/amp/culture/livres/amelie-nothomb-et-la-soif-du-christ
Antoine Nouis compare le roman d’ A Nothomb à un midrash : une interprétation forcement subjective qui ouvre au questionnement de son lecteur .Roboratif , certainement .
Pour ma part c’est par curiosité que j’ai lu ce roman parce que j’avais vu qu’il avait énormément de succès et je dois dire que j’ai été saisi par les réflexions prêtées au Christ par cette auteure
Sauf que tout comme René et d’autres tout de même… je ne puisse accepter que lon fasse un tri dans les paroles du Christ pour, bien sûr, ne tetenir que celles qui nous conviennent . Oh, bien sûr, je sais fortement que nous n’avons aucune preuve de l’authenticité de ces paroles. Seulement pour moi ces écrits sont inspirés par l’Esprit bien sûr et le Christ ayant dit « et moi je suis avec vous chaque jour jusqu’à la fin du monde » je n’ai aucune envie de mettre en doute l’authenticité de cette parole et pourtant quoi de plus invraisemblable.
Pour la petite histoire je ferai observer à Madame Nothomb que puisqu’elle situe son roman durant la Passion comment donc « son » Jésus pourrait-il reprocher à Jean lequel n’a encore évidemment rien écrit et pour cause, de lui avoir prêté la phrase « Père pardonne leur ils ne savent pas ce qu’ils font » car selon elle cette phrase serait une manifestation de mèpris à l’égard de ceux qui l’ont condamné (!!!)
Enfin, rassurons-nous, grâce à une intervenante j’ai appris que Madame Nothomb aurait déclaré sur Europe 1 qu’elle estimait que le Christ n »avait jamais été médiocre.
Quant à savoir la nature des liens entre le Christ et Marie-Madeleine, je laisse çà à Gala, Closer, FranceDimanche (liste non exhaustive bien sûr)
mais il me semble que nous en arrivons une fois de plus à: « Faisons donc Dieu à notre image et à notre ressemblance » ce sera tellement plus confortable…
Le regard de chacun sur Jésus fait de Lui une part de soi-même, en sorte qu’évoquer ces autres en quête de confort égoïste ressemble à un besoin de se rassurer.
Hier soir, j’ai croisé Jésus avant de fermer les yeux, à travers la première nouvelle d’un recueil de Cesbron, « Une sentinelle attend l’aurore » (1965) qui relate un fait divers.
Un homme de 57 ans meure d’épuisement dans le bois de Vincennes. Ce père de 12 enfants a perdu un de ses fils dans les Aurès. Travailleur à la chaine, il a été remercié parce qu’il n’avait plus le rythme. De retour chez lui, il dit fièrement qu’il ne reviendrait pas sans avoir retrouvé de travail. Envoyé d’untel à untel, d’une firme à une autre, il n’est jamais revenu. Le mot clé de cette histoire est « naturelle », une mort naturelle dit le commissaire de Picpus.
La chute est rude pour notre « civilisation »: « Pitié! Pitié pour nous qui, chaque jour, traversons sans un coup d’œil, sans un battement de cœur, les forêts de pierre où meurent des hommes, des femmes et des enfants. Pitié pour ce siècle qui, patiemment, dans de grandes usines secrètes, prépare avec allégresse et productivité sa propre mort! Car quand les fameux champignons de fumée s’élèveront, ici et là, pour la défense de la Civilisation Chrétienne ou de la République Socialiste, quand nous serons volatilisés, désagrégés, désintégrés: quand l’homme aura ainsi réussi après quelques milliers de siècles à détruire la Création de Dieu le Père, est-ce que vous ne croyez pas, Monsieur le commissaire de Picpus, que ce sera une mort naturelle? »
Nous sommes à l’image de Dieu et réciproquement. Quel homme proche de Dieu a trouvé sa condition confortable?! Être Dieu, est-ce confortable?! L’accouchement de l’âme -agonie-, quelle que soit sa durée, est un rude moment, … mais que dire s’il s’agit de celui de l’âme de l’espèce ?
On revient à la cassure de l’histoire évoquée par Michel Serres (https://www.renepoujol.fr/une-menace-de-schisme-peut-en-cacher-une-autre/#comment-93419), car c’est bien cette cassure que pressent ici Cesbron.
Cette mise en cause de ce malheureux commissaire de Picpus me parait aussi fondée que le fameux RIEN trouvé à la date du 14 juillet 1789 sur la carnet de chasse de Louis XVI;
Il appartenait à ce malheureux Commissaire de déterminer si la mort était naturelle ou non et certes pas d’écrire une thèse sur la Vie en général ou le « progrès »
Le christianisme, religion du couple à trois !
Eh bien, ça y est, pendant notre voyage vers un lieu de massage bienfaisant, mon épouse m’a lu ce livre « Soif ». C’est le moment, pour moi de confirmer l’idée de Mme de Gaulmyn écrivant que ce sont les « incroyants » qui parlent le mieux de la bonne nouvelle ; et ce n’est pas la lecture de ces excellents posts qui vont me mettre en défaut sur ce point : par exemple, le figuier. Ne voulant pas occuper trop d’espace, je me contenterais de vous renvoyer page 31-32 du livre « Soif », et de vous arrêter plus particulièrement sur « …Je ne vais pas me morfondre dans un regret stérile, je suis simplement contrarié de ne pas pouvoir aller auprès de cet arbre, l’embrasser, lui demander pardon. Il suffisait qu’il me pardonne et sa malédiction, s’achèverait à l’instant, il pourrait à nouveau porter des fruits et s’enorgueillir de leur poids délicieux sur ses branches… ». Oui, j’entends déjà des voix qui ne trouve pas ce texte « politiquement correct »…et pourtant, il m’évoque un passage de la bonne nouvelle : « …23 Quand donc tu vas présenter ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande… » (Mat 5 :23-24). Nous sommes tout bêtement au cœur du christianisme, au cœur du Message Divin que nous trahissons pour diverses raisons depuis 20 siècles : par nos divisions, étiquetages de nos frères, poncifs, positions politiques aussi diverses que variées, jugements aussi péremptoires que faux parce qu’incomplets… Faire la démarche d’aller vers l’offensé, lui témoigner une grande empathie, lui demander pardon, c’est-à-dire reconnaitre son existence, son point de vue, recevoir dans ce grand flux d’Amour qui nous réunit à nouveau son pardon, noyé dans le Pardon Divin, et qui le délivre et nous permet, à nouveau de porter des fruits, c’est-à-dire de nous permettre, l’un par l’autre, dans le Flux d’Amour de l’Esprit, de faire fructifier nos 1,3,4 talents…
Quant à sa conception d’un Christ, le plus incarné des humains…On retrouve par la suite l’impact de cette phrase. Mais je préfère : « … La plus grande réussite de mon père, c’est l’incarnation. Qu’une puissance désincarnée ait eu l’idée d’inventer le corps demeure un gigantesque coup de génie… ». On pourrait écrire des tomes entiers sur ce thème…je me contenterais d’évoquer, bien que je ne sache pas si telle était l’intention de l’auteure, d’évoquer la théologie du Corps de JPII…En fait, du corps que Jésus s’efforce de réintégrer dans la société par ses miracles, jusqu’au Corps Mystique de St Paul, le Corps tient une place essentiel dans les écritures, AT et NT.
