Le danger qui aujourd’hui menace vient moins des terroristes islamistes que d’une possible résignation à nous laisser diviser par la peur.
Cet article a été publié initialement sur le site Causeur.fr, le 27 juillet 2016.
Le père Jacques Hamel avait quatre-vingt-six ans. Ce 26 juillet il est donc mort, égorgé par deux terroristes se réclamant de Daech, dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, où il célébrait la messe avec quelques fidèles, comme lui pris en otages. Une vie vaut une vie. L’assassinat d’un vieux serviteur de l’Evangile parvenu au terme d’une vie offerte, n’est pas plus abject que celui d’un enfant innocent, broyé sous les roues d’un camion fou, un soir de 14 juillet dans les rues de Nice.
Célébrer la messe : un acte de liberté
Notre République laïque, dans son désir impérieux de tenir tout pouvoir religieux «à distance» des décisions qui concernent la vie de la Cité, n’a pas oublié pour autant la force de ce symbole qui a traversé les siècles, se manifestant parfois contre les excès du pouvoir civil lui-même : l’espace sacré de l’église comme ultime refuge contre toute forme de violence, au nom du Dieu d’Amour auquel les fidèles ont donné leur foi. Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob qui est aussi celui des juifs et des musulmans. Même si chacun le prie dans sa propre «langue» spirituelle. Même si d’autres choisissent librement de se tenir à l’écart de toute appartenance religieuse. Célébrer la messe dans une église ouverte sur la rue, prier Dieu à la mosquée ou à la synagogue sont tout autant des actes d’insurrection, de liberté républicaine que dessiner des caricatures pour Charlie.
C’est bien le symbole religieux d’accueil et de paix, libérateur, civilisateur, qui était visé là et non les dérives matérialistes de nos sociétés sécularisées. Le 19 avril 2015, le massacre avait pu être évité qui visait deux églises de Villejuif, dans le Val-de-Marne. Mais l’on se doutait bien que la cible chrétienne, assimilée au croisé occidental, finirait par ressurgir, à l’aveugle, quelque part dans l’hexagone comme elle existe hélas, depuis des années, en maints lieux du Proche et du Moyen Orient. (1)
Depuis ce nouvel attentat, le plus étonnant à mes yeux est sans doute l’absence de toute surprise dans les réactions, les attitudes et les commentaires des uns et des autres, dans les prises de décision des autorités. Comme si la feuille de route qui s’impose désormais en de telles circonstances avait été rodée, validée, sans erreur possible, par les drames précédents. Je le dirai ici tel je le pense : l’image qui s’impose à moi est celle d’une forme de désarroi des autorités et de vacuité du discours politique dans son ensemble.
Comme tout citoyen, je m’interroge sur l’action du gouvernement et le soutien parfois ambigu de sa majorité. Je comprends que les Français, dans les sondages, puissent aujourd’hui exprimer leur doute sur la capacité des Pouvoirs publics à assurer totalement leur protection. C’est l’une des faces de la réalité, même s’il faut saluer avec gratitude la compétence, la mobilisation et le dévouement exemplaires de nos forces de l’ordre : police, gendarmerie, armée. Pour autant, je n’ai pas trouvé à ce jour dans l’opposition la moindre déclaration qui nourrisse en moi la conviction qu’une «autre politique» serait possible et que les «recettes» formulées ici ou là avec une mâle assurance, auraient pu éviter quoi que ce soit des drames que nous venons de vivre ou seraient à même de nous protéger de manière certaine pour l’avenir.
Que sont nos enfants devenus ?
A dresser un tel bilan dans un contexte où d’autres actes terroristes peuvent survenir à tout moment, on pourrait légitimement se laisser envahir par le doute et la peur. Or la peur ne saurait être une réponse au défi qui nous est jeté. Nous laisser gagner par la peur serait donner raison à ceux qui ont choisi cette stratégie perverse pour nous diviser et faire éclater à terme notre communauté nationale. Oui, quelles que soient nos attentes légitimes vis à vis de nos gouvernants, quel que soit leur devoir de protection, nous savons désormais que d’autres drames sont possibles sauf à renoncer à être un pays de liberté, qu’il nous faut apprendre à vivre sous la menace comme d’autres le font en divers lieux de la planète, et que nous devrons tenir bon, dans la durée, en serrant les poings et les dents, parce qu’il y va de nos raisons de vivre et d’espérer pour nous-mêmes et pour les générations de nos enfants et de nos petits-enfants. Parce qu’il y va de la victoire d’un certain humanisme sur la barbarie.
