Allo, Dieu ?

On n’arrête plus le progrès : voilà qu’une « catholique pratiquante » vient de convaincre son entrepreneur de mari de lancer, à l’occasion du carême, un service de confessions par téléphone.

« Avec le fil du Seigneur, confessez-vous par téléphone » dit la publicité. Elle précise par ailleurs qu’après avoir composé l’un des deux numéros proposés (l’un à 0,15 € la minute, l’autre à 0,34 € dont 40% seront  reversés à une association caritative), il est possible de laisser sa confession et par ailleurs de décider d’accorder sa réécoute aux autres usagers. J’ai donc composé le numéro indiqué. Voici dans son intégralité, le message que l’on peut entendre :

« Bienvenue sur le fil du Seigneur. Ce service vous permet de vous confesser par le recueillement et la prière. Il permet de reconnaître vos péchés devant Dieu et vos frères, si vous le désirez, et préparer votre coeur à recevoir la grâce divine. La confession n’est pas l’exercice exclusif d’un prêtre. Vous pouvez aussi confesser vos fautes en vous mettant en présence de Dieu, par le recueillement, la prière et la foi.

Le fil du Seigneur a pour vocation de vous aider à vous mettre en présence de Dieu afin de recevoir sa grâce. Toutefois, en cas de péché grave et mortel, c’est-à-dire les péchés qui vous ont coupé du Christ notre Seigneur, il est indispensable de vous confier à un prêtre, car seul celui-ci pourra vous aider et vous accorder le sacrement de réconciliation.

Pour recevoir des conseils pour votre confession : tapez 1 (sic ! ), pour vous confesser tapez 2 , pour écouter les confessions tapez 3… »

Je garantis, bien évidemment, l’exactitude de ces informations. Je ne citerai pas, ici, les conseils – très longs – destinés à vous préparer à la confession. En revanche, l’écoute des confessions déjà enregistrées sur le site est précédée de l’avertissement suivant : « Certains de nos frères ont fait le choix courageux et généreux de permettre à d’autres pécheurs d’écouter leur confession… »

Suivaient, à l’heure où je me connectais sur le site,  trois confessions : celle d’une jeune femme en rupture de ban avec sa famille, celle d’un garçon qui s’accusait de fréquenter les sites de « fessées » sur internet et, plus émouvant, celui d’un toxicomane ayant volé ses proches pour se payer de la drogue : « seule, confesse-t-il,  la foi peut m’éclairer, pardon mon Dieu d’avoir autant abusé des autres, j’essaierai de me confesser mais déjà, le dire ici me fait du bien… » On percevait dans sa voix une vraie souffrance.

Face à une telle initiative on peut ricaner, s’emporter et condamner ou, dans un premier temps, tenter déjà de comprendre. Ayant pu me procurer le téléphone de Mme Camille H… , à l’origine de cette initiative, je l’ai tout simplement appelée. Je crois à la sincérité de cette personne et à son désintéressement, ce qui, je vous l’accorde n’est pas une réponse suffisante.

Que dit-elle ? Que « la situation de sa grand mère, aujourd’hui trop invalide pour aller se confesser dans une église, lui a donné l’idée de ce « service » accessible à tous ceux qu’atteint  le handicap ou la maladie. Que « le tarif proposé est vraiment très bas, le minimum que sa société puisse consentir pour couvrir ses frais ». Que « son intention n’est pas de provoquer, ni de choquer, mais de rendre service. Comme la messe à la télévision ». Que « le mot « confession » est peut-être excessif mais qu’il n’y a pas d’ambiguité : on ne prétend pas qu’il y a un prêtre au bout du fil, ni une absolution. Et on précise bien que pour les péchés mortels, il faut voir un prêtre. »

Ce qui est proposé là c’est « une ambiance religieuse qui prète au recueillement, et permet de se confesser directement à Dieu ». Evoque-t-on devant elle le côté un peu « voyeur » de l’écoute des confessions déposées par les autres elle répond que « les confessions sont filtrées » et donc supprimé « tout ce qui pourrait être malsain ». De tout cela elle veut bien, d’ailleurs, parler avec moi si j’accepte de la rencontrer…

Stop ! Arrêtons là. J’ignore de quels moyens de promotion disposent les gestionnaires de ce service présenté comme « Une initiative originale et en phase avec l’évolution des pratiques sociétales » . Mais j’imagine assez le trouble et la confusion que cette « confession » par téléphone est susceptible de provoquer chez des esprits fragiles. Car, ici, tout se mèle avec une extravagance incroyable et dans la plus grande confusion.