Cela m’amène à une autre situation très actuelle : Nous participons à « réparer » l’Eglise ». Il me semble qu’il existe un hiatus grandissant entre le vécu collectif de notre Foi et Celle que nous vivons en Vérité. Serait-ce là l’origine profonde de ce que l’on nomme « crise de l’église ». De fait, les « incroyants » avec qui nous sommes amenés à échanger, sont plus opposés à l’institution qu’à la notion d’un Dieu, surtout en ce moment où l’action politique interfère dans le débat. Dans « Croire, mais en quoi ? », nouveau livre du père Albert Rouet, dont je débute la lecture, l’évêque émérite de Poitiers évoque les problèmes induits par « la sécularisation » : « … impérieuse et pesante, la sécularisation trouble les croyants, écarte de la foi des générations entières et s’installe dans des espaces de plus en plus vastes. Elle tend à rétrécir les périmètres ou la foi en Dieu reste encore crédible, au sens où il n’est pas déraisonnable de croire… ». Ce qui pose immédiatement le problème de sa transmission ! Comment se baser sur des « balises stables » dans un environnement mouvant ? insiste-t-il plus loin dans l’ouvrage. Le septième art s’en mêle avec quelques films comme « interview avec Dieu », « Marie madeleine »…Au total, peut-être que le peuple de prêtre de prophètes et de rois, se réveille-t-il enfin ! Il me semble que le christianisme est la religion d’un couple à trois : Ceux qui restent très terre à terre, peuvent penser que s’insère entre les époux une tierce personne qui les divise ; mais dans le Plan Divin, cette Tierce Personne, Esprit Amour, au contraire sert de ciment et les unit. Passer d’une juxtaposition à une com-union » , telle est, me semble-t-il, la problématique de cette crise.
Je suis infiniment reconnaissant à Frédéric Boyer de son commentaire, dans la Croix du 3 octobre.
https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/Vouloir-faire-parler-Jesus-cest-detourner-feu-premier-parole-2019-10-03-1201051680
Bonjour,
Si les évangiles étaient bien traduits, il n’y aurait pas besoin de tous ces délires sur la sexualité de Jésus. Car il a dit :
« Il y a des eunuques qui sont nés tels dès le ventre de leur mère ; et il y a des eunuques qui ont été faits eunuques par les hommes ; et il y a des eunuques qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le royaume des cieux. Que celui qui peut SE RETIRER, se retire. » (Matthieu 19:12)
Chôreô en grec : s’éloigner, se retirer, abandonner, progresser grâce à un retrait, un abandon.
On voit mal Jésus vanter l’abandon de la sexualité à ses disciples tout en s’y adonnant lui-même…
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Je n’ai aucune compétence pour traduire les Ecritures. Mais je reste dubitatif face à votre dernière phrase. Toutes les traductions aucquelles j’ai accès donnent la même interprétation : Qui peut comprendre, qu’il comprenne ! Par ailleurs je ne vois pas la nécessité de la traduction que vous proposez pour justifier la conclusion qui est la vôtre et que je partage: celle de la probable continence du Christ.
« … la conclusion qui est la vôtre et que je partage: celle de la probable continence du Christ » écrivez-vous :
Libre à chacun de spéculer sur le degré de continence – ou d’incontinence – de tout « célibataire ».
Sans oublier toutefois qu’un jugement basé sur un a priori n’a aucune valeur réelle, rationnellement parlant.
Sauf que ce n’est pas un jugement, et que ce n’est pas un a-priori mais bien un a-posteriori correspondant à toute une tradition deux fois millénaire. Mais que ceux qui ont à ce point besoin que Jésus se soit envoyé en l’air pour prouver son humanité – et les rassurer sur la leur – s’autorisent ce qu’ils veulent. Je m’en f…
Et comme par hasard, les plus acharnés à prouver cette « incarnation » de Jésus jusque dans ses bijoux de famille sont des curés (Leloup, Ringlet). Comme c’est bizarre 😉
La Tradition – transmission de doctrines, de légendes et de coutumes – n’en constitue pas une preuve rationnelle pour autant.
Aussi, se fonder sur la seule Tradition – quelque vieille qu’elle soit – pour en déduire une conclusion litigieuse, c’est comme adopter un préjugé, à défaut de preuves rationnelles.
Parce que l’imagination d’une écrivaine, nourrie des fantasmes de son siècle, serait une preuve rationnelle de quoi que ce soit ? Je n’interdis pas à Amélie Nothomb d’écrire ce qu’elle veut. Et je ne me sens pas vraiment une âme d’inquisiteur. J’explique simplement en quoi les Ecritures et le lent travail des éxégètes me parlent plus sur le mystère de Jésus et son incarnation, que les extravagances littéraires de notre auteure. C’est tout !
Le travail des exégètes ne dit sur Jésus que ce que les rédacteurs des évangiles en ont mis en évidence : c’est à dire leur lecture de ce qu’ils ont vécu avec lui passé au filtre de leur expérience croyante et rédigée dans un but apologétique . Ils ne se placent donc bien évidemment ni dans le champ du portrait psychologique de l’homme Jesus ni dans le reportage /verbatim de ses faits et gestes , mais uniquement dans leur interprétation croyante . Les évangiles répondent moins à la question : »qui était Jesus ? »qu’a La question « Qui dites vous que je suis ? » Ce qui explique les convergences et divergences entre les quatre évangiles et donc leur validité aux yeux de la foi .
Non ! S’ils travaillent de fait à partir des Evangiles qui sont tout sauf des reportages « objectifs » (qui d’ailleurs n’existent pas, croyez-en le journaliste que je suis), ils ont également le souci de mettre ces récits en perspective avec ce que les sciences historiques nous disent de l’organisation sociale et politique, de la culture, des mœurs… au temps du Christ ! Plus respectueux donc du contexte réel que les divagations de Mme Nothomb.
Je préfère aussi les exégètes bibliques à ceci d’Amélie Nothomb (Parisien du 17 août dernier) : « Qu’est-ce que la prière, sinon atteindre un rare degré de concentration ? Prier, pour moi, c’est devenu écrire. Mes quatre heures minimum d’écriture par jour, cela correspond à un besoin de prière. »
Bientôt nous prierons quand nous nous gratterons le nez…
Évidemment , hormis les fondamentalistes personne ne peut lire un texte sans tenir compte du contexte social , culturel, religieux et politique dans lequel il a été écrit. Mais cela ne nous dit pas grand chose sur la personne de Jesus .
A René :
A défaut de preuve rationnelle sur la sexualité de Jésus, nous voilà donc face à un dilemme :
tandis que les uns décideront d’opter pour la version sublimée de la Bible, d’autres préféreront la version plus incarnée du roman d’A. Nothomb
(toutefois pour faire état de « tolérance », les gros mots se révèlent superfétatoires !).
Dans l’Eglise, les discours sur la sexualité oscillent entre pessimisme et idéalisme.
Pour Gabriel Ringlet, lorsqu’ils se situent aux extrêmes, ces discours peuvent générer des abus de toutes sortes (voir ci-dessous)
Mais pourqui faudrait-il régler notre sexualité sur celle de Jésus ? On peut avoir une vision « optimiste » de la sexualité sans se croire obigé de la justifier par le fait que Jésus aurait « connu » la femme ! Et donc exiger que Jésus ait eu une vie sexuelle active par peur de nous voir condamnés à une exigence de continence… Tout celci me semble infantile !
