Il aura suffi d’une semaine pour que la formidable marée humaine du 11 janvier fasse apparaître, en se retirant, des abîmes où pourrait sombrer notre démocratie.
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Cet article a été repris et mis en ligne le 20 Janvier 2015 sur le site Aleteia.
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Dix jours après le drame qui a meurtri la France, il semble que notre pays soit entré dans l’une des crises les plus graves qu’il ait eu à connaître sans doute depuis la guerre d’Algérie. La belle unanimité des marches Républicaines du 11 janvier portait en germe la division née de ses exégèses. Car si les Français se sont accordés à descendre dans la rue, à Paris comme en de nombreuses villes de Province, pour défendre le droit à la liberté d’expression, il est faux de prétendre qu’ils souscrivent tous, pour autant, à la revendication d’un prétendu droit au blasphème, fer de lance du combat éditorial de Charlie Hebdo.
Que tout au long de notre Histoire, et aujourd’hui encore dans certaines régions du monde, les religions aient été ou soient facteur de violences et de division, du fait même de leur prétention à détenir la vérité et à l’imposer au monde entier, est hélas vrai. L’unité de la France faillit ne pas survivre aux guerres de religion et l’on doit à l’Etat d’avoir réussi à pacifier le pays par la contrainte. Il ne faut jamais l’oublier. Comme il ne faut pas oublier, pour le seul XXe siècle, les 100 millions de morts d’Hitler, Staline, Mao et Pol Pot réunis, dont on ne se souvient pas qu’ils s’originent dans une croyance religieuse mais dans un athéisme d’Etat.
Le blasphème : un droit ou une liberté ?
Or voilà que face à de nouvelles violences, à des images quotidiennes de barbarie, à la montée d’un terrorisme se revendiquant de l’Islam, et plus récemment aux attentats qui ont ensanglanté notre pays, certains en viennent à plaider la reconnaissance, dans notre législation, d’un «droit au blasphème». Quelle urgence y a-t-il à vouloir blinder, par la loi, une liberté qui, à ce jour, est garantie à tout citoyen et n’est susceptible d’aucun recours devant les tribunaux ? Le blasphème, dans notre société laïque, est reconnu comme étant une liberté et doit le rester. Mais au nom même de la démocratie nous devons résister à la tentation de vouloir en faire un droit. Faudra-t-il décréter demain un droit d’aller et de venir, de boire et de manger, le droit de rire, celui d’aimer ? Contre la tentation du droit, il nous faut en appeler à la seule liberté !
Décréter un «droit au blasphème» serait admettre qu’il appartient à la collectivité d’en garantir les moyens d’existence. Or, si le pas n’est pas encore franchi dans les textes, il l’est abondamment dans les faits. Avant les événements dramatiques du 7 janvier, Charlie Hebdo, avec seulement 60 000 exemplaires, représentait le type même du magazine qui, ayant de plus en plus de mal à se trouver un public, voyait son avenir compromis.
Vers la proclamation d’un athéisme d’Etat ?
Or voilà qu’au lendemain du massacre de la rue Nicolas Appert, le gouvernement annonçait pour «sauver» le titre, une subvention d’un million d’euros. Voilà que durant au moins une semaine, tous les services publics de radio et de télévision, au-delà de l’expression confraternelle d’une émotion légitime et du traitement normal de l’information, nous ont servi un soutien inconditionnel et continu à l’équipe de l’hebdomadaire et à son idéologie. Voilà que chacune des déclarations publiques, tant du président de la République que du Premier ministre, dont on a salué, à juste titre, la parfaite maîtrise des événements, ont entretenu l’amalgame entre liberté d’expression, comme principe constitutionnel, et droit au blasphème comme mode d’expression spécifique de l’un des titres de la presse nationale. L’évocation de l’un équivalent, à chaque fois, à conférer à l’autre un statut égal.
L’Etat lui-même serait-il devenu Charlie ? La laïcité exigerait-elle aujourd’hui, pour survivre, la proclamation solennelle d’un athéisme d’Etat ? Et d’un athéisme de combat ? L’enseignement d’une morale laïque à l’école doit-il s’affranchir du lien nécessaire entre liberté et responsabilité ? Expliquera-t-on demain aux élèves de nos lycées et collèges que l’incendie des églises au Niger, le pillage des maisons de chrétiens, la mort de dix personnes du fait de représailles, serait somme toute un prix raisonnable au regard du droit imprescriptible de Charlie Hebdo à caricaturer le prophète ? (1) Esprit Charlie pour esprit Charlie et dérision pour dérision, pourquoi ne pas aller au bout de l’abjection et suggérer, dans la foulée, qu’au fond le massacre du 7 janvier ne fut jamais qu’un événement inespéré pour relancer un titre moribond et imposer à une société KO debout, sa vision de la liberté d’expression. (2)
Le numéro «historique» du magazine, titre en pages centrales : «Dimanche 11 janvier 2015, plus de monde pour «Charlie» que pour la messe». La France Républicaine aurait donc, ce jour-là, vaincu définitivement l’obscurantisme ? Sauf que des centaines de milliers de catholiques sont passés, sans état d’âme, de la messe dominicale à la marche républicaine. J’en suis ! Certains se disaient Charlie, d’autres pas ! Ils ont retrouvé, dans les cortèges, des frères musulmans, également fils de la République, bien que parfois meurtris par la caricature, et inquiets de voir se retourner contre eux la peur de ceux qui ne retiendraient des assassins que leur appartenance proclamée à l’Islam. Les uns et les autres étaient-ils de mauvais citoyens à ne pas partager la revendication d’un droit au blasphème laïc, gratuit et obligatoire ?
Vers une réalisation de la prophétie Houellebecquienne ?
Dimanche dernier, la France se sentait fière d’une unité retrouvée. Il aura suffi d’une semaine pour voir s’ouvrir sous nos pas, comme jamais, l’abîme de la discorde. Allons-nous donner raison aux terroristes ? Allons-nous nourrir, officiellement, le fantasme d’une laïcité qui ne pourrait se construire que sur la négation, l’effacement de l’espace public, de religions plusieurs fois millénaires, de sagesses auxquelles nos sociétés doivent pour une part le meilleur d’elles-mêmes ? Voulons vraiment voir se réaliser, sous nos yeux, la prophétie du roman de Michel Houellebecq : l’une union sacrée, finalement victorieuse, d’un christianisme et d’un islam exaspérés, sur les décombres de la République ? Alors même que, dans leur majorité, chrétiens et musulmans se reconnaissent dans ses valeurs, pour peu qu’ils sentent à leur égard quelque considération.
Comment ne pas se sentir accablé, ces jours derniers, de lire sur les réseaux sociaux, les confidences blessées d’intellectuels : écrivains, philosophes, sociologues ; d’hommes et de femmes «de bien», ouverts et généreux, humanistes, républicains dans l’âme, s’avouant résignés à se taire dans un impossible débat où l’idée même du respect de l’autre et de ses croyances semble devenu blasphématoire, au regard des nouveaux dogmes et d’une conception tyrannique de la liberté d’expression.
Espère-t-on assurer quelque victoire idéologique décisive sur le silence de celles et ceux qui appellent simplement à la raison et à la fraternité ?
© René Poujol
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(1) Au moment où je rédigeais cet article, il n’y avait pas encore eu de morts, d’où le commentaire ultérieur de quelques lecteurs. Cet article a donc été modifié ultérieurement à ce dramatique développement.
(2) Il n’a échappé à personne que les médias anglo-saxons qui sont bien souvent perçus comme l’honneur de la profession, ont, au sein de démocraties comme la Grande Bretagne et les Etats-Unis, une toute autre conception de cette même liberté d’exception.
Pour aller dans le même sens que votre article, voici le document qu’a écrit Jean Marie Muller
https://www.dropbox.com/s/usqshqrmuzp2crk/Jean%20Marie%20Muller%20caricatures%20charlie.pdf?dl=0
et la réponse que je lui ai faite :
« Merci Jean Marie pour ton texte qui entre en résonnance avec mes réflexions de ces derniers jours.
Pour moi, la liberté de pensée et d’expression, c’est ce qui compte le plus dans ma vie et je n’hésite pas à payer de ma personne pour la défendre.
Cependant, il faut avoir l’humilité d’admettre que cette valeur est aussi chère à d’autres, qui ne pensent et ne disent pas nécessairement la même chose. Et pour que tout cela puisse s’harmoniser le respect de l’autre est fondamental.
Que Charlie Hebdo ait mis cette couverture me paraît, vu les circonstances, logique, dans la mesure où toute cette affaire a pris de l’ampleur suite aux publications des caricatures de Mahomet. Et qu’on ait parlé de pardon me paraît intéressant et cependant ambigüe dans la mesure où on ne demande pas pardon mais qu’on attend le pardon de celui qui a été offensé et qu’on souhaite que ce pardon soit réciproque. Il est ambigüe, dans la mesure où il y a de très fortes chances que Charlie Hebdo continuera à publier des caricatures de Mahomet.
