Dire en cinq minutes ce qu’est l’essentiel de sa foi… l’exercice est périlleux, mais passionnant !
(La Conférence catholique des baptisés francophones (CCBF) a eu l’idée de demander à un certain nombre de personnes de se risquer à dire, face à la la caméra, en cinq minutes, ce qu’était l’essentiel de leur foi. J’ai accepté le challenge. La vidéo me concernant a été mise en ligne sur la page Facebook de la CCBF. Je publie, ici, le texte qui a servi de support à l’enregistrement. )
CE QUE JE CROIS
Comme beaucoup d’hommes et de femmes de ma génération, je suis né catholique, dans un pays majoritairement catholique.
Et je n’ai jamais trouvé, à ce jour, de raison suffisante pour cesser de l’être.
Je me souviens, dans mon adolescence, m’être posé la question de Dieu et de son existence. J’ai découvert, depuis, que chacun de nous trouve ses propres raisons de croire ou de ne pas croire.
Pour moi la réponse est venue du récit du Buisson ardent.
Voici le signe …
Rappelez-vous : Moïse a fui d’Egypte où il est recherché pour meurtre.
Au mont Sinaï il garde les troupeaux de son beau-père lorsqu’il aperçoit un buisson qui brûle sans se consumer.
Il s’approche et entend une voix qui lui dit : «Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob»
Et la voix lui ordonne d’aller délivrer son peuple et le faire sortir d’Egypte.
A Moïse, tout tremblant, qui demande un signe prouvant que c’est bien Lui qui l’envoie, Yahvé répond : «Voici le signe : quand tu feras sortir le peuple d’Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne.»
J’en ai conclu que la seule preuve que nous aurions jamais de l’existence de Dieu, c’est le témoignage et la louange du peuple croyant.
L’image indépassable de l’humanité de l’être
Le second choc a été ma rencontre avec le visage de Jésus dans les Evangiles.
Un choc affectif : j’aime cet homme.
Et depuis longtemps je me sens partagé entre la pensée de Simone Weil nous disant qu’il faudrait être capable d’abandonner sa religion si elle était autre chose que la vérité, et le témoignage de Dostoïevski affirmant que s’il lui était prouvé que Jésus n’est pas la vérité, il préfèrerait rester avec Jésus qu’avec la vérité.
Pour moi Jésus est l’image indépassable de l’humanité de l’être. Il est le visage même de Dieu.
Et, dans le bazar contemporain des spiritualités, je repense souvent, pour la faire mienne, à la confession de Simon-Pierre : «A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.» Les paroles de l’éternité de la vie.
Au fond de moi, je n’ai pas envie d’entendre autre chose sur la vie et l’amour, que les paroles de Jésus.
Si les fautes de l’Eglise ont été nombreuses et graves…
Reste la question de l’Eglise. Pour beaucoup de nos contemporains elle est perçue comme un obstacle à la rencontre du Christ. Même si c’est injuste.
Car, serai-je là, à parler de ma foi s’il n’y avait pas eu l’Eglise pour me transmettre les Evangiles ?
Vatican II a introduit l’idée d’Eglise comme «Peuple de Dieu». Il nous appartient donc à nous tous, baptisés : laïcs , diacres, prêtres, religieux, évêques, pape… de lui donner son vrai visage.
Enfin, je pense à la force prophétique de ce texte de Pasolini : « Si les fautes de l’Eglise ont été nombreuses et graves dans sa longue histoire de pouvoir, la plus grave de toutes serait d’accepter passivement d’être liquidée par un pouvoir qui se moque de l’Evangile.» Et ce pouvoir c’est celui de l’argent.
Témoigner du Christ qui, chaque jour, nous ressuscite
Je suis donc resté chrétien et catholique, dans un pays qui majoritairement a cessé de l’être.
Dois-je désespérer ? Pour le peuple auquel j’appartiens ? Pour ceux de mes proches qui ont pris leurs distances avec la foi et avec l’Eglise et que je pourrais ne pas retrouver dans l’au-delà de la vie à laquelle je crois ?
Je ne le pense pas !
Mon espérance se nourrit des Béatitudes et de Matthieu 25.
Heureux ceux qui pleurent, ceux qui combattent pour la justice.
Heureux les bénis de mon Père qui ont accueilli l’étranger, visité le prisonnier, vétu celui qui était nu, nourri l’affamé…
Parmi ces bénis du Père, les uns sont chrétiens, les autres : juifs, musulmans, athées ou d’autres convictions…
C’est au milieu d’eux et avec eux que je veux continuer à témoigner de ma foi au Christ qui, chaque jour, nous ressuscite.
Merci pour ce témoignage qui me réassure dans ma foi. Les phrases de Dostoïevski et de Pasolini me touchent.
Exercice difficile mais décapant et nécessaire, qui permet de se remettre en cause, en se demandant « Qu’est-ce que je crois ?», « Pourquoi je crois ? », « En qui je crois ? », « Comment je crois? ». Mais soyons lucide sur la portée d’un témoignage. Mon cheminement et mon vécu ne sont pas les mêmes que ceux de nos lecteurs ou auditeurs. Ce qui est important pour moi, ne l’est pas nécessairement pour quelqu’un d’autre.
https://www.dropbox.com/s/36i23c3tolwcqaw/Georges%20Heichelbech.pdf?dl=0
Votre déclaration est quasiment la copie conforme du pari de Pascal, non?
Il y a une différence fondamentale entre croire et savoir. Mais on ne peut exclure la raison dans la réflexion sur la foi. En mettant en avant la raison, cela peut ressembler à ce que l’on appelle le pari de Pascal que je rappelle. Comme personne ne peut démontrer que Dieu n’existe pas, même si sa probabilité d’existence est infime, si je calcule l’espérance de gain, au sens mathématique du terme, à savoir probabilité X par gain, comme le gain est infini, l’espérance est infinie. Même si on estimait que la non-existence de Dieu est pratiquement un événement certain, mais comme dans ce cas le gain est nul, l’espérance est nulle. Conclusion de Pascal : il vaut mieux parier que Dieu existe.