Je partage l’avis de René, la sexualité est chose saine pour les laïcs. Mais il faut répéter que les plus acharnés à nous vendre (dans des bouquins entre autres) un Jésus adepte de la sexualité, et à propager énergiquement cette rumeur, sont des prêtres comme Jean-Yves Leloup ou Gabriel Ringlet ci-dessus. Et si on pense à l’expression « In persona Christi », on a vite compris pourquoi ils veulent à tout prix que Jésus ait eu une sexualité ! Je me souviens par exemple que Gabriel Ringlet regrettait de ne pas avoir eu d’enfant. Quant à Leloup et ses « disciples », je me tairai charitablement. Tout cela n’est pas sain de la part de ces prêtres, car beaucoup trop chargé de projections et de fantasmes, et cela trahit l’enseignement de Jésus.
A Madeleine :
Nous voilà au cœur de la partition laïcs – prêtres.
Or en l’absence de religion, Jésus n’était pas prêtre.
Et puisque vous écrivez : « la sexualité est chose saine pour les laïcs », il faut donc en déduire que la sexualité était chose saine pour Jésus.
C.Q.F.D.
Oui mais cela signifie que s’il y a renoncé – ce que semble nous dire la Tradition – ce n’est pas par renoncement à quelque chose de malsain (ce que l’Eglise a eu parfois tendance à nous faire croire via le péché originel), mais pour nous ouvrir à d’autres réalités. C’est en tout cas ma conviction.
Et on en revient à Matthieu 19:12 où Jésus vante les eunuques qui se font tels « dans le but » du royaume des cieux ! Tout son enseignement est destiné à nous faire pénétrer dans ce royaume.
Certains se feront eunuques… ne signifie pas que ce soit une obligation pour entrer dans le Royaume.
A René :
« … ce que l’Eglise a eu parfois tendance à nous faire croire via le péché originel » écrivez-vous.
Présenter ainsi le péché originel en en faisant une simple « tendance » que l’Eglise aurait eue « parfois » me semble être une dérive par rapport à la doctrine immuable de l’Eglise catholique.
Ce n’est pas ce que je dis. Le péché originel est de fait – hélas – un dogme. Le « parfois » était lié à la composante « sexuelle » de ce péché qui neest pas toujours mise en avant.
Le péché originel n’est pas la sexualité mais le fait de manger du fruit de l’arbre de la connaissance. Et quand on sait qu’en hébreu, le terme (daath) qui a été traduit par connaissance signifie la « conscience », on voit tout de suite de quel péché il s’agit : surtout ne soyez pas trop « conscients », que l’on puisse mieux vous diriger !
« on voit tout de suite de quel péché il s’agit : surtout ne soyez pas trop « conscients », que l’on puisse mieux vous diriger ! » écrivez-vous.
Je suis tout à fait d’accord, Madeleine.
Et d’ailleurs, c’est pour répondre à un manque d’information – qui permet toutes les désinvoltures – que je m’efforce de rassembler sur mon site une bibliographie des derniers articles de presse en matière de pédophilie dans l’Eglise (entre discernement et désinvolture, à chacun de choisir).
Je relis le livre d’Amélie Nothomb. Bien sûr les tenants d’une théologie pure et dure ont raison de critiquer l’interprétation de l’auteure. Mais, plutôt que de critiquer, je préfère écouter ces diverses interprétations qui fleurissent fréquemment ça et là, pour essayer d’en tirer la substantifique moelle. De plus, le fait d’apprendre, en rentrant d’un WE CCBF, que 24000 exemplaires de ce livre ont déjà été achetés surtout par des jeunes, me rend perplexe sur « ces délires sur la sexualité de Jésus ». C’est une question qui semble importante aux yeux des incroyants, car, c’est en règle la première qui nous est posée lors d’une rencontre suffisamment décontractée pour que ce genre de sujet puisse être abordé. Nous sommes tellement inféodés à une certaine philosophie gréco-romaine présentant le corps comme méprisable, mortel, décomposable, ne pouvant qu’abriter un esprit sinon parfait, du moins en devenir de l’être. Peut me chaut que Jésus ait eu une femme, et même des enfants, cela ne ferait tout au plus qu’affirmer Sa Nature Humaine et n’altèrerait en aucune façon Sa Nature Divine. Il me semble plutôt plus intéressant de constater qu’au cours de l’histoire biblique, l’Homme, la Femme, le Couple, et partant la Sexualité y tiennent une place prépondérante. (Reprenez-moi si je me trompe), mais que, par contre, c’est la notion même de « sexualité » qui nous met mal à l’aise. « Sancto subito », scandaient les jeunes lors de la cérémonie funéraire de Jean Paul II, tandis que nos théologiens s’activaient déjà discrètement à détricoter (selon le biographe : George Weigel), la « bombe théologique », que ce nouveau Saint avait mis en place au cours de ses 129 catéchèses du mercredi, C’est peut-être là que pourrait résider la fracture entre notre jeunesse et les croulants que nous sommes.
« …On voit mal Jésus vanter l’abandon de la sexualité à ses disciples tout en s’y adonnant lui-même… ». Vous en êtes sûre ?
« Genèse 1:27 Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa.
Genèse 5:2 mâle et femelle il les créa, il les bénit et les appela du nom d’homme au jour de leur création. »
(Traduction œcuménique de la Bible)
« Genèse 1:27 Dieu créa l’homme à son image : Il le créa à l’image de Dieu, Homme et Femme il les créa.
Genèse 5:2 Homme et Femme il les créa, il les bénit et les appela du nom d’Homme, au moment où ils furent créés. »
(La Bible Second révisée (colombe)
(in : La Bible oneline Premium 2006
Sur terre, du moins, un couple se forme pour procréer, donc pour vivre un instant de sexualité…C’est d’ailleurs ce que souligne Saint Jean Paul II dans sa catéchèse du 20 février 1980 (TDC 019 Publié par Incarnare le samedi 05/09/2009)
« …4. Et ainsi, dans cette dimension se constitue un sacrement primordial entendu comme signe qui transmet efficacement dans le monde visible le mystère invisible caché en Dieu de toute éternité. Et ceci est le mystère de la Vérité et de l’Amour, le mystère de la vie divine à laquelle l’homme participe réellement. Dans l’histoire de l’homme, c’est l’innocence originelle qui ouvre cette participation et elle est également la source de la félicité originelle. Comme signe visible, le sacrement se constitue avec l’être humain en tant que corps et par le fait de sa visible masculinité et féminité. Le corps en effet – et seulement lui – est capable de rendre visible ce qui est invisible: le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu et en être le signe visible… » (in :TDC 019 catéchèse du mercredi ; Jean Paul II).
Ce qui fait dire à une sœur dominicaine, théologienne, que nous sommes au cœur de la Fécondité Divine.
Il se trouve qu’en tant que personne lambda, j’apprécie qu’Amélie Colomb et Jean Paul II réhabilite le Corps, Temple de l’Esprit, selon St Paul, d’une façon remarquable et compréhensible par tous. Ce peut être là une porte de sortie à ce qu’il est convenu d’appeler « la crise de l’église ».