Mais, dans la logique du respect de l’autre, et en tenant en plus compte du fait que tout le monde ne raisonne pas comme nous, en sachant au départ que les caricature de Mahomet peuvent blesser au plus profond, dans ce que les musulmans ont de plus cher, même si on a du mal à comprendre que cela puisse être ainsi, qu’a-t-on à gagner à aller dans cette direction, en sachant dès le départ que cela est générateur de violence ? Trottent dans ma tête des réflexions sur les limites de la liberté d’expression, mais je suis d’accord avec toi que c’est difficile, que c’est difficile de tirer des conclusions.
Cela montre que si à côté de la liberté on n’a pas le souci de l’humanisation, cette liberté peut devenir tyrannique et deshumanisante.
Et là je te rejoins dans ta réflexion sur la non-violence. Les religions, mais aussi l’humanité entière, ne doivent pas simplement rejeter la violence (mais pas le conflit) mais prôner de façon positive des chemins de non-violence. »
Il n’y a rien à ajouter ! Remarquable
Merci René. Tu as parfaitement exprimé ce que beaucoup d’entre nous ressentent. Le sursaut citoyen du 11 janvier dont la grande majorité des Français se sont sentis solidaires ne doit pas être récupéré par ceux qui font de la laïcité une sorte d’athéisme d’Etat exigeant que toute expression d’une conviction religieuse soit strictement reléguée à l’intérieur des consciences individuelles. Le citoyen devrait taire publiquement sa foi, sa croyance sauf… s’il s’affirme incroyant.
Ce n’est pas du tout ce que prescrivent les lois de notre république. Celle-ci reconnaît l’existence des religions, du droit pour chacun de pratiquer celle de son choix dans le respect de la liberté d’autrui, du droit aussi de se dire athée ou agnostique. La laïcité exige la neutralité de l’Etat et donc de la fonction publique à l’égard des religions, mais pas la neutralité du citoyen qui est libre d’exprimer ses convictions dans le respect des lois qui régissent la liberté d’expression.
Or, à la faveur des douloureux événement récents, on assiste à une nouvelle offensive de ceux pour qui la laïcité est refus de toute religion et donc, de fait un athéisme ou, au moins un agnosticisme d’Etat.
Cela ne peut pas être acceptable.
Aujourd’hui, je suis Charlie avec les victimes des attentats. Je suis Charlie pour défendre la liberté d’expression. Mais je ne suis pas Cherlie si on manie cette liberté d’expression de manière irresponsable. Je ne suis pas Charlie si on diffuse certaines caricatures qui, moi me font rire, mais sont reçus par d’autres comme des offenses personnelles et qui contribuent à attiser les haines et la violence, y compris dans des pays déjà déstabilisés où de dangereux manipulateurs intégristes sont à l’oeuvre
Cher René,
Pardon d’avance de venir encore faire un peu la mouche piquante de vos articles, mais je ne vous suis pas complètement.
D’abord, une incompréhension de ma part. Vous semblez établir une distinction assez nette entre « droit à quelque chose » et « liberté de quelque chose ». Cette distinction est en effet pertinente ; mais je ne suis pas certain que nous mettions la même chose derrière.
Vous dites en effet qu’une liberté est un droit si et seulement si « il appartient à la collectivité d’en garantir les moyens d’existence ». Or, je ne vois pas bien ce que cela a à voir avec ces notions. Je crois au contraire qu’il appartient à la collectivité (à l’État, en fait) de mettre en place les conditions d’existence de toutes les libertés qu’elle accorde. Prenons le cas de l’avortement : on peut être pour ou contre, mais à partir du moment où l’État dit « c’est légal », autrement dit « on est libre de le faire, au moins dans certaines conditions », alors il doit mettre en place les conditions qui permettent concrètement aux femmes d’avorter. A quoi ça rimerait, en effet, si l’État disait : « OK, on autorise l’avortement, mais que les femmes se débrouillent toutes seules, on ne formera pas les médecins, on n’ouvrira pas la possibilité dans les hôpitaux etc. » ? Une liberté de faire quelque chose sans les moyens concrets de le faire, ce n’est, il me semble, qu’une fausse liberté.
Pour moi, la distinction entre « droit » et « liberté » est donc d’une autre nature. Une « liberté », c’est quelque chose que l’État vous accorde, mais qu’il pourrait légitimement ne pas vous accorder. Un « droit », c’est quelque chose que vous pouvez exiger de l’État. Par exemple, bénéficier d’un procès équitable est un droit : si un État ne le garantit pas à ses citoyens, il leur fait du tort de manière illégitime. En revanche, la possibilité qu’ont les Japonais de pêcher des baleines, c’est une liberté : l’État le leur accorde, mais les Français n’ont pas à se plaindre de ne pas en bénéficier (il n’y a pas de « droit » à pêcher la baleine).
Évidemment, très souvent se pose la question de savoir si quelque chose est un droit ou une liberté. Consommer du cannabis, ou fumer, ou boire de l’alcool, sont-ce des droits fondamentaux, universels, imprescriptibles, ou seulement des libertés ? L’avortement est-il un droit, ou seulement une liberté accordée par l’État ?
La question est évidemment pertinente pour le blasphème. Dans l’état actuel de notre droit, c’est une liberté. Est-ce un droit fondamental ? Vous répondez que non. Je réponds que oui, pour plusieurs raisons. La principale est qu’une éventuelle interdiction du blasphème ne pourrait évidemment concerner que les grandes religions : personne ne s’imagine sérieusement qu’on puisse sanctionner un blasphème contre Toutatis, alors même qu’en France aujourd’hui, des gens croient en Toutatis et lui vouent un culte. Une éventuelle interdiction du blasphème ne pourrait donc qu’aboutir à une inégalité des citoyens devant la loi, certains voyant leur croyances protégées des moqueries simplement parce que beaucoup de gens les partagent, d’autres ne bénéficiant pas de la même protection simplement parce qu’ils sont minoritaires. Comment admettre que la loi protège ceux qui, justement, sont déjà majoritaires, donc déjà plus fort ?
Pour ceux qui veulent aller plus loin, j’avais publié sur mon blog un article en défense du droit au blasphème et contre les appels à l’autocensure, que vous pouvez trouver ici :
http://meneldil-palantir-talmayar.blogspot.fr/2015/01/non-ils-ne-lont-pas-cherche-la-liberte.html
Je vous rejoins, en revanche, sur d’autres points : en effet, la laïcité ne doit surtout pas devenir un athéisme d’État ; et en effet, il est regrettable que les circonstances actuelles tendent à cristalliser le débat et à empêcher tout échange un peu intelligent, calme, réfléchi, et qu’on tombe très vite dans l’anathème. Moi en tout cas, malgré nos différences de position, « je ne vous condamne pas », comme dirait l’autre. Et mon estime pour vous n’en est pas diminuée.
Cher Meneldil, je ne réponds qu’un peu tardivement à votre commentaire car, comme je l’indiquais au moment où j’ai mis ce texte en ligne je me trouvais coupé d’internet. Il ne vous surprendra pas que nous ne soyons pas d’accord. Je vais essayer de justifier mes positions. J e suis déjà en désaccord avec la définition que vous donnez des libertés comme « quelque chose que l’Etat nous accorde » ! Faux, je n’ai pas besoin que l’Etat m’accorde la liberté de conscience… je me l’accorde moi-même. Par ailleurs par quel acte concret l’Etat pourrait-il donc manifester qu’il « accorde » une liberté ? Une loi ? Aucune loi ne définit les contours d’une liberté. Elles définissent les concours d’un droit et donc, on peut le penser, d’un droit opposable. Vous parlez de l’avortement. La loi Veil n’a pas institué un droit à l’avortement, simplement il a dépénalisé l’avortement de sorte qu’avorter est devenu… une liberté. Et de fait, et là je peux vous rejoindre, l’action des associations pro-avortement a consisté à convaincre l’Etat que même sans que l’avortement soit un droit il fallait accompagner cette liberté de manière à ce qu’elle ne reste pas lettre morte.
Donc contrairement à la liberté, le droit est quelque chose que l’on peut exiger de l’Etat parce qu’il l’a inscrit dans la loi. C’est tout le débat actuel sur la revendication d’un droit au suicide assisté. Aujourd’hui se suicider est une liberté. Et point besoin que l’Etat nous y autorise, comme vous l’écrivez. En revanche ceux qui veulent en faire un droit ont dans l’esprit qu’à partir de ce moment là ils pourront exiger de l’Etat une aide pour réaliser leur projet, une aide qui aujourd’hui ne leur est pas due.
Dernier point de divergence entre nous vous m’expliquez que le blasphème serait déjà un droit et non une liberté parce que, je vous cite : « une éventuelle interdiction du blasphème ne pourrait évidemment concerner que les grandes religions ». Mais qui vous a parlé d’interdire le blasphème ? Pas moi en tout cas ! Je ne demande pas son interdiction je demande simplement qu’on n’inscrive nulle part que c’est un droit (donc opposable) mais qu’on se contente de lui laisser son statut de liberté. Sachant que face à une liberté chacun de nous peut ou non en user, en fonction de sa conscience. Pour ma part, c’est vrai, je souhaiterais que certains journalistes et caricaturistes renoncent, parfois, d’eux-même à l’usage de cette liberté lorsqu’il est à craindre que son usage soit de nature à attenter à la liberté de l’autre…
Rien à ajouter, René, à ce que tu écris avec tant de justesse et d’une belle plume ! Merci.