Mais le doute fait partie de la foi. Cela peut aller, suivant les personnes, de ce que les esprits bien-pensants qualifient un peu rapidement d’agnosticisme jusqu’à une confession de foi qui a priori ne laisse de place à aucun doute. Cela peut aller de la nuit de la foi, à la foi du charbonnier, les uns appelant cela recherche spirituelle, les autres la grâce.
Voici toute une série de témoignages abordant chacun à sa manière cette problématique
https://www.dropbox.com/sh/65oxag2z9hcgyip/AACReGhtrgH6CpkAZnf4yq3ha?dl=0
Merci pour ce très beau témoignage, d’une grande sensibilité.
La question de l’Eglise est pour ma part au centre de mes préoccupations. Même en séparant l’Eglise de son magistère, je ne parviens pas a acquérir la certitude qu’elle contribue activement et efficacement à la diffusion du message de Jésus, à être la « lumière au milieu des nations » dont parle Esaïe.
De fait, je ne peux que constater qu’en France l’Eglise ne parvient plus – nous ne parvenons plus – à annoncer l’Évangile. Malheur à nous qui n’annonçons plus l’Evangile ? Ou : bienheureux sommes-nous qui avons l’humilité de nous reconnaître tout petits devant la tâche que le Christ nous a confiée !
Saint François d’Assise avait reçu du Christ l’ordre de « Réparer l’Eglise en ruine ». C’est peut-être la tâche qu’il nous confie à nous aussi aujourd’hui – conscient des danger d’un tel chantier : Il faut impérativement éviter que l’édifice entier ne s’effondre pendant qu’on s’efforce de le rebâtir.
Mon cher René, très beau témoignage. Chaque histoire est éminemment personnelle. Je suis né dans une famille catholique très « tradi » (L’Homme nouveau). Je n’ai pas mis les pieds dans une église durant de longues années, mais sans jamais perdre la foi. J’ai retrouvé le chemin de l’église au moment j’ai connu l’amour (je parle ici d’agape, pas d’eros). La foi est une rencontre. Et notre Dieu est un Dieu d’amour. Je me sens chrétien, mais beaucoup de catholiques ne me reconnaissent pas comme un des leurs. Il est vrai que je ne crois ni au péché originel, ni au diable, ni à la virginité de Marie avant, pendant (???) et après la naissance de Jésus, ni au dogme de l’Immaculé conception, ni à la nécessité d’interdire le sacerdoce aux hommes mariés et aux femmes, etc. Quant à l’Église, elle est souvent, pour moi, « un obstacle à la rencontre du Christ », comme tu l’écris. Je le constate dans mon entourage immédiat, en particulier féminin. Et je les comprends. Je n’accepte pas non plus ce que dit l’Église sur la contraception, l’avortement, l’homosexualité… Ça fait beaucoup. Enfin, l’Église est pour moi une institution humaine. Je ne crois pas que Jésus ait même voulu fonder une religion. Pour autant, avec tout ça, j’ai l’intime conviction que nous partageons l’essentiel d’une même foi. Il se trouve que j’ai visité, ce week-end, la maison natale d’Ernest Renan, à Tréguier (Côtes-d’Armor) et j’ai retenu cette citation de l’auteur de La vie de Jésus : « « Tout est chrétien en moi excepté la raison. » C’est peut-être prétentieux, mais je m’y retrouve assez bien.
François, dans ces conditions et compte tenu de tout ce que vous rejetez dans le catholicisme il me semble qu’il serait plus simple de vous déclarer simplement plutôt chrétien mais sans attache à aucune confession, non ?
l’auteur de « dans ces conditions » n’est autre que moi-même,et j’en profite pour dire que j’ai l »impression que ce que beaucoup traitent de « pieds d’argile » n’est autre que l’Esprit Saint tout simplement.
mais il est vrai que résumer l’Ecriture au principe de solidarité ça permet même de supprimer la foi en Dieu/ GENIAL!
Les étiquettes m’importent peu, en vérité. Pour le dire autrement, un « bon Hindou » vaut mieux qu’un « mauvais catholique », etc. Je n’ai pas précisé, dans ma profession de foi, que je crois à la résurrection de Jésus. Il semblerait, si j’en crois plusieurs sondages, que tous les catholiques (qui se revendiquent comme tels) n’y croient pas. Alors, qui est vraiment catholique ? « Il est grand le mystère de la foi »…
François, lorsque vous dites « je ne crois pas au péché originel », est-ce que vous voulez dire : « je ne crois pas qu’a une époque adam et éve se baladaient à poil dans un beau jardin, qu’ils ont mangé un fruit que Dieu leur avait interdit, depuis Dieu nous fait morfler ! » ou bien « je ne crois pas que l’homme à été conçu pour vivre en union avec Dieu, qu’a un moment de son histoire il à choisi – et nous choisissons encore parfois – de s’en détourner, de là résulte la souffrance humaine ? ».
Ce que je veux dire c’est que, malgré les apparence, il ne me semble pas y avoir tant que ça qui soit en opposition absolue avec l’Eglise.
A mes yeux le seul vrai problème est la question de la virginité de Marie avant la naissance de Jésus, virginité qui fait partie du Credo, socle de la foi.
C’est un vrai et gros problème, puisqu’a travers la virginité de Marie se pose la question du caractère divin de Jésus : soit Jésus est né de Dieu et de Marie, et alors il est Dieu sur terre, soit il est né de Joseph et de Marie, et alors les choses se compliquent sérieusement.