S’il suffit de vendre 24000 exemplaires de n’importe quel ouvrage pour avoir raison, alors c’est Dan Brown et son Da Vinci Code qui ont eu raison avant tout le monde avec des dizaines de millions d’exemplaires et alors il faut croire que la descendance de Jésus et de Marie-Madeleine est parmi nous. La chasse est ouverte… Pour ma part, je dis et je redis, que faire parler Jésus n’est pas honnête. Et je suis reconnaissant à Frédéric Boyer de son propos, à ce sujet, dans la Croix.
https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/Vouloir-faire-parler-Jesus-cest-detourner-feu-premier-parole-2019-10-03-1201051680?fbclid=IwAR3KGFo1fhil_iPQwC-Ey9shFSFHpSQA69-IU2p85dTN465jL4wmD6a2CN8
Non, pas vous !… J’ai bien intégré que la TDC de JPII n’est pas en odeur de sainteté, comme me l’a souligné verbalement un autre internaute de ce fil et j’ai bien intégré que les « municipales » sont en vue. Je ne me place ni sur un plan théologique, je laisse ce point à mon épouse, ni sur le plan politique en proie à un tsunami à l’issue incertaine. Ce qui m’intéresse dans les 2400 exemplaires ne réside en aucune manière dans le chiffre mais dans l’engouement des gens pour la chose sexuelle ; Il existe sur ce plan une soif (au sens Nothomb du mot) et qu’il va être très difficile d’étancher. Nous vivons notre sexualité de façon tellement restrictive et défensive qu’évoquer la « nuit de noce » sous son aspect physique, spirituelle et transcendantale, comme semble le suggérer JPII et Benoist XVI, est très loin d’être entré dans les mœurs. Il s’en suit que les meilleurs cours de catéchèse, ayant souvent en toile de fond ce thème, se font loin des sacristies et des autels ; C’est un phénomène regrettable de mon point de vue, car comme le soulignait un de nos évêque, « Notre parole ne parle plus», mais il est aussi plein d’espérance, car ceux qui savent se servir des médias sont à l’origine de nouvelles catéchèses à l’audimat démesuré. Ce qui serait encore plus regrettable, c’est que chacun ne sachent pas prendre le train à temps. Mais j’ai appris que la célébration du vendredi saint dans un monastère, commentée conjointement par Amélie Nothomb et par le prieur : je ne sais s’ils évoqueront St Paul ,1 Corinthiens 1:23 « … mais nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens… ». On peut aussi citer « interview avec Dieu » que nous avons vue en avant-première et qui nécessite un modérateur féru en NT et AT, tant les références y faisant allusion sont nombreuses, discrètes mais propres à une catéchèse de haut niveau.
Jean Claude Guillebaud a écrit un intéressant article sur « la pudibonderie scientiste », (CAIRN Entretien avec Jean-Claude Guillebaud propos recueillis par Nathalie Sarthou-Lajus « Études » 2011/4 Tome 414 | pages 463 à 474). Nos jeunes préfèrent peut-être une liberté sans contrainte à cette pudibonderie scientiste d’un autre âge. Permettez-moi aussi de vous renvoyer aussi à la lettre de Benoist XVI : (Pédophilie : Benoit XVI sort de son silence : l’effondrement moral de 68 a conduit à ce que nous vivons ; Publiée le 11-04-2019 – traduction non officielle par Jeanne Smits), d’où j’extrais la phrase suivante : «…Ainsi la phrase « Dieu est » se transforme en dernière analyse véritablement en Bonne Nouvelle, tant Il est plus qu’une idée, parce qu’Il créé l’amour et qu’Il est l’amour. Rendre de nouveau conscient de cela est la tâche première et fondamentale que nous confie le Seigneur… ».
Ainsi qu’il l’a écrit dans « Deus Caritas est », cela suppose une revalorisation du Corps, la refondation d’une unité « éros, Philae, agape et service de l’autre », basée sur une confiance des uns vis-à-vis des autres, c’est-à-dire, ayant Foi en soi et en l’Autre.
Sur votre conseil, j’ai été lire Frédéric Boyer, et lui ai mis un petit commentaire amical. J’ai partagé son point de vue pendant 78 ans, mais je crois qu’il va nous falloir nous adapter ou disparaître avec tous les trésors spirituels que nous véhiculons depuis plus de 40 siècles. Quel dommage.
Si, moi ! Où avez-vous vu que j’étais contre une revalorisation du corps, dans l’Eglise ? Le livre que je m’apprète à publier le 24 octobre chez Salvator plaide, à l’inverse, pour que l’Eglise revisite son enseignement sur la sexualité qui est complètement dépassé, que l’on pense à l’interdiction de la contraception, des relatioàns pré-maritales, ou de l’homosexualité active…
Cela étant, nul besoin pour autant d’imaginer pour le Christ une vie sexuelle qui n’est attestée par aucun texte canonique, qui ne nous apporterait rien de plus pour ce qui est de notre propre vie – pas besoin que le Christ ait connu charnellement Marie-Madeleine pour que je considère la sexualité comme une chose belle et bonne – et qui, en revanche, occulterait toute une partie de son enseignement comme je tente de le dire dans mon billet.
Oui, je persiste à dénoncer que sous prétexte d’humaniser le Christ – comme s’il avait besoin de notre autorisation pour ça – on projete sur lui nos propres désirs quand ce n’est pas nos fantasmes, plutôt que de nous laisser interroger par sa manière d’incarner notre condition humaine. Dieu fit l’homme à son image et à sa ressemblance et voilà que nous succombons à la tentation/facilité de vouloir faire le Christ à la nôtre. Je trouve cela infantile. Comme si nous n’étions pas assez grands pour assumer notre propre liberté !
PS. Si je puis me permettre : si la théologie du corps de Jean-Paul II n’est pas en odeur de sainteté, ce n’est pas parce qu’elle réhabilite le corps et le plaisir conjugal, mais parce qu’elle s’arrête à mi-chemin en maintenant les interdits sur la contraception.
Rezé j’ai vraiment du mal à croire que si l’Eglise mangeait son chapeau en matière de sexualité cela changerait quelque chose à son déclin actuel. dont les causes ne sont pas si simples (voire simplistes ) à mon point de vue en tout cas
Je ne prétends pas que la crise de l’Eglise soit réductible au fossé creusé entre elle et la société sur les questions liées à la sexualité. Ce serait stupide et réducteur. C’est l’un des éléments dans un ensemble plus vaste. Je tente une analyse dans le livre « Catholique en liberté » que je publie chez Salvator d’ici trois semaines. Je vous y renvoie volontiers…
« Que l’église revisite son enseignement sur la sexualité qui est complètement dépassé »
J’ai hâte de lire vos propositions en ce domaine , René , qui je l’espère ouvriront des portes que j’ai tendance à croire verrouillées depuis et pour longtemps .
On peut reprocher beaucoup de chose au magistère de l’Eglise sauf son manque de cohérence .Sa vision de la sexualité humaine repose sur une anthropologie fondée sur le concept de loi naturelle . Ce concept , très intéressant, au plan de la théorie théologique , reste très abstrait et ne tient aucun compte de l’état de la connaissance actuelle scientifiquement avérée tant en anthropologie qu’en matière de sexualité .
La doctrine de l’église n’étant pas construite à partir des réalités humaines , je ne vois pas au nom de quoi elle devrait s’adapter à celles ci . Je pense donc qu’elle ne le peut pas indépendamment du fait qu’elle ne le veut pas .
Si la position de l’eglise devait évoluer, ce serait , me semble t il plus sur le terrain de la pratique pastorale que sur celui de la doctrine .Avec la difficulté ensuite de mettre les deux en cohérence .
Mais si vous avez trouvé la faille qui permette de justifier des évolutions sans remettre en cause les sacro-saints principes de le loi naturelle , je suis impatient de vous lire .