(ps. si tu n’y vois pas d’inconvénient, je vais mettre un lien sur mon blog…).
Bravo René et je pense que nous sommes nombreux à te donner raison.
Juste un bémol quand tu dis que les millions de mort du nazisme, par exemple, ont leur origine dans un athéisme d’état. Certes, mais je me souviendrai longtemps d’une intervention de Jean Boissonnat lors d’une réunion à laquelle tu participais aussi me semble-t-il. Après une intervention plutôt pessimiste sur l’état du monde d’aujourd’hui avec ces églises qui se vident, ces familles desunies, cette montée du chacun pour soi etc… Jean nous rappelait que c’est dans une Europe au christianisme dominant, avec des eglises et des temples bondés, des familles apparemment unies que cette horreur du nazisme a pu germer. Ça n’enlève rien à tes propos très justes, mais il est toujours essentiel de garder cela en mémoire pour rester vigilant face à tous les extrémismes et tous les communautarismes. Merci pour tes textes toujours riches et bonne année à vous deux.
Parfaitement d’accord avec vous, René et aussi ,ce qui est beaucoup plus extraordinaire de ma part avec G HEICHELBECH
Moi je suis anéantie
Un jeune doit être fouetté de 50 coups de fouet en Arabie Saoudite
Il s’agit de Raif Badawi jeune blogueur condamné à 10 ans de prison et a recevoir 1000 coups de fouet
et le fric de ces gens-là vient acheter notre démocratie
en passant par le psg ou bien les vignobles
je suis ecoeurée
Merci à René Poujol. Oui la responsabilité est ainsi à la charnière entre droits, décrits par des lois , et liberté. Mais selon les sujets (finance, fiscalité, santé, presse, culture, ressources naturelles…) et les pays, la distance entre droits et liberté est plus ou moins étendue. Son appréciation n’est plus limitable à chaque pays , elle est planétaire. La responsabilité de chacun est ainsi diversement sollicitée. Quels outils la société civile propose-t-elle, quelles semences fécondantes les religions, leurs croyants, et particulièrement les chrétiens, apportent-ils pour l’usage responsable de cette liberté par chaque homme? Et selon quel(s) sens?
Bonjour Monsieur Poujol et bravo pour cette opinion qui me redonne un tout petit peu confiance dans nos journalistes (mais vous avez – il faut le reconnaître – toujours eu une place à part dans le « concert » médiatique).
Vous n’étiez sans doute pas au courant, puisque privé d’internet, mais 10 personnes sont mortes au Niger durant les deux jours de violence et toutes les églises de Zinder et Niamey soit plus d’une douzaine (à l’exception de la cathédrale) les locaux occupés par les missions, de nombreux commerces chrétiens… ont été détruits.
Lorsque j’ai rédigé mon texte il n’y avait pas encore de morts. Puis je suis resté 24 h sans accès à internet. J’ai modifié mon texte pour tenir compte de cette évolution hélas prévisible.
Perte de la mesure, victimisation, fausse naïveté, j’ai lu de meilleurs articles de votre part. Je sais pourtant que vous n’êtes pas un de ces cathos identitaires, bêlant avec sa meute ses arguments prémâches à peine commence-t-on à formuler une critique. Peut-être reviendrez-vous par la suite sur certains de vos arguments, je ne vais donc pas m’appuyer sur les quelques passages très faibles.
Ce qui m’intéresse c’est la blessure qu’ils dénotent et que je n’attendais pas à rencontrer si vive chez vous. Alors oui je respecte votre foi, oui, votre intimité spirituelle, le sens de votre vie, ce que vous tenez pour sacré, tout ça, bravo, très bien. Mais j’aimerai ne pas être obligé de répéter cette proclamation de respect cent fois dans l’année. J’aimerai avoir une discussion sur les vérités absolues que les religions prétendent détenir sans qu’elle soit immédiatement retournée en une discussion sur mon manque de respect envers les religions. Vous êtes comme ce cousin manquant de confiance en soi qui à chaque réunion de famille énerve tout le monde en voulant être le centre d’attention, mais désamorce toute tentative de le remettre à sa place en menaçant de pleurer au moindre début de critique. Comprenez qu’il y aura toujours des gens pour vous insulter, même si demain votre religion arrêtait de se croire infaillible et redescendait parmi nous autres hommes perdus, vous continueriez à subir moqueries, railleries et insultes. Man up and deal with it, comme disent nos amis.
Et donc il y a le Niger, où il y a eu des morts depuis que vous avez écrit votre article. Vous voici dans la position favori du bigot, vous voici tisseur de lien causal, diseur de responsabilité, distributeur de bons et mauvais points. (Notez que dans le genre donneur de leçon, les bigots politiques sont souvent pires). Je vous avoue être gêné par ce type de responsabilité lointaine. L’argument logique est bien là, qui permet de joindre les caricatures et les émeutes, et donc d’engager la responsabilités des dessinateurs, mais c’est un peu abstrait, non ? J’entends qu’il faut quand même garder le sens commun, un dessin n’est jamais qu’un dessin.
Alors je ne rentrerai pas dans les distinctions droit/liberté ou que sais-je (Koz noie le poisson de la même façon que vous). Cessez d’être aussi subtil, cessez aussi de faire le faux naïf : non, la république ne s’est pas subitement converti à l’esprit Charlie. Il y a eu des morts, et face à ça votre fierté de croyant outragé ne pèse pas lourd. Demain Charlie Hebdo redeviendra un journal de sales gosses, ordurier, moche et peu inspiré, et l’ensemble des français recommenceront à ne pas le lire.
Donc les cathos, les musulmans et les autres, on vous aime, votre religion est super, vous avez toute votre place dans la république etc… Est-ce qu’on peut parler maintenant du bonhomme dans les nuages qui vous dit quoi penser et quoi faire en toutes circonstances et sur tout les sujets ? Parce qu’on est quelques uns, en tout respect et en toute amitié, à penser que c’est un peu flippant d’être de tels puits de certitude, que c’est antisocial de se réfugier dans la tour d’ivoire du dogme universel pour ne pas avoir à se frotter aux réalités tellement relatives du monde, à constater avec inquiétude que chaque nouvelle génération de croyant est plus raisonatrice dans des arguments toujours plus tranchés, plus littérale dans son obéissance aux dogmes, plus éloignée du sens commun, plus en refus de la jolie pagaille du monde réel et lui préfèrent les jardins à la française de leur morale abstraite.
Je sais que c’est une discussion que vous avez ouverte dans certains vos textes et je vous en donne crédit. Je crois aussi qu’il faudra à un moment cesser de débattre en terme de droit canon, cesser de répondre par des arguments légaux aux arguments légaux des tradis. C’est uniquement si la religion est vivante, si elle est plus qu’un ensemble de règles, de lois et de dogmes, et donc si elle apprend à s’en passer, qu’elle pourra prendre sa place dans et contribuer à enrichir la république. Il y a donc pas mal de bigoterie et de certitudes à jeter pas la fenêtre.
J’ai du mal à comprendre cette soudaine excitation. Le lecteur jugera et je n’ai aucunement envie de répondre tant nombre de vos assertions, générales quant aux croyants, sont à cent lieues de mes références personnelles. Eh bien oui, il y a le Niger et ses morts. Et, quoi que vous en pensiez, la rédaction de Charlie en porte, même si c’est indirectement, la responsabilité, puisque sans ce numéro de Charlie… il n’y aurait pas de morts. Oui il y a le lien, qui n’a rien à voir avec la morale judéo-chrétienne que vous portez apparemment en aversion, entre liberté et responsabilité,faute de quoi plus aucune vie en société ne serait possible. L’essentiel de mon propos, depuis l’affaire des caricatures où j’étais directeur d’hebdomadaire, est de dire qu’aucun journaliste ne peut s’en affranchir au motif d’un prétendu droit d’expression sans autres limites que celles que définit la loi. Vous avez le droit de penser le contraire. Reconnaissez-moi au moins le droit de m’exprimer en liberté… dans ce blogue !
René,
Autant je n’ai pas envie de me perdre dans le débat droit vs. liberté, qui me semble assez stérile, autant là-dessus je suis obligé de réagir… Sincèrement, je ne sais pas ce que ça veut dire « la rédaction de Charlie en porte, même si c’est indirectement, la responsabilité, puisque sans ce numéro de Charlie… il n’y aurait pas de morts ».
A ce compte-là, plusieurs choses :
1. Quand un homme est excité par une fille en mini-jupe et l’agresse sexuellement, peut-on dire que, parce que si elle n’avait pas eu de mini-jupe, il n’y aurait pas eu d’agression, la jeune fille en porte indirectement la responsabilité ?
2. Puisque si Dieu n’avait pas créé Hitler, il n’y aurait pas eu la Shoah, Dieu est-Il indirectement responsable de la Shoah ? Et, en fait, de tous les malheurs du monde ?
