Le dernier ouvrage de Frédéric Lenoir confirme le talent de l’auteur pour la « grande vulgarisation » en matière d’histoire des religions. Et il faut bien admettre que les questions qu’il soulève, avec honnêteté, rejoignent les interrogations contemporaines de nombre de catholiques.
Comment Jésus est devenu Dieu, le titre est volontairement provocateur. Il suffit de surfer sur le net pour lire, ici et là, la réplique : « Jésus n’avait pas à devenir Dieu puisqu’il l’est de toute éternité ! » Certes, mais c’est là réponse de croyant qui, par nature, ne peut avoir de portée universelle auprès d’hommes et de femmes qui ne partagent pas la foi chrétienne.
Difficile d’interdire à un historien de revisiter les premiers siècles de l’histoire du christianisme et la manière dont l’Eglise a « fixé » ses dogmes, notamment au travers des quatre premiers conciles œcuméniques : Nicée (325), Constantinople (381), Ephèse (431) et Chalcédoine (451). (Jeune fille, ma mère avait appris, en cours de catéchisme, la liste de ces conciles selon une méthode mnémotechnique qui me revient à l’esprit : Ni-co-e-cal-co-co-ni-co-la-la-la… ) Et la « méthode » Lenoir vaut mieux que ces réactions épidermiques et effarouchées, venant de lecteurs revendiquant leur propre appartenance au christianisme.
Frédéric Lenoir interroge, fort pertinemment, dans les dernières pages de son livre (p.304) : « Qu’en est-il de la foi des apôtres et des premiers témoins de la vie de Jésus qui ont « cru » en Lui bien avant que ne soit conçue la théologie trinitaire, et même celle de l’incarnation ? Il paraît absurde d’affirmer que Pierre, Marie de Magdala, Marc ou Paul n’avaient pas une foi authentique ou même qu’ils auraient eu une foi incomplète dans la mesure où ils n’avaient encore aucune idée d’un Dieu en trois personnes et d’un Christ en deux natures. »
Or rappelle l’auteur, la foi des apôtres, telle que rapportée dans les Evangiles et les Actes, peut s’articuler autour de deux idées centrales : Jésus entretenait avec Dieu un rapport particulier qui fait de lui l’unique médiateur entre Dieu et les hommes ; Jésus est mort et ressuscité. Rien, à ce stade, analyse Frédéric Lenoir, qui affirme que Jésus est Dieu. A cela, on pourrait tout de même objecter quelques arguments, qui figurent d’ailleurs dans le livre. Pour les apôtres comme pour le centurion romain, il ne fait déjà aucun doute que « Jésus était le fils de Dieu » (Mat. 14,33 et Mat. 27,54) mais, de fait, affirmer la filiation n’est pas affirmer la nature divine. Pour autant on ne peut ignorer ni le Prologue de l’évangile de Jean « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu (…) Et le Verbe s’est fait chair… » (Jn. 1,1 et 1,14) ; ni, dans le même évangile, cette affirmation du Christ à ses disciples : « Avant qu’Abraham existât, Je suis »(Jn. 8,58). On peut, comme le fait l’auteur, souligner la rédaction « tardive » de ce quatrième évangile (fin du Ie siècle). Peu importe : cela signifie malgré tout que dès le IIe siècle et donc bien avant la convocation des premiers conciles dits œcuméniques qui allaient, non sans mal, fixer le dogme, « l’intuition » des premières communautés chrétiennes allait bien au-delà de la seule filiation divine de Jésus.
L’essentiel du livre est consacré à la relation de ces conciles successifs et à l’explicitation des querelles théologiques qu’il s’agissait, à chaque fois, de trancher. Le grand mérite de Frédéric Lenoir est, une fois encore, de nous rendre accessibles et passionnants des épisodes de l’histoire de l’Eglise que bien peu de croyants auraient le courage d’aller lire dans des ouvrages savants. Sa thèse – car thèse il y a – est que la formation du dogme catholique, au cours de ces cinq premiers siècles, a plus tenu à la volonté politique des empereurs d’assumer l’unité de l’empire en réduisant les querelles religieuses, que d’une préoccupation essentiellement théologique. Avec les conséquences que l’on devine : stigmatisation des déviants considérés comme hérétiques, anathèmes, exclusions, violences… Avec cette idée, parfaitement explicitée, que sans la convocation quelque peu forcée de ces conciles le christianisme aurait fort bien pu évoluer vers une forme de pluralisme théologique parfaitement acceptable.
