Défendre le droit des femmes n’exige pas qu’on renonce au doute philosophique.
Difficile de se défausser sur cette question de l’avortement. Surtout lorsque l’actualité d’Outre-Atlantique rebondit jusqu’à nous avec la perspective d’une initiative parlementaire officiellement soutenue par le gouvernement visant à inscrire ie droit à l’avortement dans la Constitution française. Pour prévenir toute tentation de revenir un jour en arrière, à l’initiative d’une majorité conservatrice. Alors autant le dire franchement : si je reste favorable à une législation sur l’avortement dans mon pays, je suis hostile à sa constitutionnalisation.
Pour ce qui me concerne j’ai toujours tenu à distinguer, sur cette question, éthique de conviction et éthique de responsabilité, l’agir « en chrétien » et « en tant que chrétien ». Il me semble qu’il appartient à la femme de décider si elle veut ou non garder l’enfant qu’elle porte. Et que dès lors la société se doit de mettre en œuvre les moyens nécessaires. Je suis parfaitement conscient que cette positon est contraire à la doctrine promue par l’Eglise catholique à laquelle j’appartiens. Mais de quel droit imposerions nous notre morale à une société laïque ?
Pour autant je ne suis pas favorable à l’inscription d’un droit à l’avortement dans la constitution.
Deux raisons à cela. La première est que penser graver ainsi ce droit dans le marbre est une totale illusion comme vient de l’illustrer le revirement de la Cour Suprême américaine. Tout au plus cette inscription rendrait-elle un retour en arrière plus difficile. Mais j’ai toujours pensé qu’en matière de réformes sociétales, ce qu’on nous présentait comme étant le « sens de l’Histoire » restait totalement incertain dès lors que précisément l’Histoire n’est pas écrite. Le « peuple souverain » pouvant très bien, demain, dans un contexte différent, revenir sur ses choix initiaux. Et la constitution française est réformable. Donc à mes yeux cette inscription ne garantit rien du tout.
La seconde raison, plus fondamentale, est que l’avortement n’est pas un acte banal. Il engage, qu’on le veuille ou non – au-delà des droits propres de la femme – une vision de l’humanité de l’embryon. Interrompre un processus vital qui, si l’on n’intervient pas, se conclut par une naissance ne peut être considéré comme une simple pratique contraceptive. Que philosophiquement la question de l’humanisation de l’embryon ne puisse être tranchée plaide, précisément, pour qu’on ne tranche pas et qu’on laisse la question ouverte, comme je le plaidais dans mon livre Catholique en liberté. (1) Or, toute inscription d’un droit à l’avortement dans la constitution sera forcément interprétée comme assimilation d’une décision légale à un acte reconnu par tous comme moral. Exit les questions « périphériques » relatives à la proposition d’un possible choix alternatif pour celles qui le souhaiteraient, à la responsabilité du géniteur, à la mise en œuvre de politiques d’éducation sexuelle et de prévention… puisque l’avortement sera devenu un droit objectif constitutionnel confortant indirectement – là est bien le paradoxe – l’irresponsabilité du mâle.
Je me reconnais dans cette citation du théologien protestant Daniel Marguerat : « L’Eglise gagne en fidélité évangélique à ne pas se poser en donneuse de leçon, mais à être la conscience inquiète de nos sociétés. » Et chaque croyant aussi. Mais je doute que la société ait quelque envie d’avoir, même à côté d’elle ou avec elle – sans que ce soit forcément au-dessus d’elle – une « conscience inquiète » qui la trouble. Vox clamantis in deserto…
Je terminerai en disant que je trouve cette double proposition parlementaire (LREM et LFI) quelque peu démagogique. Je ne vois pas où est la menace imminente en ce qui concerne notre pays qui justifierait pareille mobilisation toutes affaires cessantes. S’il y a urgence à inscrire quelque disposition nouvelle et contraignante dans la constitution, je la situerais plutôt du côté du défi écologique. Sauf qu’une mesure sociétale pose bien moins de problèmes, contrarie moins d’intérêts politiques et financiers et représente un bénéfice immédiat pour ses initiateurs. C’est ce qu’on appelle le courage en politique.
(1) René Poujol, Catholique en liberté. Salvator 2019, 224 p.
Que vous ne nous étonnez pas avec ce oui mais…Messieurs, arrêtez de penser et vouloir pour nous. Vous êtes libres ? Vous exercez vos droits ? Laissez nous les mêmes. C est tout. En fait nous ne voulons pas de votre avis tellement biaisé et hypocrite.
En quoi vos droits sont-ils ici affectés ? Vous pouvez me le dire ? Au nom de quel principe Républicain devrait-on soustraiter tel article de la constitution aux femmes seules, et telle autre à telle ou telle catégorie de Français ? Je trouve intéressante cette conception de la vie civique qui consiste à dire aux autres que l’on ne veut pas de leur avis…
Commentaire communautariste peu surprenant aujourd’hui mais affligeant dès lors que de nouveaux murs sont érigés comme les soviétiques à Berlin. D’autres ont surgi comme en Israël, et aux USA sur l’ordre de Trump. Vous lisant, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Jusqu’à présent, la France n’a pas encore franchi le pas des lois communautaristes, ne vous en déplaise. Nous restons encore avec une visée universelle où les droits s’appliquent à tous.
Mille fois en consonnance avec la position exprimée dans ce billet. Cette mesure serait la preuve qu’une constitution peut être changée, donc qu’un changement futur de l’opinion des politiques peut modifier cette modification. Il faudrait conseiller aux avocats de cette idée de ne pas confondre constitution et dogme. Et encore ! Les incertitudes que rappelait Simone Weil en disant en quelque sorte que la loi dépénalisait un drame, justifient de ne pas « normaliser » ce qui est intrinsèquement gris : ni blanc ni noir. Dans un livre admirable et trop peu connu, La condition Fœtale , Luc Boltanski concluait : « la condition fœtale est la condition humaine ». Laisser ouverte cette question est bien la vraie responsabilité des catholiques, et non pas de voler au secours d’une conception fétichiste de « la vie ».
Merci.
En matière de morale religieuse, une ivg est (comme une euthanasie) une défaite pour l’humanité et une blessure pour qui s’y résout, pousse à cette extrémité ou participe à l’acte. Comme l’a déclaré S. Veil à l’assemblée « aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. » La position des religions est, à ma connaissance, unanime à ce sujet; il est vrai que la capacité des religions à écouter les femmes a connu et connait encore bien des limites, cela frise l’autisme chez certains hauts responsables et leurs fans voire même la phobie, le TOC et l’hystérie.