En fait, en suivant votre raisonnement, on peut dire à peu près n’importe quoi, me semble-t-il, en matière de responsabilité, et je ne vois plus bien ce que signifie « être responsable de quelque chose ». En termes plus philosophiques, je dirais qu’il n’est pas suffisant d’être un des effets qui ont conduit à une cause pour être responsable de cette cause.
Meneldil, avec toute l’amitié que je vous porte, si vous trouvez stérile le débat liberté/droit qui me semble constituer une distinction essentielle (*), et si vous considérez que l’équipe de Charlie ne porte aucune responsabilité sur les événements dramatiques du Niger qui permettraient de remettre au goût du jour le fameux « responsable mais pas coupable », alors je ne vois pas, sur le sujet, ce que nous aurions de plus à échanger.
(*) Permettez-moi de revenir sur l’un de vos post précédents : comment pouvez-vous considérer de la même manière des « droits » fondamentaux comme le droit à la sécurité, à la santé, à l’éducation… que tout gouvernement se doit (parce que c’est un droit des personnes) de mettre en œuvre et garantir à sa population, et ce que vous appelez le « droit » de fumer, de boire de l’alcool ou de se shooter qui ne sont que des libertés ?
Sur le débat droits/libertés, ce n’est pas que je le trouve stérile sur le fond, c’est seulement que j’ai l’impression que chacun arrive avec sa définition de ces deux termes, et qu’avant toute autre chose, il faudrait discuter de ça. Or, il me semble que ça fait un peu défaut dans les commentaires : on court donc au malentendu.
Sur la question de la responsabilité, vous ne répondez pas à ma question : Dieu est-il responsable des malheurs du monde parce qu’Il l’a créé ? La fille est-elle responsable de s’être fait violer parce qu’elle a mis une mini-jupe ? Je persiste à penser, sauf explication, que vous confondez « être une des causes » et « être responsable ».
Pour le droit de fumer ou de boire de l’alcool, on peut ne pas être d’accord avec moi, mais je pense en effet que ce sont des droits, des droits fondamentaux pour chacun d’user de son corps comme il l’entend.
Vous avez çà d’extraordinaire de sommer votre interlocuteur de vous répondre lorsque vous avez le sentiment d’avoir une bonne prise (Dieu est-il responsable du mal) tout en bottant en touche lorsqu’une question ne vous convient pas, comme la nécessaire distinction entre droit et liberté. Lorsque vous aurez entre les mains une déclaration des Droits de l’homme (ou un quelconque code de droit) évoquant les droits de boire et de fumer, passez m’en une copie, ça m’intéresse ! Alors on va jouer au chat et à la souris. Répondez-donc à ma question : peut-on enseigner une morale laïque à l’école où la liberté ne s’accompagne pas de responsabilité, et je vous répondrai sur la mini jupe !
A Benoit : je suis chrétien, et pourtant contrairement à ce que vous pensez, le « bonhomme dans les nuages qui vous dit quoi penser et quoi faire en toutes circonstances et sur tous les sujets » m’a toujours laissé toute liberté de penser et d’agir. Cela porte d’ailleurs un nom : le libre arbitre.
Quant au puits de certitude, il n’y a pas de foi véritable sans le doute…
Vous avez une vision pour le moins caricaturale et particulièrement erronée de la religion.
Dieu répond à Charlie par l’humour : il y a eu plus de monde à la messe du pape François du 18 Janvier à Manille (6 millions de fidèles) que de personnes manifestant en France dans la rue le 11 Janvier (quelques centaines de milliers).
Merci pour cet article mais renseignez vous Monsieur, non les religions ne sont pas plus responsables de violence que d’autres organisations. Ce mythe à été déconstruit de manière magistrale par W Cavanaugh dans « le mythe de la violence religieuse »
A lire en priorité car justement Bartolone et ses amis ont besoin de ce mythe pour établir leur État laïque anti religieux.
C’est donc l’occasion aussi de relire R Girard qui nous rappelle que plus la société est archaïque, plus elle est fondée sur un mythe fondateur mensonger contre un bouc émissaire.
Je n’ai pas écrit que les religions étaient « plus responsables » de violences que d’autres… Je dis qu’elles ne peuvent se défausser du soutien qu’elles ont historiquement apporté à des manifestations de violence : qu’il s’agisse des croisades ou de la conquête des Amériques. Sinon, pourquoi le pape Jean-Paul II aurait-il engagé au cours de l’année jubilaire de l’an 2000 une demande solennelle de pardon, au nom de l’Eglise, pour cette trahison du message évangélique ?
Merci pour votre réponse.
Il faut cependant mesurer la portée de ce que vous dites lorsque vous exprimez sans nuance l’opinion libérale: les religions sont violentes car elles ont la prétention de détenir la Vérité et de l’imposer au monde entier.
Je ne nie pas qu’il puisse y avoir de la violence commise au nom des religions, je nie l’idée d’une violence spécifiquement religieuse (Nazisme et Communisme ont largement fait tomber ce mythe).
R Girard nous explique même que la fondation des religions est pour contenir la violence destructrice des sociétés.
Aujourd’hui le monde court à sa destruction justement pour refouler toute forme de sacré qui réapparaît du coup sous des formes primaires uultra violentes. Le mythe libéral du tout est permis en est la preuve et la cause.
Or ce mythe se justifie justement par l accusation spécifique faite aux religions d’être violentes
La laïcité est une religion d’État, la religion des despotes protestants francs maçons qui ont pris le pouvoir en 1789, par une Terreur pire que Daesh, et par un génocide du peuple catholique, et en asservissant celui-ci dans une sorte de sous-caste méprisée, taillable et corvéable à merci.
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Les Lumières, leur dieu Raison, leurs droits de l’homme sans Dieu, ont fait subir aux peuples, en France et partout ailleurs, les plus abominables barbaries, guerres, génocides, totalitarismes, exploitations, pollutions, que l’humanité ait jamais connus.
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L’une des raisons majeures est la prétention protestante de balayer les devoirs de l’homme envers Dieu et son prochain, contenus dans le Décalogue et les Évangiles, et de les remplacer par des droits de l’homme sans Dieu, ou plutôt l’homme soumis à son seul dieu Raison, son dieu Moi.
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Les devoirs de l’homme sont la garantie de sociétés civilisées, où chacun se sent responsable d’accomplir le devoir auquel il s’engage. Les droits de l’homme sont l’anarchie et la chienlit assurées. Car chacun y exige ses droits de tous les autres. Tous deviennent irresponsables mais en même temps tous déportent sur les autres la responsabilité du respect de leurs droits.
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Si nos sociétés ne se débarrassent pas de ces funestes droits de l’homme sans Dieu, et ne reviennent pas aux devoirs envers Dieu et son prochain, l’on continuera à voir s’abattre sur le monde les pires fléaux inhumains. Certains irresponsables exigent maintenant un droit à l’avortement, en ayant oublié jusqu’à la mémoire du devoir des hommes à protéger la vie.
J’ai hésité à valider ce texte de Babar et donc à l’afficher sur les pages de mon bogue. Inutile de préciser que par ses excès même, il m’est impossible non seulement d’y souscrire mais d’y voir l’élément d’un possible dialogue entre nous. Pour autant il illustre parfaitement la montée des tensions, le creusement de l’abîme auquel je fais allusion dans mon article, lorsque chacun s’enferme dans sa seule logique. A vous de me dire s’il a ici sa place.
Je suis pas Charlie, je suis pas Kouachi
Je suis Respect, Je suis Démocrate, Je suis Tolérance, Je suis Équitable, Je suis Egalité, Je suis Légalité, Je suis Cohabitation, Je suis Coexistence, Je suis Fraternité, Je suis Humble, Je suis Altérite, je suis Humain….
Et je suis contre
Les Arrogants, Les Injurieux, Les Anars, Les Irrévérencieux, Les Injustes, Les Injurieux, Les Diffamants, Les Insultants, Les offensants, Les Outrageants, Les Humiliants…..
Mais Je suis plus encore Contre
Les Criminels, Les Lâches, Les Terroristes, Les Illuminés, Les Radicaux, Les Totalitaires, Les Xénophobes, Les Antisémites, Les Islamophobes, Les Takfiristes, Les Racistes.
Moralité… Le Vivre Ensemble sur ce qu’on appel « Terre » réclame une « Harmonie » des « Libertés »
Alors Oui je suis Pour des lois qui restreignent nos libertés d’expression, mais pas uniquement pour certaines composantes de la société (Loi contre l’Antisémitisme, le Négationnisme, L’exhibitionnisme, « certains » Génocides, ..) en ignorant des millions d’autres qui se sentent blasphémés, offensés, injuriés…
Alors Non, je suis pas Charlie et non je suis pas Kouachi…
Mais Rien ne justifie ces Meurtres, je compatis avec les familles des victimes de cette tragédie.
Mais de grâce attention aux Amalgames Entre Liberté d’Expression et Injure Offensant Blasphématoire.
Si scander « Je suis Charlie » , c’est faire l’Apologie du Blasphème…
Alors les Terroristes auront gagné…
Saoud Mohamed
11 janvier 2015
D’accord avec Saoud Mohamed! Il me semble que le « vivre ensemble » nécessite que nous respections le « sacré » de l’autre, dans la mesure évidemment où ce sacré ne dégénère pas en fanatisme, c’est à dire en intolérance radicale envers autrui.