Mais là encore, Frédéric Lenoir introduit, dans son récit, des contre-arguments. Lorsqu’il souligne, par exemple, les désordres et violences que ces querelles théologiques non-tranchées nourrissaient entre communautés. Sans doute n’a-t-il pas tort lorsqu’il écrit : « La théologie trinitaire m’apparaît comme une passionnante tentative d’explication rationnelle du mystère du Christ (…) comme une vaine tentative de rationaliser l’impensable, de dire l’indicible. » (p.308) Mais précisément, si nul ne songe à mettre en cause la foi de Pierre ou de Paul, même s’ils étaient bien incapables de théoriser la Trinité ou l’incarnation, comment imaginer qu’à l’épreuve du temps, le christianisme ait pu faire l’économie de chercher, à travers les Pères de l’Eglise, à structurer intellectuellement ce que j’ai appelé plus haut « l’intuition » des disciples : à savoir la nature « malgré tout » divine du Christ. On trouve là, chez l’auteur, le même échappatoire facile que dans son précédent ouvrage Le Christ philosophe, où il tentait de démontrer que sans les pesanteurs centralisatrices de l’institution cléricale, coulée dans le moule impérial romain, le message Evangélique nous serait parvenu dans sa pureté originelle. Pas si facile de re-écrire l’histoire. Soyons plus explicite : si les empereurs n’avaient pas pris l’initiative de convoquer les conciles, pour des motifs qui avaient certes une dimension politique, l’Eglise aurait-elle pu faire l’économie de cette « passionnante tentative d’explication rationnelle du mystère du Christ » ?
Il y aurait encore beaucoup à dire mais ce blog ne peut être le lieu de trop longs développements. Reste une ultime question, à mes yeux essentielle : comment la communauté catholique peut-elle « recevoir » un tel livre ? La tentation pourrait être forte de réfuter l’ouvrage, ne fut-ce que pour son titre, au motif que, pour les catholiques, ce n’est pas Jésus qui est devenu Dieu mais Dieu qui s’est incarné en Jésus. Sauf que Frédéric Lenoir a raison d’observer que pour nombre de contemporains, fussent-ils catholiques, le dogme n’est certes pas ouvertement remis en question mais n’est compris par personne. Ce que confirme nombre de sondages. Il ajoute : « L’individualisation et le développement de l’esprit critique transforment en profondeur la foi des fidèles. L’expression d’une foi unanime sur tous les points du dogme est devenue impossible. » Puis il formule ce constat, un rien provoquant : « on retrouve dans les réponses contemporaines à la question « qui est Jésus ? » nombre d’hérésies des premiers siècles. » C’est rendre publique cette évidence que nombre d’hommes et de femmes qui « croient en Jésus » se sentent aujourd’hui incapables, en leur for intérieur, de trancher la question de savoir si en Jésus c’est Dieu qui s’est fait homme, ou l’homme qui s’est fait Dieu… ce qui fut pourtant tranché au Concile de Nicée.
La lecture de Frédéric Lenoir est-elle de nature à ébranler la foi de certains catholiques ? La question n’est pas vaine. Trouver ainsi clairement formulées dans un livre accessible et honnête, des objections que chaque croyant porte peu ou prou en lui, à un moment ou à un autre de son histoire personnelle, ne peut être sans conséquence… lorsqu’il a le sentiment qu’en face, le Magistère se contente de lui opposer en bloc « la foi de l’Eglise » comme existant de toute éternité, alors que l’ouvrage en décrit, précisément, la longue et lente maturation. Avec, pour les plus « ouverts » de nos pasteurs, une position sans doute fort proche de ce que l’on trouvait déjà formulé, en 438, dans le « Code théodosien » : chacun reste libre de ses croyances, dès lors qu’il s’abstient d’en faire état publiquement. Mais est-ce encore possible ?
