Donnez-nous de « saints prêtres »

Nous voici engagés depuis des mois  et jusqu’à la mi-juin, dans une « année sacerdotale » voulue par le pape Benoît XVI à l’occasion du 150e anniversaire de la mort du curé d’Ars. Derrière la mobilisation, les questions demeurent !

Inutile de faire un dessin : le vieillissement du clergé et la « crise des vocations » font partie, depuis quatre décennies, du paysage de l’Eglise catholique en Europe et en Amérique du Nord. Le sujet mériterait un blog en soi. Je crois avoir, dans un précédent article, dit mon scepticisme sur la pérennité du dynamisme des vocations dans les pays du tiers monde. Résistera-t-il au développement économique, lorsque « devenir prêtre » ne sera plus une promotion sociale ?

Pour lheure, l’Eglise catholique a donc décidé de mobiliser sur le thème des vocations. On peut le comprendre ! En mettant en avant l’image du Saint Curé d’Ars… On peut avoir plus de mal ! L’inquiétude – l’angoisse parfois – des évêques est également compréhensible, lorsque la perspective se dessine pour eux d’un diocèse, le leur, où ils n’auront bientôt plus qu’une vingtaine de prêtres.

Il nous faudrait donc prier Dieu pour qu’il envoie des ouvriers à la moisson. Loin de moi la tentation de faire du mauvais esprit. Mais enfin, j’ai pris l’engagement, de dire ici les choses « comme je les pense », alors… Je me souviens que déjà enfant, dans les années soixante… on me faisait prier Dieu pour obtenir de  « saints prêtres ». De deux choses l’une : ou nous n’avons pas su prier, ou le problème est autrement plus complexe. Dans son excellent livre : J’aimerais vous dire (Bayard éditions), Mgr Albert Rouet écrit ceci : « On a éperdument prié pour les vocations et Dieu semble nous indiquer d’autres pistes, ouvrir d’autres portes. Dieu nous donne les moyens de la pastorale d’aujourd’hui. »

Ce thème revient abondamment dans la littérature qui fleurit, ici et là, sur l’avenir de notre Eglise. Dans son « récit-roman » intitulé Dans la peau d’un évêque (Plon), Pietro de Paoli fait dire à son personnage, évêque dans le monde rural  : « C’est le fantasme de Rome, repris par nombre de mes confrères : trouver ou retrouver des jeunes hommes qui feraient des prêtres à la manière du curé d’Ars ! »

Dans Confession d’un cardinal  (Ed. Jean-Claude Lattès), Olivier le Gendre arrachait cette confidence  à « son » Eminence : « Je ne dis pas que la diminution du nombre de prêtres n’est pas grave, je dis seulement qu’elle est moins grave que celle du nombre des pratiquants. » Ce en quoi son personnage de fiction, rejoint un autre acteur, bien réel lui, de la vie de l’Eglise, le fr. André Gouzes de l’Abbaye de Sylvanès qui dans Une Eglise condamnée à renaître  (Editions Saint-Augustin) confie ceci à son intervieweur : « Ce ne sont pas les prêtres qui manquent à l’Eglise d’aujourd’hui, mais des hommes et des femmes qui, dans le champ de l’humanité, soient capables d’assumer cet éveil d’ouvrir le monde à Dieu avant de chercher à révéler Dieu au monde. »

Arrêtons là les citations qui pourraient me servir de refuge facile. Mais l’abondance prouve que la question couve… Que pasteurs et théologiens ne restent pas sans réagir. Que des alternatives existent. Lorsque Mgr Rouet évoque « les moyens de la pastorale d’aujourd’hui », il fait notamment référence à ce qui, dans nombre de diocèses – pas tous hélas – est devenu une réalité : à savoir qu’il y aura bientôt plus de laïcs, hommes et femmes, formés à la théologie que de prêtres en activité. Peut-être y a-t-il là, aussi, des ouvriers potentiels pour la moisson.

