Comment expliquer la multiplicité des prises de position du nouveau pape François, sinon par le sentiment d’urgence qui semble l’habiter.
Quelques jours à peine après la publication d’un long entretien dans les revues jésuites du monde entier, qui continue de susciter débats et controverses, voilà qu’en Italie, le quotidien de gauche la Repubblica donne à son tour la parole au pape François. Dans une interview accordée à son fondateur Eugenio Sclafari, ouvertement athée, le pape redit la nécessité, pour l’Eglise, de renouer le dialogue avec la culture moderne, comme l’y invitait le Concile Vatican II, sans arrière-pensée prosélyte. Il dénonce les tentations de cléricalisme qui n’épargne pas les laïcs eux-mêmes et les phénomènes de Cour qui, dit-il, sont «la lèpre de la papauté. Il plaide pour la concertation et le dialogue, de manière à rééquilibrer, horizontalement, la réflexion de l’Eglise, naturellement ouverte à la verticalité. Enfin, dans un esprit missionnaire, il invite à prendre la pleine mesure des drames qui, dans nos sociétés, frappent de plein fouet les jeunes, au travers du chômage, comme leurs grands aînés, plongés parfois dans la plus extrême solitude !
A la lecture de ce nouveau «brulôt», l’interrogation change de nature. La question n’est plus de savoir, point par point, si le diagnostic posé par le pape François est ou non pertinent, s’il appelle la nuance ou la réserve. Non, la question est désormais : pourquoi une telle apparente précipitation ? Pourquoi une telle accumulation d’entretiens accordés, ici et là, selon une logique qui nous échappe, et qui tranche avec la «réserve» qui, pour ses prédécesseurs, semblait aller de pair avec la fonction pontificale ? Faut-il, dans la foulée, s’attendre à d’autres interventions, les espérer, s’en réjouir ouvertement et par avance ?
Je sens monter un «vent mauvais»
J’avoue un certain trouble ! D’autant plus vif que, je l’ai écrit, j’ai accueilli ce pontificat comme une «divine surprise», non démentie à ce jour. Mais il suffit de regarder ce qui commence à s’écrire sur les réseaux sociaux et pas uniquement dans le cercle restreint de l’intégrisme, pour sentir monter comme un «vent mauvais». Ici et là percent déjà des procès en illégitimité qui flirtent parfois dangereusement avec le soupçon d’hérésie. J’ai la faiblesse de penser que le pape François en est parfaitement conscient.
Alors pourquoi ? S’il semble aussi «pressé» peut-être est-ce qu’il est convaincu que «le temps presse», que ce qu’il ne fera pas très vite, porté par une sorte «d’état de grâce», risque d’être compromis pour longtemps. Parce que des résistances fortes existent dans l’institution et que «hors les murs» des intérêts contrariés, liés notamment à la réorganisation de la «banque du Vatican» (IOR), pourraient lui valoir plus que des inimitiés.
Rendre le changement irréversible !
Dans son entretien aux revues jésuites, s’il insiste sur le fait que toute réforme demande le temps de la réflexion et du discernement, il n’en écrit pas moins : «Parfois, le discernement demande de faire tout de suite ce que l’on pensait faire plus tard. C’est ce qui m’est arrivé ces derniers mois.» Sans doute est-il convaincu que plus il parlera, pour faire partager le sens pastoral qui sous-tend sa vision de l’avenir, plus les changements qu’ils souhaite pour l’Eglise deviendront irréversibles ! Quoi qu’il advienne !
Or, il en est de l’institution ecclésiastique comme de tout gouvernement civil : tous les projets de réformes imaginables – ici théologiquement argumentées – sommeillent dans des tiroirs, en attendant que se manifeste peut-être, un jour, la volonté «politique» de les mettre en œuvre. C’est dire que si cette volonté existe, les choses peuvent aller plus vite qu’on n’imagine, étant sauves par ailleurs les procédures de consultation nécessaires à un bon exercice de la collégialité. Ma conviction est que le pape François, légitimé par le conclave et porté par une forme d’assentiment populaire qui dépasse largement le seul monde catholique, assume aujourd’hui lucidement le risque d’aller de l’avant.
L’assurer de notre confiance et de notre soutien
Dès lors, que faire pour l’y aider, si l’on partage sa vision des choses ? Mettre en garde ceux qui se contenteraient d’applaudir, un peu naïvement, comme s’il s’agissait là de prendre une quelconque revanche, à la faveur d’une «alternance» de type politique ? Rejoindre, par pure tactique, les tenants de l’herméneutique de la continuité, pour mieux rassurer ceux qui seraient «ébranlés» par ce début de pontificat, et les convaincre qu’on n’est pas en train de leur «changer la religion» ? Assurer, massivement et publiquement, le pape François, de notre confiance et de notre soutien ?
Ou d’abord, et peut-être surtout, prier pour lui ?