Que conclure ? D’abord que co-existent, aujourd’hui, sur notre terre, des « héritiers » de ces différentes querelles (Coptes, Orthodoxes, catholiques orientaux…) et que ce n’est pas rien que de croire avec eux à la divinité du Christ et à sa résurrection, même si nous ne sommes pas en « pleine communion » sur tel ou tel point du dogme tel le fioloque* Un certain christianisme « pluriel », jadis impossible, est-il aujourd’hui devenu imaginable ? Dans son livre, Frédéric Lenoir rapporte ce commentaire de l’assemblée tenue en 357, à Sirmium, par nombre d’évêques occidentaux, à propos de la « substance » de Jésus et de ses équivalents grecs et latins : « Il ne faut plus qu’on en fasse mention ni qu’on les expose, parce qu’il n’y a rien d’écrit à leur sujet dans les diverses Ecritures et parce que cela dépasse la connaissance et l’intelligence de l’homme et que personne ne peut raconter la naissance du Fils. » (p.241) Il n’est pas exclu que ce qu’Hilaire de Poitiers appelait « le blasphème de Sirmium » ne soit en profonde résonance avec la pensée contemporaine. A tout vouloir figer en dogme, ne crée-t-on pas, à chaque fois, des divisions que l’on pourrait s’épargner ? On m’objectera que seule compte la quête de « La Vérité » ! Certes…
* La question étant de savoir si l’Esprit procède du Père seul ou du Père et du Fils (filioque) ce que réfutent les orthodoxes et qui est à l’origine du schisme de 1054.
Fréderic LENOIR, Comment Jésus est devenu Dieu, Fayard, 330p.; 19,90€.
Je suis en train de lire cet ouvrage de Frédéric Lenoir. Il est pour moi d’une aide précieuse, n’étant pas exégète, quant à la compréhension du lent cheminement de Concile en Concile pour tenter d’unifier le christianisme.
Je vous avoue que ce travail d’historien scrupuleux et bien documenté peut poser question aux chrétiens catholiques qui cherchent une lecture de l’Evangile et des Ecritures un peu plus ouverte sur les réalités d’aujourd’hui.
Pourtant, au fur et à mesure des pages, je partage votre conclusion, n’y a t il pas place pour une communauté « plurielle » reliée par la Foi en
suite..
En la Divinité du Christ et sa Résurrection ? Bien au contraire, me semble-t-il, les différentes branches, surgissant du même Tronc, dans un partage ouvert, pourraient donner une lecture plus accessible à chacun car l’acte de Foi, après tout, n’est il pas une relation personnelle entre Dieu Père et Fils Homme à notre image et chacun de nous ?
Je n’ai pas lu le livre de F. Lenoir. Mais des textes cités plus haut , se dégage une absence étonnante : celle de Paul. Je me limite à citer la lettre aux Philippiens, écrite au plus tard en 63 selon les spécialistes :
« Jésus Christ qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père. »(Ph. 2, 5-11)
Jésus est bien déjà pour Paul et ses interlocuteurs « de condition divine » et « Seigneur ». Il s’est bien « dépouillé » pour être semblables aux hommes et donc,c’est dire encore qu’il est Dieu. On peut continuer avec plusieurs autres lettres de Paul si l’on veut et ainsi (re)trouver le cœur de la foi.
Que tous les baptisés de l’époque n’aient pas compris tout de suite que Jésus est Dieu est bien possible. Que tous ceux qui se disent chrétiens ne le comprennent pas aujourd’hui est aussi compréhensible que regrettable : * après l’indigence intellectuelle de la formation par « catéchisme par questions et réponses », que je crois responsable de la déchristianisation sensible depuis le XIX° siècle (c’est à dire depuis que l’illettrisme a reculé significativement) et
* après la période de flottement inévitable qui a suivi son abandon dans les années 1960, il reste à faire coté catholique pour faire reconnaître Jésus comme Dieu, Fils du Père. Et je pense que les mêmes problèmes se posent coté protestant ou orthodoxe.