Monique, c’est bien joli, mais comment fixerez-vous les limites ? Allez-vous interdire les opérettes d’Offenbach qui ridiculisent les dieux de l’Olympe au prétexte qu’il y a encore des gens qui y croient ?
Je tombe, ces jours-ci, sur une tribune de l’intellectuel d’origine Argentine Daniel Borrillo intitulée « Le droit au blasphème ». C’est dire qu’il y développe la thèse que je combats, ici, dans ma propre contribution. Je ne relèverai qu’une affirmation qui vaudrait débat : « La liberté des croyances est ainsi subordonnée à la liberté d’expression. » Faux ! La liberté des croyances procède de la liberté de conscience qui échappe à toute autorité étatique. M. Borrillo, si c’est son cas – ce que j’ignore – a parfaitement le droit d’être de croyance athée sans que l’Etat l’autorise à l’être. Et je l’écris ici sans réserve : il aurait eu légitimement le droit d’être athée, dans sa croyance, sous la monarchie, à une époque où les Princes très chrétiens (?) faisaient interdiction de le proclamer.
Il y a, en effet, un pas décisif entre croyance et expression publique de cette croyance. Qu’une telle nuance échappe à un spécialiste du droit me laisse perplexe. S’il s’agit d’écrire « la liberté d’expression des croyances » est subordonnée à la liberté d’expression, alors le débat redevient possible. A condition que cela s’applique à toutes les croyances : même l’athéisme. Et que l’on soit capable de déterminer quels critères objectifs vont êrmettre de restreindre ce droit à l’expression. Le port du voile dans les lieux publics est-il plus attentatoire à la paix civile que l’expression publique de propos blasphématoires conduisant à des actes terroristes ?
Et lorsque, de son côté, le président de l’Assemblée nationale déclare : « Il y a une religion suprême pour chacun d’entre nous : c’est la religion de la République ! » on se prend à frémir. Voilà qu’on nous établit un nouveau dogme qui, pour le coup, échapperait à la critique que l’on considère généralement comme légitime vis à vis de tout dogme religieux ? Et au nom de quoi ? De la raison ? Peut-on fonder « en raison », indiscutable, ce qui nous est présenté comme étant une religion « supérieure » ? Le nazisme, le communisme ont-ils été, en leur temps, autre chose que des religions supérieures… ? On connaît le résultat.
On aimerait que les ayatollahs de la laïcité aient un peu d’humilité dans la conduite d’un débat qui ne leur donne pas forcément le droit de nous asséner n’importe quelle fausse vérité. Encore une fois dès lors que la liberté d’expression ici, ou une certaine conception de la laïcité là, prétendent devenir de nouvelles religions, elles ont le droit, le devoir, d’être interpellées, remises en question, comme tout dogme. Foi de citoyen croyant !
Je voudrais défendre ici M. Bartolone et l’idée d’une religion républicaine.
Sur votre point Godwin, cher hôte, de Courtivron vous a répondu intelligemment plus haut. En effet les crimes nazis et communistes sont arrivés chez nous, sur nos terres, on ne peut faire comme si notre culture n’en portait pas les germes. Un plus doué que moi pourrait retracer l’origine de ces horreurs aux Lumières, montrer comment c’est la déification de la raison, de la technique, l’oubli des besoins spirituels de l’homme qui nous a conduit à ce gouffre. Un militant sera du coup tenté de réécrire l’histoire de façon manichéenne : « deux clans s’affrontent, les Lumières et l’Église, l’un au service du diable, le second de Dieu ». C’est ce que fait Babar ci-dessus et c’est à coté de la plaque. Non seulement les Lumières sont une création chrétienne, mais elles n’ont cessé de dialoguer avec, d’influencer l’Église. Qui dit Réforme dit Contre-Réforme.
L’oubli des besoins spirituels de l’homme, voilà donc notre grande maladie. Cette obfuscation dont nous avons subi les conséquences jusqu’à la lie arrive – il me semble ou je l’espère – en fin de cycle, du fait de la crise écologique notamment. La raison ne peut donner à l’âme la nourriture spirituelle qu’elle réclame.
Alors une religion républicaine ? Mais bien sûr, bien évidemment ! Que peut être d’autre la République ? Un simple contrat pour s’échanger le pouvoir entre ennemis irréconciliables afin d’éviter la guerre civile ? « Le pire régime à l’exception de tous les autres » ? Ça n’est guère viable. Si la République n’est pas une religion, elle n’est qu’une vieille idée, elle est figée, installée, morte ; pourquoi donc se sentirait-on obligé vis-à-vis d’elle ?
Puisqu’enfin une demande apparait pour remettre du spirituel au cœur de la société, n’est-il pas du devoir des catholiques d’aider, de participer à cette renaissance ? Comment pourraient-ils laisser passer cette occasion ? On ne veut pas de vous ? Certes, mais ça n’est pas nouveau, faites comme d’habitude, prenez votre place, sans vous plaindre si possible. A moins que le dogme ou le besoin de reconnaissance identitaire ne vous empêche de participer à une autre religion que la votre, mais au vu de votre réponse et de celle de Patrick Pique à mon précédent commentaire (un peu énervé, je m’en excuse) il semble que ça ne soit pas le cas.
Je comprends pourquoi ces mots « religion républicaine » vous font bondir, je connais mon histoire, je suis conscient du danger. Permettez-moi une hypothèse osée (dans la nuance, bien sûr): c’est parce que le catholicisme possède en lui une part totalitaire que vous ne pouvez imaginer une religion qui ne soit pas totalitaire, c’est parce que vous ne séparez pas le catholicisme de ses dogmes que vous n’imaginez pas qu’une religion puisse exister sans dogme.
Afin d’ouvrir le dialogue sur ce sujet complexe je vous soumets ces quelques réflexions sur la religion comme lien (étymologie). Il y a au moins trois façons de comprendre ce lien de façon laïque, c’est à dire sans faire intervenir votre ami dans les nuages. La première est très romaine, c’est le lien qui entrave, retient, bâillonne. C’est la religion qui dresse les sauvages, qui domestique l’homme. « Ma religion est le seul rempart contre la barbarie et le chaos » est la croyance de ses partisans. Cette conception est basée sur la peur de l’autre, ceux qui la partagent se mettent dans la peau du tyran.
Une deuxième façon de concevoir ce lien est celui de la fraternité. Au lieu de voir en l’autre un meurtrier potentiel, j’y vois un frère de misère et de doute. Je cesse de penser comme un empereur romain, je reconnais ma faiblesse et ma dépendance et je peux donc aimer l’autre et accepter son amour. Contrairement au précédent, ce lien fraternel ouvre la possibilité de la liberté. Le problème est de faire durer ce lien dans le temps, au delà de l’émotivité. La Fête de la Fédération a été un moment magnifique, proprement religieux, qu’en est-il resté ? Que restera-t-il du 11 janvier ? Pour assoir la fraternité dans la durée on peut instaurer des rites, mais ce faisant on risque fort de retomber dans une conception utilitariste de la religion, et donc dans le premier lien.
Le troisième lien est celui de l’héritage, le lien des générations. Ce lien n’annule pas le précédent, il le fonde, en lui donnant une profondeur, une autre dimension : la fraternité est horizontale, l’héritage est vertical. J’inscris ma vie dans une chaine reliant mes ancêtres et mes descendants. Je suis libre, responsable de mes actes, car tel est mon héritage ; mais je ne suis pas le premier homme au matin du monde, je ne pars pas de zéro et il ne m’appartient pas de tout reconstruire, simplement de transmettre, de prolonger, d’animer. C’est la religion de la patrie, le lien avec nos pères, ceux qui ont fondé notre art de vivre, ceux qui ont fait la Révolution, ceux qui ont libéré le pays… Loin de s’endormir dans le confort d’une république installée, une telle religion demande à ce qu’on prenne nos responsabilités, pour continuer la chaine. « D’uno raço que regreio,
sian bessai li proumié gréu, sian bessai de la patrìo, li cepoun emai li priéu » chante-t-on de par chez moi : chaque vie, chaque génération est un nouveau printemps, à elle de faire refleurir l’héritage reçu. (Je précise au cas où que l’héritage n’a – dans son acceptation française – rien a voir avec une conception racialiste telle qu’elle a pu être théorisée par les allemands par exemple. La personne du roi autrefois, aujourd’hui les principes universels de notre devise permettent que cet héritage reste ouvert, c’est à dire que vous pouvez rentrer dans la chaine, participer à cette religion, même si vous n’êtes pas un descendant de ceux qui l’ont fondée. Le lien est spirituel, pas génétique.) Le gros avantage civilisationnel d’une telle religion est qu’elle nous permet d’enjamber les Lumières et leur prêchi-prêcha rationaliste pour aller puiser chez les grecs une conception de la vie et de la politique qui ne soit plus teintée du totalitarisme romain.
