ASSOCIATION CULTURELLE DU SUD AVEYRON
Conférence à Saint-Affrique, le 4 novembre 2010
LE RENOUVEAU DES ROUTES DE PELERINAGE
par RENE POUJOL, journaliste, ancien directeur de la rédaction de Pèlerin.
Mesdames, messieurs, chers amis
Je voudrais tout d’abord remercier monsieur Alain de Ricard et le bureau de l’Association Culturelle Sud Aveyron pour son invitation amicale.
Vous le savez, je suis saint-affricain d’origine, «immigré de l’intérieur», comme tant de compatriotes aveyronnais «montés à Paris» à la recherche d’un emploi. Mais mes racines sont bien ici, au milieu de ces grands espaces caussenards. J’ai essayé de «servir» ma région, au cours de ma vie professionnelle et suis heureux, aujourd’hui qu’une page est tournée, de pouvoir y séjourner plus longuement.
Je vous l’avoue très simplement : je n’ai aucune compétence particulière, à plus forte raison de type universitaire, sur cette question des nouvelles routes de pèlerinage, thème de mon intervention de cet après-midi. Plus même – j’allais dire «pire même» – alors que je vais consacrer une large part de mon propos aux chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, je n’ai jamais «fait la route». Même si, avec mon épouse (que je salue dans votre assemblée) cela fait partie de nos rêves… comme pour des dizaines de milliers d’autres jeunes retraités. Pas très original donc, je vous le concède.
Mais je connais Compostelle, pour y être allé plusieurs fois, et l’émotion qui vous saisit, dans la cathédrale, lorsqu’à l’heure de la messe on assiste aux retrouvailles fraternelles de celles et ceux qui arrivent, eux, au tombeau de l’apôtre, au terme d’une longue marche, le regard souvent embué de larmes. Et puis, on ne passe pas impunément vingt ans de sa vie – dont dix comme directeur de la rédaction – dans un grand hebdomadaire catholique qui porte le titre de Pèlerin, sans s’intéresser, se passionner même, pour cette question des pèlerinages.
Pardonnez-moi une courte digression, mais elle n’est pas sans rapport avec mon propos. Si l’hebdomadaire Pèlerin que j’ai dirigé porte ce nom, c’est parce que ses fondateurs, au premier rang desquels le père Emmanuel d’Alzon, natif du village d’Alzon, à quelques dizaines de kilomètres d’ici, près du Vigan, ont été à l’origine, à la fin du XIXe siècle, d’un grand mouvement de pèlerinages vers la Salette, Lourdes, Rome et Jérusalem. Le Pèlerin, né en 1873, ne fut donc, au départ, que le simple bulletin de liaison de celles et ceux qui partaient en pèlerinage avec les pères Assomptionnistes.
En «pèlerinage d’expiation» ou «de repentance», il faut le préciser, et cela dans le contexte d’une France où les catholiques restaient encore majoritairement monarchistes et voyaient dans la défaite de Sedan contre l’Allemagne, une sorte de punition divine contre tous les reniements de la «Fille aînée de l’Eglise» consécutifs à la Révolution de 1789, aux excès de la Terreur et, il faut bien le reconnaître, à l’avènement de la démocratie et de la République.
Fin de ma digression. Mais retenons, si vous le voulez bien, cette notion de «pèlerinage d’expiation» ou «de repentance», car elle est au coeur de la démarche pérégrinante, à ses origines, et nous verrons combien, par contraste, elle semble absente du renouveau contemporain.
Pèlerinage d’expiation ou de repentance. Je ne prendrai ici qu’un seul exemple, tiré de notre histoire locale. Celui de Pons de l’Héras, fondateur au XIIe siècle, de l’abbaye voisine de Sylvanès. Chacun ici connait l’histoire de ce brigand qui sévissait au Pas de l’Escalette, détroussant les voyageurs. Converti une nuit de Noël, il décida de partir avec quelques compagnons de rapines, et cela des années durant, vers les lieux de pèlerinage les plus renommés de la chrétienté d’alors : Saint-Guilhem-le-désert, tout proche, mais aussi Saint-Jacques-de-Compostelle, Le Mont-Saint-Michel, puis Tours, Limoges et Saint-Léonard-de-Noblat… avant de s’installer comme ermite près de Camarès.
Mais je m’égare…
Pourquoi avoir choisi pour thème de cette conférence le «renouveau» des routes de pèlerinage ? Parce qu’il est bien réel et s’impose à tout observateur. Il y a quelques semaines, le président Nicolas Sarkozy se rendait à Rome pour rencontrer le pape Benoît XVI. Le service de presse de la présidence ne nous a pas précisé s’il s’agissait là d’un «pèlerinage d’expiation ou de repentance…» Mais dans la délégation officielle qui l’accompagnait figurait une jeune femme écrivain : Alix de Saint-André, dont le dernier ouvrage titré «En avant, toutes» (1) est consacré à l’expérience de ses trois pèlerinages successifs à Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est dire si la démarche est devenue «tendance» !