Je reconnais le challenge intellectuel que former les chrétiens représente, et constate que cela ne se fera qu’en se nourrissant soi-même et en nourrissant nos frères avec la Parole de Dieu, et en faisant plus ample connaissance avec les textes qui ont balisé le chemin de la foi : premiers conciles, Pères de l’Église…
Que certaines balises aient été plantées suite à des initiatives du pouvoir de l’époque a été payé plus tard par la collusion entre pouvoir politique et Églises. Ce n’est pas fini dans certains pays où nos frères orthodoxes peinent à se libérer de l’état, et dans certains pays « concordataires » où la liberté de parole de l’Église catholique est limitée… pour ne pas dire plus.
Ceci est également payé par une culture de l’exclusion qui repose souvent sur la quête impossible d’une Église de « purs », tristement illustrée au XX° siècle encore par le « Saint Office » du cardinal Ottaviani qui a condamné au silence des théologiens brillants (du Lubac, etc…) qui posaient des questions qui lui déplaisaient. Oui, il faut admettre que tous ne pensent pas de la même façon, ce qui est déjà le cas dans le monde réel. Encore faut il que le réel soit regardé comme l’ aujourd’hui de Dieu et pas comme une entité satanique imperméable à l’Évangile.
Cependant, je vois aussi qu’il y a une limite à trouver. Il faut croire ensemble et donc pouvoir partager l’essentiel. Faute d’avoir un essentiel en commun, la communion anglicane est en bien triste état. Sans savoir ce qui constitue cet essentiel, nous nous trouvons avec une quantité de textes décourageante pour la plupart des gens. Ces épais documents sont écrits avec des précisions qui plaisent aux spécialistes, mais qui passent au dessus de la tête des chrétiens ordinaires, car ces textes sont écrits dans une langue qui leur échappe totalement à cause, par exemple, de la recopie de mots du latin en français. Et si des précisions déplaisent à un spécialiste c’est l’occasion pour lui de créer un document supplémentaire tout aussi inutilisable…
Alors, courage ! et essayons de dire notre foi dans une langue compréhensible aux gens d’aujourd’hui. Si vous aimez, comme moi, certains textes anciens, gardons les précieusement pour notre compréhension personnelle, ou pour en discuter avec des spécialistes ou nos maîtres, mais n’en faisons pas des idoles : « C’est Moi, le Seigneur ton Dieu qui t’as fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude… Tu ne te feras pas d’idoles » (Ex 20 // Dt 5).
Salut et Paix
(heureuse que vous m’ayez relancée, car je vous avais cherché, mais pas si loin…)
J’utilise souvent le terme « Dieu le Fils » au lieu de Fils de Dieu car dans le Premier testament fils de Dieu a une signification différente.
Le problème de l’Eglise occidentale est qu’elle a refusé toute approche de Dieu qui ne soit pas intellectuelle, et s’est appuyée seulement sur les pensées philosophiques du temps (et chaque empire avec ses philosophes) et a refusé l’approche de Dieu qui est mystique, càd par communication de l’Esprit Saint. Les eglises orthodoxes ont travaillé avec les deux sources, mais elles sont restées au niveau local!
Je m’efforce de ne pas me faire contaminer par le langage « ecclésiastique » qui se nourrit maintenant du langage des psy, ce qui déroute encore plus! J’ai la chance de ne pas être intellectuelle, mais matheuse; c’est peut-être pour cela que Dieu m’a donné d’être mystique: pour parler de ce que je sais par Lui avec des mots de tous les jours. Jésus a parlé avec des mots de son village! Un témoignage simple et direct, de mon vivant si possible(!) peut apporter beaucoup, j’en ai eu la preuve. Par exemple faire toucher la divinité de Jésus, par la vie que j’ai avec Lui. Car cela montre que, si nous ne connaissons pas complètement notre conjoint, il est normal que nous ne puissions pas saisir, même dans les Evangiles, la réalité concrète de Jésus, Dieu le Fils!