Oui, nous voici entrés en résistance. Non pas contre d’autres français, fussent-ils musulmans, eux aussi victimes de la même folie meurtrière. Entrés en résistance contre nos propres peurs et contre ceux qui les nourrissent à des fins électoralistes. Oui nous devons nous battre, sans nous lasser, pour une forme d’unité nationale, en redisant que personne n’est dépositaire des clés d’accès à la liberté, à l’égalité et à la fraternité qui demeurent notre bien commun. Et qu’il est des moments dans l’Histoire d’une nation, où des citoyens responsables doivent accepter de suspendre momentanément des surenchères idéologiques, renoncer à la prétention d’imposer leur vérité au seul motif qu’ils en auraient les moyens parlementaires ou médiatiques. Cette sagesse fait aussi partie de notre héritage commun.
Et posons nous enfin, ensemble, la vraie question : pourquoi certains parmi nos propres enfants en viennent-ils à nourrir une telle haine pour leur pays que répondre à l’appel nihiliste de Daech en y laissant la vie leur apparaisse comme un sort désirable ? Où donc est la faille dans ce que nous continuons d’appeler les valeurs de la République sur lesquelles fonder un vivre ensemble ?
Si la démocratie est un combat ne l’épuisons pas en vaines querelles. En temps de paix civile ce serait déjà une faute ; dans la période terrible où nous sommes engagés, c’est devenu un crime absolu.
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- Sur Facebook un ami écrit : «Cet événement me remet en présence de l’attaque terroriste à la cathédrale Notre-Dame-du-Perpetuel-Secours le 31 octobre 2010 à Bagdad, événement que j’ai vécu sur place. Je vous épargne les photos des prêtres et des fidèles assassinés, des bancs de l’église et jusqu’aux voûtes couverts de chair et de sang.»
Bravo et merci, René pour ce beau billet !
La question que vous posez à la fin : « pourquoi certains parmi nos propres enfants en viennent-ils à nourrir une telle haine pour leur pays que répondre à l’appel nihiliste de Daech en y laissant la vie leur apparaisse comme un sort désirable ? » , est certainement une des questions centrales, quant au fond des choses. Elle mérite cependant d’être complétée et élargie.
La haine pour leur pays ? N’est-ce pas aussi la haine de leur propre humanité et celle du genre humain ? Autrement dit le malaise est encore plus profond qu’il n’y paraît, et le mot malaise est un euphémisme…
Comment en vient-on à renier sa propre humanité ? Au point d’en désirer la disparition ainsi que sa propre mort, et celle d’autrui, pour ne pas dire celle de tous. Au point d’agir effectivement en ce sens.
L’appel nihiliste dépasse tous les clivages idéologiques, toute religion et toute forme de pensée construite. L’appel s’incarne aujourd’hui dans Daech, hier c’était autrement, demain ce sera d’une autre manière encore.
C’est la valeur de chaque homme individuellement qui est en cause. De son humanité, de son humanisation qui est encore balbutiante… malheureusement.
Votre phrase suivante laisse entendre une remise en cause des valeurs républicaines. Je m’en étonne. Quelle en est la faille que vous soulignez ? Est-ce la faille d’un système de valeurs ou celle de ceux qui gouvernent et ont gouverné dans le passé ?
S’en prendre aux valeurs républicaines en laissant entendre qu’elles ne seraient pas au nombre des valeurs les meilleurs, concours, à votre insu peut-être, à la division et à l’exclusion, c’est-à-dire à la violence d’un clan coutre un autre.
Car il est constant qu’un mode de pensée où l’on croit détenir les valeurs les meilleurs, amène toujours à la division en vue de la domination d’un groupe humain contre un autre groupe humain.