Il est vrai que cette année 2010 est une année Jacquaire. Entendez – mais vous le savez aussi bien que moi – une année où le 25 juillet, fête de l’apôtre Saint Jacques, tombe un dimanche. La précédente remontait à 2004, les prochaines auront lieu en 2021 puis 2027. Ce contexte explique, pour une part, la multiplicité des initiatives prises, ici et là, en lien avec les festivités de Compostelle. Je n’en citerai qu’une, là encore en lien avec notre région : l’oratorio du père André Gouzes «Le pèlerin de Saint-Jacques», créé voici trois ans au festival de Saint-Saturnin, près de Clermont-Ferrand, et qui a reçu, ces derniers mois, à Paris, Conques et Sylvanès un accueil tel qu’une nouvelle tournée est prévue pour 2011.
Mais cette année Jacquaire n’explique pas tout. Le phénomène du renouveau des routes de pèlerinage est enclenché depuis le milieu du siècle dernier, même s’il a connu une accélération au cours des deux dernières décennies. Concernant Saint-Jacques-de-Compostelle, les chiffres sont spectaculaires. Vous savez que tout pèlerin «sérieux» se munit à son départ de la crédential (crédentiale avec un «e» si elle lui est attribuée par une autorité ecclésiastique) Ce document, officiel, atteste de sa qualité de pèlerin. Il doit être tamponné à chacune des étape de son voyage. Lors de son arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle, le pèlerin, sur présentation de sa crédential (e) obtient la Compostela, certificat qui authentifie sa démarche.
Or, selon les chiffres même du bureau d’accueil de la cathédrale de Santiago, 2 900 pèlerins avaient reçu la Compostela en 1987 (une année clé sur laquelle je vais revenir longuement). Pour 2009, le chiffre était de 145 000. Cinquante fois plus ! Les prévisions pour cette année 2000 étant de 200 000.
Or, il faut bien voir que la Compostela n’est attribuée qu’aux pèlerins qui parviennent à Saint-Jacques-de-Compostelle. Sont donc écartés des statistiques ceux qui font la route par tronçon, sur 2, 3 ans ou plus encore et s’arrêtent momentanément en chemin.
Nous sommes là au coeur du paradoxe qui sollicite, aujourd’hui, notre réflexion et sert de thème à cette conférence. Comment expliquer un tel engouement pour une démarche, par nature religieuse, sur un continent européen où le christianisme continue de marquer le pas ? Au point que Benoît XVI vient d’enrichir la Curie Romaine d’un nouveau «ministère» en créant le Conseil Pontifical pour la nouvelle évangélisation – entendez : de l’Europe – confié à Mgr Rino Fisichella.
J’ouvre ici une nouvelle parenthèse pour souligner que ce recul du christianisme observé en Europe ne se retrouve sur aucun autre continent, qu’il s’agisse de l’Afrique, de l’Asie ou de l’Amérique, contrairement à l’analyse que faisaient encore, il y a peu, nombre de sociologues des religions qui voyaient dans notre «sécularisation» – cette perte du sens du sacré – la préfiguration d’une évolution générale des sociétés au niveau mondial. Et que la religion qui progresse aujourd’hui le plus, à travers le monde, contrairement à une idée reçue, n’est pas l’Islam, mais le christianisme, il est vrai au travers de sa sensibilité évangélique, ce qui n’est pas sans poser problème aux autres Eglises. C’est là un thème tout à fait passionnant mais qui justifierait, à lui seul, une autre conférence.
Revenons donc à cette déferlante pèlerine sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Impossible, de comprendre le phénomène, sans le préalable d’une plongée dans l’histoire. Nous ne retiendrons ici que quelques traits essentiels. (2)
Tout semble avoir commencé au IXe siècle lorsque, nous dit la légende, un ermite dénommé Pélage découvrit le tombeau de l’apôtre Saint-Jacques après avoir suivi une lumière surnaturelle qui le guida vers le champ des étoiles, en latin : campus stellae d’où vient le nom Compostelle.
Dès 834 nous avons trace d’un pèlerinage à Compostelle du roi des Asturies et de Galice, Alphonse II. Il y fait ériger un premier sanctuaire. Très vite Saint-Jacques est proclamé patron de la monarchie et de l’Espagne, et devient, par le fait même, le fer de lance spirituel, de la Reconquête contre les sarrasins musulmans.
Il semble que l’annonce de la présence des reliques de l’apôtre en Galice se soit répandue assez vite en Europe. Pour preuve : l’afflux des pèlerins fut à ce point ressenti comme une concurrence – et d’une certaine façon une menace – par Rome, que le pape prononça en 1049 l’excommunication de l’évêque de Compostelle au motif qu’il prétendait être à la tête d’un siège épiscopal «apostolique» – comme Rome – , puisque Jacques était bien l’un des Douze apôtres, compagnons de Jésus.
Et c’est ici que la légende, une fois encore, reprend ses droits. En réplique à cette excommunication, les défenseurs de Compostelle exhibent un parchemin «La chronique de Turpin», où l’on voit Saint-Jacques apparaître en songe à Charlemagne, l’invitant à suivre la Voie Lactée pour délivrer son tombeau des infidèles. Que pouvait un pape, je vous le demande, contre la vision céleste dont aurait bénéficié, fut-ce quatre siècles plus tôt, le fondateur du Saint Empire romain germanique ? Rien !