L’absolution catholique serait donc réservée aux seuls péchés mortels… Pour le reste on pourrait s’arranger directement avec le ciel ! Etrange logique qui réserve le « grave » au prêtre, et le « léger » à Dieu en personne… Et pourquoi diable, si vous me permettez l’expression, faudrait-il, pour s’adresser à Dieu, user du téléphone en laissant  derrière soi une trace accessible aux autres mortels ? Nos frères protestants ne seront pas les seuls à trouver la chose bizarre !

Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, nous y sommes et les deux pieds dedans. Car c’est bien d’enfer qu’il s’agit, en effet. Non point dans sa version médiévale, sous climat tropical, encombré de diables cornus, experts en tortures en tout genre … Mais dans sa version contemporaine faite de désarroi, de solitude, de désespérance. Quel degré faut-il avoir atteint dans le dégoût de soi et la culpabilité pour se sentir soulagé d’avoir seulement livré sa demande de pardon à Dieu sur un répondeur téléphonique ?

J’ignore, à l’heure où j’écris ces lignes,  si quelque autorité religieuse est susceptible, en droit français, de s’opposer à pareil commerce. Mais qu’au bout du fil l’initiatrice du « Fil du Seigneur » me soit apparue aussi naïvement sincère dans sa démarche me plonge dans une plus grande perplexité encore que si j’avais eu affaire à un margoulin cynique et masqué !

PS : La Croix de ce jour (22/02/10) publie une mise en garde de Mgr Podvin, porte parole de la Conférence des Evêques de France, rappelant le caractère sacramentel de la confession qui implique la présence d’un prêtre. Voici le texte intégral :

Une initiative privée intitulée « Avec le fil du Seigneur, confessez-vous par téléphone » vient d’être rendue publique. Cette démarche n’a aucunement l’aval de l’Eglise catholique en France.

La solitude des personnes âgées et handicapées est un drame humain et spirituel . La permanence d’accueil par téléphone est quelque chose de nécessaire et bénéfique. De nombreux organismes religieux et non confessionnels y consacrent déjà un investissement remarquable. Les bénévoles et professionnels de l’écoute sont, plus que jamais, indispensables.

Il est cependant inadmissible d’entretenir la confusion sur la notion de « confession » Pour le fidèle catholique, elle a un sens sacramentel qui requiert la présence effective d’un prêtre. La coïncidence du lancement de cette ligne, avec l’entrée en Carême, ne fait qu’accroître le malentendu.

Les paroisses, les sanctuaires et aumôneries ont établi de nombreuses permanences d’accueil à ce sacrement de confession. Tous nous souhaitons, évidemment, en cette année sacerdotale qu’il y ait d’avantage de prêtres pour être proches et disponibles des personnes à écouter

Fait à Paris le 18 février 2010,

Mgr Bernard Podvin, Porte-Parole Conférence des évêques de Franc

11 comments

  • Perplexité partagée ! Cette organisatrice candide ne fait-elle pas preuve d’(a)religion comme il y a une amoralité ? Elle ne sait certainement pas ce qu’est un sacrement. Elle réagit, somme toute, comme ceux qui disent aujourd’hui que dans le domaine de la confidence le Psy a remplacé le prêtre. Le ministère du prêtre est aussi inconnu.
    Pour en revenir au « confessionnal » nouvelle manière, et sans jouer les « c’était mieux avant » depuis les années 1970, le sacrement de pénitence ou de réconciliation est passé de mode, du moins pour le grand public. Sans être fanatique du mobilier religieux, on constate que le meuble confessionnal sert parfois de placard à balais…Le sacrement n’a t-il pas été lui-même mis au placard ? ( pardonnez-moi cette analogie ). Bien sûr, les bons chrétiens pratiquants savent, mais les autres, ceux qui vont devenir les clients de « Dieu au fil » qui leur dira la vérité ? J’ai lu qu’un « simple prêtre » va prêcher le carême au Vatican pour le Pape et la Curie. Je pense qu’il faudrait faire le contraire. C’est à dire que les cardinaux, les évêques et les archevêques sortent de leurs bureaux et prêchent le carême et proposent le sacrement de réconciliation. Si cela se faisait, on en parlerait peut-être. C’est l’année du Curé d’Ars, quand même !

