Dieu me pardonne, je ne suis pas allé à Rome pour la double canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II. Et, je l’avoue humblement, je ne suis pas parvenu à m’intéresser vraiment à l’événement.
Si j’ai différé ce court article, c’est pour ne pas venir assombrir la joie, après tout légitime, de ceux qui se félicitent de voir l’Eglise porter le pape Jean-Paul II sur les autels. Car l’événement initial est bien là : répondre au «santo subito» qui, lors des obsèques du pape polonais, avait jailli de la foule. On sait combien cette spontanéité était, en fait, parfaitement orchestrée par le mouvement des Focolari. Mais on doit à la vérité que beaucoup, dans la foule, se reconnaissaient dans cette expression de la vox populi.
Je n’appartiens pas à la génération Jean-Paul II. Mais je respecte infiniment que de jeunes catholiques aient pu trouver le courage et la joie de croire au travers de ce pontificat et de ce pape d’exception. J’ai eu 20 ans en 1968, sous le pontificat de Paul VI qui, pour moi, fut un grand pape, même si personne ne sera surpris que je lui sois plus reconnaissant de Populorum progressio et de sa Lettre au cardinal Roy que d’Humanae Vitae. Il succédait au «bon pape Jean» pour lequel l’adolescent que j’étais en 1962, éprouvait une infinie tendresse et la reconnaissance de voir ce vieux «grand-père» oser l’ouverture de l’Eglise catholique sur le monde.
Mais cette obsession à vouloir «faire des saints» m’est étrangère. Je la trouve ambigüe, dangereuse même pour le service de la vérité. Allez donc émettre désormais la moindre réserve sur les silences de Jean-Paul II à propos de la pédophilie dans l’Eglise ou de son soutien au fondateur des Légionnaires du Christ, et l’on vous enverra au visage que tout cela est mensonger puisque l’Eglise a reconnu sa sainteté. Un peu de patience eut permis de purifier la mémoire, d’apaiser les passions. Nul n’en veut aujourd’hui à François d’Assise ou à Augustin d’avoir eu des vies « trop humaines » avant de s’en remettre à l’amour de Dieu. Il fut un temps où l’Eglise croyait à la sagesse… du temps !
Et vouloir, du coup, associer le «bon pape Jean» aux réjouissances romaines, en un savant équilibrage autour du «vrai sens» à donner à Vatican II, tient plus du compromis politicien que de l’hommage sincère au serviteur de l’Evangile. Que de paroles « verbales » entendues depuis quarante-huit heures pour tenter de nous expliquer… l’inexplicable !
Dimanche, dans ma paroisse, les paroles du Gloria ont longuement résonné en moi : «Car Toi seul es saint, Toi seul es Seigneur…» Oui, Dieu seul est saint. Et me revenait simultanément en mémoire la dernière phrase du livre qu’avec Jean-Marie Viennet nous venons de consacrer au fondateur des Communautés Emmaüs (1) : «Nous ignorons si l’Eglise reconnaîtra un jour les miracles qui diraient la sainteté de l’abbé Pierre. Mais nous savons que la vie de l’abbé Pierre est en soi un miracle, perçu par des millions d’hommes et de femmes comme preuve de la sainteté de Dieu.»
Avec mes amis, de retour de Rome, je souhaite pouvoir partager, derrière la diversité des visages d’Eglise – canonisés ou non – auxquels les uns et les autres sommes légitimement attachés, une même foi en l’unique sainteté de Dieu.
(1) Jean-Marie Viennet & René Poujol : Le secret spirituel de l’abbé Pierre, Ed. Salvator.
On peut également relire l’article publié dans ce blogue lors de la béatification de Jean-Paul II.
Bien d’accord avec toi, mon cher René. Ma modeste contribution sur ce sujet rejoint la tienne.
http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2014/04/26/francois-fait-coup-double-11672.html
Je me sens en phase avec cette position.