Par parenthèse, ce récit est l’un de ceux qui constituent le célèbre codex calixtinus, également appelé Liber Sancti Jacobi, ensemble de textes, assez disparates, à la gloire de Saint-Jacques, compilé vers la moitié du XII siècle. Exhumé de la cathédrale de Compostelle en 1882, il ne fut traduit en Français qu’en 1938 par Jeanne Vielliard sous le titre ambigu de «Guide du pèlerin de Saint-Jacques» (3) ce qu’il ne fut sans doute jamais.
Mais revenons à notre excommunication pontificale et à la contre offensive de Charlemagne par delà les siècles. Le pape s’incline. Les pèlerinages à Saint-Jacques de Compostelle reprennent de plus belle. Ils atteignent sans doute leur apogée au XIIe siècle, même si l’ampleur du phénomène, comme nous le verrons, prête aujourd’hui à controverse. Mais souvenons-nous, en ce XIIe siècle précisément, du pèlerinage «d’expiation et de repentance», pour le coup, de Pons de l’Héras durant les années qui précédèrent, en 1136, la fondation de l’abbaye de Sylvanès.
Je ne m’étendrai guère ici sur les cinq siècles qui suivirent où Compostelle continua, semble-t-il, d’attirer des pèlerins venus de toute l’Europe, depuis Anvers, Hambourg, Gdansk, Prague et Cracovie, Rome et Turin… Aux XVIIe et XVIIIe siècle le pèlerinage semble marquer le pas. La dévotion populaire a pris d’autres visages. La réforme protestante et plus largement la tradition humaniste se sont souvent montré féroces contre cette pratique. La guerre qui oppose la France à l’Espagne rend plus difficile le passage des Pyrénées.
Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour assister à un premier réveil. En 1879 des fouilles archéologiques entreprises dans la cathédrale de Compostelle permettent la mise à jour d’ossements humains. Sont-ce là les reliques du saint ? C’est en tout cas ce que proclame solennellement, à Rome, le pape Léon XIII. Du fait même, l’évêché de Galice voit renforcé son statut de siège apostolique, contesté quelques siècles plus tôt. La ferveur renaît. 1938, dans la foulée de la publication du mal nommé «Guide du pèlerin de Compostelle» évoqué plus haut, voit l’organisation du premier grand pèlerinage de l’époque moderne. En 1954 Pie XII confirme le principe des années saintes, dites Jacquaires. Retenez bien cette référence aux années cinquante qui représente un véritable tournant.
Du côté de l’Eglise catholique, les voyages du pape Jean Paul II à Compostelle en 1982, à l’occasion de l’année Jacquaire et sept ans plus tard lors des Journées mondiales de la jeunesse, apparaissent comme une forme de consécration. Mais les propos tenus par le pape dépassent largement le simple hommage à un lieu de pèlerinage historique. On se souvient, lors de sa visite au tombeau de l’apôtre de 1982, de l’exhortation de Jean-Paul II, bien en phase avec son «angoisse» de voir l’Europe chrétienne basculer dans l’apostasie. Il retrouve là des accents qui rappellent son premier voyage en France et son interpellation du Bourget : «France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?» (4) A Compostelle le message devient : «O vieille Europe, je te lance un cri plein d’amour : retrouve-toi toi-même, sois toi-même, découvre tes origines, renouvelle la vigueur de tes racines, revis ces valeurs authentiques qui couvrirent de gloire ton histoire et firent bénéfique ta présence dans les autres continents.» (5) Nous saurons, très vite, si Benoît XVI, ce qui est probable, reprend à son compte une même vision du «message de Compostelle», puisque le pape doit y arriver… après demain, 6 novembre.
Mais le regain d’intérêt pour l’héritage de Compostelle se manifeste également, et en gros aux mêmes dates, du côté de ce que l’on pourrait appeler la «société civile» et les institutions internationales.
J’attirais votre attention, il y a un instant, sur le «virage» des années cinquante. Souvenons-nous que c’est précisément à cette date que naît la Société Française des Amis de Saint-Jacques-de-Compostelle (6) à laquelle on doit la promotion des quatre chemins de Tours, du Puy, Arles et Vézelay. Et que rien, sans doute, n’aurait été fait, à cette époque, notamment en termes de balisage, sans la création, trois ans plus tôt, de la Fédération Française de la randonnée pédestre (7).
Le deuxième tournant se situe, comme pour les institutions religieuses, dans les années quatre-vingt. C’est en 1987 que le Conseil de l’Europe consacre les chemins de Saint-Jacques de Compostelle comme premier itinéraire culturel européen. D’autres chemins suivront comme ceux de Saint-Martin de Tours, du Mont Saint-Michel ou des prieurés clunysiens. (8)
Par ce geste, le Conseil de l’Europe entendait retrouver les bases d’une identité commune à tous ces pays aux nationalismes exacerbés, au-delà de leur seule union économique. Relisons, ici, la justification de cette décision telle que présentée sur le site internet de l’Institut Européen des Itinéraires Culturels : «Il fallait trouver comment unir des pays aussi différents que la Norvège et l’Italie, ou des pays récemment réconciliés comme la France et l’Allemagne. Mais de là à penser à la promotion d’un itinéraire conduisant à un sanctuaire catholique ! Car il s’agissait bien de rappeler aux Européens l’importance de la «mémoire collective» rattachée à Compostelle où est vénéré un tombeau d’un compagnon du Christ, l’apôtre Jacques. Et le même texte de poursuivre : Comment les protestants Allemands pouvaient-ils accepter une telle proposition ? Comment les laïcs Français allaient-ils l’interpréter eux qui avaient œuvré à la séparation de l’Eglise et de l’Etat ? Comment les Pays Bas n’allaient-ils pas se souvenir de la domination espagnole ? Comment des esprits cartésiens allaient-ils cautionner des manifestations pèlerines qu’ils pensaient réservées à des naïfs en quête de miracles, exploités par un mercantilisme habile ?» On le voit, la démarche est audacieuse. D’autant que les mêmes instances européennes qui semblent si empressées à valoriser les chemins de Saint-Jacques se montreront, ultérieurement, hostiles à l’idée de faire référence aux «racines chrétiennes de l’Europe» dans le préambule du texte constitutionnel de l’Union.