Si pour toutes les religions, le viol c’est pas bien, il est avéré que prouver un viol étant très difficile cet acte est peu réprimé: pas vu pas pris. Pour l’ivg, au contraire c’est facile à prouver. La main du droit mâle sur la féminité reste pesante, insistante… comme pour la prostitution d’ailleurs plus vieux métier du monde avec le « choix » d’être esclave.
Ceci posé je partage les raisons exposées par René pour ne pas souhaiter l’entrée dans la constitution du mal nommé ‘droit à l’vg » qu’il serait correct de nommer « faculté de recourir à l’ivg ». J’ajoute deux remarques:
– Cela regarde le parlement et si besoin les électeurs en cas de référendum et non les religions qui devraient, en ces matières respecter la laïcité, et en premier les religions chrétiennes qui ne peuvent ignorer le précepte laïc des trois synoptiques.
– C’est de la mauvaise politique. Je signale d’abord appartenir à un parti au sein duquel, entre membres, nul ne cache no n’affiche ses convictions: la laïcité n’est pas l’absence de convictions, y compris religieuses, mais le respect sans a priori de celles des autres. Cette initiative conjointe Lrem et LFI, combattue seulement par le RN, a tout de l’accord de circonstance qui surfe sur l’émotion de la décision de la cour suprême américaine alors qu’il n’y a en la matière aucune urgence particulière et que les vrais sujets ne manquent pas. S’il devrait exister du parlementarisme de bon aloi, là c’est tout le contraire.
Plutôt qu’un commentaire sur votre billet sur la constitutionalisation d’un droit ou pas en France, je souhaite exprimer ici ma solidarité avec les femmes américaines.
Comme disait mon grand père « ça mange pas de pain » ! Mais je vous accompagne !
Merci René pour votre clairvoyance.
J ai eu exactement le même réflexe que vous.
Gare au gouvernement des Juges qui est déjà en marche depuis longtemps avec la QPC sans oublier le Conseil d État.
Depuis 1981ces grands corps ont pris le contrôle de la politique par le biais des deux partis de gouvernement et quand ils en sortent ils continuent à faire la loi depuis le Conseil Constitutionnel comme monsieur Fabius par exemple.
Le gouvernement des Juges est le plus haut degré du mépris du peuple et cela se terminera très mal: la Terreur et le Consulat…..
René,
Que cette proposition parlementaire soit démagogique ou non m’indiffère totalement.
Je pense toujours que l’avortement, s’il est précoce, n’est pas un bien, mais un moindre mal dans de nombreux cas.
Je suis persuadée que les « solutions périphériques » seraient autant envisagées si le droit à l’avortement était inscrit dans la Constitution et qu’il n’y aurait pas plus d’avortements pour cela. On n’avorte pas comme on prend un comprimé d’aspirine. Qui n’a pas avorté ignore ce que c’est. Qui est homme aussi. Forcément. Ça ne s’est pas inscrit dans son corps, dans ses tripes, dans sa mémoire.
Et malgré ce que je viens de dire, si cette constitutionnalisation rend au moins plus difficile un retour en arrière, c’est déjà beaucoup, c’est même énorme.
Je l’ai dit maintes fois : la manif pour tous et autres prises de positions des catholiques par rapport aux questions sociétales m’ont à la fois mise à fleur de peau, éloignée radicalement et rendue a priori méfiante. La réaction, très rapide, de l’Eglise à la décision américaine n’est pas une surprise mais me heurte encore une fois profondément.
Je suis désolée René, et ce ne sont pas juste des mots, mais je n’arrive donc pas à être entièrement d’accord avec vous sur le sujet. Un sujet que je trouve toujours aussi déchirant. Une fois n’est pas coutume.
Et; en digressant un peu, mais pas tant que ça puisqu’il s’agit des femmes et il se trouve que j’en suis une, je recite ici Sophie Ducrey, déjà citée à la fin du fil précédent :
« Si c’étaient les hommes qui étaient enceintes, interdiraient-ils l’avortement? Et si c’étaient les femmes qui faisaient des fusillades, autoriseraient-ils le port d’armes ? »
Désolé Anne, mais pour prolonger cette dernière citation qui semble vous tenir à cœur… qui parle ici (en France) d’interdire quoi que ce soit ? Aussi longtemps que la liberté des femmes telle que reconnue par la législation française n’est pas en cause, ce qui est le cas, les hommes n’ont pas à se laisser congédier ou déposséder d’un débat citoyen qui les concerne tout autant. Or la question philosophique que j’évoque dans mon papier n’est pas « genrée ». Cela dit fermement, mais en toute amitié !
Le débat semble pourtant bien « genré ». Et dans l’Eglise, il y a aussi beaucoup de « genré » me semble-t-il.
Et je ne me fierais guère au fait qu’on ne parle pas en France actuellement d’interdiction. Le RN, qui n’a pas caché ses accointances avec Trump (défenseur du port d’armes et contre l’avortement, qui triomphe certainement actuellement), même s’il dit ne rien vouloir remettre en question par rapport à l’IVG, n’aurait rien contre un rétablissement de la peine de mort. Sauf que bien sûr c’est difficile à envisager.
Si les hommes ne veulent pas ètre dépossédés du débat, et je le dis en toute amitié aussi 😊, il faut qu’ils aillent jusqu’au bout de la compréhension de ce que vivent les femmes sans rester uniquement dans la théorie philosophique.
René, comme ce dialogue est difficile ! Pour moi la première, soyez-en certain.
Oui, la citation me tient à coeur. Elle m’a parlé immédiatement.
Peut-être que je mélange tout : preuve qu’on ne peut garder la tête froide sur tous les sujets et, quand on est femme, sur un sujet touchant les femmes de plein fouet.
Peut-être suis-je trop dans l’émotion. Veuillez alors m’en excuser.
Anne, je comprends votre « Qui n’a pas avorté ignore ce que c’est… » auquel je met le bémol suivant. Quand on prend conscience que sa petite sœur est mentalement diminuée du fait d’un avortement raté imposé par son père, quand on saisit les conséquences pour les parents et la fratrie, on ne comprend sans doute pas comme une femme, mais on peut comprendre beaucoup. Une mère contrainte à avorter et qui ne lâche rien, pas même son mari, est une sainte. Je trouve la propension des humains à généraliser – pas d’ivg, pas d’euthanasie, le prêtre est forcément mâle…- dangereuse pour l’humanité et que ceux qui usent de leur pouvoir pour prescrire ou perpétuer de telles généralisation « au nom de Dieu » sont monstrueux, fusse à leur insu.
