A la veille de l’été j’ai choisi de suspendre provisioirement l’écriture de ce blog… pour prendre un peu de recul !
Ces derniers mois ont été passionnants et rudes. Si je «revisite» le contenu de ce blog sur la même période, j’observe qu’il s’articule autour de deux types d’articles : les uns en lien avec la vie de l’Eglise, l’anniversaire de Vatican II, l’interrogation sur l’urgence de nouvelles réformes, puis la démission de Benoît XVI et les premiers pas du pape François ; les autres avec le débat, prévisiblement passionnel, sur le mariage pour tous qui renvoie cette même Eglise à son «enseignement» traditionnel sur la sexualité, à son mode de présence à la société contemporaine sécularisée et, plus précisément, à son engagement dans le débat qui vient de déboucher sur l’adoption et la promulgation de la loi Taubira.
Dans ce débat, j’ai essayé d’être honnête, fidèle à mes convictions, sans refuser de me laisser interroger. J’ai plaidé le droit des homosexuels à vivre en couple institué et à se voir reconnaître, par la loi, des droits fiscaux et patrimoniaux semblables à ceux des couples hétérosexuels. Tout en obtenant les moyens légaux d’assurer l’éducation et la sécurité juridique des enfants dont ils ont éventuellement la charge. Mais j’ai toujours contesté leur accès au mariage, pour des raisons symboliques et parce que le mariage ouvre, naturellement, toutes grandes, les portes de la parenté ce qui soulève des questions de filiation complexes, où l’enfant me semble pris en otage du désir des adultes.
Mais je n’ai pas l’intention de revenir ici sur les attendus de ce débat. Pour avoir relu systématiquement, tout ce que j’ai écrit sur le sujet depuis un an, je me sens relativement apaisé. Si contradictions il y a eu de ma part, ici ou là, je les assume. Le seul vrai reproche que je puisse aujourd’hui me faire est d’avoir sous-estimé la manière dont les personnes homosexuelles et leurs familles ont «ressenti» nos argumentations, puis l’ampleur et la radicalité des manifs pour tous et, bien sûr, l’engagement univoque de l’Eglise catholique de France. A vouloir privilégier un discours de raison, j’ai pu donner le sentiment d’être insensible à toute exigence de compassion, à toute compréhension de la réalité mais surtout de la «revendication» homosexuelle qui, pour moi, dans une démocratie, devait pouvoir continuer à être légitimement questionnée, au nom du bien commun.
Je ne reviendrai pas davantage sur les modalités du «débat» engagé, sinon pour confirmer ma conviction que s’il fut démocratique dans sa forme – je ne conteste ni la légalité de la délibération parlementaire ni la validité de la loi – il traduit sur le fond un évitement, un refus du débat dont les conséquences ultimes nous échappent encore mais pourraient être graves pour notre démocratie. Il existait différentes voies possibles pour répondre à la requète homosexuelle. Au nom d’une certaine vision «prophétique» du sens de l’Histoire, le pouvoir politique a choisi de refuser le débat citoyen qui aurait sans doute débouché, comme souvent en régime démocratique, sur un compromis : vraisemblablement celui de l’union civile, qui correspondait à mon choix.
Je fais donc partie des vaincus. Et j’assume – bien obligé – la part d’humiliation qui, dans tout combat, revient à ceux qui sont mis à terre. J’assume d’avoir vu nombre de mes amis «de gauche», ou «catholiques progressistes» prendre leurs distances avec mes choix et donc avec moi. Au motif que je n’aurais pas compris le formidable basculement de civilisation dans lequel nous nous trouvons engagés ou pire, que je n’aurais pas su lire ce que devait être, en pareille circonstance, l’exigence fraternelle de l’Evangile. J’assume d’avoir vu des compagnons de conviction de la première heure, plutôt «cathos de droite», applaudir un temps à ma dénonciation du mariage pour tous avant de se faire plus discrets, jusqu’a l’oubli, lorsque j’ai plaidé que les couples homosexuels avaient aussi des droits qui me semblaient pouvoir ouvrir sur l’institutionalisation de l’union civile.
Mais il est probable que je ne suis-je pas le seul à éprouver une forme de solitude, où je retrouve quelques amis chrétiens de gauche et quelques figures historiques, aujourd’hui dissidentes, de la Manif pour tous. Une solitude qui appelle, humblement, à la relecture et à la prise de recul. Sans amertume ni ressentiment vis à vis de qui que ce soit. L’incompréhension fait partie des réalités humaines. Ne rendons pas les choses irréversibles par des propos blessants ou accusateurs.