Mais les controverses, concernant la promotion de ces chemins de Saint-Jacques, surgiront surtout à l’étape suivante…
En 1993, l’Espagne obtient de l’UNESCO l’inscription au Patrimoine mondial de l’humanité du Camino Francès, au titre : «d’un paysage culturel linéaire continu qui va des cols des Pyrénées à la ville de Saint-Jacques de Compostelle». Cinq ans plus tard, réuni à Tokyo, le comité du patrimoine mondial décide le classement des «chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, en France» en appuyant a décision sur la labellisation de 71 monuments et 7 tronçons de chemin.
(J’ouvre ici une nouvelle parenthèse pour signaler que Midi Libre publie ces jours-ci une série d’articles sur l’UNESCO et notre département, évoquant notamment les chemins de Saint-Jacques mais aussi la demande de classement, au titre du patrimoine mondial de l’humanité, déposée pour le circuit templier du Sud Aveyron)
Il ne fait aucun doute que la reconnaissance explicite du Conseil de l’Europe puis de l’UNESCO, s’ajoutant à celle du pape Jean-Paul II allait constituer un élément décisif dans le renouveau des chemins de Saint-Jacques évoqué au début de mon propos.
Reprenons-en ici quelques manifestations : depuis 1986, on a enregistré la création de soixante associations jacquaires qui, il faut bien l’admettre, sont souvent en rivalité les unes avec les autres ; des itinéraires ont été dégagés et balisés ; des «itinéraires bis» institués pour servir de délestage ; on a vu les municipalités et les régions concernées, notamment Midi Pyrénées, le Languedoc Roussillon et la région Aquitaine, se mobiliser autour de la valorisation et de la promotion de leur patrimoine architectural ; les autorités religieuses se soucier de rouvrir au culte, pour l’usage des pèlerins, de petites églises, parfois fermées depuis des décennies ; d’anciens marcheurs de Compostelle s’installer le long des chemins qu’ils avaient eux-mêmes parcouru pour ouvrir chambres d’hôtes ou gites d’étapes ; une abondante littérature remplir les rayons des librairies et des marchands de journaux avec un succès incontestable et, désormais, Compostelle prendre place sur la toile avec une multitude de sites internet, plus ou moins fiables, consacrés au pèlerinage : avant, pendant et après. Dont celui qu’anime sur Pèlerin.info l’un de mes anciens collaborateurs Gilles Donada.
Mais revenons aux initiatives de Jean Paul II et de l’UNESCO, apportant leur caution prestigieuse, à Compostelle. L’une et l’autre vont rapidement soulever, en France et en Europe, d’âpres diatribes. Dans les milieux d’Eglise, nombre d’historiens contestent la place symbolique centrale, accordée par le pape à ce pèlerinage de Compostelle. Jamais, disent-ils, dans l’histoire du christianisme européen, le tombeau de Saint-Jacques n’a eu le rôle que, rétrospectivement, on semble vouloir lui attribuer. Et le christianisme ne peut pas davantage être présenté comme la seule source de l’identité européenne. Certains s’interrogeront par ailleurs sur l’opportunité de la mise en exergue, en cette fin du XXe siècle, d’un lieu de pèlerinage dont nous avons vu combien, historiquement, il a incarné, à l’initiative du roi d’Espagne, la résistance à l’Islam et la reconquête sur les envahisseurs sarrasins. Et de questionner : que fallait-il lire au juste, entre les lignes, dans l’exhortation de Jean Paul II invitant l’Europe à revivre « ces valeurs authentiques qui couvrirent de gloire ton histoire et firent bénéfique ta présence dans les autres continents.» ? (9)
Les critiques convergent, concernant le classement, par l’UNESCO, des chemins français de Saint-Jacques-de-Compostelle. Elles sont particulièrement bien explicitées dans un ouvrage récent : «Chemins de Compostelle et Patrimoine mondial» (10) sous la signature de deux historiens, spécialistes de Compostelle et des pèlerinages médiévaux : Denise Péricard-Méa et Louis Mollaret.
Leur contestation vise deux affirmations selon eux jamais vérifiées historiquement et devenues, malgré tout, de véritables croyances : l’idée selon laquelle le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle aurait drainé, au Moyen Age, des foules considérables et l’existence de quatre routes prétendument «historiques» au départ de Tours, du Puy, d’Arles et de Vézelay. Rappelons-en ici les tracés affichés :
La Voie du Puy-en-Velay qui traverse l’Aubrac et file vers Conques, Cahors, Moissac, Lectoure Eauze, Condom et Aire avant de se diriger vers Saint-Jean-Pied-de-Port, Ronceveaux et Pampelune.