Je comprends cela Jean-Pierre. Qui a vécu ce que vous dites, c’est en effet comme s’il avait avorté lui-même ou presque. Et c’était le genre de drame que vivaient des familles lorsque l’avortement était clandestin, très compliqué à effectuer. Le drame des enfants non désirés, je veux dire refusés à toutes forces, n’est pas très enviable non plus.
Je suis d’accord avec vous : les généralisations en ce domaine, qui touche à l’intime de l’intime, et surtout « au nom de Dieu » sont bien dangereuses car les hommes (les humains) n’ont que des connaissances partielles en ce domaine, comme de Dieu d’ailleurs.
Je crois que prendre position, et je me parle à moi-même d’abord, requiert beaucoup d’écoute, d’humilité et de laisser ses a priori – et les miens d’abord -, ses réactions viscérales – ce qui pour moi est très compliqué.
Oui Anne, et le courage de ne pas tout glisser sous le tapis peut aider à dépasser, peut-être même à sublimer, cet indicible ou intime. Au delà des enjeux personnels, l’usage du secret, de l’oubli, de faux documents… par les puissants a des conséquences sur la mémoire historique et sur la culture d’une civilisation, notamment, par la fabrication de légendes dorées, par la transmission de génération en génération de croyances comme les anges, les miracles…ça eut marché et ça marchera de moins en moins grâce à l’enseignement et à l’accès aux savoirs. Aucune religion n’échappe à cette difficulté, sauf si les pouvoirs temporels les aident à tenir le couvercle sur la marmite sous pression (Talibans, autocrates genre Trump ou Poutine par exemple). les religions vont devoir, je crois, se sublimer: ce que les religions portent de solide en apparence va devenir gazeux.
Mais en même temps la sécularisation dont on nous annonçait qu’elle allait sonner le glas de l’irrationnel, se traduit dans les librairies par l’expansion des rayons ésotériques et de magie comme dans les supermarchés les whyskies ont remplacé les vins cuits et les boissons anisées. Je ne suis pas sûr héas que les jeunes générations soient aussi réfractaires que nous au merveilleux religieux !
A Jean Pierre
Le problèmes sont moins me semble t il les mythes et les récits merveilleux qui ont une utilité pour créer de la cohésion du groupe que le rapport que l’on à avec eux .
Bien sûr si on les prend au premier degré comme des faits réels ils peuvent être utilisés par tous les pouvoirs qui s’en servent comme un moyen d’aliéner les plus pauvres et les plus faibles
Par contre si on les lit pour ce qu’ils sont , c’est à dire une manière symbolique de dire quelque chose de fondamental , alors non seulement ils n’ont pas part à l’irrationnel , mais au contraire ils peuvent nous aider à vivre dans la vie la plus concrète
C’est ainsi que le lis la Bible , c’est ainsi que je reçois les récits de la mystique juive .
Ma grand mère m’a fait lire très jeune les romans de Isaac Bashévis Singer par exemple et cet univers loin de m’aliéner nourrit mon rapport au concret .
C’est je crois ce qu’on appelle simplement la culture , c’est dire le rapport au réel via des mythes qui lui donnent sens et goût
Rien à voir avec l’obscurantisme irrationnel tel qu’on le pratique notamment chez les charismatiques .
Mon rapport avec les anges bibliques n’a strictement rien à vois avec l’obscurantisme en vigueur dans les sessions de l’Emmanuel à Paray le Monial par exemple .
René, Guy, je partage dans une certaine mesure et signale qu’ésotérisme, numérologie, écriture automatique, tables tournantes, vie après la mort… n’ont rien de nouveau et qu’il y a d’ailleurs des trucs qui d’évidence « marchent » et sont utiles et même reconnus comme l’hypnose et j’ajoute le pendule qui m’a permit de localiser une conduite d’eau enterrée qui n’était pas sur plans.
L’abus du merveilleux, des mystères… je n’ai jamais entendu de prêches sur le côté douteux de l’existence des anges archanges et démons et le côté mythique des généalogies de Marie et de Joseph… Grave aussi est le manque de courage des religions qui ne reviennent pas sur le lustrage de leur histoire. Ces faiblesses de ne pas reconnaître leur failles, leur incapacité à redresser ce qui a été tordu… conduisent beaucoup (études sociologiques seraient bienvenues), dont des jeunes, à tout rejeter.
Un exemple mi chèvre mi choux de l’ordre du lustrage est donné par l’article de La Croix du 24/06 sur les demandes d’aides de Juifs au Vatican. Il est indiqué honnêtement que l’aide a concerné surtout les juifs devenus catholiques sans aller jusqu’à évoquer ces bébés et enfants juifs, sauvés et baptisés, sans l’accord des parents en général ce qui dans le contexte se comprend, et que l’Institution a refusé de rendre à leur famille juive après guerre afin qu’ils restent catholiques, ce qui ne peut pas se comprendre. Il est vrai que Pie 12, Montini, Pacelli et Gerlier sont les principaux personnages en cause, pour la France.
Euhhhh… pardonnez-moi mais là vous mélangez un peu tout. Je n’ai pas dit que le recours à l’ésotérisme était nouveau…. mais que ce genre de littérature est plus visible dans les librairies générales dans le même temps où le « religieux » en tant que tel devient peau de chagrin. J’en conclue que le discours qui consiste à évacuer le « merveilleux » chrétien au nom d’une certaine rationalité ne me convainc pas. Je ne suis pas sûr que les jeunes générations soient plus rationnelles et ne fournissent pas une large part du contingent friand d’ésotérisme et autres quètes d’un « monde enchanté ». Ce qui signfié, à mon sens, que si les jeunes n’adhèrent pas au message chrétien, ce n’est peut-être pas là uniquement qu’il fait chercher la cause ! C’est tout !
Au risque d’abaisser le niveau de ce débat, de brillants juristes spécialistes de droit comparé, il ne faut pas oublier que , même prévu par les textes , le recours a l’IVG reste difficile concrètement en France .Ce qui a conduit à adopter une mauvaise solution de fuite en avant en étendant le délai légal à 14 semaines .