Je n’ai strictement aucun doute sur le fait que vous désirez tout l’inverse. je partage largement
le contenu de votre billet et je ne peux qu’approuver votre mise en garde contre les querelles inutiles, politiques, partisanes, dont la droite a le secret selon le bon vieux principe : diviser pour régner. Mais le règne sera amer, et finira dans le sang. Et évidemment pas celui versé pour la paix…
C’est à l’universalité qu’il faut faire appel. L’universalité de l’amour tel qu’il est prôné par le message de Jésus.
Lorsqu’une communauté se déclare victime d’une autre, c’est alors que le pire est toujours à venir. Car lorsqu’on est victime, excessivement rares sont ceux qui tendent l’autre joue… Dans la grande majorité des cas c’est l’appel à la vengeance qui tiendra lieu de nouvelle bataille dite « guerre sainte ».
Les religions savent très bien ce qu’il en est en ce domaine. Tous les systèmes politiques et idéologiques en place également. Le dominé d’aujourd’hui n’a de cesse que de venir le dominateur de demain.
Seul Jésus tient à cet égard des propos particulièrement révolutionnaires en désirant la révolution de la paix des cœurs, un par un. La révolution par la transformation de soi, par l’émergence du coeur de Paix.
Cette révolution est subversive de par son audace individuelle, et son apparente utopie. Elle ne supporte pas la domination de masse que l’on croit , à tort, plus efficace (levons une armée contre l’ennemi….). Non, va d’abord de réconcilier avec ton frère humain….
Ainsi donc il est bien difficile de suivre l’enseignement de Jésus et de l’appliquer. D’abord à soi-même.
Je parle pour moi, uniquement, évidemment…
Ceci n’est évidemment de ma part qu’une manière bien misérable de tenter une très vague approche d’une réponse à la question fondamentale citée au début de ce commentaire.
Poser la question c’est excellent. Un grand merci de le faire.
Commencer à élaborer un minimum d’embryon de début de réponse… voilà qui serait probablement fort intéressant.
Mais vous le ferez certainement prochainement.
Merci pour la pertinence de votre commentaire. Vous avez lu dans mon propos une « remise en cause des valeurs républicaines ». Ma phrase était la suivante : « Où donc est la faille dans ce que nous continuons d’appeler les valeurs de la République sur lesquelles fonder un vivre ensemble ? ». J’admets que cette formulation puisse prêter à confusion. Mon questionnement portait moins sur le contenu des valeurs elles-mêmes que sur notre manière de les gérer, de les concrétiser, de les mettre en œuvre… Sinon, pourquoi ce rejet violent ? On pourrait écrire la même chose à propos du message des Evangiles qui me semble au moins aussi universel que les valeurs de la République. Pourquoi, au cours des âges, a-t-il suscité le déchainement d’autant de violences ? Sans doute parce qu’il y a entre le message des Evangiles et les institutions qui l’ont porté au cours de l’Histoire, le même écart sur lequel je m’interroge aujourd’hui à propos des valeurs de la République et des institutions qui ont pour mission de les faire vivre.
Si nous souscrivons, majoritairement aux valeurs de liberté, égalité, fraternité, auxquelles elle venue s’ajouter la notion de laïcité, il est clair que les citoyens de ce pays ne mettent pas tous les mêmes exigences et le même sens, derrière les mêmes mots. Quelques exemples qui ne sauraient être exhaustifs : la seule conception possible de la « liberté » d’expression est-elle celle de Charlie « hebdo irresponsable » selon sa propre expression là où des philosophes Français comme Emmanuel Lévinas n’ont cessé de rattacher le concept de responsabilité à celui de liberté ? J’ai beaucoup bataillé, dans ce blog, sur cette « idéologie » que je perçois comme une déviance de notre valeur républicaine.
https://www.renepoujol.fr/si-tu-ne-vas-pas-a-charlie-charlie-viendra-a-toi/
La valeur d’égalité exige-t-elle l’ouverture du mariage et de la filiation aux couples de même sexe ? Là encore, on se souvient à quel point ce débat a divisé en profondeur une opinion publique française sans que l’on puisse considérer a priori – c’est en tout cas ma façon de voir – que toutes les objections à cette évolution sociétale étaient de nature homophobe.