Il y a effectivement chez une partie des catholiques une volonté de « filtrer » ceux qui ne sont pas assez bien, ceux qui ne croient pas assez aux dogmes, ceux qui « ne cochent pas toutes les cases », ou encore qui « font le tri » dans la doctrine.
Ce filtrage me semble absurde : soit on est catholiques, c’est à dire universaliste, et notre but est d’inclure tout le monde, surtout ceux qui sont loin, au besoin en leur expliquant, en débattant, en persévérant pour révéler ce en qui on Croit. Soit on veut réellement sortir de l’Eglise ceux qui ne pensent pas comme il faut, on refuse le salut pour eux, et on commet alors le gravissime péché contre l’esprit.
Il me semble que chacun à sa place dans l’Eglise Catholique, quel que soit son état de vie. Et s’il appartient évidement à ceux que leur cheminement place « aux périphéries de l’Eglise » de faire preuve de bonne volonté, il appartient très certainement aux autres de chercher à les rapprocher.
François en répondant à ton commentaire, j’entends répondre également à ceux de Dominique Bargiarelli et d’Emmanuel.
Je ne suis pas loin de partager la totalité de tes interrogations. Et ne m’en considère pas moins catholique, comme toi.
Je crois que l’Eglise, qui n’est pas sans mérite, a péché au cours des siècles par excès de moralisme et excès de dogmatisme. A trop vouloir figer ce que l’on croit comprendre de la Révélation, à un moment donné, on prend le risque d’être mis en difficulté par les découvertes de la science sans possibilité de faire marche arrière, herméneutique de la continuité oblige.
Comme toi j’ai un problème avec le péché originel. Le récit mythique d’Adam et Eve ne tient plus la route. La théorie de l’évolution est passée par là. Si rebéllion contre Dieu il y a eu (source du péché originel) elle s’est produite à quel moment de l’Histoire ? Chez le singe supérieur ? J’observe que Juifs et Musulmans qui ont, comme nous, hérité d’Adam et Eve, se sont bien gardés de développer une « théorie » du péché originel…
Le problème pour nous, catholiques, est que s’il n’y a pas de péché originel, l’Eglise en conclut que le Christ rédempteur est mis en cause, et aussi l’immaculée conception… Impensable ! Or, si je constate comme tout un chacun l’existence du mal, et jusqu’en moi-même, cela reste pour moi de l’ordre du mystère plus que de l’explication via le péché originel évoquant un monde parfait d’avant la faute. Par ailleurs, j’ai toujours eu du mal avec l’explication donnée par la théologie catholique sur la source du mal qui viendrait de la liberté de l’homme… Oui pour le meurtre, la trahison… mais pas pour le cancer, l’enfant né infirme ou les tremblements de terre !
Et je pourrais commenter à l’identique d’autres passages de ton témoignage. Face à ces questionnements je trouve, comme toi, que reconnaître Jésus comme fils de Dieu et Dieu lui-même et croire à sa résurrection me semble plus essentiel au regard de la foi que de ferrailler sur la virginité de Marie. Avec tout le respect que je dois au magistère et à la foi de mes frères catholiques.
« Si rébellion contre Dieu il y a eu (source du péché originel) elle s’est produite à quel moment de l’Histoire ? Chez le singe supérieur ? »
Tel que je l’imagine, le péché s’est produit au moment ou un premier être conscient à eu la capacité à décider le mal en liberté. Difficile à dater en effet, mais la science et la raison visualisent facilement qu’il y a d’abord eu un monde sans être conscient – donc sans péché – et on visualise bien notre monde actuel – avec péché. Il y a donc nécessairement un premier péché à un instant de l’histoire. Partant de l’idée que le péché entraîne le péché, il s’agit bien du péché originel.
Le monde « d’avant la faute » était parfait au sens qu’il était lié à Dieu. Je pense que la douleur physique et la mort y existaient. Adam a été créé mortel. Le péché originel n’a pas créé la mort, mais il l’a rendu insupportable. Notre mort, qui devrait être un simple passage vers la vie éternelle, est devenu une épreuve terrible. C’est à ce point que Jésus vient embrasser notre existence humaine, qu’il se fait homme au point lui aussi de vivre cette coupure d’avec Dieu (« mon père, pourquoi m’as tu abandonné »)… et qu’il ressuscite juste après, rétablissant la voie pour nous tous.
Je serais bien incapable de défendre tout cela devant une mère dont l’enfant se bat contre un cancer. Et pourtant je suis parfois scotché par la force qui rayonne de croyants confrontés à des épreuves abominables.
Pour le reste, je souscrit évidement à 100%. Le cœur de la foi, c’est Jésus, fils de Dieu, mort et ressuscité, qui nous appelle à le suivre.
Je ne suis, pas sûr que ce soit ici le lieu idéal pour engager un débat théologique d’une telle profondeur. J’entends vos arguments. Mais je resten réticent : comment passer d’une faute initiale – originelle – à la transformation de cette faute en faute héréditaire ? Cela me semble contrairen à l’esprit des Evangiles où Jésus ne cesse de nous dire que le malvoyany ou le paralysé ne paient pas, par leur informité, la faute de leurs pères… Cette idée est sinsupportable à l’esprit contemporain. Comment, pourquoi devrions-nous porter la faute initiale ? Impensable !
Ce lieu me semble tout indiqué pour une telle discussion. Sinon, ou irions nous* ?
Je pense plutôt la faute « transmissible » qu’héréditaire.
Par analogie : soit une famille dont les parents sont alcooliques, le truc horrible, genre Zola, il se cognent, battent leurs enfants, etc… Les enfants, battus, en lutte contre leurs parents, deviennent instables… ont une plus grand chance de devenir alcooliques, et à leur tour de répéter les erreurs de leurs parents. Cela ne signifie pas qu’ils sont « nés alcooliques ». Mais qu’il sont dans une « lignée » ou le risque d’alcoolisme est très présent. Dans une société moderne, les services de santé s’efforcent de repérer ce type de situation, de protéger les enfants, pour éviter qu’ils ne sombrent dans une faute à laquelle ils sont en quelque sorte « prédisposés », sans pour autant en porter la responsabilité.