Il y a donc concrètement un gros travail à effectuer pour qu’il soit possible de pratiquer l’IVG le plus précocement possible pour les femmes qui y recourrent. .
Ce me semble être la plus urgent tant pour la cause des femmes que pour la protection des enfants .
Mon épouse et moi-même sommes contre l’avortement au nom du respect de la personne humaine . Mais je me garderais bien de porter un jugement sur les personnes qui y ont recours, en particulier s’il s’agit d’un viol ou d’un inceste . Dans la mesure ou l’IVG semble faire consensus chez la majorité de nos concitoyens, il est préférable qu’une loi de santé publique prévoie la réalisation de l’acte par un médecin : c’était l’objectif de la loi Veil . Une constitutionnalisation devrait inclure le droit à l’objection de conscience des médecins, (ce qui est peut-être un sérieux obstacle juridique).
Précisément l’inscription du doit à l’avortement dans la Constitution aurait pour conséquence, sinon comme but non avoué, de rendre impossible, voire non constitutionnelle la liberté de conscience des médecins
C’est pour cela que je dis que l’objection de conscience des médecins serait probablement un serieux obstacle à la constitutionnalisation. Le syndicat des gynécos est hostile à cette suppression.
Autant je comprends la dépénalisation de l’avortement, autant je me refuse à parler d’un droit à l’avortement, et à plus forte raison d’un « droit fondamental ».
La banalisation de l’avortement conduit à ces excès qui voudraient inscrire l’avortement comme un droit fondamental dans la Constitution.
A Jean Pierre .
Pour prendre un exemple très terre à terre .Lorsque j’étais en CP dans une école catholique , notre institutrice affirmait qu’il y avait toujours un rayon de soleil le samedi parce que c’était le jour où les âmes du purgatoire entraient en paradis .(nous étions en Bretagne)
Rapportée comme un fait cette histoire n’est pas crédible .Si c’est un langage symbolique pour expliquer aux enfants que Dieu pardonne toujours et se rejouit d’accueillir tous les pêcheurs que nous sommes , cela prend un autre sens et acquiert une profondeur. theologique rendue accessible a ceux qui ne lisent pas les traités de théologie Le merveilleux chrétien envisagé comme une poétique pédagogique ne me choque pas . Il a même prit une formidable dimension artistique dans la statuaire et les vitraux des cathédrales gothiques ..Son instrumentalisation par un pouvoir religieux est un acte impie ..
Dans le journal le Monde d’aujourd’hui un article de son correspondant aux Etats Unis sur la pilule abortive et sa délivrance par télé médecine. On y apprend qu’en réalité, l’avortement est très loin d’être banni puisque la part des ivg à domicile a augmenté de 37 à 54 % entre 2017 et 2020. Non moins intéressante est la réaction des talibans locaux : en Louisiane qui a probablement le pompon en matière de répression bête et méchante contre les femmes (même en cas de viol et d’inceste et naturellement pour les mineures aussi), un texte a été adopté criminalisant la distribution par courrier de ces comprimés (prison et amende) qui… ont aussi d’autres usages thérapeutiques. Jusqu’ou iront les vérifications ? (contrôle d’internet et celui des applications pour noter le cycle menstruel, contrôle finalement de la vie privée). Il est probable que 26 Etats américains interdisent l’IVG, et pourtant les juges de la cour suprême ne peuvent pas renvoyer leur pays cinquante ans en arrière dans l’avant-1973. Le grand bon en arrière rêvé par les « religieux » et le patriarcat s’avère peut-être plus compliqué à mettre en œuvre.
Excellente analyse d’un constitutinnaliste dans la Croix du 28 juin : L’avortement n’est pas un droit fondamental mais une liberté fondamentale.
« Sur un strict plan juridique, cette inscription (dans la constitution) n’est pas nécessaire. Elle ne changera rien au niveau de protection du droit d’accès à l’avortement. Le Conseil constitutionnel a, en effet, déjà consacré une valeur supérieure à la faculté de la femme d’y recourir. Le droit en vigueur pose le principe selon lequel la liberté d’avorter constitue un élément de la liberté personnelle de la femme, et relève, dès lors, d’une exigence constitutionnelle. »
https://www.la-croix.com/…/Lavortement-nest-pas-droit…
« Avec le texte adopté en l’état, on entrerait dans une nouvelle logique et on enterrerait définitivement la loi Veil. Alors qu’aujourd’hui on recherche un équilibre entre la liberté de la femme et la protection de l’embryon, on passerait à une logique de droit où la seule volonté de la femme compte, ce qui enlèverait ce qui reste de protection à l’embryon », développe Bertrand Mathieu.
Aussi, « une telle disposition relève d’une conception très différente de celle qui prévaut aujourd’hui. Alors que l’on protège la liberté personnelle de la femme, c’est-à-dire qu’on lui accorde de ne pas se voir imposer de poursuivre une grossesse, on lui accorderait désormais le droit de disposer complètement de la vie de l’embryon. »
https://www.la-croix.com/France/IVG-France-changerait-linscription-droit-lavortement-Constitution-2022-06-27-1201222144
A Michel,
C’est pourquoi je pense depuis longtemps qu’il conviendrait de créer un statut protecteur de l’embryon afin justement de concilier la liberte de la femme à ne pas se voir imposer une grossesse non désirée sans lui donner pour autant un pouvoir sans limite sur une vie humaine en devenir ..
Mais un débat serein sur ce sujet n’est pas actuellement possible tant les positions opposées sur l’IVG relèvent d’un dogmatisme exacerbé. Les unes refusant par principe la responsabilité envers autrui qu’implique la grossesse , les autres sacrifiant allégrement la vie des femmes sur l’autel de leurs principes abstraits de défense de la vie qui dissimulent mal leur refus de la liberté des femmes à disposer de leur corps .
Entre le fait de considérer qu’il y a une personne humaine dès l’instant de la conception et le fait de ne pas accepter que la grossesse ne concerne pas exclusivement la personne de la femme enceinte il n’y a actuellement aucun dialogue possible .
A Guy,
Cela serait opportun en effet…
La loi Veil du 17 janvier 1975 disposait dans son article 1 : « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ».
Cet article a été abrogé par ordonnance du 15 juin 2000.
Je rectifierai un point de votre commentaire ; vous évoquez le « refus de la liberté des femmes à disposer de leur corps », mais dans le cas d’une grossesse, il s’agit du corps de leur enfant.
