Gregory Turpin nous chante avec tendresse la plénitude de toute vie offerte et reçue, dans la confiance. Son CD « Changer de Vie » sort le 3 juin chez Universal.
C’est la première fois que je consacre un billet de ce blogue à un disque ou plus exactement à ma rencontre avec un chanteur «chrétien», à l’occasion et à travers la sortie de son dernier CD (1). 36,06 minutes (me dit la pochette) d’un bonheur matinal que je m’offre en boucle. En écrivant ces lignes me reviennent en mémoire les noms d’amis chanteurs, également «chrétiens», croisés depuis les années soixante : Raymond Fau le premier, dans le scoutisme puis, sur les croisières-pèlerinages de Pèlerin : Pierre-Michel Gambarelli, Jean Humenry et Daniel Facerias. Laurent Grzybowski compagnon de route au sein de la presse catholique. Enfin, plus récemment : Thomas et Benjamin Pouzin rencontrés en concert dans l’église paroissiale de ma «bonne ville» de Saint-Affrique, les Prêtres de Jean-Michel di Falco sur un plateau de télévision, Patrick Richard dans la basilique de Lisieux, face à la châsse de Louis et Zélie Martin à quelques jours de leur canonisation. Journaliste, rendre compte de cette production musicale n’entrait pas dans le champ de mes attributions, pour ne pas dire de mes compétences ; devenu blogueur, je n’ai jamais été sûr d’en posséder les clés… et me suis abstenu. Jusqu’à ce jour !
D’une histoire personnelle tourmentée où Dieu lui avait donné rendez-vous (2), Gregory Turpin a su tirer l’envie et la force du témoignage. Mais une force à laquelle ses blessures confèrent une forme de douceur qui nous bouleverse parce qu’elle renvoie à nos propres fêlures, à nos quêtes. Peut-être faut-il chercher dans une délicate alchimie entre la richesse du texte et la séduction d’une voix servie par une orchestration discrète ce qui donne son unité au disque. Une unité qu’aurait pu compromettre l’alternance de chansons appelant à l’engagement ou à la solidarité (3), avec d’autres se situant plutôt sur le registre de l’intime ou de la spiritualité.
Parfois, la magie surgit de l’incertitude même où nous nous trouvons de savoir si tel titre renvoie à l’expérience de Dieu, à celle du frère ou aux deux à la fois ! Tant l’amour de l’Un nous presse de nous ouvrir à l’amour de l’autre qui à son tour nous semble ne pouvoir trouver sa pleine expression que dans la reconnaissance du premier. De sorte que les paroles brûlantes de Thérèse à l’adresse de Jésus «mon unique amour» ne nous choquent pas et que l’histoire revisitée de l’enfant prodigue nous apparaît pour ce qu’elle est vraiment : inextricablement humaine et divine.
Faut-il en dire davantage ? Ecrire combien je suis reconnaissant à Gregory Turpin d’un disque qui peut rejoindre aussi bien l’homme de ma génération que les jeunes dont il partage l’expérience et le destin. Et plus encore de se situer en chanteur, exigeant, qui assume sereinement son identité chrétienne plutôt qu’en chanteur chrétien. Dans un livre lumineux, qu’il faut lire et relire, le père Marie-Alain Couturier écrit : «Il y a des gens que leurs péchés réveillent et relèvent, sans l’ombre d’avilissement.» Il ajoute : «Ce qu’il y a de plus précieux dans un artiste, c’est ce qu’il y a en lui de plus singulier, de plus individuel, donc de plus étranger aux autres hommes (…) Et c’est cette individualité qu’il faut à tout prix sauver parce que c’est son intuition personnelle du monde.» (4)
© René Poujol
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- Gregory Turpin, Changer de vie, Universal Music, 11 titres.
- Une histoire qu’ll raconte dans Clair Obscur, Ed. Première partie, 2012, 120 p. 12€
- Merci à Gregory Turpin d’avoir consacré l’une des chansons de l’album à l’abbé Pierre dont nous commémorerons le 27 janvier prochain le dixième anniversaire de la disparition.
- Marie-Alain Couturier, La Vérité blessée, Ed. Plon 1984, p.179, p.91-92
Merci pour cette critique sensible et qui donne envie. Je n’étais pas particulièrement attiré par ce nouveau phénomène catho mais je vais écouter cet album.
Merci René pour ce beau papier.
Pas loin de votre « bonne ville » de Saint Affrique j’ai découvert, il y a bien longtemps, Sylvanès, et avant, à Aix-en-Provence, cette liturgie du Peuple de Dieu qui m’a « transportée » d’allégresse pendant des années… jusqu’à l’heure terrible du DOUTE…
Merci de ce témoignage sur l’abbaye de Sylvanès et la liturgie du frère André Gouzes op que je connais bien. Permettez-moi de vous offrir ce propos de Gustave Thibon dans son livre Au soir de ma vie (Ed. Plon) : « La foi chrétienne naît habillée, toute vêtue et comme hérissée de certitudes, elle meurt nue. » Il avait l’habitude de confier : « Dieu a d’abord été pour moi puissance et loi, puis lumière et amour, enfin absence et nuit… » Il y a là un itinéraire spirituel commun à beaucoup. Courage !