Deux raisons pour lesquelles les catholiques peuvent être précieux à une telle religion républicaine, s’ils acceptaient de prendre le risque :
1) Le catholicisme est une religion de l’héritage, de la chair et non pas des idées. Une poignée de gugusses dans le désert il y a deux mille ans, mais ces gugusses ont vécu, ils ont mangé, dormi, pleuré, eut froid… Parce que les catholiques sont reliés à ces vies là, ils peuvent nous aider à retisser le lien avec nos ancêtres.
2) Vatican II a permis au catholicisme de se débarrasser d’une partie de la raideur idéologique que les Lumières avaient suscitée chez lui. C’est un travail qui peut continuer.
Au sujet de Charlie Hebdo, je recommande aux anglophones ce texte de Mahmood Mamdani sur l’histoire de l’Islam politique et les caricatures danoises. Il y fait la distinction entre bigoterie et blasphème, la bigoterie étant le rejet d’une tradition qui n’est pas la sienne, le blasphème la remise en cause d’une tradition de l’intérieur même de celle-ci. En ce sens le blasphème est un acte courageux et un moteur de l’évolution, la bigoterie ne fait qu’augmenter le rejet mutuel. Le lien : http://www.lse.ac.uk/publicEvents/pdf/20070308_HobhouseMemorial.pdf
Merci de votre contribution que je souhaite mettre en ligne sans plus tarder. J’y répondrai, si cela me semble utile. Je voulais simplement mettre en garde contre l’idée d’une religion républicaine tellement « suprême » qu’elle serait, par nature, à l’abri de toute critique, alors même qu’on revendique le droit de critiquer toutes les autres…
René, ne prenez donc pas la mouche si vite ! Je ne somme personne, mais je pense en effet que dans un débat, il faut bien répondre aux arguments des autres. Et je ne vous en veux pas non plus de me rappeler à mes propres devoirs.
Sur la distinction entre droit et liberté, je reconnais la nécessité de faire la différence, simplement je ne suis pas d’accord avec votre définition, que je ne trouve pas claire (mais c’est peut-être que je ne la comprends pas). Ainsi, votre exemple sur la liberté de conscience est à mon avis mauvais : vous dites que l’État n’y est pour rien et que vous vous l’accordez tout seul ; mais c’est uniquement parce que l’État n’a pas (pas encore ?) les moyens TECHNIQUES de vous dénier ce droit (ou cette liberté). On peut très bien imaginer que les neurosciences nous permettent un jour de modifier les pensées, les idées des gens ; à ce moment, l’État vous accorderait (ou pas, je le crains) la liberté de conscience.
Donc, je continue à trouver ma définition mieux fondée : un droit est vôtre par nature, de manière essentielle et objective, une liberté vous est accordée alors qu’elle pourrait (techniquement ou moralement) ne pas l’être. Mais encore une fois, ce ne sont que des définitions, je veux bien réfléchir avec vous sur la base d’autres définitions tant qu’elles me semblent claires.
Qu’aucun texte ne proclame le droit de fumer ou de boire ne prouve pas grand-chose, car on n’est quand même pas obligé de croire que les nombreuses Déclarations des Droits qui ont fleuri entre 1789 et 1948 (et même un peu avant et après…) contiennent l’alpha et l’oméga de nos droits fondamentaux. Tout ce que ça prouve, à vrai dire, c’est que ces droits n’ayant encore jamais été menacés, ils n’ont jamais eu à être proclamés. Qu’un État islamiste (jouons à Houellebecq…) vienne essayer de m’interdire de boire du whisky, je me battrai pour ce droit fondamental.
Ce qui ne signifie pas, bien sûr, que tous les droits (ou libertés) soient aussi importants les uns que les autres. Bien sûr, les droits à la santé, à la liberté de conscience ou d’expression, à l’éducation etc. sont plus importants que le droit de boire de l’alcool. Mais cela ne signifie pas que ce droit n’existe pas.
Je réponds enfin à votre question finale : bien sûr qu’on va enseigner la responsabilité ; je suis bien placé pour le savoir. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Pour ma part, je n’enseigne certainement pas à mes élèves de se coucher devant les violents, ni de céder à leurs revendications par peur des représailles.
Ce que j’essaye de vous faire sentir, c’est que la « responsabilité » dont il est question ici est quelque chose d’intime, de privé, de personnel, et que donc il n’y a pas grand sens à « appeler à la responsabilité ». C’est presque faire insulte aux journalistes de Charlie : croire, en quelque sorte, qu’ils auraient simplement oublié les conséquences possibles de leurs actes, qu’ils les auraient oubliées. Alors qu’en fait, ils en avaient justement parfaitement conscience, et qu’ils ont fait leur choix en toute connaissance de cause. En tant que journaliste, vous en avez fait un autre ; très bien, et alors ? Ils ne vous appellent pas, que je sache, à user de votre liberté d’expression pour publier des caricatures blessantes ; pourquoi les appeler à s’empêcher de le faire ?
Je crois que c’est sur Facebook que quelqu’un vous l’avait dit à ma place : ne pas publier les caricatures a moins de conséquences négatives à court terme, mais vous ne savez pas si à long terme ça ne contribue pas, par exemple, à encourager l’islam radical qui voit qu’il peut arriver à ses fins par la violence. Il faut avoir l’humilité de reconnaître qu’on ne peut jamais prévoir toutes les conséquences de ses actes : comme le dit Tolkien, « un avis est un don dangereux, même de sage à sage, et tous les partis peuvent mal tourner ». Votre choix de journaliste n’est pas si évidemment meilleur à long terme qu’il puisse s’imposer naturellement à tous les journalistes.
Sauf, encore une fois, à les considérer comme responsables des attaques contre les chrétiens (mais alors la gamine défigurée à l’acide pour avoir été à l’école est aussi responsable de son propre sort : c’est pas comme si on ne l’avait pas prévenue, et si elle n’était pas allée à l’école, elle ne serait pas défigurée).
Donc oui, j’enseigne la responsabilité avec la liberté ; mais je ne crois pas que la responsabilité soit la même chose qu’une prudence poussée à l’extrême qui nous pousserait à ne jamais agir dès qu’une conséquence négative pourrait surgir de notre action. La responsabilité, c’est s’informer et réfléchir avant d’agir, puis agir dans le respect de la loi et de ses convictions sur ce qu’il est le meilleur de faire, en sachant qu’on ne prévoira jamais TOUTES les conséquences de ses actes. En ce sens, vous agissez de manière responsable, mais Charb aussi agissait de manière responsable.
Allez, j’ai bien joué à la souris, maintenant à vous : Dieu, les filles violées et les gamines défigurées à l’acide, responsables ?
Meneldil, je ne veux pas vous désobliger mais je me refuse à rentrer dans des débats interminables et sans issue. Prenons acte de notre désaccord ou plus exactement de nos désaccords. C’est devenu entre nous une habitude.
Vous posez en principe que chacun de nous a spontanément des droits et que c’est à l’Etat que nous devrions nos libertés. Je prétends exactement l’inverse : qu’il n’est de droits que formalisés par des textes… de droit, précisément et que le reste st liberté ! J’observe d’ailleurs que dans le débat du moment on parle moins de liberté d’expression que de droit à la liberté d’expression, comme pour justifier que cette liberté puisse ou doive être garantie par l’Etat. Nous sommes donc en désaccord. Ce n’est pas dramatique.
Concernant la notion de responsabilité nous divergeons également vous et moi. Cet après-midi même, j’ai rattrapé par un abatis un gamin de huit ans qui traversait à un passage protégé alors que le « bonhomme » était au rouge. S’il l’a fait, c’est tout simplement parce qu’un adulte, estimant qu’il avait largement le temps de passer avant l’arrivée des voitures, s’est élancé pour traverser la rue sans se soucier de la présence du gamin à son côté. Votre lecture de ce fait banal, qui aurait pu tourner au drame, est sans doute que l’adulte n’aurait porté, en cas d’accident, aucune responsabilité. L’enfant seul aurait été responsable du fait qu’il avait négligé de regarder la signalisation. Au plan du droit c’est peut-être vrai, au plan moral ce n’est pas, vous l’aurez compris, ma lecture.
Y a-t-il, sur ces deux points, une « vérité » et une seule ? Nos lecteurs trancheront !