C’est comme cela que j’imagine la transmission du péché originel : nous avons une prédisposition au péché. Les « services médicaux de l’âme », c’est l’Eglise, par le baptême, qui s’efforce de nous écarter du péché et de nous en délivrer autant que nécessaire. Pour autant, de même qu’il y a des enfants élevés dans un milieu violent qui deviennent des parents tendres et aimants, il y a des personnes hors de l’Eglise et du baptême qui parviennent à échapper au péché.
Sur le reste, je partage tout à fait votre vision de l’enfer, réservé à ceux qui souhaitent consciemment s’éloigner de Dieu. On y souffre, non pas pour payer, mais parce que tout notre être est fait pour s’unir à Dieu.
*à la réflexion, dans un bon fauteuil, avec un verre de fruit de la vigne et du travail des hommes, ce serait un cadre sympa aussi pour un discussion 🙂
Merci infiniment René, de résumer, avec le talent d’écriture qui est le tien, mon « credo ». Le mal est un mystère absolu. Les réflexions de Paul Ricœur (lire ci-dessous) sur ce sujet sont vraiment intéressantes. Celles de Simone Weil aussi.
Adam et Éve, même symboliquement, ne sont évidemment pas responsables du malheur des générations suivantes.
La création est imparfaite et inachevée. Dieu (puisque je crois en Dieu) le sait et le savait. Il savait qu’il plaçait l’homme dans une situation où il était incapable d’être parfait. La liberté dont nous disposons est relative, entre « un peu, beaucoup de bien » et « un peu, beaucoup de mal ». Mais je ne crois pas que nous soyons responsable de cette relativité. Autrement dit, Dieu ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir été parfait puisqu’il sait que cela n’est pas possible. C’est pourquoi, j’ai l’intime conviction qu’il nous sera beaucoup pardonné. D’ailleurs, comment peut-on croire à un Dieu d’amour et croire, en même temps, à l’enfer ? Pour moi, c’est impossible. Croire à l’enfer est une offense faite à un Dieu d’amour qui a envoyé son fils afin que tous les hommes soient sauvés.
« Pourquoi tant de mal ?
Pourquoi les enfants ? (Dans la pensée hindoue la mort des enfants est comme le résumé de toutes les figures du mal, la pierre de touche du mal.) […]
Il faut chercher profondément la raison de cette perpétuelle reconstitution de l’unité du mal.
Tout se passe comme si c’étaient les mêmes forces démoniaques qui engendraient à la fois le mal-faire et le mal-subir, comme si le mal était un mystère, une sorte d’Ungrund,, dont on ne verrait affleurer que deux fragments brisés, le mal-agir et le souffrir. […]
Le mal, c’est ce contre quoi on lutte, quand on a renoncé à l’expliquer.
Or, il faut avouer que le prix à payer est plus élevé qu’on ne le suppose : le mal est rencontré comme une donnée inexplicable, comme un fait brut. […]
Le mal, encore une fois, c’est ce contre quoi nous luttons : en ce sens, nous n’avons pas d’autre relation avec lui que cette relation du « contre ».
Le mal, c’est ce qui est et ne devrait pas être, mais dont nous ne pouvons pas dire pourquoi cela est.
C’est le non devoir-être.
Je dirai encore ceci : le mal, c’est la catégorie du « en dépit de… », du « malgré… » […]
Au-delà de ce « contre » et de ce « malgré », s’ouvre l’espace secret d’une sagesse personnelle, d’une sagesse qui ne peut pas être enseignée aux autres, sous peine de devenir immédiatement une falsification et une mystification !
Nous ne pouvons rien dire aux autres sur leur souffrance.
Mais, peut-être, une fois confrontés à la nôtre propre, pouvons-nous dire : ainsi soit-il. […]
Peut-être est-ce là l’ultime réponse au « problème » du mal : atteindre le point de renoncement au désir, au désir même dont la blessure engendre la plainte ; renoncement au désir d’être récompensé pour ses vertus ; renoncement au désir d’être épargné par la souffrance ; renoncement à la composante infantile du désir d’immortalité qui ferait accepter la propre mort comme un aspect de cette part de négatif que Karl Barth appelait das Nichtige .
Peut-être cet horizon de la sagesse…se trouve en un point situé très loin en avant sur la même voie de la douleur et du renoncement. »
(Paul Ricœur, Revue Esprit)
Je me suis souvent posé la question de l’enfer. Personnellement je ne trancherais pas sur son inexistence. Pour moi son existence est même nécessaire pour respecter la liberté humaine. Je ne vois pas Dieu « sauver » un homme pmalgré lui. Je pense que celui qui, en son for intérieur, refuse totalement l’ideé » de Dieu doit voir sa liberté respectée. Simplement, l’enfer n’est pas alors un lieu de souffrances où on lui ferait « payer » le fait de n’avoir pas cru… mais plutôt un lieu de vacuité où simplement il ne sera pas en communion avec Dieu, ni avec les autres… puisque telle est sa volonté. Je ne suis pas allé plus loin dans ma réflexion, mais cela me semble acceptable, « en raison ».
Jean Delumeau m’avait confié sa « petite théorie » sur ce sujet. Elle me plaît assez. L’enfer serait, selon lui, une mort définitive, un retour au néant, comparable à ce que nous « étions » avant notre conception. Mais le débat est ouvert…
Effectivement, Dieu ne sauvera pas quelqu’un qui le refuserait. Mais qui pourrait refuser une telle offre ?