Comme vous j’ai toujours été gêné par cette revendication… Mais elle illustre parfa$itement ce que disait Guy par ailleurs auquel je souscris : la difficulté à avoir un débat dépassionné sur un tel sujet où tous les mots sont en réalité piégés : disposer de son corps (ce qui est infiniment respectable) mais ne correspond pas à cette réalité ou « défendre le droit à l’avortement » là où juridiquement parlant il n’y a pas un droit mais une liberté. C’est comme « mourir dans la dignité » pour ne pas dire euthanasie… Je crains que ce soit sans guère d’espoir ! Je le vérifie auprès de proches, parfois cathos pourtant, et qui valident ces expressions sans rechigner.
A Michel,
N’oublions pas que le vatican reste viscéralement opposé à un statut de l’embryon ; Quand bien même au nom de sa seule éthique de conviction il refuse d’envisager les conséquences sur tous les risques de manipulation génétique et la création de chimères par certains scientifiques et lobbies financiers dont la seule morale est/: ce qui est possible est nécessairement bon .
Complètement en accord avec vous, René, mais peut-être pas sans espoir si à chaque fois on prend bien soin de définir le contenu des mots pour débusquer les mots piégés !
Le Vatican « viscéralement opposé à un statut de l’embryon » ???
Vous me surprenez, tant il est clair que le Vatican est opposé aussi bien à l’IVG qu’aux risques de manipulation génétique et à la création de chimères (notamment via l’Académie pontificale pour la vie) !
A Michel,
L’ église considérant qu’il existe une personne humaine dès l’instant de la fécondation ne voit pas l’utilité de légiférer sur un statut spécifique de protection de l’embryon, considéré comme tel .Cette exclusivité de l’ethique de conviction ne permet pas d’appréhender la réalité (existence des IVG , expériences menées sur les embryons ….)L’eglise par sa position hors sol se prive elle même de la capacite à tenir un discours véritablement éthique en prise sur le réel .Dommage.
Dire je suis pour la vie , contre la mort et s’en contenter n’est pas un discours éthique operatoire .Juste une manière de se laver les mains en se donnant bonne conscience .
Une attitude véritablement morale implique toujours de se salir les mains .
Et si, en tant que disciples de Jésus, nous acceptions de n’avoir pas forcément de réponse à toutes nos questions dans l’ordre spirituel.
En 2013, l’archevêque de Westminster fit une conférence sur le statut de l’embryon humain (La croix du 10/04/13) suite à la décision de la chambre des Lords d’autoriser le clonage humain. L’idée centrale peut se résumer ainsi: la morale n’est pas un catalogue de lois, préceptes et obligations que Dieu nous impose de respecter et de faire respecter, la morale est toute entière dans « Aimes Dieu de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même » et il ajoute le point de vue de Thomas d’Aquin selon lequel la morale est ce qui rend l’homme, individuel et collectif, heureux de l’amour donné et reçu.
a René
Il est toujours très tentant ne ne considérer les faits qu’à partir de nos à priori moraux . Ce qui est de mon point de vue très dangereux et nous empêche en fait de regarder les faits de la manière la plus objective possible . En ce qui concerne la fin comme le début de la vie , heureusement la simple humanité guide souvent les comportements au risque qu’ils ne puissent pas être officiellement assumés .
– Je me souviens d’un cas très précis d’une homme en phase terminale d’un cancer dont aucun traitement ne parvenait à atténuer la souffrance insupportable . Le médecin avait proposé à la fille , religieuse , de cet homme qui le veillait , de lui faire une piqure létale . Celle ci avait refusé au nom de ses convictions catholiques . Mais au bout de trois jours elle avait supplié le médecin de procéder à cet acte tant elle voyait son père souffrir sans aucune chance ni de guérison , ni d’amélioration de son état ..
– De même une mère d’une adolescente enceinte à 14 ans et totalement immature m’avait , connaissant mes convictions religieuses , demandé conseil . Je lui avais conseillé de s’adresser au planning familial en lui disant que si j’étais, comme père de famille , confronté à cette situation , j’inciterai ma fille à recourir à l’ IVG .. Cette jeune fille a effectivement subi une IVG . Elle est aujourd’hui une personne adulte mère de famille responsable .
Etant personnellement un adepte de l’état de droit dans un système démocratique car c’est le meilleur moyen de garantir nos libertés fondamentales ,,js e sais aussi que c’est une illusion de prétendre faire entrer tout le réel dans un cadre juridique . Ou alors mettre le curseur pour s’approcher le plus possible du véritable respect de la personne humaine ?
Il n’existe pas de réponse simpliste et il est des cas ou le respect de la personne et de sa dignité n’exclut pas le recours à la mort assistée et même parfois à l’euthanasie ; mais je n’ignore pas que légaliser y compris de manière très restrictive l’euthanasie ouvrirait la porte à des dérives inacceptables .
Vous remarquerez que les femmes ne s’expriment plus.
Je me permets juste la réflexion suivante, qui risque d’être mal reçue, tant pis :
Quelle est cette « liberté » dont on parle… bien triste liberté que celle de se faire, seule et non à deux, charcuter le corps et tuer la vie ou le début de vie qu’on porte en soi.
Il y a bien là inégalité entre les sexes, que cela plaise ou non, une inégalité imposée par la nature. Par Dieu ? Allez savoir…
Et toutes les discussions philosophiques, et tous les principes moraux ne changeront rien au fait que les femmes subiront plus durement les conséquences d’une grossesse non désirée, qu’elles la gardent ou non d’ailleurs.
Je ne connais rien au droit et ne saurais me prononcer sur cette constitutionnalisation. Mais si l’on peut garantir au mieux la très triste « liberté » – mot tellement inadéquat, presque cynique, mais puisqu’il semble que celui de « droit » ne convient pas – de la femme, « liberté » dont elle se passerait bien, de pouvoir avorter en dernier recours dans les moins mauvaises conditions possibles, pour le présent et pour le futur, il me semble que c’est le minimum qu’on puisse faire.
A Anne,
C’est bien le rôle du droit que de rétablir le plus possible l’égalité lorsque les réalités de la condition humaine sont sources d’inégalité . (droit du travail , protection des mineurs ,droit pénal spécifue pour les mineurs, égalité juridique homme / femme ….)