La Voie d’Arles, plus proche de notre sud-Aveyron, qui rejoint Saint-Gilles, Montpellier, Saint-Guilhem-le-désert, Lodève vers Castres, Toulouse, Auch, Pau et Oloron-Sainte-Marie, avant de franchir les Pyrénées au col du Samport.
La Voie de Vézelay comprend, au départ, une branche nord par Bourges et une branche sud par Nevers, qui se rejoignent en amont de Saint-Léonard-de-Noblat, puis file vers Limoges, Périgueux, Mont-de-Marsan et Ostabat où elle rejoint la voie du Puy-en-Velay.
La Voie dite de Tours que l’on fait partir de l’église Saint-Jacques de la Boucherie, à Paris, dont subsiste aujourd’hui la seule Tour Saint-Jacques, située sur la rue de Rivoli. Cette voie remonterait la rue Saint-Jacques vers l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas avant de poursuivre vers Orléans, Tours, Chatellerault, Saint-Jean-d’Angély, Bordeaux, Dax et de rejoindre, à son tour, Ostabat vers Ronceveaux.
Des itinéraires fortement contestés par nos historiens. «La christianisation, affirment-ils, ne s’est pas faite par le pèlerinage à Compostelle, même si l’annonce de la découverte du tombeau d’un apôtre a eu un retentissement certain.»(11) Ils écrivent : «S’il existait beaucoup de pèlerins ayant une dévotion à Saint-Jacques, tous n’allaient pas à Compostelle et de surcroît, comme le disait en 1984 le Conseil de l’Europe, des milliers d’autres s’entrecroisaient sur les routes, allaient ça et là visiter les sanctuaires de tous les saints du calendrier».(12) Si bien que, et je cite : «Si ces pèlerins étaient nombreux sur les routes, ils n’étaient qu’une petite minorité à aller à Compostelle.» (13)
Pour eux, l’imposture des quatre chemins ratifiés tant par le Conseil de l’Europe que par l’UNESCO est totale. Contrairement à ce que l’on affirme, disent-ils, le Codex Calixtinus n’a jamais été un «guide du pèlerin», en ce sens que bien peu avaient connaissance de son existence à une époque où l’imprimerie n’avait pas encore été inventée. Par ailleurs, ce texte reste fort vague sur la topographie des 4 itinéraires. Les 71 monuments et les 7 tronçons validés par l’UNESCO, analysent-ils, procèdent d’un choix totalement arbitraire. Comment expliquer, par exemple, que les sept tronçons validés concernent la seule route du Puy-en-Velay soit quelque 157,5 kilomètres seulement sur les 5 000 que totalisent les quatre routes classées ? Comment expliquer, parmi les 71 monuments homologués, la présence de sept ponts dont quatre pour le seul département de l’Aveyron ?
Selon eux : «Le dossier présenté par la France à l’UNESCO a cherché à présenter une cohérence géographique en transformant les monuments en jalons sur des chemins. C’était déformer la réalité, donc commettre une erreur.» (14) Et de conclure sur un ton de reproche à propos de sites tels Conques, Saintes ou le Puy : «Ils ont oublié qu’ils étaient autre chose que des points de passage.» (15) Sous entendu : des centres de pèlerinage qui drainaient des foules n’ayant aucun désir de poursuivre jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Inutile, ici, d’aller plus avant dans l’énoncé du réquisitoire. Mais alors, comment expliquer de telles dérives ? Pour nos auteurs, le classement initial du Camino Francès espagnol procèderait d’une décision de caractère politique en faveur de l’Espagne au moment où elle venait de rejoindre l’Union européenne. Par la suite, la demande française aurait répondu à un simple réflexe de patriotisme hexagonal : « de quoi aurions nous l’air, face à l’Espagne » … sous entendu : si nos propres chemins ne faisaient pas l’objet d’une reconnaissance identique.
Au passage, nos deux historiens pointent ce qu’ils pensent être les responsabilités des uns et des autres dans cette dérive : celle, en amont, de René de la Coste-Messelière, chartiste éminent et fort honorable, président de la Société des Amis de Saint-Jacques, disparu avant que soit prise la décision de l’UNESCO mais selon eux fourvoyé dans cette affirmation, sans fondement, qu’il aimait pourtant à reprendre: «Tout commence avec le Guide du pèlerin, tout y est». (16)
En cause également l’efflorescence d’associations jacquaires désireuses, chacune, de faire valider comme «chemin de Saint-Jacques» des tronçons de route dont l’attestation historique reste incertaine voire improbable. Enfin, le volontarisme intéressé d’un certain nombre d’élus, soucieux avant tout de faire profiter leur région d’un marketing touristisque qu’ils pressentaient prometteur.
Et Denise Pétricard-Méa et Louis Mollaret de conclure : «Nous sommes souvent accusés de briser les rêves en cherchant à ne pas confondre histoire et fictions. Mais à quoi correspond cette cartographie forcenée de chemins sans réalité historique ? Tout en reconnaissant que le pèlerinage à Compostelle n’est pas une fable, nous sommes tentés de penser que cette inscription des chemins de Compostelle s’apparente à la définition du code postal de la mère-grand du Petit chaperon rouge ou de la carte des itinéraires du Chat Botté.» (17) Voilà les thuriféraires des chemins dits «historiques» habillés pour l’hiver !