Donc, »on ira tous au paradis » et il n’y a plus qu’à passer sous silence tout ce qui laisse manifestement entendre le contraire dans tous les Evangiles.
Et puis « le Fils de l’homme lorsqu’il reviendra trouvera-t-il encore la foi sur terre » ?
Le mal existe et les enfants qui ont un cancer sont un scandale intolérable qui dira le contraire ?
Alors de deux choses l’une :
– ou on CROIT à l’Amour de Dieu et donc au message de Jésus-Christ malgré ce scandale incompréhensible à nos yaux – ou on refuse d’y croire.
Mais on en revient toujours à la même chose : on veut bien croire en Dieu à la condition formelle qu’il nous paraisse absolument compréhensible et donc en se faisant un Dieu à notre mesure.
Seulement voilà Dieu ne peut être que loin de nos petites conceptions ? Non je ne sais pas pourquoi des enfants souffrent, je ne sais absolument pas, en revanche je sais aussi que bien souvent les parents de ses enfants trouvent malgré tout la paix et dans ce simple fait j’y vois la main de Dieu et puis lorsque je lis le récit de la mort de Ste Thèrèse de Lisieux là aussi j’y vois la main de Dieu même si je ne comprends évidemment pas pourquoi son agonie a été si longue.
Ah non je n’ai pas d’explication,absolument aucune… mais après tout, qu’importe…
Qui, et surtout pourquoi ?
Je n’ai trouvé que 2 réponses, pas forcément convaincantes :
– celui qui, par orgueil, veut se sauver tout seul, il ne veut pas devoir son salut à Dieu. Toutes proportions gardées, je me souvient d’avoir proposé à quelqu’un de prier pour son travail, ce à quoi il m’a répondu par la négative : « ne le fait pas, je ne veux devoir ma réussite qu’a moi même ». C’est peut-être le problème du jeune homme riche, qui est d’accord pour avoir la vie éternelle en amassant des bons points, et qui se retrouve bien embêté quand Jésus lui dit de tout lâcher, et de simplement le suivre
– celui qui ne veut pas que les autres soient sauvés. Il n’accepte pas la miséricorde de Dieu pour tous, il la voudrait seulement pour lui et les quelques autres qui trouvent grâce à ses yeux
Cela fait bien peu de monde, pas assez pour expliquer les visions d’enfer des voyants de fatima, et pas assez non plus pour expliquer l’évangile d’aujourd’hui : « il est large le chemin qui conduit à la perdition : et ils sont nombreux ceux qui s’y engagent ».
Emmanuel, comme vous y allez!!!
N’avez vous donc pas encore compris que pour être sauvé il n’y a strictement rien à faire qu’à l’accepter lorsque le Seigneur nous le proposera puisque personne ne saurait le refuser. J e vous le répète: « on ira tous au paradis » quant au texte que vous citez… bof!
Mon cher Dominique, pourquoi pratiquez-vous toujours l’ironie ? Par rapport à la question posée, je réponds par ce que je crois. Et, vous, vous me répondez que ce n’est pas ce que je devrais croire, parce que ce n’est pas ce que l’Église enseigne. Je vous parle de foi, vous me parlez de religions. Le jour où vous accepterez d’admettre que foi et religions ne se confondent pas, un grand pas sera franchi dans notre compréhension mutuelle. Oui, je pense que Jésus est venu sauver tous les hommes et que le Royaume est déjà là. Contrairement à ce que vous pensez, cela n’enlève rien aux exigences qui en découlent. Bien au contraire. Il est tellement plus facile de suivre une loi, avec le sentiment du devoir accompli, que de se reconnaître infiniment pêcheur, mais encore plus infiniment aimé d’un Dieu qui pardonne 77 fois 7 fois.
Mon cher François et qui vous a dit que ceux qui « suivent la loi » sont bien entendu très heureux de savoir qu’ainsi ils s’assurent de leur salut et à bon compte en plus? Pouvez-vous me le dire?
Toujours la même caricature et ne sont de bons chrétiens que ceux qui passent leur temps à dire pis que pendre des membres de la hiérarchie catholique lesquels ne se posent jamais aucune question, jamais puisque seuls leurs opposants se posent des questions car eux et eux seuls sont intelligents.Certes je m’exprime énormément c’est certain mais moi ,au moins je ne prétends pas savoir ce qu’il y a lieu de faire contrairement à bon nombre d’entre nous qui portent perpétuellement des jugements péremptoires sur ceux, les pauvres imbéciles (en restant poli…) qui osent douter de la valeur de ces jugements
Hé oui!figurez-vous que pour ceux qui s’efforcent de suivre la loi » n’ont pas automatiquement le sentiment du devoir accompli car qui pourrait l’avoir réellement ce sentiment? Paul l’ a eu certes, mais des Paul çà ne court pas les rues
En complément je n’apprécie pas beaucoup cette phrase « le royaume est déjà là » car pour moi justement il n’est là qu’en théorie et il en serait là si nous appliquions tous les « lois de ce royaume » Or il s’en faut de beaucoup ,hélas!
Par ailleurs,il y a une foi catholique. Dans la mesure où,et c’est votre droit bien sûr,vous remettez en cause des éléments essentiels de cette foi je ne vois pas comment vous pourriez parler en tant que chrétien -catholique, ‘en tant que Chrétien, pourquoi pas car je me garde bien de remettre en cause le caractère chrétien des fois protestantes et orthodoxes,mais surement pas en tant que chrétien catholique.