J’ajouterai que nous sommes tous saints, comme le dit l’apôtre Paul, non du fait de nos actes mais parce que Dieu nous sanctifie. Nous sommes tous appelés à être saints dans l’état où nous sommes les papes comme les autres. Vouloir canoniser tous les papes récents (sauf PIE XI, pourquoi donc?) me semble une vision qui frise la papôlatrie , qui ne s’est hélas que trop répandue avec JP II.
J’aurai quand même aimé en son temps comme le réclamaient les pères du Concile Vatican II que Jean XXIII soit reconnu saint à main levée (‘sancto subito’!), cela aurait eu un sens car ce pape était aimé du monde, car malgré tous ces défauts, il avait fait preuve d’humanité, les peuples l’avait aimé. Je me souviens de sa mort, je faisais mon service militaire…l’annonce de sa mort a laissé s’instaurer un silence pesant.
Quand à JP II, je suis bien d’accord sur ce que dit René. D’ailleurs ceux qui le soutiennent et qui ont hué le premier ministre me semblent dans un état d’esprit bien regrettable. Ou l’on regrette que les hommes politiques quels qu’ils soient participent à ces évènements à titre officiel, ou l’on est fier que la France soit présente par ses représentants. Il est vrai que l’on retrouve là des relents de LMPT…
J’ajouterai un commentaire théologique. La bonne théologie classique disait que l’Eglise en canonisant permettait à ceux que le souhaitaient d’honorer ainsi la mémoire de tels ou tels personnages. Maintenant (et même la formule a été changé) c’est devenu presque un dogme de foi défini: ceux qui sont déclarés saints sont saints! D’ailleurs les journaux titraient ‘aujourd’hui sont devenus saints’, les clefs de St Pierre ont ouvert les cieux, c’est pousser un peu loin l’infaillibilité pontificale!
en accord profond avec votre article de sagesse
la Sainteté est de Dieu
les hommes ont besoin de héros , la jeunesse aussi ………
attention quand l’œil s’ouvre au réel et que les héros descendent de leurs trônes cela peut faire très mal
Billet intéressant car il pose finalement cette question » qu’est-ce que la sainteté ? « . Question à laquelle je me garderais d’essayer de répondre, ne me sentant pas suffisamment outillé pour cela. Cependant, concernant cette double canonisation, qui personnellement m’a profondément interpellé, voici quelques remarques.
Première remarque, je trouve pour ma part intéressant d’avoir associer J XXIII et JPII pour plusieurs raisons. D’abord, pour montrer la diversité des réponses à l’amour de Dieu, la diversité des manières de vivre le ministère ( le service ) pétrinien. Ensuite, parce que dans une canonisation il y a toujours ce risque d’oublier que toute sainteté vient de Dieu. Quand on canonise un saint tout seul, on risque d’en faire un « héros de l’Eglise », c’est à dire quelqu’un qui par ses (seuls) mérites a exercer une vie exemplaire… En revanche, quand on canonise un groupe, ou plusieurs figures en même temps, je trouve que l’on recentre le message sur la grâce divine qui s’exprime de façon aussi diverse que féconde, dans des vies aussi diverses que fécondes. Et là, on a plus à faire à des héros, mais bien à des saints, c’est à dire avant tout des « accueillants de la grâce divine ». C’était je crois d’autant plus significatif, en célébrant cela le jour de la fête de la divine miséricorde, expression que je comprends comme la grâce viscérale de Dieu envers l’homme.
Seconde remarque, je trouve en revanche un peu dommage de canoniser des » Saint Jean XXIII » et « Saint Jean-Paul II » et non pas des « Saint Angelo » et « Saint Karol ». En effet, cela me semblerait moins médiatique mais plus conforme à la vérité, sauf à croire que c’est seulement leur pontificat que l’on canonise… Et cela pour le coup me dérangerait ! Non pas que je juge leurs pontificats respectifs indigne d’éloges, mais parce que ce qui est saint, ce ne sont pas les actes, les oeuvres, les faits accomplis, mais bien les hommes qui se rendent disponible pour accueillir la sainteté de Dieu dans leur vie. La portée politique et auto-justificatrice de la canonisation d’un pontificat devrait s’effacer devant la sainteté personnelle qui se déploie dans toute une vie. Angelo Roncalli fut Angelo pendant 76 ans et Jean XXIII pendant 4 ans et demi. Or, si il est saint, c’est par sa vie toute entière ( ce qui ne veut pas dire que tout ce qu’il a fait est saint… mais ) et non pas seulement pour ces dernières années de vie, si importantes fussent-elles pour l’Eglise et pour le monde. Idem pour Jean-Paul II dans de moindre proportion.