C’est une bonne nouvelle pour la mission de l’Eglise. Mais cela signifie qu’il faut sans doute repenser sa présence sur le territoire de manière différente pour clarifier le rôle des prêtres. Mgr Rouet n’est plus le seul, parmi ses frères évêques,  à considérer  que regrouper les paroisses est une voie sans issue. La chose ose désormais se murmurer sur les bords du Gave de Lourdes lors des Assemblées plénières. Voie sans issue où l’on s’enferme dans une vision plus ecclésiastique qu’ecclésiale des choses : « là où est le prêtre, là est l’Eglise », alors que la parole même du Christ est que : « là où plusieurs sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ! »

Ne jetons la pierre à personne. N’accusons pas trop vite. La révolution est copernicienne. C’est toute la question des ministères qui est ici posée. Théologiquement des réponses sont possibles. Encore faut-il que le débat ait lieu, dans les diocèses comme au niveau de l’Eglise universelle. Avec pour seule ambition :  approfondir la responsabilité de tous les baptisés, prêtres et laïcs, hommes et femmes, dans l’unique mission de l’Eglise.

Lorsqu’après le « grand rassemblement sacerdotal » prévu à Rome, en juin, autour du pape, les quelques dizaines de milliers de prêtres venus du monde entier seront repartis chez eux, chaque évêque se retrouvera seul face à la situation – sans doute inchangée – de son diocèse. Il faudra bien alors envisager, ensemble, autre chose que simplement continuer à « prier pour les vocations ».

5 comments

  • oui
    la révolution est copercienne! mais elle est vitale….
    les jeunes églises suivront le même chemin….quand l’occupation du dimanche ne sera plus la messe.
    Comment dire que Dieu est intéressant ? Quand tous les mois un contre témoignage est mis en valeur…..il y a bien ces temps de vide où l’homme se pose la question fondamentale du sens de sa vie……
    Mais la vie d’aujourd’hui est trop pleine de tout…..les vacances, les repos des petits doivent être remplis sinon cela ne va pas.
    Dans notre jargon pour retrouver Dieu il faut le désert….
    mais le problème c’est que nous ne parlons plus la même langue que nos contemporains….
    Certains font une halte dans un monastère ….
    dans la vie de tous les jours il faut réinventer un lieu ensemble, un lieu de joie, d’écoute….
    « oui quand deux ou trois sont réunis en mon nom je suis au milieu d’eux »
    non pour interdire mais pour aimer
    on s’épuise à parler boutique , à régler des conflits pas possibles, à savoir qui a le droit de faire ceci ou cela….
    des initiatives , quand il y en a sont la cible de critiques et pire…..
    il faudra peut-être le vide pour que quelque chose émerge……
    mais j’ai dit à des ados tout à l’heure pour entrer en dialogue avec l’autre ou Dieu, il ne faut pas se suffire à soi-même, il faut être en manque de l’autre qu’il soit l’ami, le conjoint ou le Tout Autre.
    et pourtant combien de personnes comblent rapidement un vide par n’importe quoi…
    Prier pour des prêtres, bien sûr , mais des prêtres pour aujourd’hui et demain qui parlent la même langue que leur génération….qui aiment le monde tel qu’il est.
    mais ceux là ils auront besoin d’être aimés, reconnus,aidés, non d’un fan club , de vrais amis critiques et aimants …..Il faudrait leur laisser le temps de respirer, d’avoir leurs défauts…
    pour l’instant on est bien loin de tout cela…..du moins dans nos provinces reculées….
    bonne soirée