C’est l’honneur de nos démocratie de légiférer en se rappelant la maxime de Lacordaire : entre le fort et le faible , c’est la loi qui libère, c’est la liberte qui opprime . C’est pourquoi , juridiquement la possibilité de recourir à une IVG est un droit (que l’on peut ou non exercer ).Toute la difficulté est de concilier ce droit avec les droits d’autrui .Ce qui est toujours un exercice difficile tant pour les uns le collectif prime sur l’individuel et pour les autres , l’individu est roi .
Il y a en effet du cynisme inconscient dans certaines manières de raisonner sur ce sujet. Je le dit sans prudence car je viens de passer deux heures à échanger par ailleurs sur le cynisme qui ressort des déclarations politiques que les groupes parlementaires viennent de déposer à la présidence de l’assemblée (JO de ce jour) et qui ne peuvent que conduire, s’ils n’y prennent garde, au devoir de ne plus voter. Je pense entre autre à Renaissance qui entend faire voter l’entrée de l’ivg dans la constitution sans avoir consulté ses alliés, à la liste d’objectifs des différents groupes pavée d’inconséquences, et finalement au paragraphe final de la déclaration de groupe démocrate (Modem et Indépendants) seule lumière fragile lucide: « Aujourd’hui les orages indésirables se lèvent de toutes parts, menaçant les équilibres de la planète, la sécurité des nations, la prospérité des peuples et même la survie matérielle des plus exposés d’entre eux. La montée des périls exige du peuple français et de ses représentants davantage de lucidité, de solidarité et de ténacité qu’à aucun autre moment de notre histoire. Les parlementaires du groupe prendront toute leur part de cet effort collectif au service de l’intérêt général. »
Ce que je trouve tout à fait étonnant c’est l’absence d’empathie manifestée pour les femmes américaines confrontées à cette situation.
Pardonnez-moi mais je trouve cette réflexion aussi inconvenante que convenue. Nous débattons ici non pas de la situation créée aux Etats Unis par le revirement de la Cour Suprême mais de la proposition, aujourd’hui confirmée par notre première ministre, d’inscrire un « droit à l’avortement » dans la constitution française. Pouvez-vous réellement soupçonner au regard de ce que les uns et les autres ont écrit ici sur l’avortement et sur les droits des femmes – ou leur liberté – qu’il y ait la moindre complaisance pour la décision de la Cour Suprême et une totale absence d’empathie pour les femmes américaines ? Facile de se donner le beau rôle en se présentant comme celui qui a pensé à erlles lorsque les autres n’avaient pas la moindre compassion à leur égard. Je trouve çà injurieux !
Tant pis si je mets les pieds dans le plat et suis hors sujet.
Je trouve en effet bien « légères « ces très « doctes « considérations de ces messieurs sur des choses très graves concernant en priorité et le plus intime du corps des femmes qu’ils n’auront jamais l’occasion de connaître.
Un débat théorique sur ce sujet ne peut faire abstraction de ce point crucial.
Je ne sais pas si vous mettez les pieds dans le plat. Faut-il comprendre que les débats autour de l’avortement sont des débats non-mixtes comme on dit aujourd’hui ? Et que la seule chose qui soit autorisée aux mâles dans l’enceinte du parlement soit de voter sans broncher pour une constitutionnalisation de l’avortement ? Marie-Christine j’apprécie votre présence sur ce blog comme celle d’Anne. J’entends bien que l’expérience de l’avortement appartient en propre aux femmes et exige de notre part une grande délicatesse et capacité d’écoute. Comme, pour moi en tout cas, un respect scrupuleux de leur choix. Mais j’avoue ne pas comprendre en quoi nous serions coupables et malvenus à argumenter de manière raisonnée contre une constitutionnalisation dont l’urgence n’apparaît pas (sauf l’urgence politicienne) et dont l’effet protecteur est discuté. Mais si vous estimez que je dois me taire… Je le ferai, par courtoisie.
René,
Personne n’est coupable ici.
Il est particulièrement difficile d’argumenter de manière raisonnée sur ce sujet, en tout cas pour moi, tant il est intime et comme inscrit dans la mémoire féminine archaïque.
J’ignore évidemment ce qu’il en est pour les hommes.
J’avais décidé de m’abstenir de discuter, ne pouvant le faire de manière dépassionnée et aussi parce que je n’ai pas de connaissances spéciales en droit. Mais je n’ai pas réussi à m’y tenir et je suis vraiment navrée de ce dialogue compliqué et assez frustrant, du moins en ce qui me concerne.
Mais après tout, je me dis que l’essentiel est d’essayer d’avancer.
J’ajoute bien au contraire que les hommes devraient se sentir beaucoup plus concernés et responsables car jusqu’à preuve du contraire les grossesses ne surviennent pas sans l’intervention de messieurs au plus intime du corps des femmes….
Bien sûr Michel.
Et du coup, nouvelle digression entraînée par le sujet du billet de René : la question qui se pose en amont est celle de la co-responsabilité des hommes dans l’acte sexuel.
Beaucoup d’hommes – pas tous bien entendu – se montrent assez peu concernés et responsables. D’où le fait que beaucoup de femmes sont forcées de l’être seules et font finalement comme elles peuvent.
Du point de vue chrétien, cela me pose personnellement problème : pourquoi Dieu nous a-t-il créés avec cette immense difficulté à maîtriser, contrôler les pulsions sexuelles ?
Mais ce n’est pas le sujet.
Pour vous répondre, René, Michel, Guy : les hommes peuvent et doivent se soucier de la question de l’avortement. Il faut pourtant toujours se rappeler d’abord qu’elle concerne le corps du foetus ET celui de la femme qui le porte.
Guy, connaissant Marie-Christine, je trouve que vous lui faites un mauvais procès. Mais elle vous répondra elle-même si elle le veut
Une preuve de plus que le sujet est difficile à traiter de façon mesurée et dépassionnée, alors qu’il est si nécessaire d’en parler et de s’écouter.
Oui, Anne, c’est bien là le drame, l’irresponsabilité de trop d’hommes…
Pourquoi Dieu nous a-t-il créés avec cette immense difficulté à maîtriser, contrôler les pulsions sexuelles, questionnez-vous ?
Phylogénétiquement, il s’agit d’assurer la survie de l’espèce.
C’est du reste ce que traduit le récit de la Genèse : « Soyez féconds et multipliez-vous ».
Après, pourquoi ne sommes-nous pas mieux armés pour maîtriser ces pulsions… je n’ai pas la réponse !
A Michel,
C’est bien le sens même et l’objectif de ce qu’est une vie véritablement humaine : reguler , maîtriser et orienter ses pulsions, toutes ses pulsions pour laisser la place à une liberté d’être que l’on appelle l’humanité .