Dominique, « respirez par le nez » comme disent nos cousins de la Belle Province. Les « éléments essentiels de la foi » sont dans le Credo, commun à toutes les confessions chrétiennes. Pour le reste… j’ai du mal à comprendre cette obstination à vouloir protéger la « pureté » de la marque catholique comme s’il y allait du salut de votre âme ! J’ai bien compris votre message mais, pour ce qui me concerne, je continuerai à me dire catholique tout en posant à mon Eglise les questions qui me semblent aujourd’hui devoir lui être posées. Je tiens pour essentielle la phrase du pape François (aux évêques brésiliens si ma mémoire est bonne) : « Peut-être l’Eglise avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme, mais non pour son âge adulte. »
Dominique, ce qui me gêne dans votre manière de trier « catholique » / « pas catholique », c’est l’impression que l’Eglise Catholique est une sorte de club, dont les membres ceux qui suivent ses règles.
Alors qu’il n’y a que deux possibilités :
– soit l’Eglise à été voulue par le Christ, confiée à Pierre, inspirée par l’esprit Saint, et alors il nous appartient à tous de chercher à la rendre pleinement universelle (Catholique). Chacun selon son charisme : parfois en la questionnant, parfois en propageant tel quel la parole du magistère, les deux sont tout autant respectables, dans la mesure ou ils cherchent la gloire de Dieu
– soit elle à été voulue par des hommes, qui en possèdent la direction, et qui sont effectivement bien libres d’en faire ce qu’ils souhaitent, d’y accueillir qui ils veulent, et d’en rejeter les autres.
C’est sur ce dernier point que j’ai une douloureuse interrogation : l’Eglise Catholique Romaine est-elle bien l’assemblée universelle voulue par le Christ ? A t-elle la volonté de le devenir ?
Si on ne peut évidement pas la juger uniquement sur ses erreurs, on doit pourtant s’interroger sur le faible volume de fruits qu’elle produit en occident.
René, pour moi cette phrase du Pape n’est que démagogie car enfin sommes-nous d’une part à l’âge adulte, d’autre part nos prédécesseurs n’étaient donc que des enfants auxquels on pouvait faire croire tout ce qu’on voulait,
Bien entendu chacun a le droit d’interroger l’Eglise,encore faut-il être disposé au préalable à ne pas rejeter automatiquement sa réponse si celle-ci n’a pas l’heur de nous plaire.
« Démagogie… » comme vous y allez ! Finalement vous pratiquez exactement ce que vous reprochez aux autres : ne retenir de l’enseignement de l’Eglise et des papes que ce qui ne contredit pas vos petites certitudes.
L’expérience précède la croyance .
la vie vécue ouvre sur la foi au Christ .
L’Evangile peut il me permettre de vivre véritablement en homme authentique ? Est il un chemin possible pour accomplir mon humanité ?
C’est d’abord ainsi que s’est posée la question à l’âge ou l’on questionne ce qui nous a été transmis par nos parents et le milieu dans lequel je suis né .
Si la religion pouvait ne pas être le « soupir de la créature opprimée , l’opium du peuple » alors la proposition de l’Evangile valait le coup d’être tentée , était susceptible de donner sens à ma propre vie .
J’ai eu la chance de naitre dans un milieu ouvert et cultivé ou l’appartenance à l’église catholique ne relevait pas des codes sociaux mais d’un héritage important , à se réapproprier personnellement … ou pas .
L’exemple d’une grand mère extrêmement cultivée , militante politique au » Bund » avant 1917 et ayant fréquenté les philosophes de l’école de Francfort a nourri ma réflexion autant que le catholicisme social ouvert et généreux mais non dépourvu de paternalisme et d’une certaine arrogance de classe de ma tradition familiale .
Cette exigence spirituelle et morale , ouverte, et diversifiée, respectueuse de la liberté de penser personnellement , transmise aussi par mes parents m’a permis à l’instar de Joseph Doré de vérifier que le message du Christ « tenait la route » .
Une vie d’Eglise dans le contexte exigeant, stimulant et foisonnant quoique un peu foutraque des années 70 m’a permis aussi de vérifier que la foi ne peut se vivre seul , et que l’église catholique , quand elle ne cède pas à la tentation du repli sur soi et de se croire propriétaire exclusif de la Vérité constitue un lieu accueillant et stimulant pour tenir dans la durée et réorienter en permanence sa vie sur le cap de l’Evangile . Cette expérience , relue et discernée m’a permis de comprendre que l’essentiel est la foi , c’est à dire la relation de confiance à un père aimant dont la relation au prochain est le signe visible sur cette terre , et que la religion est un moyen nécessaire et imparfait mais co-substanciel à la condition humaine pour « mener le bon combat » pour reprendre Saint Paul .
Quant au péché originel , la proposition de Drewermann qui ne le définit pas comme une faute morale mais comme une incomplétude ontologique , me parait à ce jour, la plus argumentée et la plus convaincante .
Aussi je fais mienne cette assertion de Joseph Doré : je suis chrétien et reste catholique Non seulement parce que ce choix donne sens à ma vie , mais disons le simplement parce que cela me rend heureux . Ce n’est pas d’abord une question d’adhésion ou non à une croyance , à la pratique de rites religieux qui sont nécessaires mais restent secondaires , mais expérience existentielle confrontée en Eglise à l’Ecriture et à l’expérience d’autres croyants au cours de l’histoire , que l’on nomme Tradition de l’Eglise .
D’abord merci de nous partager votre témoignage …
Il est nécessaire en effet que la bonne nouvelle demeure annoncée pour que le pouvoir de l’argent, plus dangereux et pernicieux que le marxisme qu’il terrassa … pour mieux prendre toute la place, soit obligé de se contempler dans le regard des « hommes de bonne volonté » *, pour avoir l’opportunité d’y découvrir sa misère.
Foi, croire, … le sens de ces mots ne continue-t-il pas de se perdre pour avoir été trop décortiqués, embellis, enrichis au fil des tragédies des siècles et des pensées profondes? Il s’agit de confiance et d’amour … ces mots les plus vrais que les évangélistes nous ont rapportés de Jésus … ceux qui font que je sais être aimé de lui comme il se sait aimé de moi.