Ma prière vous accompagne
Il me semble justement que le livre de Benoit XVI sur Jesus a pour objectif de ne pas opposer en bloc la foi de l’Eglise à cette affirmation, mais d’expliquer comment à partir des écritures on peut arriver à la conclusion que Jesus est Dieu. A propos, de la relation entre volonté des empereurs d’unifier l’empire et explication rationnelle de la foi trinitaire, Lenoir semble oublier que l’arianisme permettait de justifier la théologie politique de l’empire (un Dieu, un Empereur) alors que la théologie trinitaire la battait justement en brèche. Enfin, dernière chose, il est assez significatif que durant cette période, chaque fois que les empereurs se sont mêlés de théologie, ils se sont presque systematiquement trouvé du côté de « l’hérésie », leur position théologique se trouvant finalement presque toujours condamnée.
Bonjour enfin!
oui j’ai lu ce livre 2 fois…
j’aurai du en discuter avec un groupe de chrétiens si des soucis familiaux ne m’en avaient empêchée.
j’en retiens la présence constante de groupes de pression politiques ou autres sur l’institution, qui perdure aujourd’hui…..excommunications, pouvoir, peurs…..
la Foi des Apôtres qui dit l’essentiel:
cette relation unique au Père
la mort et la résurrection
les mots de Jean:
Dieu, nul ne l’a jamais vu.Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître.
on est toujours sur cette crête difficile: tenir ensemble en Jésus-Christ le Dieu et l’humain.
maintenant en rendre compte par des mots c’est emprisonner la Vérité…..
« la Vérité ne peut être figée »….
Elle est chemin ….
cela nous permet peut-être d’être humbles devant cela et ouverts à tous non dans une confusion sans intérêt mais dans une recherche et une prière ensemble.
Dieu écrit droit avec des lignes courbes…
depuis Babel , Dieu a bien dit qu’il combattait le langage unique…
N’y a t-il pas plusieurs bergeries???
nous ne sommes pas des clones….!!!
et les plus raides oublient que l’Amour passe avant la Foi….
quand le monde comprendra cela ….peut-être que le règne de Dieu viendra réellement.
en attendant aidons notre Eglise à ne pas avoir peur d’avancer
« Lorsque les hommes eurent commencé à se multiplier sur la face de la terre, et que des filles leur furent nées, les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent. »
(Genèse 6.1,2.)
« Ainsi parle maintenant l’Eternel, qui t’a créé, ô Jacob !
Celui qui t’a formé, ô Israël ! …
Car je suis l’Eternel, ton Dieu,
Le saint d’Israël, ton sauveur…
Ne crains rien car je suis avec toi …
Fais venir mes fils des pays lointains,
Et mes filles de l’extrémité de la terre,
Tous ceux qui s’appellent de mon nom,
Et que j’ai créé pour ma gloire,
Que j’ai formé et que j’ai fait. »
(Esaïe 43. 1,7)
« Vous êtes les enfants de l’Eternel, votre Dieu. »
(Deutéronome 14. 1)
« Tu diras à Pharaon : Israël est mon fils, mon premier né. Je te dis : Laisse aller mon fils pour qu’il me serve… »
(Exode 4. 22, 23)
Qui sont les fils et les filles de Dieu ?
Jésus était juif. Sans doute d’une intelligence exceptionnelle, il était savant de son histoire et de l’histoire de son peuple : la Torah.
« Les parents de Jésus allaient chaque année à Jérusalem, à la fête de Pâques.