Il ne m’appartient pas de dicter à l’Eglise la réponse aux questions qui lui sont posées. Mais pour rebondir sur votre propre commentaire je crois, en effet, que la réponse « pastorale », si utile soit-elle, est aujourd’hui insuffisante. De ce point de vue je suis en accord – pour une fois – avec la frange intégriste ou traditionnaliste qui redoutait du synode sur la famille que trop d’ouverture pastorale finisse par se traduire par des changements doctrinaux. Simplement je me réjouissais plutôt de cette perspective là où ils s’en inquiétaient.
Pour prendre un seul exemple, que j’évoque dans mon livre, en revenir généreusement au « à tout péché miséricorde » c’est se tromper de cible car pour l’immense majorité des fidèles l’usage de la contraception artificielle , les relations pré-maritales ou l’homosexualité active ne sont pas perçus comme étant des péchés. Et j’insiste sur le fait qu’il ne faut pas lire ces faits comme illustration d’une regression de l’exigence morale des fidèles.
D’accord avec vous .La question est que l’exigence morale est très difficile à objectiver et à normer .Comment alors non pas dire , mais appeler à cette exigence en évitant d’une part le catalogue objectif des péchés et d’autre part le relativisme subjectif qui tend à minimiser notre péché . J’ai la faiblesse de croire qu’il faudrait passer de l’idée de doctrine émanant exclusivement du magistère à la notion d’orientations émanant tant du magistère que des théologiens et du sensus communis fidelium .Celles ci seraient plus des questions à se poser pour discerner et nommer des comportements que des réponses à priori .Toute démarche véritablement spirituelle est plus exigeante que les normes : « nos lois sont plus exigeantes que vos codes » disait Jean Sulivan en parlant de ceux qui se mettaient véritablement à l’écoute de la Parole pour y ajuster leur vie .
Pour moi le fait que pour « l’immense majorité des fidèles (??) l’usage de la contraception artificielle, les relations prémaritales ou l’homosexualité active ne soient pas perçus comme des péchés n’apporte en rien la preuve que cette opinion soit bonne.
Au temps de l’esclavagisme les « propriétaires » des esclaves avaient très bonne conscience, de même que les bourgeois du premier étage dans les immeubles huppés ne se préoccupaient guère de l’inconfort des chambres de bonnes du 6 ème, les Nantais dormaient sur leurs deux oreilles et Voltaire qui poussait des hauts cris possédait néanmoins des actions dans certaines compagnies négrières.
Et certains théologiens de haut rang sont même allés jusqu’à dire que la réussite matérielle sur cette terre était signe que l’on faisait indubitablement partie des « prédestinés » à la vie éternelle
Que répondre à cela ? Lol !
Eh bien! Pour une fois je suis pleinement d’accord avec G LEGRAND car tout comme lui je ne vois pas comment l’Eglise pourrait revenir sur les principes de la loi naturelle et cela me fait repenser à la réaction spontanée d’une des mes anciennes collègues lors de la publication d’HUMANAE VITAE alors qu’elle n’était absolument pas croyante m’avait dit: « je ne vois pas comment l’Eglise pourrait dire quelque chose de différent que ce qu’elle disait là ».
Par ailleurs René je ne crois certes pas que le rôple de l’Eglise soit d’entériner l’opinion prétendument majoritaire mais de prêcher à temps et à contre-temps.
On ne va pas refaire ici le débat sur HV. Rappelons que Paul VI a pris seul sa décision contre tous les conseils qu’il avait mis en place sur le sujet, dont le dernier composé uniquement de cardinaux. Il a tout simplement tourné le dos à ce qu’il est convenu d’appeler le sensus fidei fidelin. Point. Quant à prêcher à temps et à contre temps, s’il s’agit d’affirmer la Trinité, la divinité du Christ ou sa résurrection, mille fois oui. Pour le reste…
Que voulez-vous,?il ne me déplait pas de ne pas être caressé dans le sens du pole par le Pape et je ne demande pas à ce dernier de me suggérer des arguments pour justifier mon comportement…
« La dogmatique ne peut remplir son rôle qu’en demeurant liée aux circonstances actuelles de l’Eglise . Il ne s’agit pas de répéter des énoncés doctrinaux, mais d’en dégager le sens et de les comprendre . La dogmatique chrétienne restera toujours un ensemble de réflexions et de descriptions relatives susceptibles d’erreurs . »Cet extrait de « Esquisse d’une dogmatique » de Karl Barth pour dire la difficulté qu’aura le magistère catholique à faire évoluer la doctrine . Il a de mon point de vue trop oublié le lien nécessaire avec « les circonstances actuelles de l’Eglise . » Le magistère a t il les moyens méthodologiques de se sortir du piège d’avoir sacralisé la doctrine dans lequel il s’est lui même enfermé depuis Trente ? J’en doute .
Le lièvre que je me suis permis de soulever déclenche une avalanche de réactions, et c’est tant mieux. Nous sommes en « disputation » et par conséquent, nul n’est besoin de se sentir offensé par mes propos.
Je souhaiterais, en tant d’internaute Lambda, rajouter un deuxième lièvre. Je vous prie de bien vouloir m’excuser si ce qui suit choque l’un ou l’autre. Pour ce faire, je vais partir d’une phrase écrite par notre hôte plus haut :
« …Si la théologie du corps de Jean-Paul II n’est pas en odeur de sainteté, ce n’est pas parce qu’elle réhabilite le corps et le plaisir conjugal, mais parce qu’elle s’arrête à mi-chemin en maintenant les interdits sur la contraception… ». Oui, on peut dire cela ; Mais relisons bien le texte TDC 019 de février 1980 :
§4. « …Et ainsi, dans cette dimension se constitue un sacrement primordial entendu comme signe qui transmet efficacement dans le monde visible le mystère invisible caché en Dieu de toute éternité. Et ceci est le mystère de la Vérité et de l’Amour, le mystère de la vie divine à laquelle l’homme participe réellement. Dans l’histoire de l’homme, c’est l’innocence originelle qui ouvre cette participation et elle est également la source de la félicité originelle. Comme signe visible, le sacrement se constitue avec l’être humain en tant que corps et par le fait de sa visible masculinité et féminité. Le corps en effet – et seulement lui – est capable de rendre visible ce qui est invisible: le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu et en être le signe visible… ».
Rapprochons ce paragraphe d’un texte de Benoist XVI dans sa lettre : « Benoit XVI sort de son silence : l’effondrement moral de 68 a conduit à ce que nous vivons… »
« …Ainsi la phrase « Dieu est » se transforme en dernière analyse véritablement en Bonne Nouvelle, tant Il est plus qu’une idée, parce qu’Il créé l’amour et qu’Il est l’amour. Rendre de nouveau conscient de cela est la tâche première et fondamentale que nous confie le Seigneur….»
et nous arrivons à un contre sens dénoncé par Benoist XVI dans son analyse publié « … dans le Klerusblatt [un mensuel destiné au clergé des diocèses, pour la plupart de la région de Bavière]. …». En fait, ces deux textes, accompagnés de nombreux autres qui sont soit conforme, soit en opposition, montrent que Jean Paul II a été obligé de faire machine arrière, car ce concept changeait fondamentalement notre conception de Dieu, en introduisant une intimité visible, actuelle, physique, personnelle et interpersonnelle avec Dieu. Certes, cela relègue au placard le bon dieu jackpot, mais cela donne un sens actuel et profondément, intimement significatif à quelques versets clé de l’Evangile, citons par exemple chez Matthieu 25 :35-36 et suivant,.