A propos de la laïcité, on se souvient de la remise en cause violente par le Premier ministre Manuel Vals et une partie de la gauche des responsables de l’observatoire de laïcité, au motif qu’ils entendaient s’en tenir dans nos pratiques aux termes même de la loi de 1905.
On le voit le débat est partout présent. Il est légitime. Mais il divise. Mon propos était-on de nous interroger collectivement : lorsque l’essentiel est remis en cause de l’extérieur de manière aussi violente, est-ce le moment de se complaire à des surenchères qui exacerbent les divisions entre Français alors même qu’on appelle à l’union nationale ? Faisons bref : est-ce le moment, pour une gauche parlementaire qui redoute de perdre le pouvoir en 2017 et de ne pouvoir de sitôt poursuivre ses réforme sociétales, de vouloir faire faire passer à la hussarde la PMA pour les femmes seules ou les couples de même sexe voire la GPA, alors même qu’une partie des citoyens de ce pays y sont farouchement opposées ?
Je m’excuse de n’intervenir ici qu’au sujet de deux mots du début qui me semblent exagérément mis en valeur : HAINE et NIHILISME.
D’abord, sans prétendre, bien entendu, que des sentiments de haine n’interviennent jamais, je reste perplexe devant cette tendance discutable des personnalités religieuses ou morales, de tout bord, qui croient pouvoir impliquer la haine à tout propos.
Ensuite, utilisez-vous cette définition habituelle du nihilisme : « doctrine selon laquelle rien n’existe au sens absolu; négation de toute réalité substantielle, de toute croyance. » ?
Avec cette signification un nihiliste suit une démarche opposée à celle d’un terroriste (dont la sincérité des convictions est d’ailleurs indépendante de son niveau théologique).
En effet, le terroriste auteur d’un attentat suicide, comme le kamikaze japonais de l’année 1945, estime que sa vie (et aussi celles d’autres personnes) a moins de valeur que la cause supérieure qu’il veut défendre. Il est prêt à périr s’il pense que c’est nécessaire ou utile pour soutenir cette cause.
( Que les résultats s’avèrent ensuite être conformes ou non aux intentions initiales est un autre sujet) .
Autrement dit, le recours du terroriste à des moyens sanguinaires est une question de devoir et non de haine.
* En bref, dans l’intention de favoriser la réflexion, que pensez-vous de ces assertions disparates ?
*** Lors de l’attentat (supposé suffisamment connu) du 7/1/2015 contre Charlie-Hebdo, l’exhortation de Chérif Kouachi à l’adresse de Sigolène Vinson « ……Ce que tu fais est mal. Je t’épargne, et puisque je t’épargne, tu liras le Coran. », avait un caractère presque compatissant.
*** Winston Churchill est considéré comme le principal responsable du bombardement de Dresde, du 13 au 15 février 1945; bombardement qui est l’équivalent d’un grand massacre en aveugle de civils (les objectifs militaires étaient, parait-il, négligeables ).
Pourtant on peut penser que Winston Churchill n’éprouvait pas de haine particulière envers les enfants allemands.
*** Bizarrement, ce sont des militaires de carrière qui s’évertuent le mieux à rendre inutile la notion de haine (et y parviennent à peu près, espérons le). Par exemple, dans cette ligne de pensée : Erwin Rommel (1891-1944), général pourtant nazi, parce qu’il a laissé un livre au titre suggestif « La guerre sans haine », Benoît Royal (L’éthique du soldat français), Jean-René Bachelet …etc.
Que sont nos enfants devenus ? La formule n’est pas parfaitement claire: de quels enfants s’agit-il ?
Probablement de plusieurs citoyens français qui déclarent, au moins implicitement, se conformer aux commandements de l’Islam.