Bien d’accord avec vous, à la nuance de l’IOR. Je pense qu’à Rome, excepté 5-6 personnes, tout le monde s’en moque. Si la réforme traîne, c’est la faute avant tout au fonctionnariat, aux magouilles des petites mains qui ont fait embaucher leurs cousins et tout le tintouin… Plus, selon mi, que des blocages dus à des personnes disposant d’argent véreux (même s’il y a fort à parier qu’il y en a aussi !).
Selon mois, ce qui coince plus, c’est la fin du système de cour dont le pape semble être le plus ardent promoteur…
Prier pour lui… ?
« Ou d’abord, et peut-être surtout, prier pour lui ? »
assurément, au regard des enjeux qui sont en cours, le soutien de la prière est pierre d’angle de tout le reste !
suite au commentaire précédent :
et écrire cela le jour de la fête des anges gardiens, ne manque pas d’à propos !!!!!!!!
Oui, certainement, prier pour lui. Mais cela ne suffira pas. Il faut aussi joindre le geste à la parole, c’est-à-dire dialoguer soi-même ad intra et ad extra. Et il y a urgence. Si ceux qui ont, comme moi, ressenti une « divine surprise » à ces propos pontificaux d’ouverture et de dialogue ne s’y mettent pas eux-mêmes avec ce sens de l’urgence qui caractérise François, alors il y a fort à parier que cet « état de grâce » (sans jeu de mots) aura, dans peu de temps, fait long feu.
Le travail de l’Evangile est toujours à recommencer.
François d’Assise a ouvert une brêche en son temps comme certains autres (papes ou non) au cours de l’histoire, Jean XXIII l’a fait aussi (laissez entrer le vent frais); François s’y essaie; vu son âge, son état de santé et les courants contraires il ne tiendra sans doute pas très longtemps.
Jésus a commencé le premier on en a vu les conséquences pour lui. Il faut donc persévérer et comme dit la lettre au hébreux « il tint ferme comme s’il voyait l’invisible…
Très juste et bien écrit. les nouvelles menaces révélées ce jour montrent qu’il est sur un bel mais ardu chemin
Patrick Lebraty
Si on jette une œil (discret, forcément discret…) sur les forums intégristes on peut lire que ceux-ci deviennent de plus en plus violents dans leur expression. On en est à la réflexion sur les possibilités d’une destitution ! Oui, il est nécessaire de prier pour le pape François mais aussi de témoigner à notre niveau de quelle Église nous voulons.
Sauf mon cher Philippe, que ce n’est pas réservé aux sites identifiés comme intégristes, c’est-à-dire en rupture avec Rome. Il y a des « tendances » bien en cour, où l’on commence à lire des choses de même tonneau.
C’est hélas exact, j’aurai du le préciser…
Des informations, bien sourcées, qui me sont parvenues ce jeudi matin, lassent entendre que la visite du pape François à Assise, demain vendredi, accompagné des huit cardinaux de la commission consultative, pourrait être l’occasion d’annonces que l’on ne prévoyait pas a priori. Attendons ! Si elles sont aussi spectaculaires que mon informateur semble le supposer, alors j’y reviendrai bien sûr, très rapidement, dans un commentaire de mon blogue.
je crois qu’elles devraient être effectivement spectaculaire !
oui prier mais aussi faire entendre les voix de ceux qui se taisent
de ceux qui sont partis et partaient
un Pape courageux , là le mot est fort bien choisi…….
il risque gros , certes
mais nous le peuple de Dieu aurons nous le courage de le soutenir haut et fort???
la chrétienté n’est pas un fan club
elle est au vent de l’Esprit
Le « vent mauvais », la contradiction, la vérité est sans doute à ce prix.
N’oublions pas la bienveillance à mettre ds tte rencontre qd nous parlons de l’Eglise.
Prions pour discerner avec le Pape François où le Christ nous précède dans ce chemin de renouveau et d’ouverture au monde, nous voici revenus aux premiers temps de l’Eglise…
Oui René, tu dis l’urgence: l’assurer, le pape François, de notre confiance et de notre soutien… Et prier: pour lui et pour nous qui percevons enfin cette fissure d’aube que nous n’attendions plus et pas sous cette forme, pas sous cette manière d’être.
oui une aube !
la chape de plomb s’est fissurée !
que le Seigneur le protège !!!
« Beaucoup voudraient un christianisme un peu plus humain,sans Jésus,sans la Croix,sans le dépouillement. C’est un christianisme de pâtisserie,comme de beaux gâteaux. »
M…e alors! François serait donc catho???
Incroyable, non?
Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre propos, Dominique. Qui voudrait un christianisme plus humain sans Jésus et sans Croix ?