Concernant la vie de notre Eglise qui nourrit une part non négligeable de ce blog, j’observe, comme beaucoup, les premiers pas de notre nouveau pape. Mais l’espérance qu’il fait naître en moi n’autorise aucune récupération partisane, aucune lecture réductrice ou précipitée. Aussi, je préfère attendre les rendez-vous de l’automne et notamment, à la veille de la Saint-François d’Assise, la convocation du collège des huit cardinaux désignés pour l’éclairer dans sa volonté de réformer le fonctionnement de la Curie.
Autant de raisons qui me poussent aujourd’hui à interrompre momentanément ce blog, de même que toute présence sur les réseaux sociaux, comme je l’ai annoncé à mes amis voici deux jours. J’avais pour habitude de «poster» systématiquement sur Facebook le lien qui permettait à ceux qui le souhaitaient d’accéder aux réflexions publiées dans ces pages. Exceptionnellement, je ne le fais pas pour cet article, question de cohérence avec ma décision. Simplement, il m’a semblé honnête, vis à vis de mes lecteurs, d’expliquer les raisons de mon « entrée en silence ».
L’été est là ! Avec un ami prêtre, je vais consacrer les mois à venir à l’écriture d’un livre, en hommage à un ami commun, aujourd’hui disparu, dont la rencontre a bouleversé nos vies, dont l’absence nous est une blessure et une invitation pressante à la prise de parole.
Bon été à chacun.
A vous revoir…
bon été sous la lumière et la paix
claudine
Bonjour,
Je n’étais pas de votre avis sur le mariage pour tous. Mais votre honnêteté (et cet article le prouve bien) font que je suis resté abonné au flux RSS de votre blog. Nous ne nous connaissons pas mais vos écrits me parlent car ils ne sont pas de ceux qui s’imposent mais se questionnent, s’interrogent. Les positions prises ne sont pas forcément les miennes mais la discussion est sur la table ! Je serai heureux de vous relire à la rentrée. Bon été et bonne écriture car c’est bien là un de vos dons.
Merci René pour cet article qui appelle à sortir du tumulte et à essayer de retrouver une certaine paix. Je comprends ce sentiment de solitude… D’une certaine façon, ce désir de prendre de la distance correspond aussi au besoin de se recentrer sur l’essentiel. Finalement nous avons, tous, besoin de retrouver Dieu loin de ces vaines querelles.
Après tout, au milieu de tout cela, qu’aurait-dit Jésus ?
J’ajouterai également qu’il ne faut sous-estimer l’apport de Vatican II dont nous n’avons pas exploré tous les fruits. Il me semble que c’est une des clés de l’avenir.
je vous souhaite de bonne vacance
je reviens du pelerinage de st germaine a pibrac
c’est un pelerinage ancré dans les racines familiales
je vous souhaite un jour que vos pas vous meneront vers pibrac et st germaine
Je me souviens y avoir été en 2000, avec des lecteurs de Pèlerin, à l’époque où j’étais directeur de la rédaction. J’en conserve un souvenir très précis.
Bonnes vacances René,et ce même si nos opinions ne concordent pas pleinement toujours…
http://saintegermaine.pagesperso-orange.fr/
un petit souvenir
maintenant la paix
Merci René, pour ce billet ; je suis sur la même longueur d’ondes et ressent le besoin de « parler d’autre chose », sans négliger la nécessaire vigilance sur ce qui pourrait venir (PMA, GPA, euthanasie,…..) . Je livre encore quelques billets sur des sujets qui me tiennent à coeur et prendrai, moi-aussi, le temps du repos. Bonnes vacances et bel été
Merci René pour ces belles lignes qui illustrent bien ta démarche.
Il m’arrivait souvent de me demander ce que tu penserais de ceci ou cela. C’est pour cela que j’allais sur ton blog. Désormais, il va falloir que je t’appelle !
Les voix comme la tienne sont précieuses car la diversité est toujours une richesse. Ne reste pas silencieux trop longtemps !
Avec mon amitié. Bruno
Puissiez-vous profiter pleinement de ce temps de ressourcement.