  • bonjour,
    je suis tout à fait d’accord que ce service peut être malsain pour les personnes plus fragiles, et que le Sacrement de Réconciliation ne doit pas être « bradé » par téléphone, sans la présence d’un prêtre, représentant du Christ.
    de plus, j’ajouterais que si des personnes à mobilité réduite ou qui ne peuvent se déplacer jusqu’à un prêtre peuvent tout à fait lui perlmettre de venir chez elles, ou en un lieu neutre. je pense que les prêtres peuvent se montrer disponibles et ouverts pour aller à la rencontre des chrétiens en demande.

  • Bonjour à tous,

    Pour moi, c’est la solution de facilité. C’est évincer la démarche d’humilité d’aller rencontrer Dieu à travers un prêtre, de se reconnaître pécheur, de demander pardon et de recevoir le sacrement du pardon donné par Dieu.
    C’est souvent pesant de reconnaitre ses torts et de les avouer à Quelqu’un via quelqu’un…
    Le téléphone est la « bonne (?) planque » , on ne se voit pas, (mais Dieu nous voit !!! ). Mais personne ne sait qui est au bout du fil et il n’y a effectivement pas sacrement puisque pas d’absolution. Donc seulement des aveux par téléphone…
    « La confession n’est pas l’exclusif d’un prêtre ». Le Christ, lorsqu’il a institué la confession, l’a donné à ses apôtres, premiers prêtres du monde. Et pas à d’autres.
    Ecouter les confessions des autres, pour moi, est un viol d’aveux personnels qui ne regardent personne sauf Dieu et le prêtre qui reçoit ces aveux. C’est aussi une atteinte au secret de la confession.
    Quant au meuble confessionnal, c’est un bien (pour moi) qu’il soit mis au rebut car franchement c’est un meuble plutôt rébarbatif. Quand le Christ a institué la confession à ses apôtres, Il était dans leur milieu naturel et non dans une boîte !!! Je pense que le confessionnal concordait avec la période où l’on présentait Dieu comme un Dieu vengeur et non un Dieu d’amour qui pardonne.
    ça a bien changé depuis et la confession est plus une rencontre et un dialogue avec Dieu à travers le prêtre, le confesseur et le confessé se trouvant face à face.
    Et dans certaines églises maintenant, le confessionnal est devenu une petite pièce avec une icône et/ou une croix, deux chaises et une table, lieux d’acceuil beaucoup plus convivial d’un Dieu amour…et d’un prêtre.
    Ce qui n’empêche pas la démarche d’humilité et de pénitence pour venir demander pardon.
    Je crois beaucoup aussi en la présence d’un prêtre directeur spirituel que Dieu peut mettre sur notre route car, au fil des rencontres, il apprend à nous connaître et donc à nous guider, avec l’aide de Dieu, sur notre route. Parfois sans concession, (Refus de donner le pardon parce que démarche pas sincère ou réflexion à approfondir…) mais surtout avec beaucoup d’amour, donné par Dieu.
    C’est une rencontre, un dialogue, une révision de vie, avec Dieu, par ce prêtre.
    Ce qui n’empêche pas de se confesser quand on est ailleurs que dans son lieu de vie habituel…toujours avec un prêtre…
    Et la confession, c’est une réunion à deux personnes : « Quand deux ou trois personnes sont réunies en mon Nom, Je suis au milieu d’eux… »

    Impossible les réunions face à face par téléphone !!!

    BVDE :Bon Vent De l’Esprit à tous,

    Marie 53

  • Que dire!
    une tristesse car cela montre en fait la solitude des gens face à eux-mêmes d’abord…..
    le fait que l’accueil dans nos communautés et dans notre Eglise n’est peut-être pas perçue comme elle devrait l’être un lieu de joie , de réconfort, de pardon……par beaucoup, beaucoup trop!!!!
    Le message est aussi fort mais Il est inaudible….
    Que l’Esprit souffle sur notre Eglise pour qu’elle en prenne réellement conscience!
    bon carême joyeux et heureux

  • Pour commencer merci pour cette présentation, à la fois limpides et intéressantes. Cela dit, 2 ou 3 passages auraient supporté plus de développement, en particulier dans la conclusion. Simplement une façon de souligner que je suis pressé de lire la suite

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