J Lacan qui n’est certes pas un père de l’Eglise , définissait justement la folie comme le fait que le comportement n’est déterminé que par le jeu non regulé de nos pulsions .
Même si elle est o combien importante , la pulsion sexuelle n’est pas la seule concernée .Celle du pouvoir l’est tout autant (relire le théâtre grec ou Shakespeare par exemple) Les philosophes de l’école de Francfort ont de plus montré les liens étroits entre pulsion sexuelle et pouvoir .(cf le caractère structurel des abus sexuels dans une église qui sacralise le prêtre)
Tout l’enjeu d’une vie vraiment humaine est bien la maîtrise et l’orientation de nos pulsions qui sont avant tout des pulsions de vie .
Sans les diaboliser comme le font les puritains , ni les porter au pinacle comme le font les libertaires . Orienter ce qui constitue notre être pour dégager cette liberté d’ailer son prochain comme soi même .
Messieurs,
Je n’ai pas voulu dire que les hommes étaient par définition illégitimes à débattre de ce problème en tant qu’hommes mais qu’ils avaient d’abord à écouter et respecter le ressenti et l’avis des premières concernées. Ce que je ne voyais pas, peut être à tort, tout au moins dans certains commentaires. Il ne faudrait pas oublier la longue expérience historique de toutes les souffrances subies exclusivement par les femmes dans ce domaine. Et ce n’est pas terminé.
Maintenant si ma réaction suscite incompréhension voire colère il ne me reste plus effectivement qu’à me taire.
Michel,
Votre remarque est vraiment malvenue puisqu’on ne parle pas de l’acte sexuel mais de l’avortement, me semble t il. Et on a beau dire que les hommes sont aussi responsables, puisque, dans la réalité, ils sont loin de l’être tous, il fait bien faire avec. Elle dénote aussi cette sorte d’insensibilité et de réflexion tout à fait « extérieure « et « en surplomb » que je ressens.
Marie-Christine,
Vous me faites un bien mauvais procès là !
L’avortement met un terme à une grossesse, et s’il y a grossesse, c’est qu’il y a eu un acte sexuel qui concerne deux personnes, un homme et une femme.
Et précisément je m’élevais contre le fait que trop d’hommes ne se sentent pas concernés et responsables par les conséquences de leurs actes, voire poussent, voire obligent la femme à avorter.
Michel,
Et puis poussent voire obligent la femme à avoir des relations sexuelles, même dans un couple « installé ».
On réfléchit beaucoupsur la quesrion du consentement en ce moment. C’est tout sauf simple.
Pour être plus claire : avant de tout faire pour convaincre une femme, qui pour x raisons, ne peut ou ne veut pas mettre un enfant au monde le fasse quand même, il faudrait d’abord s’attacher à tout faire pour éviter une grossesse.
Oui, Anne, c’est vrai aussi, et cela s’appelle du viol.
a Marie Christine
Si vous voulez dire que les hommes sont illégitimes à parler de l’IVG parce que ce sont des hommes , je suis en total désaccord avec vous . Une tel approche est semblable à ce que m’a dit une de mes étudiantes africaines récemment , à savoir qu’aucun mâle blanc ne pouvait parler du racisme qu’elle subissait du seul fait que c’est un mâle blanc .
Une telle approche se situe aux antipodes de l’universalisme et de l’égalitarisme et de la valeur de fraternité qui fonde notre contrat social . Je considère qu’il s’agit là d’une victoire culturelle de tous les obscurantismes qu’ils soient religieux ou pas .
Le retour à la loi du clan familial , ethnique , religieux , sexuel , racial constitue de mon point de vue , une régression culturelle terrible .
Bien évidemment aucun homme ne pourra connaitre dans sa chair ce que vit une femme , mais sauf à nous réduire à notre physiologie , je crois quand même que nous pouvons dialoguer voire trouver des points d’accord pour améliorer la situation des plus opprimés que ce soient du fait de leur sexe , de leur couleur de peau , de leur milieu social etc….
Vous me pardonnerez d’être un inconditionnel de la pensée des lumières et de cet impératif catégorique que Dieu délivra au peuple auquel j’appartiens au SinaI et dans le sermon sur la montagne . ;
Mais il est vrai que cette culture fut anéantie au milieu du XX° siècle dans les camps .
Vous me pardonnerez ma colère , mais il y a des moments ou trop c’est trop .
a Marie Christine et Anne
– Je vous rappelle que mon adresse à Marie Christine commençait par le mot « SI » puisque il m’a semblé à la lecture de son post que ses propos comportaient une certaine ambiguïté . Ma réaction concerne donc une hypothèse envisageable au vu des propos de Marie Christine .
– Personne et surtout pas moi n’imagine une seconde que la parole des femmes sur le sujet de l’IVG n’auraient pas bien. évidemment une légitimité spécifique au seul motif que ce sont elles et elles seules qui vivent cette réalité .
– Cela n’implique pas que les hommes ne soient pas concernés et n’aient pas aussi une légitimité pour pouvoir lutter pour le droit qui résulte d’une liberté des femmes à disposer de leur corps
Mon indignation et ma colère (j’assume ce mot ) s’explique par mon effarement devant cette archipélisation croissante des mentalités qui détruit insidieusement non seulement le lien social mais aussi progressivement notre conception d’une commune humanité .
Derrière les meilleures intentions peuvent surgir les burkas intellectuelles et morales .
Reconnaitre la spécificité des conditions , des identités sexuelles ou culturelles est une chose , en déduire que l’on ne peut plus parler avec l’autre , que l’on a rien de commun avec lui au seul motif de ces spécificités est la première étape vers la barbarie .
Pour être clair et répondre à Marie Christine : Ce n’est pas parce que ses propos suscitent de la colère qu’elle doit se taire . C’est même exactement l’inverse , C’est parce que ses propos suscitent de la colère , de l’indignation , du désaccord , qu’il est indispensable et urgent de s’expliquer , de discuter de circonscrire les points de réels désaccord et de travailler à mettre en évidence ce qu’il y a en commun et qui l’emporte sur les légitimes désaccords .
C’est cela ma conception du vivre ensemble à laquelle j’ai oeuvré et continue à oeuvrer durant toute ma vie tant professionnelle ( notamment dans la conception et la mise en oeuvre de politiques publiques ) que dans ma vie personnelle et familiale ou mes engagements citoyens .