  • Oui, le problème risque fort d’être, non le manque de prêtres, mais le manque de chrétiens prêts à passer leur dimanche matin à autre chose que la grasse matinée ou la visite des galleries marchandes.
    Ce n’est pas en ajoutant dans les données du problème des « jeunes » prêtres, déjà vieux qui voient le futur à l’aune des années 1950 (surplis en dentelle, etc…), qu’on fera avancer la question.
    Et je vois bien que des évêques ont peur d’innover, coincés par des « rapports » que certains au Vatican écoutent avec complaisance (voir ma réaction précédente sur les ego surdimensionnés qui encombrent les couloirs).
    Le Seigneur ne nous a pas garanti que nous serions toujours une majorité. Pour ceux qui en doutent, relisez l’histoire de l’Église, hier majoritaire au Magreb et en Asie mineure.
    Et le pire n’est pas certain : revoyons les condamnations à Rome des Pères Congar, Du Lubac, etc et leur rôle au Concile Vatican II…
    Il ne me reste que la confiance en l’Esprit – Saint, qui a réussi – excusez du peu – à garder l’Évangile vivant dans les mains de chrétiens aussi imparfaits que les Borgia … et que vous et moi, car même si la différence paraît grande ici, vue de la sainteté de Dieu, elle est minime. Alors, je fais – petitement – de mon mieux, comme tant d’autres, et j’essaie d’être indulgent.

  • Je ne pense pas que Jésus ai besoin d’une Eglise puissante en nombre et en finance. Le plus important, de mon point de vue, c’est que l’Eglise avec l’aide de l’Esprit Saint poursuive sereinement à porter La Bonne Nouvelle au monde à temps et contre temps. Et œuvre dans des actions caritatives. Montre humblement le chemin au monde.
    Mon souhait pour l’avenir : Que l’homme continuer dans cette voie de la solidarité (entre les riches et les pauvres en ceci ou en cela). Que les êtres de bonnes volontés persévèrent dans leurs actions constructives et protectrices, pour que l’humanité puisse un jour à l’unisson faire chanter la vie, dans LA PAIX du Père, du Fils et du Saint Esprit 🙂

  • Le choix du Curé d’Ars comme modèle du sacerdoce, évoque pour moi une remise en cause de la politique actuelle de recrutement des prêtres. Il semble que les évêques ont le souci de former plus de futurs évêques que des prêtres pour ici et maintenant. Le jeune clergé en compte des licenciés, des docteurs, des juristes, des professeurs, des spécialistes…C’est bien et c’est légitime, mais n’est-ce pas trop élitiste ?
    Cette exclusivité n’est peut-être pas sans décourager ceux qui pourraient répondre à l’appel de l’Eglise, mais qui ne se sentent pas « grosses têtes ». D’ailleurs, ils n’ont pas l’impression non plus d’être appelés. Je ne suis pas en train de dénigrer les études, mais pourquoi n’y aurait-il qu’un profil unique de prêtre ? J’aime bien que le Curé d’Ars soit proposé comme modèle. Ce n’était pas un intellectuel. Il n’était pas brillant. Il était l’homme des sacrements, de la parole et de l’unité. C’est ainsi que se définit le ministère du prêtre. Mais, et c’est un autre problème, prêtre pour qui ? Le risque est que les pratiquants disparaissent plus vite que les prêtres. Sans faire de pessimisme exagéré, la solution ne consiste pas à espérer que tout tombe du ciel. Ce qui fonde la vocation des laïcs dans l’Eglise, ce n’est pas le manque de prêtres, c’est le baptême !
    Bien sûr, il y a des solutions. Mais depuis les années 1960, que l’on pose le problème, qu’attend-on ? On aurait oublié le Concile Vatican II ?

  • Bien sûr, il n’y aura de vocations de prêtres que là où il y a un terreau chrétien et des familles chrétiennes tant il est vrai que la première des vocations des chrétiens est la vocation du baptisé.
    Il serait fou néanmoins d’imaginer une Eglise sans prêtres.
    Là où l’évêque n’a pas renoncé à appeler des prêtres, là où l’évêque a rouvert des séminaires, les vocations sacerdotales sont là, même si elles ne sont pas très nombreuses ; je pense en particulier à la fécondité du ministère épiscopal du cher Jean-Marie Lustiger.

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