Je suis quand même déçu que vous ne répondiez pas (contrairement à ce que vous m’aviez annoncé !) aux cas de figure que je vous présente. Je vous pensais meilleur joueur…
Je vous ai répondu sur le fond.
j’apprécie toujours les commentaires de Méneldil car sa première qualité est d’éviter toute manipulation des idées et des mots… Pour moi, c’est simple, j’espère que le droit au blasphème est une droit garanti car si ce n’est qu’une liberté c’est déjà le restreindre… Or il ne doit y avoir aucune restriction… Ce n’est pas pour autant que la République laïque « lance une nouvelle religion » mais son devoir est de permettre la liberté d’exprimer une opinion inverse y compris la dérision y compris à l’égard des religions qui ne détiennent pas les vérités qu’elles ont pourtant l’habitude d’absolutiser. Tant que les religions sortiront de la sphère strictement privée elles seront elles-même « blessantes » parce qu’une vérité absolutisée est par essence choquante et une atteinte à la de conscience… Personne n’empêche une religion d’absolutiser des vérités mais dans ce cas elles doivent rester strictement du domaine privé… Sinon, il ne peut pas y avoir de respect et de ce point de vue, les religions ne respectent pas d’abord les consciences et donc les personnes humaines… Alors l’argument qui consiste à « éviter de vouloir blesser l’autre par des dessins » ne tient pas car il y a manipulation et inversion, c’est un argument de conservateurs qui joue aux vierges effarouchées… Chez les artistes, il y a un message, on est capable de le recevoir ou non mais surtout il est du devoir des artistes de nous prévenir que nous vous enfermons sur des vérités absolutisées et que nous nous crispons sur des symboles religieux qui ne sont pas réels mais seulement des images du réel. La spiritualité (travail de l’esprit sur la personne) est alors en danger, recevons le comme une vrai citoyenneté parfaitement responsable… Une catho pratiquante, laïque, profondément charlie, citoyenne et républicaine car on peut tout concilier heureusement si on met chaque chose à sa place dans le coeur et la tête…
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Meneldil Palantir Talmayar a choisi de poster sur son blogue personnel une réflexion qu’il dit (sur Facebook) avoir écrite en pensant à nos échanges précédents. Les lecteurs de ce blogue peuvent y accéder au moyen du lien ci-après
http://meneldil-palantir-talmayar.blogspot.fr/2015/01/entre-le-marteau-du-respect-et-lenclume.html
Voici ma réponse :
Cher Meneldil, puisque vous précisez sur Facebook que c’est en pensant à moi et à mon article dont nous avons débattu vous et moi, que vous avez écrit votre propre texte, je me sens «tenu» de le commenter à mon tour. Et comme, à vous lire, je découvre avec quelque stupéfaction que je suis à la fois, «dangereux» et «lâche», vous comprendrez que je vous réponde sans auto-censure.
Votre texte est brillant, comme souvent. Il expose, sur la question, un point de vue tout à fait respectable, mais qui ne s’impose aucunement à qui n’a pas envie de le partager, ce qui est mon cas. Nous divergeons, vous et moi, sur deux idées. La première concerne la distinction entre droit et liberté dont vous m’avez écrit qu’elle était sans grand intérêt ! Soit, sauf qu’elle justifie la critique en règle de mon article.
Je continue à prétendre que la liberté (et donc la liberté d’expression) n’a pas à nous être concédée par qui que ce soit. Que c’est le principe. Et qu’en revanche la notion de droit est liée à une intervention du législateur puisque tout droit doit renvoyer à un texte… sinon, il n’est que liberté ! Vous écrivez : «En matière de liberté d’expression, je pense que la loi française est plutôt bien faite!» Il se trouve que c’est également mon sentiment. Et du coup, je ne vois pas la nécessité d’en rajouter. Sur mon blogue, je disais mon inquiétude à entendre certains exiger un «droit au blasphème». Si la loi sur la liberté d’expression est bien faite, pourquoi donc un «droit au blasphème» ? Quel sera son apport ? Et quel peut bien être son contenu ? Or, j’ouvre l’Express de cette semaine (n°3317) et à la p.74 je lis cette déclaration de Serge July : «Il faut donner à la presse le droit au blasphème». Je n’ai donc pas rêvé ! Alors, vous qui savez beaucoup de choses qui m’échappent, éclairez-moi sur le contenu de ce droit (qui, soit dit en passant, serait donc bien une initiative parlementaire traduite dans le droit objectif et non ce «droit» dont vous persistez à me dire qu’il est « de fait », connaturel à notre humanité).
Seconde pomme de discorde entre nous : ces notions de respect et de responsabilité que vous estimez «dangereuses». Je vous cite : «Il est plus difficile de lutter contre quelqu’un qui accepte la liberté d’expression mais appelle à la retenue…» Pardonnez ma naïveté : pourquoi faudrait-il «lutter» contre ces gens là ? Quel danger représentent-ils ? Jusqu’à plus ample informé la «liberté» c’est la liberté de faire ou de ne pas faire, de dire ou de ne pas dire, de montrer ou de ne pas montrer… Supprimez un terme de l’alternative et vous n’êtes plus dans la liberté. Quel crime contre le civisme, la laïcité ou la République y a-t-il à «appeler à la retenue», c’est-à-dire à la responsabilité, dès lors que la personne interpellée reste, de toute manière, totalement libre de vous écouter ou de passer son chemin ?
Vous nous expliquez, doctement, que : «La responsabilité, c’est s’informer et réfléchir avant d’agir.» Ah bon ? Je croyais à vous lire que la liberté d’expression ne se réfléchissait pas, était instinctive, sauvage, naturelle, au risque d’être tenté par une forme insidieuse d’auto-censure perverse et régressive si la raison se mettait de la partie ! Et si la responsabilité est bien ce que vous décrivez «s’informer et réfléchir », ai-je jamais dit autre chose ?
Reste le couplet qui est votre morceau de bravoure sur la notion de non-responsabilité de Charlie Hebdo vis à vis des morts du Niger… S’ils ne sont pas responsables, serait-ce donc qu’ils étaient irresponsables ? Je provoque, soit ! Mais pas tellement puisque Charlie Hebdo porte, précisément, en sous titre : « Journal irresponsable » ! Admettez, au moins, que l’on puisse sur cette question, ne pas trancher, ni dans un sens, ni dans l’autre. Acceptons, vous et moi, de nous incliner devant la complexité du réel qui nous oblige à dépasser nos braves certitudes. Lorsqu’un gros fumeur meurt d’un cancer, qui est responsable de sa mort ? Le cancer, le tabac, ou celui qui a pris le risque de fumer ?
Histoire que le débat entamé sur nos blogs et poursuivi sur Facebook soit plus complet, je poste ici aussi la réponse que j’avais faite à René.
Une précision pour commencer : ce n’est pas parce que je vous ai fait un clin d’œil en disant que j’ai pensé à vous en écrivant cet article que chaque mot s’y applique à vous personnellement. Cela dit, j’apprécie bien sûr que vous me répondiez « sans autocensure », vous savez ce que je pense de l’autocensure.
Sur la distinction entre droit et liberté, je n’ai pas dit qu’elle était sans intérêt, j’ai seulement dit (et je le maintiens) qu’en parler nécessiterait avant toute autre chose de définir ces termes, ce qui n’est pas fait. Chacun arrive avec sa définition de ces mots, ce qui ne peut conduire qu’à des malentendus. Ce n’est donc pas que je refuse de discuter de ces mots, c’est qu’avant d’en parler, je voudrais qu’on les définisse.
Qu’une liberté vous soit concédée par l’État, c’est un fait, que cela vous plaise ou non ; la meilleure preuve en est que ce que vous considérez comme des libertés n’est pas concédé par de nombreux États à leurs citoyens. La seule liberté qui échappe encore aux pouvoirs des États, c’est la liberté de conscience. Mais ce n’est que parce que, techniquement, il est pour l’instant impossible à l’État de changer nos pensées. Dès que les neurosciences auront trouvé des applications techniques qui permettront de le faire, la Chine ou la Corée du Nord ne se gêneront pas pour les utiliser, et on aura bien de la chance si la France continue à nous concéder cette liberté.
Sur le « droit au blasphème », le problème c’est que ce droit existe, là encore, de fait, que ça plaise ou non aux gens : en effet, la loi autorise tout ce qu’elle n’interdit pas. A partir du moment où la loi française n’interdit pas le blasphème, ce dernier, il me semble, EST un droit. Il n’y a donc pas à « réclamer » un droit au blasphème, qui existe déjà. Et c’est pour cela que je m’inquiète d’entendre des gens dire qu’il ne faut pas instaurer de droit au blasphème : puisque ce droit existe déjà de fait, quand ils disent « il ne faut pas l’instaurer », je ne peux guère m’empêcher d’entendre « il faut le supprimer », ou à tout le moins le réduire.
Sur les notions de respect et de responsabilité, je ne les estime pas dangereuses per se, c’est l’usage qu’on en fait qui peut l’être. Et je crois que j’explique assez clairement pourquoi : à mon sens, il dangereux d’appeler à la retenue et à l’autocensure, parce que c’est céder aux revendications des terroristes, donc leur montrer que leurs armes fonctionnent, que les moyens qu’ils emploient leurs permettent d’arriver à leurs fins. Ils ne veulent pas qu’on dessine Mahomet, ils tuent ceux qui le dessinent ; si on dit « OK, ne le dessinons plus », ils ont gagné ! La prochaine fois qu’ils voudront quelque chose, pourquoi ne pas recommencer à tuer ?
Je ne prétends pas que ce point de vue s’impose évidemment ; dans mon billet, je dis au contraire que personne ne peut prévoir toutes les conséquences à long terme de ses actes. Mais justement, ça me fait apprécier qu’il y ait à la fois des journalistes comme vous, qui s’autocensurent, et d’autres comme Charb, qui ne s’autocensurent pas. Alors que j’ai un peu l’impression, arrêtez-moi si je me trompe, que vous préféreriez que tout le monde fît comme vous.