Dernière remarque, concernant le temps : c’est vrai qu’il ne faut pas se précipiter pour canoniser, c’est vrai que l’Eglise a su prendre le temps pour canoniser ( on peut penser à Jeanne d’Arc, canonisée en 1920 ! )mais le but d’une canonisation c’est aussi de donner des exemples aux fidèles. Et dans notre monde où les choses vont si vite, il serait incompréhensible, même pour les catholiques, d’attendre plusieurs décennies ( voir plus ). Cela n’empêche pas la prudence, bien sûr, et en cela Benoît XVI a eu raison de ne pas canoniser « subito » JPII. Mais je pense qu’attendre trop longtemps n’aurait peut-être pas été opportun non plus : c’est notamment cette génération qui ressent le besoin de prier Dieu par l’intercession d’un homme dont elle se sent proche. Et je ne crois pas que canoniser rapidement empêche de critiquer tel ou tel aspect de la vie des saints en question. Le travail historique ne sera pas empêché par la canonisation. Sans doute même qu’il permet au contraire de mieux comprendre la sainteté : ce n’est pas une vie sans fautes et sans erreurs, mais c’est une vie vécue dans l’abandon à Dieu et sous l’emprise de l’Esprit Saint.
à Pierre- Emmanuel
Peut-on vivre certes dans l’abandon à Dieu
mais sous l’emprise de l’Esprit Saint en étant sourd à une commission pontificale
être sourd au monde, à la science, au sensus fidei ?
Est-ce vraiment être sous l’emprise de l’Esprit ?
Etre sourd à des témoignages accablants pour préserver l’Eglise ?
Nul ne conteste le grand Pape mais pourquoi en faire un Saint ?
Et puis comment défendre une sainteté où il est plus facile à un Pape de le devenir plutôt qu’une mère de famille , dans laquelle il y a si peu de femmes et quelles femmes !
Non décidemment cela n’est plus lisible par notre monde et je pense que ce n’est plus fidèle à l’Evangile.
a Claudine Onfray :
Je maintiens, je pense que Jean-Paul II a vécu « sous l’emprise de l’Esprit Saint », et je trouve un peu dur de parler de « surdité » de sa part ( exception faite peut-être du cas Marcial Maciel… ). « Ne pas aller dans le sens de… » ne signifie pas » être sourd à … » me semble-t-il.
Après, je ne crois pas qu’il soit plus facile à un pape de devenir saint qu’à un laïc, une mère de famille par exemple. En revanche, vous faites le constat, et je le partage, qu’il est plus facile d’être « reconnu » saint quand on est un pape que quand on est, par exemple, mère de famille. Il a bien quelques bienheureux ( je pense au couple Martin, ou encore au couple Quattrochi ) qui offre des modèles de sainteté dans l’ordinaire de vies proches de celles de la grande majorité des hommes et femmes de ce monde ( par opposition aux religieux… ). Je regrette avec vous qu’il n’y en ait pas davantage, et en même temps je me permets de penser que quand un laïc est béatifié ( canonisé un jour je l’espère ) cela prend un sens et une portée d’autant plus significative que le fait est rare. Alors oui, vous et moi pouvons prier et agir afin que l’Eglise canonise une mère de famille. Et on peut peut-être ajouté sur la liste : un chrétien homosexuel, un chrétien migrant, un chrétien hospitalisé toute sa vie, un chrétien prisonnier… autant de situations qui peuvent être vécues de façon authentiquement chrétienne et qui rappellent toujours plus combien c’est d’abord dans la faiblesse que se déploie la grâce de Dieu. ( faiblesse physique, sociale ; exclusion du groupe, rejet… ). Mais je crois que cela n’enlève rien au fait que l’on peut aussi ( quand même ) être saint quand on est pape.