Vous trouverez une réponse explicative, en principe perspicace et nuancée, dans le récent communiqué du docteur en philosophie, Abdennour Bidar (Édito de son blog, vers le 27/7/2016)
http://abdennourbidar.fr/
Je n’en cite ici que le préambule central :
« … nous recevons jusqu’ici les éclats d’une déflagration géante dont l’origine est le wahhabisme de l’Arabie saoudite… »
Et encore une ligne concernant les « choses à faire aussi face à ce cancer au cœur de l’Islam » :
« … interdire et punir sur notre territoire (français) toute manifestation publique d’un islam intégriste, dont le critère simple est la contradiction avec notre culture – valeurs, lois, art de vivre. » …
Mais ce qui m’ennuie , moi qui suis ignorant en toute théologie, c’est comment se fait-il que l’Islam Intégriste puisse être si différent de l’Islam Ordinaire ? … puisque ces deux religions sont fondées sur le même Saint Coran Incréé, sur une grande partie des mêmes hadiths (et plus accessoirement sur les versions à peu près concordantes de la Sira).
Pardon de ne répondre qu’à la première partie de votre commentaire avant même de consulter le texte que vous m’indiquez par lien. Par cette expression que vous semblez contester, je voulais dire simplement que les auteurs des attentats les plus récents sur notre territoire sont bien nos enfants : des enfants de la République, nés en France et Français et pas des terroristes wahhabites importés d’Arabie Saoudite. Ce qui, à mes yeux, devrait nous interroger : qu’avons-nous « loupé » dans l’éducation qui leur a été donnée – ou dans l’intégration de leur famille – pour qu’ils en viennent à de telles extrémités ?
Je vous remercie pour vos précisions qui me permettent de mieux aborder les importants problèmes du djihadisme.
Si les cause de ces problèmes me semblent relativement explicables, toute tentative de solution, bien entendu, reste malheureusement du domaine des apories inquiétantes.
N’étant en aucune façon capable d’un avis pertinent, j’en suis réduit à papillonner très superficiellement sur les appréciations de quelques auteurs dont on peut contester les opinions, mais non une certaine compétence sur le sujet de l’islamisme.
D’abord :
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DES ENFANTS DE LA RÉPUBLIQUE, NÉS EN FRANCE ET FRANÇAIS
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La liberté étant le premier mot de la devise de la République française, n’importe qui est libre de penser et de devenir n’importe quoi.
Ainsi, par exemple, il ne me paraît guère étonnant qu’un athée libre penseur puisse se transformer en catholique fervent, ou qu’un jeune français studieux et amical puisse se métamorphoser en ardent combattant wahhabite.
À titre d’ébauche de pistes de réflexion, et pour ne pas être trop long ici, je me permets d’envoyer une courte sélection de citations qui vous scandaliseront peut-être (ou sans doute ?), car volontairement tendancieuse. Ainsi, de propos délibéré, j’ai exclu Pierre Manent, Raphaël Liogier, Olivier Roy…etc.
* Jean Birnbaum (7/1/2016) (Auteur du livre : « Un silence religieux: La gauche face au djihadisme » …etc.)
« Incapable de prendre la croyance au sérieux, comment la gauche comprendrait-elle l explosion du fondamentalisme ? Comment pourrait-elle admettre que le djihadisme soit aujourd’hui la seule cause pour laquelle des milliers de jeunes Européens sont prêts à aller mourir loin de chez eux ? Et comment accepterait-elle que ces jeunes sont loin d être tous des déshérités ? »
* Alain Besançon (22/6/2015) (Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociale…etc.)
« Il faut respecter les musulmans dont personne n’a jamais dit qu’ils étaient moins vertueux que des chrétiens mais il faut savoir qu’ils appartiennent à une religion qui est incompatible avec le christianisme. »
* Robert Bistolfi (7/11/2015) ( Chercheur indépendant, membre du comité de rédaction de Confluences Méditerranée…etc.)
» Pour celui qui pense que le modèle d’une bonne vie est à rechercher dans l’Arabie du VIIeme siècle, la vie moderne ne peut en effet offrir qu’un cadre inadapté. »
* Gilles Kepel (17/7/2016) (Professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris …etc.)