Et pourtant… et pourtant le succès est là, nous l’avons dit, incontestable… bien au-delà des seuls chemins de Saint-Jacques de Compostelle puisqu’aujourd’hui, le Mont Saint-Michel, les routes de Saint-Martin de Tour, le Tro Breiz (qui lie les 7 diocèses bretons) et les destinations plus lointaines d’Assise, Rome ou Jérusalem, mettent en marche des milliers de nouveaux pèlerins.
Ce simple constat nous oblige à nous interroger à un autre niveau. Comment expliquer que le «pèlerinage» hier connoté comme démarche ringarde et infantile soit à ce point devenu «tendance» ? J’ai moi-même été témoin, il y a peu, de l’enthousiasme d’un petit milieu parisien, sollicité jusqu’à saturation pour des soirées dans les lieux les plus branchés de la capitale, ou des voyages éclair, en jet privé, à l’autre bout de la planète… à la simple perspective de trois jours de marche sur les chemins de Saint-Jacques, un Laguiole au fond de la poche. Avec, il est vrai, étape du soir dans les meilleures auberges !
Mais trêve de plaisanterie. Si nos contemporains sont présents au rendez-vous, bien au-delà de toutes les stratégies marketing des hommes politiques, des professionnels du tourisme ou des autorités religieuses, c’est bien parce que cet «appel de la route» leur parle.
Comment s’en étonner ? Notre époque éprise de nature et de randonnée ressent très fortement les thèmes de l’écologie et de la défense de l’environnement. Partir sur les chemins de Compostelle c’est ressentir, dans son être, cette communion profonde et fusionnelle avec la nature. Dans un monde occidental marqué par une culture urbaine faite de bruit, de stress, de promiscuité, l’aventure de Compostelle offre la rupture désirée, l’expérience bénéfique du calme et du silence, l’apprivoisement de la solitude. A l’heure de la mondialisation, souvent perçue comme une menace, la redécouverte de nos terroirs et de leur patrimoine, au hasard du chemin, est une manière de se réapproprier une histoire, une identité, des racines, de se savoir de quelque part. Et par contraste, dans nos sociétés tout de même ultra sécurisées, prendre la route est une façon symbolique de se mettre en danger en osant l’aventure. Enfin, face au désir grandissant d’autonomie, d’épanouissement personnel, de quête de soi mais tout autant de rencontre, l’expérience pérégrinante offre une opportunité sans équivalent.
Et si, selon l’expression de nos voisins espagnols, les trois ennemis du pèlerin sont réellement : «ses pieds, les chiens et les curés», on peut comprendre l’attrait de nos contemporains pour une démarche qui, même empreinte de spiritualité ou de religiosité, peut se vivre sans tutelle ecclésiastique aucune, en pleine liberté. C’est d’ailleurs une tendance commune à tous les pèlerinages, du moins en Occident. Si Lourdes, pour s’en tenir à ce seul exemple, continue d’attirer bon an mal an quelque six millions de pèlerins, le nombre des «individuels», adeptes d’une forme de «tourisme spirituel», ne cesse de progresser au détriment des grands pèlerinages communautaires organisés par les diocèses ou les congrégations religieuses.
De ce point de vue, et sans jeu de mots, les chemins de Saint-Jacques, même dans leur partie française, ont quelque chose de l’auberge espagnole : chacun y apporte un peu : ce qu’il est, ce qu’il a… ce qu’est sa quête. C’est la raison de son succès et tout à la fois sa profonde ambiguïté. Selon les statistiques de la cathédrale de Compostelle, déjà citées, 42% des marcheurs qui viennent recevoir la Compostela déclineraient une motivation exclusivement religieuse. S’agissant d’un pèlerinage, cela pourra sembler bien peu. Mais est-on assuré qu’il en fut différemment au travers des siècles ?
Rompre avec ses habitudes, quitter les siens et prendre la route ne procède-t-il pas d’une anthropologie qui transcende les civilisations, les cultures et même les religions ? Au Japon, le pèlerinage des 88 temples de Shikoku dont l’origine remonte au VIIe siècle, connaît aujourd’hui un véritable renouveau. Sur un site internet lui faisant référence on peut lire : «La perte du sens de la vie, la montée du chômage, la disparition de repères familiaux poussent sur le chemin des japonais de tous âges. Des étrangers, mûs quelquefois par la simple curiosité ou l’exploit sportif se joignent à eux. De nos jours, moins de la moitié des pèlerins se déclarent bouddhistes. Ce regain de fréquentation peut être mis en parallèle avec le renouveau des Chemins de Compostelle en Europe.» (18)
Si, selon le précepte évangélique «on reconnaît un arbre à ses fruits», alors il faut avoir l’honnêteté, l’humilité de se garder de tout jugement sur les motivations de celles et eux qui un jour, décident de prendre la route. Certains peuvent être motivés par un deuil, un événement personnel, une blessure au plus profond de l’être. D’autres par le désir de se réconcilier avec eux-même, avec les autres, devenus frères de route, et peut être aussi avec ce Dieu qui leur reste à la fois infiniment présent et insaisissable. D’autres encore, comme Pons de l’Héras au Moyen Age, pour expier leurs péchés et faire pénitence. Les familiers des chemins de Compostelle vous diront avoir tout rencontré au fil des ans.