Enfin, je ne crois pas que cela ne soit plus lisible par notre monde: le jour où cela ne sera plus lisible c’est le jour où cela laissera indifférent. Je ne crois pas que ce soit le cas ! Je crois même que notre monde attend des saints !
C’est vrai, et je n’avais pas bien perçu le sens de l’association des deux papes canonisés, et même du troisième, émérite. C’est vrai que cela a dû plaire aux tenants des points non négociables…
Cf. l’article récent de Jean-Marie Guénois dans le Figaro.
Pour ma part je suis parvenu à me réjouir grâce à l’homélie du prêtre de la petite église où je me trouvais hier puisque même si Dieu seul est saint, il nous fait cadeau, à tous, de sa sainteté par le baptême :
http://patpik.blogspot.fr/2014/04/mon-silence.html
C’est fou comment la plus part des catho dit progressiste et des lefebvristes n’ont pas apprécié la canonisation de JPII ,pour des motifs souvent opposés. Dans 10ans les biographe s’en rappelleront surement et j’espère nous expliqueront pourquoi .
Mais moi j’ai une question pour @Réne :Depuis quand se tromper sur quelqu’un ou être trompé par quelqu’un est un obstacle à la sainteté ?
@ Pat, je prolongerais volontiers par cette autre question : depuis quand est-il nécessaire de « proclamer » saint quelqu’un, pour qu’il le soit vraiment aux yeux de Dieu comme aux yeux des hommes ?
Comme je suis d’accord avec vous ! L’Eglise a déployé ses fastes et s’est reconnue dans ces deux Papes élevés au rang de saints. Ce fut une magnifique fête de l’Eglise catholique dans un cadre hors du commun, Une fête pour Cesar, Est-ce une fête pour le Christ ? oui, puisque ces deux Papes ont oeuvré pour la Foi et pour l’homme, mais je suis gênée et Dieu dans tout ça ?
Bien malgré moi, je ne peux vraiment y adhérer.
Bien sûr, Jean XXIII me parle particulièrement. J’avais 20 ans lorsqu’il a annoncé l’ouverture du concile. Quel événement ce fut ! On a du mal à l’imaginer. Pour nous les jeunes, un élan d’espoir, un désir fou de création, de partage, d’ouverture au monde. Je ne m’en suis pas encore remise et tout mon élan ne peut être brisé car l’envoi fut extraordinaire. Enfin on allait dépoussiérer, humaniser, apprendre à parler au monde. La suite on connaît.
Jean-paul fut un très grand Pape, c’est incontestable et ses zones d’ombres mettent en relief ses zones lumineuses. On ne peut pas régner si longtemps sans erreurs, sans choix qui auraient pu être différents. Je l’accorde.
Ce qui me gêne c’est qu’on élève ainsi en peu de temps des Papes au rang de saints , pourquoi ? Pour se conforter dans l’idée que l’Eglise est toujours l’Eglise, forte majestueuse, signe ? Mais chercher la médiatisation est -ce vraiment la vocation de l’Eglise ?