» Il faut bien comprendre que l’enjeu aujourd’hui pour Daech, c’est d’arriver à mobiliser les musulmans de France, de Belgique et d’ailleurs derrière leur bannière pour les dresser contre la société française laïque qui, pour eux, est porteuse de l’impiété et de l’inimitié envers l’islam. »
* Guillaume Bigot (18/7/2016) (Auteur du livre : « Le jour où la France tremblera « …etc. )
« Le djihad est un djinn que les Américains ont sorti de sa lampe en Afghanistan et qu’ils ont fait grandir en Irak et que nous avons aussi contribuer à étendre au Maghreb. Surtout, ne le sous-estimons pas. »
* Mohamed Sifaoui (29/7/2016) (Auteur du livre : « Pourquoi l’islamisme séduit-il ? » …etc.)
« Les terroristes islamistes ne recherchent aucune starification pour eux-mêmes. Celle-là, appelée ostentation, Al-Riyaa en arabe, est strictement prohibée par le dogme salafiste djihadiste qui codifie les choses de la manière suivante : nos actions sont dirigées vers Allah et non pas vers les hommes, c’est pour lui que nous tuons et pour lui que nous accomplissons le djihad. »
À suivre, si j’en suis autorisé.
Cher monsieur,
Je crains qu’il ne suffise pas d’enchainer les citations pour suffire à démonter quoi que ce soit. Surtout lorsque vous décidez de supprimer les auteurs qui vous gênent… Pour répondre à votre propos, je ne souhaite donc pas une nouvelle avalanche qui, à mon ans, ne fera guère avancer notre propos.
Pour autant, il y a ans les auteurs que vous citez des phrases avec lesquelles je suis en accord. D’autres dont je ne perçois pas la pertinence. Dire avec Alain Besançon, que l’Islam est incompatible avec le christianisme… la belle affaire ! Nous voilà bien avancés ! La question n’est pas de se réconcilier théologiquement avec les musulmans sur l’identité de Jésus, qui est en effet une voie sans issue. La question et de savon si nous pouvons vivre fraternellement avec des musulmans dans le cadre des lois de la République. Et là la réponse est oui pour l’essentiel. Le djihadisme n’ayant rien à voir dans cette affaire.
On peut, intellectuellement, se demander si l’Islam en son essence est ou non violent. Mais cela n’a ps grand sens. Je ne connais pas l’Islam, je ne connais que des musulmans qui font une lecture différente de leurs textes fondateurs. Certes, les Evangiles sont pacifiques, Jésus y prône l’amour de chacun, voire même des ennemis. Mais l’Ancien Testament contient des passages tout aussi violents que le Coran et je ne sache pas que les juifs en prennent prétexte pour commettre des attentats meurtriers… C’est donc bien la lecture que chaque tradition religieuse fait de ses textes fondateurs qui importe. Les musulmans, c’est vrai, ont pris du retard. Mais le rattrapage est engagé. Il faut le soutenir. Et chercher les vrais causes de la dérive djihadiste pour mieux la combattre et, si possible, la tarir à la source.
Je suppose que vous m’accorderez un droit de réponse, mais je ne ferai plus de citation !
Je comprends et approuve votre ligne de conduite qui revient à ignorer intellectuellement l’Islam et à vivre dans l’amitié avec des musulmans bienveillants et sympathiques.
Sous la réserve que c’est une attitude qui est parfaitement judicieuse….mais seulement pour les groupements restreints de quelques centaines de personnes !
En effet, en considérant l’Histoire de l’humanité, cette position sous-estime la force des intérêts politiques et la puissance des idéologies qui ont régenté et qui animent les immenses communautés protéiformes…. Et la population de la Oumma s’élève à plus de un milliard et demi, sauf erreur….
Mon argumentation sur cette dernière assertion pourrait se développer ainsi :
Remplacez « musulman » par « allemand » : avec ce type de sensibilité vous n’auriez pas pu éviter les 3 guerres de 1870-71, de 1914-18, de 1939-45… et pourtant un français et un allemand, avait et ont évidemment, sauf cas particulier, beaucoup de raisons pour s’apprécier et s’estimer mutuellement.
Quand j’exclue sciemment Pierre Manent, Raphael Liogier, François Burgat, Jean-Pierre Filiu …etc., de mes listes de citations, c’est une manière polie pour indiquer que je ne partage pas les analyses ou les propositions dangereuses de ces auteurs, du moins la plupart du temps.
