On a beaucoup vanté le « flair » de notre Président de la République pour l’état de l’opinion publique. On apprend que l’Elysée aurait consacré aux sondages d’opinion la bagatelle de 3,282 millions d’euros pour la seule année 2008. Bigre !
Le rapport du député socialiste Jean Launay est venu, ces jours derniers, confirmer le lièvre levé en juillet dernier par la Cour des Comptes. Il précise que le budget alloué aux dits sondages en 2009 pourrait être ramené à 1,989 millions puis à 1,4 millions en 2010. Le vent du boulet s’est donc fait sentir.
L’affaire, car affaire il y a désormais, recouvre deux aspects différents qu’il convient de ne pas confondre. Le premier porte sur la régularité des marchés passés par les services de la Présidence. C’est là l’aspect soulevé par la Cour des Comptes qui n’a pas à se faire juge de l’opportunité de tels sondages. Mais il semble qu’aucun appel d’offre n’ait été lancé et que la facturation des dits sondages soit sans commune mesure avec les tarifs en vigueur dans la profession… ce qui peut laisser soupçonner la constitution de l’une de ces « cagnottes » dont la vie politique a le secret… et l’usage.
On comprend, dès lors, la demande de l’opposition de créer sur cette question une commission d’enquête parlementaire. Et l’on reste un peu abasourdi du « non possumus » opposé par la Ministre de la Justice, estimant que si la Constitution autorise une telle commission d’enquête lorsqu’il s’agit du contrôle de l’activité gouvernementale, il en va différemment du contrôle de la présidence de la République. Les juristes trancheront.
Mais l’essentiel est peut-être ailleurs, dans ce deuxième « aspect » de l’affaire, suggéré plus haut. Ne soyons pas naïfs, il n’est pas anormal que le chef de l’Etat, comme ses prédécesseurs, cherche à mesurer l’impact possible sur l’opinion de telle ou telle décision politique. Mais la fréquence des sondages (quasiment un par jour), et leur objet, souvent éloigné de l’action propre du chef de l’Etat voire du gouvernement, jette une ombre sur une pratique qui pourrait bien ne servir qu’à gérer une stratégie de communication élyséenne déconnectée de tout lien tant avec les choix politiques essentiels qu’avec les réformes engagées.
Il y a risque pour la démocratie à gouverner un pays à coup de sondages.