Je suis un héritier de cette culture très spécifique qui se construisit sous les influences conjointes du judaïsme, du christianisme de la pensée grecque et du droit romain et que l’on appelle l’Europe . Je ne m’en excuse pas .
Merci Guy mais j’ai dit tout ce que j’avais à dire.
Et il me semble que je suis comme vous une héritière de la culture européenne.
Pas plus que vous n’avez à vous excuser, et de votre colère, et de votre culture, je n’ai à m’excuser de mon ressenti qui, je l’accorde n’est pas une réflexion mais uniquement un ressenti subjectif, sur une question si grave et si délicate
Un ressenti s’exprime parfois trop brutalement et souvent injustement. Il ne se discute pas.
A Marie Christine
Votre ressenti n’a pas à s’expliquer et il est profondément respectable .
J’ai la faiblesse de croire qu’il faille néanmoins prendre une certaine distanciation avec son ressenti aussi légitime soit il car il est par nature subjectif et donc laisse l’égo occuper toute la place .
Or la recherche de la vérité suppose me semble t il une mise à distance de l’égo .
Mais ce n’est qu’une opinion subjective que j’espère non dépourvue de toute raison . .
Guy,
Tout à fait d’accord.
Mais cette mise à distance, je dirais non pas de l’ego , si le sens de ce terme est péjoratif, mais de l’affectivité , ne peut se faire sur ces questions dans lesquelles tout l’être est en jeu ( psychisme conscient et inconscient, corps ) qu’après que ce ressenti ait d’abord été écouté avec respect par autrui. Et que ce dernier ait essayé de se mettre à la place de ce ou, en l’occurrence, de cette autre.
Cette empathie évite le trop plein de discours ressentis comme « à côté de la plaque » et retablit la communication entre humains, qui se retrouvent ainsi, malgré leurs différences, et par l’exercice de cette vertu de compassion, à égalité. Elle aide justement à cette prise de distance nécessaire.
Je ne sais si je m’explique bien.
A Marie Christine
D’accord avec vous . Le ressenti est essentiel et il doit être écouté , entendu et pris en compte avec empathie . C’est encore plus vrai sur ces questions qui engagent tout l’être . J’essayais juste de dire que la recherche de la juste solution nécessitait aussi de trouver la bonne distance avec le ressenti . .
Ce que A Camus résumait ainsi : « un homme cela s’empêche « .
Excellente tribune de Caroline Roux dans « La Croix » :
« Il est temps de débattre de véritables politiques de prévention de l’avortement »
Pour Caroline Roux, d’Alliance Vita, en se focalisant sur le débat autour du droit ou de la liberté d’avorter, on oublierait « la forêt des détresses et des injustices que cette pratique induit ». Elle explique que l’IVG est aussi « un marqueur d’inégalité sociale », et qu’il faudrait discuter de véritables « politiques de prévention ».
https://www.la-croix.com/Debats/Il-temps-debattre-veritables-politiques-prevention-lavortement-2022-06-28-1201222371
a Michel
Ce texte de C Roux pétri de bonnes intentions et non dépourvu de réflexions pertinentes oublie cependant une chose : une femme qui ne peut ou ne veut mener une grossesse à terme l’interrompera toujours en dépit de toutes les aides et conseils , quelque soient les risques , quelques soient les conséquences pour sa propre vie .
Que l’IVG soit légal ou pénalement réprimé , l’IVG existe . C’est un fait . on le prend en compte ou on veut toujours l’ignorer pour argumenter sa position .
A lire la tribune que consacre Tugduald Derville sur le site Aleteia à ce sujet , on peut déduire que la mort ou le handicap de milliers de femmes du fait d’IVG clandestines (constat qui a justifié la loi Veil ) serait donc conforme à une saine vision de l’écologie humaine telle qu’elle ressort de Laudato Si .
A cet argumentaire spécieux je ne peux opposer que l’assertion suivante : la morale de conviction ( seule référence de T Derville ) sans morale de responsabilité n’est pas une morale . Elle est au sens premier a -morale et très souvent immorale .
.
Comme catholique je puis ajouter que réduire la morale à la seule éthique de conviction est de plus en totale contradiction avec la théologie morale la plus traditionnelle et la plus constante de l’église catholique pour laquelle un choix ne peut être qualifié de moral s’il ne prend en compte simultanément les trois critères d’égale importance que sont : le principe éthique , le contexte et la situation concrète de la personne amenée à faire un choix .
Invoquer la doctrine récente ( milieu du XIX° siècle ) du magistère pour mieux fouler aux pieds les principes qui président à la théologie morale de l’Eglise ne me semble pas procéder d’une méthode très … catholique .
A Guy,
Vous êtes bien pessimiste, voire défaitiste, quand vous affirmez, selon une formule convenue mais qui ne correspond pas toujours à la réalité vécue, qu’une femme qui ne peut ou ne veut mener une grossesse à terme l’interrompra toujours en dépit de toutes les aides et conseils , quels que soient les risques, quels que soient les conséquences pour sa propre vie.
A Michel,
C’est pourtant ce dont je suis intimement convaincue aussi et ce à quoi j’ai assisté et dont j’ai entendu le récit un certain nombre de fois : une femme qui ne VEUT PAS mettre un enfant au monde est prête à tout pour ne pas y être acculée, jusqu’à risquer sa propre vie.
Toutes les pressions du monde exercées sur elle n’y feront rien.
Michel,
Si je puis me permettre, il ne s’agit pas d’être pessimiste ou défaitiste mais réaliste. Oui, il y avait bien des tas d’avortements clandestins avant la dépénalisation de l’avortement. Et même s’il y en avait moins, une telle situation était dramatique.
Et je connais aussi des femmes qui n’étaient pourtant pas dans la détresse économique, qui avaient reçu tous les conseils possibles et qui ont cependant décidé d’avorter car mettre un enfant au monde engage pour la vie entière. Ce n’est pas un simple acte physique. Faut il donc que ce soit la peur des conséquences sur leur vie et leur santé qui dissuade les femmes d’avorter ?
A Michel ,
Je ne suis pas pessimiste , j’essaie de regarder la réalité telle qu’elle est , aussi déstabilisante soit elle .
Si l’on accepte de prendre en considération les faits tels qu’ils sont et non tels qu’on voudraient qu’ils soient , il apparait qu’être « pro Life » implique obligatoirement d’être » pro choice » . Sauf à être inconséquent .