La confiance se propose, s’offre en sorte d’éviter le doigt dans l’engrenage du « donnant donnant », se reçoit « âme debout, bras et yeux ouverts », s’échange dans la vérité de deux être avec leurs imperfections. La confiance est fragile.
Croire? Une énigme! Comment concilier croire avec les erreurs/horreurs auxquelles conduit la naïveté obéissante, qui plie le genou, qui adore, … S’il faut agir dans l’urgence, les réflexes cognitifs font le travail à notre insu, s’il y a le temps de la réflexion, faire appel à son savoir prime, avant de faire appel à ceux des autres qu’il faut de plus confronter, trier, avant d’agir. Le bon grain et l’ivraie sont si emmêlés que prétendre y mettre bon ordre, à coup sur, relève de l’orgueil des gourous ou de malades … la foi « prête à croire », l’idée de paradis et d’enfer, l’angéologie, les miracles, … non, merci.
* … comme ceux ceux d’Ernst Wiechert dans » les enfants Jéromine »: http://memoiresdeprof.blogspot.com/2016/08/ernst-wiechert-les-enfants-jeromine-1948.html
à Jean Pierre Gosset
Merci pour cette référence à Ernst Wiechert dont un autre livre , « Missa sine nomine » reste sans doute l’un des plus beaux textes que j’aie jamais lu sur le pardon et la rédemption .
A Jean Pierre Gosset
Le chrétien catholique d’aujourd’hui , pour espérer pouvoir témoigner , doit transcender deux obstacles :
– le dogmatisme fondamentaliste , tentation de toute institution à laquelle l’institution écclésiale n’échappe pas ‘
– la dictature du réel qui enferme et rend impossible de refonder le divin (tentation à laquelle certains courants du catholicisme ont succombé dans les années 70)
Une solution possible : inscrire l’expérience dans l’histoire biblique , c’est à dire lire l’Ecriture comme le récit d’une expérience de découverte de la présence aimante de Dieu dans nos vies ; expérience à poursuivre en confrontant nos propres vies au récit biblique .
Il y adonc un choix proprement spirituel à faire quant à notre rapport à l’Ecriture et à la Tradition de l’Eglise .
» L’Ecriture est elle le récit d’une révélation « d’en haut » venant progressivement donc historiquement , mais toujours « surnaturellement » dévoiler des vérités divines éternelles » ?
ou l’Ecriture est elle « l’expression symbolique du sens religieux que des hommes animés par l’Esprit donnent à leur histoire « ?
Force est de constater que pour des raisons liées à l’ histoire de l’Eglise , son magistère a choisi la première hypothèse . Il a la prétention de faire le catalogue objectif du contenu de la Révélation en faisant l’économie d’avoir à le situer , à se situer dans l’histoire . Son enseignement devient alors un dépôt figé , un dogme intangible .
La foi devient alors un contenu et non pas le déchiffrement du sens de l’expérience , rendu possible par la communication avec les expériences croyantes relatées par l’Ecriture et formalisées par la Tradition .
En définissant à l’avance le sens de l’histoire et en se situant hors de celle ci , le magistère dispense les croyants d’avoir à entrer dans l’histoire . Il empêche la fonction symbolique du langage de jouer son rôle : permettre de se reconnaître et de se rejoindre sur la base d’une expérience partagée : la lächeté de Jacob / Israel dit quelque chose de la mienne, son retournement après la combat avec l’ange , qui lui donne le courage d ‘aller à la rencontre de son frère au gué du Yabok dit aussi quelque chose de mes propres conversions etc ..
En refusant de se situer dans l’histoire , en déniant la fonction symbolique du langage qui pourtant permet de mieux dire le réel , l’église voile Dieu plus qu’elle ne le révèle , parce qu’elle s’accroche à une vérité plaquée impossible à concilier avec la réalité .
Désolé de résumer aussi succintement , ce qui me semble être le principal défi que doit affronter notre Eglise aujourd’hui . Sa tentation de repli identitaire face à un monde qu’elle ne peut plus comprendre divise les catholiques et ravive la tentation de partir chez tous ceux qui refusent le fidéisme et dont la quête spirituelle ne se satisfait pas de n’admettre que le seul résultat de leur raison critique .
Bonjour Guy,
Pour autant que je comprenne bien ce que vous dites, je pense y souscrire. En particulier concernant l’idée que les croyants d’aujourd’hui sont pour une bonne part « sortis de l’histoire ». Ils la combattent même, faute d’avoir des outils pour l’écrire. Et ils perdent.
Il me semble – a tort peut-être – que le pontificat de St Jean Paul II porte une importante part de responsabilité la dedans, notamment par des concepts comme la « culture de mort », mais aussi par sa volonté continue de renforcer l’autorité du magistère. Ce pontificat me semble avoir fait rentrer les catholiques dans l’opposition au monde (cela date peut-être d’avant, mais avant je n’étais pas né).
La recherche de responsable n’a toutefois qu’un intérêt limité. Ce qui m’intéresse aujourd’hui est : que fait-on, ici et maintenant ? Est-il raisonnable de penser que le magistère pourra changer sa manière de voir l’écriture ? Et si ce n’est pas raisonnable, est-ce « espérable » ?
Pour ma part, je pense que déjà, le fait pour le pape François de faire de la pastorale même (cf. son exhortation post synodale sur la famille) un élément constitutif du magistère et non une simple manière de le mettre en musique, est un immense progrès. Mais qui a ses limites. Pardonner au pécheur c’est bien, sauf lorsque les actes qu’on entend pardonner ne sont plus perçus comme des péchés par les intéressés… Mettre en avant que la doctrine est sauve est une piètre consolation. Je crois, pour le coup, que les intégristes ont vu juste : derrière l’ouverture pastorale il y a forcément, à terme, une remise en cause – ou relativisation – d’une partie de la doctrine. L’Eglise est-elle capable de la faire évoluer ? Sincèrement je n’en sais rien et au fond… je ne le crois pas !