Je pense au contraire, qu’ Alain Besançon, en soulignant l’incompatibilité Islam-Occident sur le plan spirituel, met le doigt sur LA difficulté fondamentale, sans laquelle tout serait beaucoup plus simple. Cette incompatibilité de l’Islam ne se rapporte pas à des dogmes sibyllins et plus ou moins compliqués, auxquels vous faites allusion (et que j’avoue ne pas connaître), mais elle concerne la morale laïque élémentaire d’origine chrétienne, recommandée (quoique peu pratiquée) dans notre République française.
D’ailleurs, cette incompatibilité tragique, qui avait été mise en évidence depuis longtemps par des esprits perspicaces (Montaigne, Pascal, Bossuet, Montesquieu, Voltaire, Condorcet, Chateaubriand, Alfred de Vigny, Tocqueville, Flaubert, Renan …), s’est vu récemment actualisée par Adrien Candiard, dominicain français, vivant au Caire.
Bref, en sous évaluant les difficultés de principe engendrées par l’Islam (puisque vous prétendez l’ignorer), vous ne vous rendez pas compte que vous desservez la cause hautement louable et souhaitable que vous croyez défendre (vivre fraternellement).
Et particulièrement:
*** Vous sabotez les efforts des musulmans libéraux français, tels que :
Abdennour Bidar (Lettre ouverte au monde musulman…etc.)
Ghaleb Bencheikh (Le coran …etc.)
Abdelwahab Meddeb (1946-2014) (La Maladie de l’islam…etc.)
Etc.
*** Vous ne comprenez pas pleinement le malaise profond et les difficultés pratiques et logiques qu’éprouvent inévitablement bon nombre de musulmans (disons pour simplifier) « pacifiques ordinaires », pour concilier l’interprétation de leurs textes fondateurs avec l’éthique occidentale.
*** Vous méprisez les musulmans djihadistes, en ne les distinguant pas de simples criminels.
Cordialement et avec mes excuses pour ces interpellations un peu vives, mais concision oblige !
P.S. J’envie votre bel optimisme !
Je comprends votre intention mais le mot me semble inapproprié. Il n’y a pas de « droit de réponse » sur un blogue où par ailleurs on n’a pas été personnellement mis en cause. Simplement une proposition à poursuivre le débat. Ce à quoi je souscris sans difficulté.
Je commencerai par réfuter les trois « accusations » me concernant qui concluent votre commentaire. Je me retrouve totalement dans la démarche des musulmans libéraux Français dont je soutiens l’initiative courageuse et ne vois pas ce qui, dans ma pensée, pourrait croire le contraire ; je comprends le malaise des « pacifiques ordinaires » auquel vous faites allusion… et me souviens de celui qui habita longtemps les catholiques Français avant leur ralliement tardif à la République ; enfin je ne nie pas la motivation religieuse qui peut être celle de certains djihadistes… si c’est là le sens de votre interpellation (le mépris auquel vous faites référence étant d’une autre nature…) même si, à mes yeux, nombre d’entre eux
Mais plus profondément : vous me reprochez « d’ignorer intellectuellement l’Islam »… au motif que je mets l’accent de manière prioritaire sur la situation des musulmans en France. Je n’ignore pas le poids géopolitique de l’islam mais je ne vois pas en quoi la pensée d’Alain Besançon, observant une incompatibilité au plan spirituel entre Islam et Occident nous aide à régler nos problèmes. Vous y lisez l’identification, méritoire à vos yeux, de LA difficulté… La difficulté de quoi ? La difficulté pour les musulmans de France à adhérer à la morale laïque, issue du christianisme, qui fonde les lois de la République, dites-vous.
Si je vous suis bien vous me reprochez de négliger la dimension géopolitique de l’Islam… qui éclaireraient les difficultés de l’intégration des musulmans de France. Désolé mais c’est un terrain sur lequel je ne vous suivrai pas et qui, personnellement, me fait adhérer à la pensée des intellectuels que vous dites réfuter.