René,la citation que j’ai faite est signée de … François à Assise si du moins j’en crois La Croix .
et ce genre de propos il me semble que ce dernier les a tenus dès le départ lorsqu’il a déclaré que lorsque l’Eglise ne fait plus référence à la Croix c’est Satan qu’elle prêche et pas Jésus-Christ (citation de mémoire)
Je dois dire que tout comme vous j’ai été un peu choqué de l’expression « un christianisme plus humain »mais je pense que par là il a voulu dire un christianisme édulcoré ayant un peu pour fondement « on ira tous au Paradis » de Polnareff
De même lorsqu’il déclare qu’il veur une Eglise déppuillée il ^précise bien que l’Eglise ce n’est pas uniquement,le frère, la soeur, le Pape, les Evêques,mais que c’est chacun de nous,et que nous devons tous nous dépouiller et ne pas nous contenter de vouloir uniquement que l’Eglise-institution se dépouille.
Je suis certain que d’ici peu la belle apparence d’unanimité en faveur de ce Pape va tomber en morceaux ce qui est tout à fait normal d’ailleurs.Le rôle d’un Pape n’est assurément pas de plaire à tout le monde si l’on en croit les Béatitudes notamment
Toujours, chez vous, ce besoin de se rassurer, de considérer que quoique dise François, ce n’est rien de plus, rien de moins que ce que disaient ses prédécesseurs, bref rien de nouveau sous le soleil, que l’enthousiasme qu’il suscite dans certains milieux d’Eglise n’est au fond qu’une forme de malentendu… Et que du moment qu’il « reste catho » – Dieu merci – c’est bien la preuve qu’il ne veut rien changer dans le fonctionnement de l’Eglise ! Sauf que je lis, dans la Croix du 4 octobre, cette déclaration du P. Lombardi, directeur de la salle de presse du Vatican : « L’orientation prise par les cardinaux n’est pas seulement celle d’un aggiornamento de la constitution Pastor Bonus. Cela va vers une nouvelle constitution, car les cardinaux ne sont pas venus pour des retouches, des changements cosmétiques… » Je suis étonné du nombre de ceux qui continuent à nous expliquer béatement que l’Eglise a moins besoin de réforme que de sainteté, alors même que les cardinaux – que nous ne savons pas hostiles a priori à la sainteté – ont donné précisément mandat au pape François d’engager de profondes réformes dans le gouvernement de l’Eglise. Pourquoi ces réformes nécessaires compromettraient-elles une exigence de sainteté ? Expliquez-moi !
René, décidément vous me faîtes perpétuellement le même procès en refus des réformes dans l’Eglise.Je n’y suis en rien opposé,absolument en rien, mais je crois que si chacun de nous se préoccupait en premier lieu de sa conversion plutôt que celle de François,des Evêques et des Cardinaux peut -être que le message du Christ serait mieux entendu.
Oui,des réformes dans le fonctionnement de l’Eglise sont nécessaires,mais ce ne sont pas elles qui nous feront par enchantement devenir Chrétiens,et je ne suis pas convaincu sue si,ce que je souhaite d’ailleurs, l’Eglise adoptait en matière de divorce l’attitude de nos frères orthodoxes cela changerait grand chose.Ce serait sans doute mieux mais…
Par ailleurs je constate que chez nos frères protestants réformés (ma femme est de confession réformée) et luthériens qui sont allés au bout de réformes très importantes puisque chez eux,pas de Pape,pas d’évêques , pas de hiérarchie, pas de dogmes,l ‘accès au pastorat est ouvert aux hommes, aux femmes,les pasteurs peuvent être mariés ,divorcés, remariés …etc eh bien la situation de leur Eglise n’est pas plus florissante que la nôtre.
J’en déduis qu’il ne faut pas se leurrer et que les réformes administratives seules ne donnent quasiment rien comme fruits.
Il y a plus de 40 ans nous avons sans doute avec raison créé une nouvelle liturgie en langue vernaculaire,plus simple,débarassée d’une surabondance de signes de croix notamment.
A la suite de ce changement fort important les gens qui antérieurement disaient qu’ils n’allaient pas à la Messe parce qu’on y comprenait rien,y sont-ils revenus pour autant?
A mon avis,pas franchement, non?
Alors, oui au changement,mais accompagné d’un véritable désir de conversion personnelle.
Je commence à être un peu ulcéré par tous ces commentateurs qui, au prétexte que telle ou telle réforme n’apportera pas d’ouailles supplémentaires dans nos églises, pensent qu’il est urgent de ne rien faire! Est-ce une raison pour ne pas marcher sur les chemins de Vérité que d’autres Églises chrétiennes ont trouvés avant nous? L’important n’est-il pas de chercher comment déployer et vivre – en notre temps et non plus à la mode d’hier – l’esprit évangélique, sans se préoccuper prioritairement de « faire du chiffre »? Une Église catholique, plus largement ouverte, c’est à dire qui cessera de verrouiller ses portes en « liant de lourds fardeaux » et privilégiera, à l’image du Christ, l’accueil aimant des hommes et femmes tels qu’ils sont, devrait les voir venir vers elle…
J-C.H