à Emmanuel et René
Il me semble que c’est moins la doctrine qu’il faut faire évoluer , que le rapport que le magistère entretient à la doctrine . C’est à dire l’idée que la foi est réductible à un savoir ( la doctrine), que ce savoir est absolu et qu’il doit être plaqué sur la réalité afin de faire évoluer celle ci .
C’est donc la fonction de la doctrine , son utilisation par le magistère qui pose un réel problème .
Sur la fonction de la doctrine dans l’église catholique , je reprends volontiers à mon compte le constat fait par Hégel : » Héritière de la logique romaine , l’église tolère avec bienveillance toutes les entorses possibles à ses règles à condition que cela reste dans l’ordre privé mais dans le même temps , elle exige la reconnaissance de la valeur absolue , inconditionnelle et contraignante de ses normes . Elle est en ce sens inauthentique en affirmant une vérité purement abstraite , sans prise sur le réel . Ll’église catholique est romaine dans sa conception du religieux: le sacré n’est qu’une forme vide de sens , une puissance et un pouvoir extérieur à l’instar de la religion romaine antique »
La manière dont le magistère a appréhendé encore récemment la pédophile des clercs, , la vision du monde qui sous tend « humane vitae « , tout cela confirme que le diagnostic hégélien reste d’actualité .
Comme René , je ne pense pas que l’église puisse changer d’elle même son rapport à la doctrine . La posture du pape François est courageuse , réaliste , mais sans doute pas à même de traiter au fond la question du rapport de l’église au monde réel .
Joseph Moingt propose que la laics et les « hommes de bonne volonté » s’unissent pour faire vivre des communautés se fondant sur l’Evangile ( » l’Evangile sauvera l’Eglise » ) mais aujourd’hui encore la gouvernance de l’Eglise ne reconnait pas le rôle des laics qui sont sont donc condamnés à la marginalité .
Pourrons nous encore longtemps rester dans l’église catholique ? Je le souhaite ardemment et l’espère quand même .
Guy Legrand, je comprends mieux à vous lire ce malaise inné, malgré la bonne volonté de l’enfant, persévérant jusqu’à l’adulte confirmé (45 ans), qui fut obligé, en conscience, de larguer les amarres avec l’institution, lentement, prudemment (une quinzaine d’années).
Le révélé -qui conduit au littéraliste- domine trop le symbolisme, compagnon de route d’un relativisme qui n’est pas obligatoirement « mou, » de même que le littéralisme n’est pas obligatoirement « fort », … tant les apparences peuvent être trompeuses … le chêne et le roseau!
Donner la primauté au symbolisme il le faudrait, mais sans exclure la révélation, car on ne peut pas écarter que, du vécu de chacun (l’inné qui tient à l’espèce et à son histoire pèse lourd à notre insu) émerge une part révélée. L’erreur des religions est de s’approprier le symbolisme, de vouloir l’unifier -ah, la Vérité!- pour dominer des esprits, quand la révélation devrait relever de l’intime (éveiller les esprits à leur propre révélation serait un tout projet que les catéchiser) … alors l’esprit saint pourrait se comprendre comme symbole de la somme de chaque esprit humain libre, et cet esprit saint serait, par nature, fluctuant avec les époques et les cultures, avec les lignées aussi.
Ayant lu Emmanuel, René et Guy, sur la doctrine, … il est probable que la seule voie pour l’institution, la dérive sectaire étant écartée, soit de reconnaître que l’Église va bien au delà de celle dont nous parlons habituellement. Il est clair aussi que ce pas semble infranchissable, à vue humaine d’aujourd’hui!
et à Emmanuel,
L’institution écclésiale est forcément dépendante de son histoire que l’on ne peut plus changer . Il n’est pas non plus question de critiquer pour le plaisir ou le défoulement une institution qui se révèle aujourd’hui volens nolens prisonnière de son passé et qui n’a plus ni l’énergie , ni la volonté d’aller de l’avant . Elle s’est privée elle même de ses forces vives en ne suscitant ni ne tolérant aucune expérience théologique , pastorale ou liturgique lors des deux dernier pontificats .
A partir de là , que fait on si l’on ne veut pas se résigner , ni quitter l’église ?
Sans doute faut il repenser les rapports entre foi et religion , démontrer que le champ de la foi n’est pas subordonné à celui de la religion même si la religion reste un indispensable moyen pour vivre la foi dans la durée .
Et surtout repartir de l’Evangile pour lequel la seule condition du salut est de se faire proche de son prochain en commençant par le plus démuni . Alors peut être on arrivera à sortir du schéma qui enferme ou le fait de vouloir plaquer une doctrine censée contenir tout la Révélation sur la complexité de nos vies sans jamais y arriver , est présentée comme la seule voie d’accès au salut .
Remettre la doctrine à sa juste place, pour refonder le rapport entre vie vécue et tradition de l’Eglise .
Facile à dire je sais bien . D’autant plus qu’une telle démarche devrait pouvoir se faire au sein et avec l’institution dont le rôle reste essentiel , mais à repenser . or celle ci n’est pas prête à l’accepter et moins encore à y collaborer .
Je rêve d’une église ou le magistère (garant de l’unité ) les théologiens (pour penser la foi ) et les fidèles baptisés (pour vivre concrètement la foi et dire le réel ) dialogueraient de manière institutionnalisée et régulée dans le respect des rôles et fonctions de chacun pour témoigner et rendre compte en lien avec la Tradition de l’Eglise que le message évangélique peut encore, toujours , donner pleinement sens à une vie d’homme ou de femme , ici et maintenant .