Mais leurs témoignages nous disent, avec une belle constance, que quelles que soient au départ leurs motivations, beaucoup en reviennent bouleversés, transformés. Gaële de La Brosse, écrivain et journaliste spécialiste des pèlerinages a coutume de dire qu’ils sont «Un chemin de mort et de renaissance.» (19) Et que ce n’est pas un hasard si, le pèlerin de Saint-Jacques ne termine pas sa route au tombeau de l’apôtre mais plus loin, au cap Finisterre, pointe de terre ultime face à l’immensité de l’océan où, symboliquement, il se dépouille du «vieil homme» pour revêtir «l’homme nouveau». Même tirées des évangiles, ce sont là des expressions qui rejoignent chacun dans son expérience et son humanité.
Il y a deux ans, pour un numéro hors série sur Compostelle du magazine Pèlerin (20) dont j’étais alors le directeur, la même Gaëlle de La Brosse avait rencontré trois marcheurs de Compostelle, un peu particuliers il est vrai, que l’on pourrait qualifier ici de «people» : Patrick Poivre d’Arvor, notre consœur Laurence Lacour ancienne journaliste radio et Bernard Ollivier, l’homme de la «route de la soie». J’aimerais clore mon propos sur leur témoignage.
Pendant huit étés consécutifs, l’ancien présentateur vedette du 20 h de TF1 a repris le chemin de Compostelle, jusqu’à son terme. Il confie : «Aujourd’hui je pense que le plus intéressant, dans la vie, c’est le Chemin, la quête. Une fois le but atteint, la magie s’évanouit. En marchant, je me suis recentré sur l’essentiel. J’aime rappeler la citation d’Edgar Morin qui résume cette métamorphose : «A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel.» Ce chemin m’a en quelque sorte déconditionné de l’urgence liée à l’actualité, dont j’étais comme drogué, depuis 35 ans. Ce chemin m’a entrainé si loin, en moi, qu’il me faut aujourd’hui le temps d’en revenir.»
Laurence Lacour est une journaliste à laquelle on doit le réquisitoire le plus courageux et le plus impitoyable sur le comportement des médias lors de l’affaire Grégory qu’elle avait couvert pour Europe 1. En quittant le Puy-en-Velay, un matin d’octobre 1998, elle portait en elle la triple souffrance de cette aventure journalistique traumatisante, d’un Paris-Dakar où elle avait assisté à la mort d’une fillette malienne écrasée par un concurrent trop pressé pour s’arrêter, enfin d’un avortement dont elle portait, dit-elle, le remord. De son propre aveu, il lui fallait se remettre debout, réapprendre à marcher. «En Lozère, raconte-t-elle, une paysanne claudiquante m’a offert son propre bâton en disant : «Ce n’est pas à vous que je le donne, c’est à Compostelle.» Elle en avait sûrement plus besoin que moi pour soutenir sa marche. En me transmettant ce témoin, elle m’invitait à me redresser, et m’indiquait la direction à suivre : chargée de porter ce flambeau jusqu’à Saint-Jacques, je devenais un maillon de la longue chaîne humaine pérégrinante.»
Le jour où Bernard Ollivier reçut, à 60 ans, une lettre de la Caisse nationale d’assurance vieillesse lui disant : «Le temps est venu de liquider votre retraite», le soupçon lui vint qu’on en voulait à sa vie et qu’il lui fallait s’échapper au plus vite. Le temps d’organiser une grande fête avec ses amis et il partait sur les chemins de Saint-Jacques. Occasion, dit-il, de revisiter, en marchant, son enfance pauvre, ses études perturbées par la guerre, un début de tuberculose mais également : sa réussite au concours d’entrée au Centre de formation des journalistes de Paris, sa carrière dans la presse, sa vie heureuse avec Danièle et la naissance de leurs deux enfants. Puis, en quelques semaines, le décès de sa mère, de sa femme et son licenciement. Un jour, à l’étape, il entend parler de deux jeunes délinquants qui le précèdent sur la route, accompagnés d’éducateurs d’une association Belge. Sommés de choisir entre l’incarcération et une marche vers Compostelle, les deux marginaux ont opté pour la route. Dans son esprit, un «plan de carrière» surgissait soudain pour ses années de retraite. Aujourd’hui avec l’aide d’une trentaine de bénévoles, il permet chaque année à une vingtaine de jeunes en rupture de ban social de se réinsérer, au terme d’une marche qui les fait entrer en eux-mêmes. A l’heure d’un premier bilan il confiait à notre journaliste : «Je mûris un projet qui vise à instaurer des passerelles de fraternité entre les générations. A 60 ans, sur la route de Compostelle, j’ai découvert de nouveaux horizons. Je ne suis pas prêt de m’arrêter en si bon chemin.»
A titre personnel, je ne puis oublier que je suis parrain de confirmation d’un grand gaillard prénommé Olivier, parti un jour depuis le Puy-en-Velay, sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle et baptisé voici deux ans à Sylvanès au cours de la veillée pascale.
Mesdames, messieurs, chers amis.