« …35 Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ;
36 nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi »
De même l’expression « être Christ pour soi et pour les autres » vielle idée déjà mainte et mainte fois développée, prend une tout autre signification de mon point de vue.
Paul : Galates 2:20 « …je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi… ».
Je pourrais citer à l’infini tout le NT. En ce qui me concerne, cette façon de concevoir le Père, Lui donne en quelque sorte une consistance physique, une « incarnation en nous tous, en moi.
Nos grands frères pharisiens ont déjà éliminé le Christ pour cette conception, peut-être que nos frères en Christ pensent les imiter en détricotant ce texte génial, comme le souligne Wiegel.
Mais j’avais lu un article de Céline Hoyeau, dans la croix du 2 aout 2019 :
Le pape a approuvé le 18 juillet de nouveaux statuts qui entérinent la refonte de cet institut voulu par le pape polonais pour promouvoir la recherche théologique sur le mariage, la famille et la sexualité, ce qui a entrainé une vive polémique. Toujours dans la croix, entre autre, je lis dans l’interview de Mgr Pierangelo Sequeri :
« …Le grand apport de Wojtyla, dans les suites du concile Vatican II, a été de mettre fin à l’ambiguïté un peu gnostique qui entourait la sexualité dans la doctrine classique. Au fond, il fallait la tenir à distance. Lui (JPII) développe l’idée chrétienne que le corps est créé par Dieu et contient en soi une théologie… »
Je dois dire que j’attends avec un intérêt fébrile la suite de la guérilla que se livrent les grands courants de notre Eglise au grand damne des fidèles qui ne s’y retrouvent plus.
1 Corinthiens 10:23 « Tout est permis », mais tout ne convient pas. « Tout est permis », mais tout n’édifie pas.
Désolé mais je n’ai strictement rien compris à votre démonstration.
Hélas, oui, je sais. Vingt siècle de christianisme ont fait de nous des déistes accessoirement trinitaire écrivait le père Albert Rouet dans son livre « j’aimerais vous dire ».
La crise de l’Église est liée à une fausse conception de Dieu avait écrit en 1972 à Beyrouth le père Maurice Zundel…
Ce n’est pas une démonstration, mais un exposé, probablement maladroit de l’état de mes réflexions sur le fiasco d’Humanae vitae qui parlait, sauf erreur de paternité responsable, sur cette invasion pas forcement bien intentionnée de scandales pédophiles, sur une logorrhée législative qui prétend souvent avec bonne foi nous sortir d’une chienlit envahissant tous les secteur de la société, mais qui reste souvent lettre morte par inadaptation à l’environnement, ou plus simplement par ignorance de son existence même, sur l’échec total et complet d’unembryon d’éducation sexuelle normalement servie par ceux qui en ont le plus besoin, car eux-mêmes inhibés par des siècles de tabous de toutes sortes…
« …L’homme et la femme se livrent, à travers ce langage du corps, au dialogue qui selon Gn 2,24-25 – commença au jour de la création. Et c’est justement au niveau de ce langage du corps – qui est quelque chose de plus que la seule réaction sexuelle et qui, en tant que langage authentique de la personne, est soumis aux exigences de la vérité, c’est-à-dire aux normes morales objectives – que l’homme et la femme s’expriment mutuellement eux-mêmes de la façon la plus totale et la plus profonde, dans la mesure où cette dimension somatique elle-même de la masculinité et de la féminité le leur permet. L’homme et la femme s’expriment eux-mêmes à la mesure de la vérité de leur personne.
5. L’homme est justement une personne parce qu’il est maître de lui-même et parce qu’il se domine lui-même. Car c’est dans la mesure où il est maître de lui-même qu’il peut « se donner » à l’autre. Et c’est cette dimension – la dimension de la liberté du don – qui est essentielle et décisive dans ce langage du corps à travers lequel l’homme et la femme s’expriment mutuellement dans l’union conjugale. Étant donné qu’il s’agit là d’une communion entre des personnes, ce langage du corps doit être jugé d’après le critère de la vérité. C’est justement ce critère que rappelle l’encyclique Humanae Vitae, comme le confirment les passages cités plus haut… ». ( TDC 119 – Exprimer le mystérieux langage du corps dans la vérité qui lui est propre)
Je vous invite à vous rendre sur la TDC que vous trouverez un peu partout, mais surtout particulièrement bien explicité par Yves Semen dans « La sexualité selon JPII » où il écrit p213. que : « la sexualité est un langage de communion qui suppose l’intégrité langage des corps…Si je le mutile, notamment en dissociant les deux significations de l’acte conjugal, je fais en sorte qu’il ne peut atteindre à la vérité première de ce qu’il est et par conséquent il peut être une union corporelle et physique mais pas une communion de personne… ». J’avais essayé d’expliquer cela aux jeunes de première qui nous avaient été confiés, en leur disant qu’une nuit où on faisait l’amour en ayant en arrière-pensée un doute sur la fidélité de son (sa) partenaire, on ne pouvait atteindre pleinement l’orgasme.
Dans ce cadre, le langage trinitaire pourrait s’écrire ainsi :
Le père n’est que regard pour la mère, la mère n’est que regard pour le père, dans la respiration d’Amour de l’Esprit.
Et, si j’ai bien compris, ce n’est que dans ce cas que le Couple est image et ressemblance avec le Père ; ce qui suppose évidement que nous abandonnions cette philosophie gréco-romaine qui nous maintient dans un déisme rétrograde.
Peut-être que (Matthieu 19:6 : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni ! », intéresse aussi l’aspect trinitaire du Couple ?
Je vais acheter votre livre pour voir comment vous résolvez cette équation à partir de : « …ce n’est pas parce qu’elle réhabilite le corps et le plaisir conjugal, mais parce qu’elle s’arrête à mi-chemin en maintenant les interdits sur la contraception… », et comment vous vous dégagez de l’emprise de la philosophie gréco-romaine.
Merci d’avoir essayé de me comprendre.
« La sexualité est une chose saine pour les laics » nous dit Madeleine .On en apprend des choses sur ce blog .Je croyais naïvement que la sexualité était consubstantielle à notre condition humaine et que chacun ensuite la vivait en fonction de ses choix de vie :en couple , en célibataire, en l’assumant ou en la sublimant … Sauf erreur de ma part , les clercs ont une sexualité , et le fait qu’ils soient engagés dans le célibat n’a de conséquence que sur la manière dont ils vivent leur sexualité : dans la continence …ou pas, de manière saine ou perverse .
D’accord avec René , la manière dont Jesus aurait vécu sa sexualité n’influe en rien ni sur notre foi , ni sur notre propre sexualité .La seule chose qui m’importe est que le comportement de Jesus est toujours profondément respectueux de l’autre dans toutes ses rencontres , profondément respectueux et aimant vis à vis de l’autre et notamment des femmes .On peut donc raisonnablement penser que sa manière de vivre sa sexualité ne faisait pas exception . Pour ce qui est de la manière concrète dont il la vivait on n’en saura jamais rien et en ce qui me concerne je m’en fiche éperdument .
Si René n’avait pas censuré – j’ignore pourquoi – mon exégèse sur le passage relatif aux eunuques dans son enseignement, en Matthieu 19:12, vous auriez vu qu’il « ordonnait » (à l’impératif) à ceux qui sont capables d’abandonner la sexualité qu’ils le fassent. Si on s’en tenait stricto sensu à ce qui est écrit dans les évangiles, bien des gloses deviendraient inutiles.