Merci pour votre article que je partage. Je devrais être de la génération de JPII mais je ne m’y suis jamais retrouvé ni avec Benoit XVI sauf ses encycliques très belles sur la charité. J’ai plus de 40 ans mais je me sens de la génération « François ». Après, il dit ne pas vouloir une Eglise auto-référentielle, ce dimanche l’était un peu beaucoup ! Il se présenta comme évêque de Rome, il est devenu un Pape bien médiatique et universelle. Sur ce deuxième point, c’est moins problématique mais cela continue de centrer l’Eglise à Rome… dommage. Mais rdv au prochain épisode, François n’est jamais en retard d’une surprise (Synode sur la famille à venir, réforme en cours avec « son » G8, etc)
Rene
Vous vous demandez quand est-il devenu nécessaire pour les chrétiens de « proclamer » saint quelqu’un, pour qu’il le soit vraiment aux yeux de Dieu comme aux yeux des hommes ? »
Je vous répondrais dés le martyr d’Etienne. Les martyrs furent les premiers canonisés, ensuite on a rajouté les moines, ensuite les clercs dans tous les dimensions et aujourd’hui grâce à Vatican II les laïcs et les clercs se disputent l’auréole de la sainteté. Vous ne comprenez peut-être pas le culte des saint mais sachez que l’Eglise ne serait peut-être pas là si le culte des saints n’avait pas existé. Mais comment aurait-il pu ne pas exister, puisqu’il répond à un besoin naturel humain ?
Le saint est don de l’Esprit saint à l’Eglise, une aide assurée (Et c’est l’Eglise qui nous donne cette assurance) auprès de Dieu comme un intercesseur et un ami.
@ Pat. Vous oubliez simplement une chose, mon cher Pat, c’est qu’aux premiers siècles la « vox populi » n’avait nul besoin d’être officialisée par une instance quelconque. Et cela me va bien, personnellement, qui ajoute aux saints officiels du calendrier romain : les moines de Thibirine, Mgr Romero ou l’abbé Pierre. Je viens de relire le texte de ce blogue écrit lors de la béatification de Jean-Paul II (avec la même précaution de ne le publier qu’après la « fête »). Il n’a pas pris une ride. J’en retiens, notamment ce commentaire : L’Eglise nous rappelle, certes, que tout baptisé est appelé à la sainteté mais comme aurait pu le dire Coluche, « pour ceux qui ne seront ni pape, ni cardinal, ni évêques, ni martyrs, ni religieux, ni religieuse… ce sera très très dur ! » Pour lire l’ensemble du texte : https://www.renepoujol.fr/saintete-et-communication/
« On doit à la vérité que beaucoup, dans la foule, se reconnaissaient dans cette expression de la vox populi », écrit René. Je crois que c’est en effet un point important dans cet événement : une confirmation par l’Eglise de la vox populi, peut-être davantage encore que la sanction d’un procès. De nombreux fidèles ont commencé à prier Jean-Paul II dès les premières minutes de sa mort et n’ont pas attendu qu’il soit au catalogue. Je pense que le culte des saints a produit suffisamment de fruits de foi et de conversion (sans parler des miracles) dans le peuple depuis tant de siècles pour confirmer la valeur et la validité de cet acte religieux. Je pense que toutes les dévotions et traditions populaires qui édifient la foi sont bonnes car il n’y a pas vraiment de foi de l’Eglise sans la foi du peuple. Et la foi du peuple produit naturellement des pratiques populaires.