Pour ma part, la lecture de certains de vos billets m’a procuré plus d’une fois une sensation, sinon d’apaisement, du moins de sérénité tranquille. Merci pour votre voix, votre ton, votre plume, qui soulève des questions, expose des convictions, toujours dans un grand respect de la diversité. Que je sois d’accord ou pas avec vos écrits n’est pas l’essentiel. L’essentiel, et c’est ce pourquoi je vous suis le plus reconnaissant, c’est qu’ils me questionnent.
Merci René pour ce billet.
Ton propos, comme toujours, est parfaitement honnête, bien argumenté et, de toute évidence, très respectable. Je ne crois pas qu’il faille pour autant parler de vainqueur ou de vaincu.
Pour être favorable au projet de loi Taubira, sans être naïf, je ne me sens absolument pas appartenir au « camp des vainqueurs ». J’espère simplement que les esprits vont maintenant s’apaiser, sans aucun esprit de revanche.
Ces débats agités m’auront permis de belles rencontres et de riches échanges, notamment avec toi, et j’en tire un bilan globalement positif.
En attendant, je te souhaite bon courage et beaucoup d’inspiration, mais tu n’en manques pas, pour t’atteler à ton futur ouvrage.
Bien amicalement,
François.
C’est dommage, j’aimais bien vous lire !
Cf Qohélet 12,11 : « Les paroles des sages sont comme des aiguillons… »
Mais je comprends aussi votre démarche, et vous souhaite un bon été et un temps paisible d’écriture…!
En tout cas, Merci pour tout ce que vous avez partagé avec vos lecteurs.
Bon été ! Bravo pour ce courage de prendre du recul.
Je ne crois pas (oui, je culpabilise un peu de créer un sujet de désaccord au moment où vous retraitez…) que l’humiliation soit inéluctable après un combat perdu. Elle est naturelle, mais pas inéluctable. Je crois qu’elle représente la part peccamineuse de notre combat. Si celui-ci est vraiment pur (et qui pourrait prétendre qu’il le soit ?) il me semble que la défaite est souffrante mais pas humiliée. Cela rejoint une phrase qui me perturbe dans le texte d’un Agnus Dei : « Jésus, Messie humilié ». Je ne pense pas que le Tout Humble puisse être humilié, l’humiliation ne pouvant heurter que notre non-humilité.
J’ai également « perdu » ce combat. Je crois profondément que cette réforme ne va pas vers le Bien. Mais je sais que cette défaite m’aide à voir plus clair dans mes motivations, m’aide à purifier mes convictions, à me dépouiller – un peu seulement, hélas – du vieil homme.
Merci d’être celui que vous êtes !
Monsieur René Poujol,
Abonnés au Pèlerin depuis plus de 40 ans, nous avions beaucoup apprécié vos interventions ainsi que celles de vos prédécesseurs dans ce magazine qui nourrissait notre foi, mais dont le changement de style (et de fond) après votre départ nous a hélas déçus et amenés à migrer vers d’autres supports nous convenant mieux.
Nous sommes très heureux d’avoir trouvé votre blog … à notre retour de congés passés près de l’abbaye de Belloc (64), où nous avons pu apaiser nos esprits suite à la déception de n’avoir pu empêcher le passage de la loi mariage pour tous.
Ayant trouvé (et bien apprécié) votre « mot de départ » du 16 juin dernier, nous ne doutons pas que vous revenez en paix et plein d’énergie après un été réparateur. « Humiliation » dites-vous, après ce combat perdu ? Mais n’est-ce pas le sort que doit accepter le chrétien, une part de croix à porter comme le dit notre Pape François, en s’associant à la Passion du Christ, en sachant que c’est à Lui qu’appartient la victoire finale ? Victoire à laquelle nous essayons de contribuer humblement, dans la joie de l’Espérance, dans un combat où le plus dur est d’être cohérent entre sa foi et sa vie dans un monde si beau mais si fragile.
En tant que « veilleurs », nous resterons à présent mobilisés pour tâcher de nous opposer (au delà des suites logiques du mariage pour tous) à la prochaine étape, programmée, du processus de destruction de notre civilisation : la théorie du « gender » à l’école …
Au plaisir de lire votre blog.
Avec toute notre admiration.
Edouard et Maïté Damestoy
Chers amis, faut-il y voir un signe du Ciel ? Je trouve votre commentaire ce matin, sur mon blogue – alors que l’été a été plutôt sec de ce côté-là – à l’heure même où je postais un billet annonçant mon retour. Je suis sensible à votre message d’amitié.