Cela étant, je ne pense pas qu’en appelant à la retenue vous commettiez un « crime contre le civisme ». Je pense que vous commettez une erreur de jugement en ne considérant que les conséquences à court terme. Ce n’est pas la même chose. Et surtout, je n’ai aucune envie de vous interdire de parler, je me donne seulement le droit de vous répondre et d’essayer de convaincre nos lecteurs.
Sur la responsabilité des journalistes de Charlie dans les morts en Afrique ou en Orient, je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai dit dans l’article, et à quoi vous ne répondez pas. Jouer sur la distinction entre « non responsable » et « irresponsable » n’est pas une réponse à la confusion que je dénonce entre « être un des facteurs à l’origine d’un effet, d’une cause », et « être responsable de cet effet ».
Donner à la presse le droit au blasphème, si l’on en croit Serge July ? Mais pour quoi faire ? Il existe déjà en vertu du principe selon lequel ce qui n’est pas interdit est autorisé. Instaurer un droit au blasphème imposera au législateur de définir ce que c’est (bonjour les dégâts !..), de désigner les cibles du blasphème (bonjour les stigmatisations…), à donner une place singulière au blasphème dans une liberté générale qui est la liberté d’expression, d’établir ainsi une hiérarchie des opinions libres : celles qui relèvent d’un droit consacré et celles qui n’en relèvent pas. Sauf à élaborer ensuite d’autres lois sur d’autres sujets pour en reconnaître la singularité… Et d’ailleurs, pourquoi la presse seulement ? Pourquoi pas la littérature, le cinéma, l’affichage publicitaire, etc. ?… Ce ne sera qu’une de ces lois inutiles de plus, de celles qui se concoctent sous le coup de l’émotion, ne servent à rien si ce n’est à donner de la Loi l’impression qu’elle bavarde, que le législateur a du temps à perdre. Une telle proposition n’est hélas que la manifestation d’un affolement de certains « laïcs » qui, face aux tragiques événements récents et aux questions qu’ils posent, veulent « bétonner » leur citadelle. A moins que ce ne soit, pour S. July qu’une manière d’assurer la promotion de son dernier livre…
Totalement d’accord !
« Quel crime contre le civisme, la laïcité ou la République y a-t-il à «appeler à la retenue», c’est-à-dire à la responsabilité, dès lors que la personne interpellée reste, de toute manière, totalement libre de vous écouter ou de passer son chemin ? » Il ne s’agit pas de crime, ce n’est pas le problème mais il reste qu’entre les chauffards et les radars, les règlementations européennes, les pressions bancaires, entre la manif pour tous contre le mariage gay ce qui s’ajoute aux restrictions liées aux contraceptions, aux refus de la PMA et de l’euthanasie encadrée par la loi Léonéti nous sommes nombreux à penser que NOUS NE VIVONS PLUS DANS UN MONDE LIBRE et cela ça pose quand même problème. Heureusement, la gauche aujourd’hui représente encore un ilôt de liberté… C’est pourquoi, les religions qui en rajoutent s’auto-détruisent probablement à petit feu…
Je n’avais pas perçu que les religions étaient responsables des chauffards, des radars, des règlementations européennes, des pressions bancaires et du fait QUE NOUS NE VIVONS PLUS DANS UN MONDE LIBRE. Et bien sûr, qu’appeler chacun à la responsabilité de ses actes est une atteinte insupportable à la liberté. Mais j’ai bien compris que c’est aux religions, et elles seules, qu’on entendait désormais demander des comptes. Je préfère ne pas commenter !
La manipulation du discours de l’autre est là et c’est regrettable ! vous savez bien qu’il s’agit d’une ambiance générale et pas plus ! que les religions ajoutent un peu plus de stress en se permettant d’entrer dans la vie personnelle et intime des personnes EN LEGIFERANT CONTINUELLEMENT LES COMPORTEMENTS DES COUPLES : il s’agit là d’un abus de pouvoir… Vous ne voulez pas l’admettre mais c’est pourtant ce que les jeunes pensent, c’est pourquoi beaucoup fuient l’Eglise catholique et refusent d’aller à la messe. Pourtant ils ont une spiritualité qui ne s’exprime pas parce qu’elle ne trouve pas de lieu ni d’écoute dans l’Eglise. L’Eglise favorise ainsi, depuis toujours une sorte de religion individuelle où chacun prie et fait ce qu’il veut d’abord parce qu’il ne connaît pas le Droit Canon ou le refuse. Je ne crois pas que les laïcs veulent bétonner leur citadelle mais je répète que les libertés aujourd’hui doivent être impérativement défendues car elles sont grignotées, en témoigne la différence que vous faîtes entre le blasphème qui ne serait qu’une liberté et non un droit : c’est la preuve même de ce grignotage insidieux car non seulement c’est un droit et une liberté, pas l’un sans l’autre ! Tout peut et doit faire l’objet de remise en cause en religion, c’est la condition pour avancer et sortir de l’obscurantisme.
Appeler à la responsabilité pour ne pas blesser est un argument frisant la supercherie car c’est une chance au contraire d’ouvrir les yeux et les faire ouvrir sur la vérité… Maintenant, faire porter la responsabilité des actes des criminels qui ne recherchent que des prétextes pour commettre leurs exactions est pour le moins surprenant et indéfendable…
Je ne suis pas sûr que ce ton véhément soit celui qui a ma préférence dans ce blogue, mais bon… Permettez-moi tout de même de trouver au moins une contradiction dans votre propos. Les religions « légifèreraient continuellement les comportements des couples ». Les religions, à ma connaissance, ne « légifèrent » comme vous dites que pour leurs fidèles et n’obligent donc pas au-delà. Et même pour ce qui est fidèles vous savez comme moi que chacun reste libre, du moins dans nos pays (nous ne sommes pas en Arabie Saoudite que je sache) ! Contradiction lorsque dans la foulée vous nous expliquez que dans l’Eglise chacun fait finalement ce qu’il veut ! Alors où est la contrainte que vous dénoncez ?
Pour le reste je persiste et signe. Le blasphème est une liberté et doit le rester. Je ne comprends pas bien d’ailleurs votre expression « ne serait qu’une liberté »… comme si une liberté était quelque chose de dérisoire. Encore une fois que signifie en faire « un droit » sinon créer une obligation, pour l’Etat, à en garantir l’exercice ce qui est assez extravagant. Un blasphémateur dans l’âme, de revenus modestes, va-t-il se tourner vers la puissance publique pour exiger – au nom de ce prétendu droit – des subventions qui lui permettraient de blasphémer à son aise ? Je suis étonné que le ridicule de la situation ne vous saute pas aux yeux !
A ceci près que, si l’Église ne légifère plus, c’est surtout parce qu’elle en a perdu les moyens. Tant qu’elle a pu imposer sa vision des choses, elle l’a fait, y compris par la force. Je ne renie pas mon catholicisme pour autant, mais il faut quand même reconnaître que notre Église n’a changé que contrainte et forcée par la société civile. En cela, je rejoins Annick sur la nécessité pour les non-croyants de secouer et de provoquer les croyants. Au début du siècle, Pie X était pape : c’est dire que l’Église catholique avait bien besoin, à l’époque, de la loi de 1905 et des caricatures de l’Assiette au beurre…
Meneldil nous n’allons pas réécrire l’Histoire et je suis moi même convenu du rôle pacificateur de l’Etat notamment après les guerres de religion. Aujourd’hui le propos d’Annick repose sur un pur fantasme. Et je m’étonne de votre position univoque sur les non-croyants qui devraient secouer les croyants comme si les croyants n’avaient pas également à secouer les non-croyants. Comme s’il y avait une prime au civisme et à l’intelligence à se dire non-croyant. Le paradoxe de l’heure est qu’au moment où l’on peut craindre une laïcisation de la société, là où seul l’Etat est normalement laïc, on voit la puissance publique faire appel aux autorités religieuses pour « calmer le jeu » dans les cités voire pour mobiliser leurs troupes en vue du sommet de Paris sur l’écologie… et cela par constat accablant d’une incapacité des politiques à penser le long terme et le bien commun ! Cherchez l’erreur !
Bien sûr que ça marche à double sens, René : les croyants ont, j’en suis bien convaincu, aussi à secouer les non croyants. Je ne faisais que relever une partie d’une réalité historique complexe.
L’idée d’un athéisme d’Etat formulée dans mon texte avait provoqué quelques remous, notamment sur Facebook où certains m’ont demandé où j’allais chercher cela ? Je ne résiste pas au plaisir de publier ici un extrait de l’entretien accordé à l’Express par Jean Baubérot, spécialiste reconnu de la laïcité ; «Le problème est que, depuis plusieurs années, prospère une interprétation fallacieuse de cette neutralité que l’on voudrait étendre à des pans entiers de l’espace public, au profit d’une vision laïciste qui confond le combat pour la laïcité avec la négation de la religion ou sa relégation dans l’intime. Ce qui donnerait un Etat non plus laïque mais partiellement athée.» et plus loin : « les étrangers n’ont perçu ces dernières années que les discours ultralaïcistes et l’évolution d’une laïcité de combat vers un semiathéisme d’Etat. »
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-laicite-une-interpretation-fallacieuse-de-la-neutralite-de-l-etat_1648115.html
Sans autre commentaire !