Merci aussi René de souligner que des « jeunes catholiques aient pu trouver le courage et la joie de croire au travers de ce pontificat et de ce pape d’exception ». C’est ce que j’ai vécu avec mes premières JMJ à Compostelle qui ont été un tournant. C’est vrai que JPII savait se faire aimer et avait le sens du spectacle, mais je ne l’ai pas pris pour de la démagogie car son enseignement était exigeant. Je me rappelle m’être dit : « Ce gars nous prend vraiment au sérieux ». Cela m’a touché. Et c’est finalement Dieu qui nous a touchés. La « génération JPII » n’a pas été le feu de paille qu’on pouvait légitimement craindre. Elle est toujours là, même si la vie de la foi n’est jamais un long fleuve tranquille. Et ensuite ce sont nos enfants qui sont allés aux JMJ avec BXVI, et aussi le WE dernier à Rome pour la canonisation avec François. Je vois bien comment sont mes enfants : ils veulent des repères fermes, du sûr, ils veulent savoir si une chose est vraie ou fausse (normal que BXVI ait fait un « carton » chez beaucoup de jeunes). Après, c’est l’expérience de la vie qui leur donne les nuances…
Enfin, je lis les commentaires sur la grande espérance de l’ouverture au monde, vécue par la génération du dessus. Moi, quand j’étais jeune, je me disais plutôt « C’est quoi ce monde de dingues ? » Et maintenant, adulte, je me dis que cette modernité technique et philosophique s’est peut-être auto-dévorée et a brûlé ses belles intentions en brûlant la vie par les deux bouts. Et il y a des blessés partout au bord du chemin alors que nous n’avons jamais eu autant de possibilités techniques et de désir de conjurer la souffrance… Il n’y a pas la même vision. A ma génération, on entend parler de « crise » depuis notre plus jeune âge (j’avais 6 ans au premier choc pétrolier). Pour la génération des 30 glorieuses, c’est différent. Il y avait la prospérité, des idées nouvelles et séduisantes, l’idée que le monde changeait pour aller vers le mieux, vers l’unité etc. D’une génération à l’autre, nous avons vécu une expérience très différente, et vivons probablement aujourd’hui un rapport à l’Eglise assez différent. Mais le Christ lui, est « le même hier, aujourd’hui et demain » ; il est le même pour tous. Et la foi est la même pour nous tous catholiques. Ce que nous partageons est grand et c’est peut-être la raison pour laquelle nous pouvons nous comprendre… même si nous n’avons pas la même opinion sur le culte des saints.
Amitiés,
Guillaume
@ Guillaume. Merci pour ce beau témoignage. Je sais ce qu’il porte de « non dit » sur les différences d’appréciation qui peuvent être les nôtres. Et je te suis reconnaissant d’aller à l’essentiel de ce qui nous unit.
Encore une chose à la relecture de votre texte : lorsque je parle de l’ouverture au monde voulue par Vatican II, et pressentie par Jean XXIII, je parle des hommes et des femmes, plus que des structures de société qui, de fait, ont pu décevoir et montrer leurs limites. J’entends le même appel dans la bouche du pape François lorsqu’il nous invite à aller à la périphérie de l’Eglise. Il ne s’agit nullement – pour moi- de renoncer à une quête de vérité, mais simplement, à l’image du Christ, de savoir d’abord se faire fraternel.
En effet René, il y a toujours une part de « non dit » dans une relation ou un échange, et c’est heureux ainsi.
Mais le « dit » est sincère, tu l’as compris. La tonalité de ton papier porte à un échange constructif parce que j’y sens un respect d’expériences humaines et spirituelles différentes de la tienne.
Je comprends bien ta distinction entre les structures et les personnes. Tu as raison de la faire. L’ouverture envers les personnes, c’est l’exemple du Christ. Et je suis en phase avec ce que tu dis du pape François. Puissions-nous cheminer ensemble dans une quête de vérité. La vérité ne se cherche pas seul parce que Dieu ne se cherche pas seul, mais ensemble avec l’Eglise et même au-delà.
À bientôt René !
Rene
J’ai une petite question que je me pose depuis longtemps peut -être que vous allez m’éclairer. Pourquoi l’ADN des catho dit « progressiste » a du mal avec le culte des saints (reliques , bougie…), le culte marial , les apparitions , les révélations privées , les miracles et souvent même la prière du rosaire ? Attention je ne parle pas de les tolérer ou de les respecter mais de les pratiquer .
Et souvent ils expliquent ce rejet en disant qu’ils essayent de s’attacher essentiellement à l’essentiel.
Je crois que vous avez tout dis !