Mt 19,12. « Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu’il comprenne.! » Apparemment nous ne comprenons pas tous la même chose ! Je m’en tiens au texte, et ne vais pas ouvrir le débat sur des exégèses.
N’étant pas exégète je fais la lecture suivante de ce passage : Rien et surtout pas la loi mosaïque ne permet de faire de l’autre un objet pour assouvir ses pulsions .Y compris la pulsions sexuelle pourtant nécessaire à la pérennité d’Israël . Relativiser les pulsions y compris les plus fondamentales , les humaniser pour vivre la relation fraternelle avec l’autre y compris la femme avec qui nous vivons( vu le statut de celle ci a cette époque ) .What else? Je laisse à tous les moralistes et à tous ceux qui ont peur de la sexualité , celle des autres et surtout la leur de justifier à partir de ce texte leur discours aliénant , malsain et mortifère .
A René : je sais que c’est ainsi que c’est habituellement traduit mais l’honnêteté intellectuelle aurait voulu que vous ne censuriez pas mon commentaire qui menait vos lecteurs au verbe grec précis repris par ce verset : « chôreô » qui ne veut pas dire « comprendre » mais « se retirer, abandonner ». Si donc vous êtes quelqu’un d’honnête, merci de ne pas censurer cette page que je renseigne, sinon à vous, du moins à vos lecteurs qui ont participé au débat :
https://archive.org/stream/dictionnairegrec00alexuoft#page/1597/mode/1up
Chôreô se trouve tout en bas de page à droite.
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L’honnêteté intellectuelle consiste aussi à discerner ce que l’on laisse publier sur son blog. Comme vous le dites avec une infinie pudeur c’est « comprendre » qui est généralement pour ne pas dire unanimement retenu, comme traduction. Je veux bien que vous soyez la seule à avoir le souci de vous référer au texte grec, mais alors ce sont tous les traducteurs des Evangiles que vous accusez de malhonnêteté intellectuelle, ce qui fait réellement beaucoup de monde. Nous en resterons là !
Je partage, évidement tous ce qui vient d’être écrits ci-dessus. Poursuivant ma réflexion, il me semble que la TDC va plus loin, et que ce « plus loin », bien mis en évidence par Yves Semen, me paraît être le principal souci de Benoist XVI. C’est probablement la raison de la « marche arrière » que j’évoquais dans un précédent message. Car, si j’ai bien compris, notre relation « Homme-Femme-Amour », nous rend dès maintenant partie intégrante de la Trinité Divine, nous rend visiblement « co-créateurs », partenaires du Père à part entière dans la réalisation de Son plan d’Amour sur l’Humanité, en nous faisant Source, Pères de nouveaux fils du Père. Alors, le « péché originel » pourrait signifier que, gonflé d’orgueil devant ce pouvoir infini, nous décidions, comme Adam et Eve, de nous passer du Père, voire de prendre Sa Place, en Lui substituant un dieu image de l’homme… Toute ressemblance avec une situation vécue actuellement est évidement fortuite. De même, le fait que la résistance passive à la loi dite naturelle, qui s’est traduite, en outre, par le rejet d’Humanae vitae et la sortie de l’institution de nombreux chrétiens, ne serait qu’une coïncidence regrettable ?…Aussi, le fait que nous disons avec St Paul : (1 Corinthiens 15:14) «… et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi… », en ne nous posant pas, comme le fait si brillamment Amélie Nothomb, la question d’intégrer qu’il est absolument nécessaire d’avoir un corps pour naitre, vivre, souffrir, mourir, et ressusciter, donc d’avoir été conçu, porté, accouché par un Amour Trinitaire matérialisé par un acte humain qui prend alors ici tout son sens profond…, cela flirterait avec l’hérésie ? Oui, il est vrai, cette façon de dire peut entraîner aussi des dérives délétères parmi lesquelles l’histoire des légionnaires du Christ, la pédophilie, les viols, n’en sont que de pénibles illustrations; Mais cela peut aussi entraîner une dogmatique évanescent, désincarnée que la conscience moderne, appuyée pas une science galopante, regarde avec amusement. Nos gesticulations ringardes et égocentrées ne parlent plus ; mieux, elles servent de point de ralliement aux adversaires de l’Église qui se gaussent de nos querelles d’adolescents boutonneux sur la couleur des yeux du Christ ou de ses amours putatifs avec Marie Madeleine ou, comme vous le souligniez plus haut, avec son disciple préféré !
Quant à la loi naturelle…Pour moi, elle n’exprime que de la rencontre d’un spermatozoïde avec un ovule. Une simple observation des faits nous montre que cette rencontre n’entraîne pas toujours un enfant, naturellement, sans autre intervention externe, et pour diverses raisons. Basée toute une théologie là dessus a eu son heure de gloire, mais, actuellement, au vue des avancées scientifiques, c’est dangereux parce qu’illisible et source de déviance de tous ordres. Il semblerait que ce soit là un fil rouge infranchissable entre les tenants d’une sexualité désincarnée et les tenants d’une sexualité, « rayonnement de la Trinité », expression d’un humanisme chrétien. Cela entraîne chez certains la survenue d’une réaction urticarienne chronique, accompagnée d’un rejet plus ou moins radical de Vatican II dont c’est une des avancées importantes.
Peut-être que notre responsabilité « d’intellos » trouve ici sa raison d’être ? Car la « sexualité, rayonnement de la Trinité », nous fait passer d’un dieu jackpot, dieu des philosophes et peut-être aussi de certains théologiens à un Père, amoureux fou d’une Humanité dont Il souhaite partager l’intimité.
Oui, l’omission par JPII et BXVI que l’amour entre deux « hommes » ou deux « femmes » peut-être fécond, est comme l’évitement par la commission « population, famille, natalité » et PVI, puis François, de la question population/démographie. Face au « mystère » du sexe » * ces responsables compétents butent, comme pris de vertige car la réalité pressentie aujourd’hui par les masses et constatée/comprise par les savants remet en question la « loi naturelle » selon Thomas d’Aquin, sans doute aussi innée qu’acquise.
* Qu’est-ce qu’un homme? une femme? Voir la dernière partie « De l’importance du corps réel : désir et altérité » de https://www.cairn.info/revue-etudes-2009-7-page-41.htm
A Françoisjean en retrait :
« … un Père, amoureux fou d’une Humanité dont Il souhaite partager l’intimité » : la terminologie d’ici-bas (« amoureux fou », « partager », « intimité ») n’est-elle pas insignifiante au-delà de notre Humanité ?
Par son mélange des genres, cette formulation tente donc d’impressionner mais le fond est inexistant.
Aussi son emprise reste en retrait et tend même vers zéro.
« Soif », p92: « Que sais-tu de l’amour? C’est bien là le problème..Tu ne connais pas l’amour. L’amour est une histoire, il faut un corps pour la raconter… » dit Amélie Nothomb.
Cette histoire se raconte avec des mots humains, insignifiants au-delà de notre humanité…Le sont-ils même vraiment dans notre humanité?
Et là est le problème!
…la « loi naturelle » selon Thomas d’Aquin, sans doute aussi innée qu’acquise…
Pour moi, elle exprime la rencontre naturelle biologique, entre un spermatozoïde et un ovule, ce qui remet évidement, en question tous célibats, consacrés ou non. Tout autre interprétation remet en question le naturel de cette loi. Mais revenons à « soif » dont je viens de terminer la lecture. Et il me laisse sur ma soif.