Je tiens pour essentiel de distinguer le djihadisme violent qui doit être combattu sous toutes ses formes, le salafisme qui n’est qu’un intégrisme de la pensée religieuse, certes problématique mais qui n’est pas «illégal» en soi, du vécu quotidien de la majorité des musulmans de France dont l’intégration se fait progressivement. Il n’y a chez moi aucune forme d’angélisme – reproche facile – mais le souci de ne pas tout mélanger.
Atterrant. Lamentable. Ce déni de réalité est dramatique. ECRIRE CECI : « Le danger qui aujourd’hui menace vient moins des terroristes islamistes que d’une possible résignation à nous laisser diviser par la peur. » temoigne d’une confusion de la pensée aussi que d’une soumission a l’air du temps qui participe au desarmement moral du peuple français.
Ce pompeux verbiage, ce pret-a-penser indigeste, confineraient au ridicule en d’autres circonstances. Il est, au regard des evenements, ni plus ni moins que criminel.
Englué dans des nuées idéologiques dont nul n’ignore l’origine, incapable voir et penser les dangers qui nous menace, vous en etes reduit a la pratique de la masturbation intellectuelle. A se demander si votre cas releve de charenton ou de la paire de claques.
Je n’ai bien évidemment rien à répondre à ce genre de missive dont j’ai l’habitude… que je mets néanmoins en ligne par probité et pour l’édification de mes lecteurs, sauf que Charenton prend une majuscule et que l’hôpital psychiatrique ainsi dénommé se trouve en fait… sur la commune voisine de Saint-Maurice !
Le commentaire d’ Aramis est quand même intéressant en ce qu’il montre l’extraordinaire douceur et la bonté de ce cœur aimant.
il commet juste l’erreur de vous croire plus meurtrier qu’il ne l’est lui-même.
Comme quoi, nul n’est parfait !
Les excès des religions, aujourd’hui l’islamisme, ont toujours été des anomalies, des signaux de détresse pour une société. Je vois, pour aujourd’hui, deux signaux profonds. D’abord la question « homme-femme » traitée lors d’une table ronde au Sénat en janvier 2016. Les personnes invitées ont exprimé que l’intégrisme trouve sa source dans la distinction antique homme-femme, commune aux religions du livre. Ces religions qualifient cette distinction d’anthropologique, la rattachent à la « loi naturelle » – belle invention – et ont bidouillé les textes originaux connus pour leur faire dire ce qu’ils ne disent pas. Ainsi, ces religions ont établi une hiérarchie, une assignation avec des règles de vie et des rites qui nourrissent les intégrismes. Cela n’est pas propre à la France. Par contre, ce qui est propre à la France est que la loi sur la laïcité » a été achevée en 1924, par une accord entre gouvernements de la France et du Vatican ( Poincaré-Briand, Nonce Cerretti). Or cet accord n’a jamais été ratifié, et aucun gouvernement ne peut envisager une ratification sans poser la question de l’islam sur des bases juridiques saines, et donc forcément remettre en cause le délicat équilibre de la loi de 190, les situations particulières d’Alsace-Lorraine et des territoires d’outre-mer.
Cette explication me laisse perplexe. Je ne vais pas me lancer ici dans une nouvelle querelle autour de la prétendue théorie du genre. Que la différenciation biologique homme-femme soit une évidence voilà qui me semble difficilement contestable ; que sur cette différenciation les civilisations (via les religions notamment) aient pu fonder des inégalités voire des ostracismes aujourd’hui difficilement acceptables est tout aussi évident. Mais cela suffit-il à fonder une analyse selon laquelle « la distinction antique homme-femme » serait la source des intégrismes, voilà qui me laisse perplexe ! Je crains que la tentation de l’intégrisme ne soit de tous les temps et de tous les lieux et n’ait pas besoin de la distinction homme-femme pour s’auto-justifier.
Pour ce qui concerne des accords de 1923-1924 et de leur non-ratification, je n’y vois pas non plus personnellement – mais je ne suis pas un spécialiste de la question – la cause première de nos problèmes du moment. Ce qui me semble évident, en revanche, est que vouloir toucher au fragile équilibre construit en un siècle sur la base de la loi de séparation de 1905 serait ouvrir la boite de Pandore et rallumer la guerre des deux France, toujours latente. Franchement, avons-nous vraiment besoin de çà aujourd’hui ?