René ,
Je crois que vous auriez pu signer ou presque cet édito de Jean-Michel Aphatie http://www.dailymotion.com/video/x1ruvtd_double-canonisation-le-mensonge-de-l-eglise-n-est-pas-grave_news .
je vous donne le début d’un article de l’express que je trouve magnifique : » Tandis que le monde continue imperturbablement d’enfanter des monstres, l’Eglise persiste à produire des saints. Le fait est, en soi, suffisamment audacieux pour mériter d’être salué : trouver encore des figures exemplaires au cœur du gigantesque dérèglement international relève d’un optimisme irraisonné. Mais c’est sans doute bien ainsi. »
@ Pat. Je n’ai pas forcément le goût de répondre aux provocations. Je vous croyais capable de plus de finesse dans l’approche de ce que peut être mon raisonnement. Mais bon… Pour le reste quoi qu’en pense l’Express, ce n’est pas l’Eglise qui produit des saints mais Dieu lui-même, et c’est précisément cette « production de saints » lorsqu’elle est le fait de l’Eglise, que personnellement, j’interroge. Parce qu’elle conduit, de fait, à un certain arbitraire. Un peu comme pour les médailles ou les prix littéraires. Pourquoi eux et pas, encore une fois, Mgr Romero, Mgr Claverie, les moines de Thibirine, et tant d’autres laïcs en attente : Robert Schumann ou Madeleine Delbrêl ? Bref, mon cher Pat, une double interpellation dont vous saviez très bien qu’elle n’était pas de nature à m’ébranler mais qui, finalement, a surtout pour objet de vous conforter, par les réponses que je lui apporte, dans le présupposé qui est le vôtre que je suis tout sauf catholique, ou alors d’une espèce douteuse !
René
Je m’excuse pour la petite provocation. Croyez moi je vous crois catholique jusqu’au bout des ongles. Vous avez tant donné à l’Eglise que seul Dieu vous le rendra. Etant beaucoup plus jeune que vous je ne me permettrais pas de remettre en cause votre amour pour l’Eglise. J’espère seulement que j’aurais la même fidélité dans le service de l’Eglise et croyez moi je le pense .
Par contre je reste avec ma question à laquelle vous n’avez pas répondu : » Pourquoi l’ADN des catho dit « progressiste » a-t-il du mal avec certaines pratiques catholique ? ».
@ Pat. Votre intuition était la bonne lorsque vous évoquiez la notion « d’essentiel ». Rien de ce que vous évoquez dans votre liste ne me semble essentiel même s’il est nécessaire de ne pas tout mettre sur le même plan. Et je ne suis pas sûr qu’il y ait une position unique, sur ces questions, parmi les catholiques dits « progressistes ». Mais je veux bien répondre pour ce qui me concerne. Je n’ai jamais eu aucun mal avec l’idée de « communion des saints » qui figure dans le Credo. C’est même une réalité, pour moi tangible, et qui m’est chère. De même le visage de Marie dans les Evangiles m’est-il particulièrement attachant. Dans le même esprit il y a des pratiques ou symboles que l’on retrouve dans toutes les traditions religieuses : la lumière (cierges) la prière même répétitive (rosaire)… Tout dépend de l’usage que l’on fait. Aussi, je me méfie d’un culte des saints qui, chez certains ou en certains endroits, finit par l’emporter sur le seul culte digne de notre foi : celui que l’on doit à Dieu. Et l’on peut prier autrement qu’en récitant le rosaire. Il existe des sensibilités différentes en matière de spiritualité. Respectons-les.
Je crois que les jeunes qui ont participé aux JMJ de Madrid ont vécu une expérience forte d’adoration silencieuse devant le Saint Sacrement. Je n’ai pas à en contester la réalité même si ma sensibilité personnelle (et celle de nombre de chrétiens dits « progressistes ») ne me porte pas spécialement à ce type de démarche. J’entends le Christ dire : « prenez et mangez… » pas « prenez et adorez… » ! Je l’entends dire « lorsque plusieurs d’entre vous seront réunis en mon nom je serai au milieu d’eux… » ou encore « j’avais faim et vous m’avez donné à manger… » Sa « présence réelle » peut donc prendre des formes diverses.