Désosser l’Être Humain, même à des fins didactiques et même théologiques, aboutit toujours, selon moi, à une impasse qui le réduit à l’hypothèse de départ. Maurice Zundel disait que définir Dieu aboutissait à Le limiter à l’homme, je crois que l’on peut étendre cet adage à L’Homme. Permettez-moi de citer Benoist XVI dans « Deus Caritas est » §5 :
«… De ce regard rapide porté sur la conception de l’éros dans l’histoire et dans le temps présent, deux aspects apparaissent clairement, et avant tout qu’il existe une certaine relation entre l’amour et le Divin: l’amour promet l’infini, l’éternité – une réalité plus grande et totalement autre que le quotidien de notre existence. Mais il est apparu en même temps que le chemin vers un tel but ne consiste pas simplement à se laisser dominer par l’instinct. Des purifications et des maturations sont nécessaires; elles passent aussi par la voie du renoncement. Ce n’est pas le refus de l’éros, ce n’est pas son «empoisonnement», mais sa guérison en vue de sa vraie grandeur. Cela dépend avant tout de la constitution de l’être humain, à la fois corps et âme. L’homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l’âme se trouvent dans une profonde unité ; le défi de l’éros est vraiment surmonté lorsque cette unification est réussie. Si l’homme aspire à être seulement esprit et qu’il veut refuser la chair comme étant un héritage simplement animal, alors l’esprit et le corps perdent leur dignité. Et si, d’autre part, il renie l’esprit et considère donc la matière, le corps, comme la réalité exclusive, il perd également sa grandeur ».
Extrayons du livre d’Amélie Nothomb ce qui m’apparaît comme un fil d’Ariane : «…qu’une puissance désincarnée ait l’idée d’inventer le corps demeure un gigantesque coup de génie … ». Cela aurait pu, dans l’esprit de ce livre, ouvrir des perspectives infinies sur l’Homme. Malheureusement cela n’aboutit qu’à une solitude sans fin, une indifférence qui n’a d’égale que celle « de son père », un état de manque permanent représenté par une soif inextinguible, une haine de soi incompréhensible, pour se terminer sur un état NDE, un état de manque, une soif éternelle qui, pour moi, est la meilleur définition de l’enfer, s’il existe vraiment. L’auteure est tout simplement passée à côté de l’Amour. Sa rencontre avec Jésus, sur lequel elle semble se projeter, est limitée par sa notion même de corps, et aux sensations qui s’y rattachent. Ceci est particulièrement net dans l’évocation de ses « amours » avec Madeleine… (qui, précisons-le n’a jamais matériellement exister ! cf : Études théologiques et religieuses 2006/2 (Tome 81), pages 167 à 182).
On y trouve pourtant des fulgurations étonnantes : Par exemple, je vois une correspondance passionnante entre l’histoire du figuier (p.32) et Matt 5 :23-24… Mais au fil de la lecture, on prend conscience que sa définition du corps, seul siège des émotions, auto limite cet Amour que le corps seul ne peut atteindre. Autre déception :Faire nier par le Christ avoir dit à la samaritaine que: «…Celui qui boit de cette eau n’aura plus jamais soif… » et définir cette parole comme un contre sens, ne peut se comprend que dans le cadre prédéfini d’un corps qui concentre toutes les sensations d’une façon très terrestre car disparaissant avec lui dans la mort. Benoist XVI écrit que cela fait perdre au Corps sa Grandeur.
Au total, cela me semble parfaitement résumer la présumée « crise » de l’Eglise, qui oppose les partisans du « tout spirituel »au dépend du corps cher à la philosophie gréco-romaine à ceux qui essaient de rétablir le Corps dans toutes sa dignité, avec le risque majeur de voir « Eros » tout envahir.
Souhaitons que l’impasse à laquelle conduit ce livre basé, me semble-t-il, sur une limite terrestre de l’Amour, suscite une réflexion sur « la bombe théologique » à retardement posée par St Jean Paul II avec sa TDC. Espérons que les nouveaux statuts qui entérinent la refonte de l’institut voulu par le pape polonais pour promouvoir la recherche théologique sur le mariage, la famille et la sexualité, refonte approuvé le 18 juillet par le pape François, nous apportera un salutaire arbitrage.
Les caractéristiques qui ont rendus l’eunuque si appréciable et cela quelle que soit la culture antique, sont:
– le puissant peut lui confier la garde de sa filiation, de son harem,
– fin, cultivé, il est de bon conseil,
– et discret, obéissant, soumis.
La crème des hommes, ce n’est pas Cybèle, la Magna Mater qui unifia le monde méditerranéen au 1er siècle av JC et qui resta la référence aux 1er et 2d après qui démentira.
L’énigme attribuée à Jésus par selon Mathieu mérite de considérer ces caractéristiques.
Quand le père Boursette nous a décapés sur l’AT et le NT, il a bien insisté sur la nécessité de ne pas lire ces textes au sens littéral. Dès lors, il m’apparait primordial de ne pas déduire de la lettre d’un texte des préceptes moralisants. Sauf erreur de ma part, le peuple juif, dans les temps anciens, croyait que tous malheurs étaient associés à une faute commise soit directement par le sujet lui-même, soit indirectement, par exemple, par ses parents. Il me semble, qu’à plusieurs reprises, Jésus s’efforçait d’enseigner que le mal n’était pas tributaire de l’association : faute/punition. En ce qui concerne les eunuques, on doit pouvoir dire, au vu de cette lecture, que le problème n’est pas qu’ils soient eunuques, mais celui d’avoir à considérer leur comportement en fonction de ce handicap. Cette idée est reprise chez Luc, au sujet de la tour de Siloé. On peut aussi avancer que le pauvre gars qui n’a reçu qu’un seul « talent », n’est pas condamné par le maitre pour l’avoir caché, mais bien pour ne pas avoir fait fructifier son bien, au regard probablement d’une angoisse paralysante vis-à-vis de son maitre; Ce qui peut aussi s’interpréter comme un manque de foi à son égard. Bref, le Christ demande, selon les textes, que nous prenions notre vie en main, au sein de la société, dans la plus complète des libertés. On retrouve ce thème dans le film « interview de Dieu » que nous avons vu en avant-première et au cours duquel l’intervieweur devient l’interviewé. Dans ce contexte, je ne vois pas comment on en arrive à une interprétation d’un comportement sexuel à partir de ce passage sur les eunuques. L’égalitarisme en vogue actuellement, n’a pas sa place dans le Royaume. C’est à chacun de compenser les fragilités de l’autre pour que l’autre trouve son plein épanouissement. Par exemple, si, au lieu de porter des jugements expéditifs, nous avions cherché à compenser sa fragilité, peut-être qu’un prêtre remarquable de mon diocèse ne se serait pas suicidé ; ce qui fait de nous tous, virtuellement, des complices d’homicide plus ou moins volontaires…
Aimer Jésus, c’est protéger ses paroles comme un levain qui gonfle silencieusement sous le drap, loin des bourrasques du monde. Amélie Nothomb peut recevoir le Goncourt pour n’importe lequel de ses « romans », peu me chaut. Mais pas pour l’exercice obscène de projeter sur le Maître ses propres élucubrations mentales. Dieu merci, elle n’a pas eu le Goncourt : le Père a veillé sur Son fils.