Lorsqu’il fut âgé de douze ans, ils y montèrent, selon la coutume de la fête. Puis, quand les jours furent écoulés, et qu’ils s’en retournèrent, l’enfant Jésus resta à Jérusalem. Son père et sa mère ne s’en aperçurent pas. Croyant qu’il était avec leurs compagnons de voyage, ils firent une journée de chemin, et le cherchèrent parmi leurs parents et leurs connaissances. Mais, ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem pour le chercher. Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutants et les interrogeant. Tous ceux qui l’entendaient étaient frappés de son intelligence et de ses réponses. »
(Luc 2. 41, 48).
Jésus était juif. Jamais je n’ai lu qu’il eut renié cette appartenance.
« Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude.
Tu n’auras pas d’autre Dieu devant ma face. »
(Exode 20. 1,3).
Je ne peux penser que Jésus ait jamais pu imaginer pouvoir s’attribuer une place qui n’était pas la sienne.
Qu’est-ce que tout cela prouve ?
Pardon de ne répondre que tardivement aux commentaires déposés sur cet article. Mais j’étais « absent », occupé à la préparation d’un prochain livre. Je voudrais répondre ici, prioritairement, à P. Juvenel. Je ne sais où il trouve, dans mon propos, des ambigüités.
Dans le premier article, consacré au livre de Frédéric Lenoir, j’objecte deux choses à l’auteur, qui sont au centre de sa thèse. A FL, qui trouve « difficile » de passer de la filiation divine de Jésus à sa divinité pure et simple, je rappelle le prologue de Jean, très explicite et j’écris : « l’intuition des premières communautés chrétiennes allait bien au-delà de la seule filiation divine de Jésus ». Rien d’ambigu ! Seconde objection, lorsque FL sous-entend que le dogme a été « téléguidé » par les empereurs je réponds : « si les empereurs n’avaient pas pris l’initiative de convoquer les conciles, l’Eglise aurait-elle pu faire l’économie de cette « passionnante tentative d’explication rationnelle du mystère du Christ ? » Où est l’ambigüité ? Lorsqu’en conclusion je constate qu’il existe, en effet, aujourd’hui des divergences théologiques entre Eglises chrétiennes et que j’écris : « ce n’est pas rien de croire avec eux à la divinité du Christ et à sa résurrection. » où-est l’ambigüité ? Apparemment ce qui chagrine mon interlocuteur est le fait de partager le constat de FL sur la difficulté de nos contemporains à comprendre le dogme. Rien de plus ! Ce n’est tout de même pas un péché contre l’Esprit.
La suite de la « contestation » formulée par P. Juvenel concerne le second article où j’explicite la réponse de Bernard Sesboüé au livre de FL. C’est moi qui, ici, pourrait parler d’ambigüité dans les arguments. Car ce que semble me reprocher personnellement et le plus vivement P. Juvenel n’est pas ma pensée propre mais celle de Bernard Sesboüé.
Et là notre désaccord est effectivement total. Mon interlocuteur conteste en effet l’idée qu’il faille traduire la foi catholique dans un langage compréhensible par nos contemporain. Or, précisément, tout le propos de Bernard Sesboué, dans son ouvrage, est de montrer comment la formulation des dogmes, intervenue aux premiers siècles, a eu pour objectif de passer d’un langage initial à dominante sémitique, à un langage héllénistique correspondant aux premières communautés pagano-chrétiennes. Plus même, dans le même article de mon blog, je cite le texte de Paul VI repris par Benoît XVI dans son motu proprio, soulignant que toute action évangélisatrice devait « chercher constamment les moyens ET LE LANGAGE adéquats pour proposer ou reproposer la révélation de Dieu et la foi en Jésus-Christ ». Ce n’est donc pas moi qui parle de langage à adapter… mais nos papes !
Et la pirouette finale sur la « révélation divine » n’est guère plus convaincante. Si la révélation avait été aussi claire et explicite que semble le penser mon interlocuteur, l’Eglise aurait pu faire l’économie des conciles qui ont eu pour objet de fixer le dogme. Tant il est vrai que si la révélation est définitivement close, nous n’en aurons jamais fini d’approfondir l’intelligence de la foi.