Enfin, il y a, dans ce que vous évoquez, des réalités d’un autre ordre qui touchent à une forme de « merveilleux » chrétien et qui peuvent parfois faire craindre une forme d’irrationalité. Et j’observe que l’Eglise elle-même, si elle les reconnaît, n’y oblige aucunement. Les « reliques » ne me parlent pas ! Et l’on sait quel trafic a pu être organisé au Moyen Age autour d’elles, pour la simple raison que posséder des reliques attirait les foules en pèlerinage et donc faisait marcher le commerce ! Je me souviens avoir un jour travaillé sur les rois mages et découvert qu’un monastère (dont j’ai oublié la localisation) prétendait détenir l’or, l’encens et la myrrhe… je dois avouer que j’ai du mal à imaginer, à supposer que ces dons ne soient pas purement légendaires, que Marie les ait « mis de côté » en se disant que son Jésus allait devenir célèbre et qu’ils deviendraient un jour des reliques…
De même pour les miracles, les révélations privées ou les apparitions… Je n’en dégoûterai personne mais qu’on me laisse libre de mon appréciation. J’ai encore en mémoire, à propos des « secrets de Fatima », une chronique du père Cardonnel dans le Monde où il s’étonnait que la Vierge ait pu avoir la vision prémonitoire d’un homme en blanc menacé dans sa chair (le pape Jean Paul II lors de l’attentat de 1981) mais n’ait rien vu des… camps de la mort nazis. Je ne veux en aucune manière créer de polémique mais, encore une fois, l’Eglise ne nous oblige pas à y croire. Encore une confidence : Lourdes est un lieu qui m’est cher. Mais je me garderai bien, pour autant, de me prononcer sur la réalité des apparitions. Ce qui m’importe ce sont les fruits que porte l’arbre. Or les fruits de Lourdes sont beaux. Cela me suffit !
@René
Merci beaucoup pour l’explication claire et convaincante.
Et voilà maintenant que l’on nous annonce la béatification de Paul VI. c’en est trop! J’aimais beaucoup Paul VI (sauf pour sa fameuse encyclique où après avoir convoqué une commission,il a rallié une petite minorité hostile, et aussi sur une histoire d’un évêque qui s’est suicidé -mais c’est un peu annexe- car après tout les saints ont toujours leurs zones d’ombres-). Non c’en est trop parce que la papauté vaticane est trop centrée sur elle même, elle génère les saints pour sa propre glorification!!!
oui trop c’est trop!!
c’est ridicule ……de plus un miracle qui sort du chapeau et bien sûr pas n’importe lequel!!
et en octobre au moment du synode sur la famille !!
je crains fort que cela ne signe la fin d’une espérance …..
car Humane Vitae va être mise à l’honneur!
scandale pour la conscience éclairée, scandale pour les femmes !!
Il y a quelque chose de fort troublant dans ces histoires de pédophilie, c’est que dans l’immense majorité il s’agit de pédophilie homosexuelle alors que des hétérosexuels sont aussi susceptibles de pédophilie et que les cas d’ incestes familiaux par exemple concernent plus des violences commises envers des filles (les faits envers des garçons existent dans ces cas, mais sont minoritaires). L’autorisation du mariage pour les prêtres ne changerait sans doute pas grand-chose, on doit se poser avant tout la question de l’orientation sexuelle des prêtres et du lien possible avec la vocation de certains : le célibat peut être perçu comme une manière de refouler des tendances homosexuelles, il y a un esthétisme fort séduisant dans la célébration de l office ou des sacrements (c’est conçu pour depuis le concile de Trente). Je ne veux pas dire que tous les prêtres sont des homosexuels refoulés, beaucoup se défroquent pour vivre avec une femme ou bien possèdent une double vie (j ai une ancienne amie qui est la compagne clandestine d un curé), mais la proportion d actes homosexuels me semble au dessus de ce qui s’observe dans le reste de la population (je ne condamne pas l’homosexualité en soi, c est la pédophilie qui est en question mais la dimension homosexuelle de cette pédophilie n est pas posée avec un examen des causes sans doute internes au mode de recrutement de l’église, et sa liturgie, et son fonctionnement par autorité). Je ne pense pas que l’Eglise soit prête à faire cet examen de conscience qui l’amènerait plus près du protestantisme.
J’ai beaucoup aimé lire cet article ! C’était très approprié !