J’ignore si, au terme de cette conférence, je vous ai apporté un éclairage convaincant sur les raisons de ce renouveau des routes de pèlerinage. La question, longuement évoquée devant vous, de l’historicité des chemins de Saint-Jacques tels que présentés désormais dans nombre d’ouvrages, n’est pas déterminante. Dans leur essai critique, Denise Péricard-Méa et Louis Mollaret écrivent d’ailleurs à propos des 71 monuments retenus par l’UNESCO : «Certains lieux ont un lien avec Compostelle, d’autres sont des témoins de dévotions locales à Saint-Jacques, d’autres enfin sont de simples sanctuaires locaux ayant mené leur vie propre. Chacun représentant des milliers de sanctuaires semblables, disséminés dans l’Europe médiévale, qui ont contribué aux rencontres et aux mixages des différents peuples dans l’expression d’une foi commune. Compostelle a sa place dans ce grand mouvement. Il est juste d’en avoir fait un phare. Il est malheureux que ce symbole ait fini par lui donner une sorte de monopole.» Et les auteurs de poursuivre : «Ce sont bien les sanctuaires de pèlerinage et tous les chemins y conduisant qui sont le vrai patrimoine de l’humanité.» (21) Or, nous l’avons vu, ce sont bien l’ensemble des sanctuaires de pèlerinage et des chemins qui y conduisent, qui drainent des foules nouvelles.
Etant moi même catholique, je partage l’interrogation de Benoît XVI, et avant lui de Jean-Paul II et Paul VI sur la crise du catholicisme dans nos pays de vieille chrétienté. Je partage leur interrogation, pas leur angoisse. Mais je ne suis pas pape ! Je me garderai bien d’interpréter le nomadisme moderne sur les chemins de pèlerinage comme le signe avant coureur d’un quelconque retour au bercail, dans le giron de l’Eglise catholique, de brebis égarées par les maîtres du soupçon ou les délices de la société de consommation. Le «retour du religieux» n’est pas sans ambiguïté. Mais j’aime à penser que pour l’homme, la femme, chercheurs de sens, qui acceptent de se laisser déposséder d’eux-même par l’épreuve physique et spirituelle de la marche, les chemins de pèlerinage peuvent être chemin de vie, de rencontre, de retournement intérieur, d’humanité et finalement d’amour. Et pour ma part je me satisfais volontiers, pour ma part, par delà la diversité des appartenances philosophiques, spirituelles ou religieuses des uns et des autres, de l’affirmation prophétique de Saint-Jean dans sa première épitre : «Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu». (22)
Je vous remercie.
- Alix de Saint-André, En avant, toutes, Gallimard.
- Enprunté au hors-série de Pèlerin : Compostelle, l’appel du chemin.
- Le guide du pèlerin de Saint-Jacques, traduction de Jeanne Vielliard, Editions Vrin, 1997, 15€
- Jean-Paul II, textes du voyage en France, Centurion 1980, p.142
- La documentation catholique
- Société française des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle, 8, rue des Canettes, BP 14, 75261 Paris Cedex 06. www.composetlle.asso.fr
- Fédération française de la randonnée pédestre, 64 rue du Dessous des Berges 75013 Paris. www.ffrandonnee.fr
- Institut européen des itinéraires culturels, www.culture-routes.lu
- Lire à ce propos Le rêve de Compostelle, Collectif, ed du Centurion 1989, 370 p.
- Denise Péricard-Méa et Louis Mollaret, Chemins de Compostelle et Patrimoine mondial, ed. La Louve, 2010, Cahors, 360 p.
- ibid p.52
- ibid p.57
- ibid p.327
- ibid p.328
- ibid p.319
- ibid p.19
- ibid p.316
- http://nezumi.dumousseau.free.fr
- Famille Chrétienne, n°1687 p. 52
- déjà cité
- ibid p.329
- 1, Jean, 4 – 7
bonjour, passionné par la sauvegarde des vieux chemins, j ai remarquer des croix gravées dans la roche sur le trés vieux chemin de TREBAS les Bain à Lacaune . Avez vous des infos sur la possibilité d’un ancien itinéraire de pèlerinage dans le secteur de TREBAS MERCI
Je n’ai pas connaissance d’un chemin de pèlerinage sur Trébas et la présence de croix n’est pas forcément en lien avec le christianisme. Les signes cruciformes peuvent tout simplement être des représentations humaines (anthropomorphes) très schématiques… dixit mon frère, Jean Poujol, que je cite ici.
Merci beaucoup pour la réponse. Je connais trés bien le travail remarquable de votre frére sur les croix du sud-Aveyron. En 1981 j’ai été le premier employé de la FISP (sentiers de Pays)
Les années n’ont pas affecté ma passion pour la sauvegarde des trés vieux chemins.Sur un vieux croquis qui illustre un document de ces années-là, basé sur les traveaux de JEAN DELMAS directeur des archives de l’AVEYRON à l’époque on pouvais voir un tracé qui venant du SUD, traversait le Tarn peu en aval de la riviére LE RANCE.
Les deux croix gravées à même la roches ( avec un socle à leur base )
se trouvent à la verticale du lieux dit « le port » face à TREBAS. A 500m de là, dans la petite Vallée formée par le ruisseau de Badaillac, j’ai découvert un petit cumulus naturel avec à son sommet un grosse pierre plate (calée et orienté est-ouest).
J’ai perdu le contact avec votre frère, vous pouvez lui faire suivre mes modestes observations. Respectueuses salutations .